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30/12/1992 | FRANCE | N°91LY01041

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2e chambre, 30 décembre 1992, 91LY01041


Vu, enregistrée au greffe de la cour le 28 novembre 1991 la requête présentée pour la société Hôtelière de Saint Véran dont le siège social est à Saint Véran (Hautes-Alpes) par la SCP GAZON-AOUDIANI-GERBAUD, avocats au barreau de Gap ;
La société Hôtelière de Saint Véran demande à la cour :
1°) de réformer le jugement en date du 24 septembre 1991 par lequel le tribunal administratif de Marseille ne lui a accordé qu'une décharge partielle de l'imposition supplémentaire à l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1983 ;r> 2°) de prononcer la décharge totale de l'imposition litigieuse ;
3°) de condamner l...

Vu, enregistrée au greffe de la cour le 28 novembre 1991 la requête présentée pour la société Hôtelière de Saint Véran dont le siège social est à Saint Véran (Hautes-Alpes) par la SCP GAZON-AOUDIANI-GERBAUD, avocats au barreau de Gap ;
La société Hôtelière de Saint Véran demande à la cour :
1°) de réformer le jugement en date du 24 septembre 1991 par lequel le tribunal administratif de Marseille ne lui a accordé qu'une décharge partielle de l'imposition supplémentaire à l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1983 ;
2°) de prononcer la décharge totale de l'imposition litigieuse ;
3°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 52 850 francs sur le fondement de l'article L8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts ; DEBUT COMMENTAIREsi dossier fiscalFIN COMMENTAIRE
Vu le livre des procédures fiscales ;
Vu le décret du 30 septembre 1953 modifié relatif aux baux commerciaux ;
Vu la loi du 1er juillet 1964 ;
Vu le décret n° 65-374 du 18 mai 1965 ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 décembre 1992 :
- le rapport de M. FONTBONNE, conseiller ;
- les observations de Me AOUDIANI, avocat de la société à responsabilité limitée Hôtelière de Saint Véran ;
- et les conclusions de Mme HAELVOET, commissaire du gouvernement ;

Considérant que la société Hôtelière de Saint Véran a demandé au tribunal administratif la décharge de l'imposition supplémentaire à l'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'exercice clos le 30 septembre 1983 pour un montant de 463 000 francs à la suite de la réintégration dans la base d'imposition de la plus-value taxable à raison de la vente d'un ensemble immobilier, d'une indemnité de 800 000 francs versée à l'occupant des lieux ; que par le jugement attaqué, le tribunal administratif a prononcé une réduction de 322 500 francs de la base de l'imposition litigieuse ; que la société Hôtelière de Saint Véran demande en appel la décharge totale de cette imposition ; que de son côté, par recours incident, l'administration demande que l'imposition litigieuse soit intégralement rétablie ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'aux termes de l'article L.57 du livre des procédures fiscales : "l'administration adresse au contribuable une notification de redressements qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. Lorsque l'administration rejette les observations du contribuable sa réponse doit également être motivée" ; qu'aux termes de l'article L.58 alors en vigueur du même livre :" la notification d'une proposition de redressement doit mentionner sous peine de nullité, que le contribuable a la faculté de se faire assister d'un conseil de son choix pour discuter la proposition de redressement ou pour y répondre." ;
Considérant que la société requérante soutient que la procédure d'imposition s'est déroulée de manière précipitée sans qu'il soit tenu compte de ses observations ; qu'il résulte de l'instruction que les notifications de redressements dûment motivées exposent les modalités de détermination de la plus-value litigieuse ; que les réponses aux observations de la société également dûment motivées si elle écartent les observations de la société, répondent aux objections présentées ; que le vérificateur a d'ailleurs partiellement tenu compte de ses observations en ramenant à 902 149 francs par notification de redressements du 16 juin 1986, le montant de la plus-value à l'origine fixée à 915 291 francs ; que si la société requérante fait valoir la brièveté des entretiens que son représentant et son conseil ont pu avoir avec le vérificateur, elle n'allègue pas que celui-ci aurait esquivé toute discussion et qu'elle aurait ainsi été privée de la possibilité d'avoir un débat oral contradictoire ; qu'enfin la circonstance que la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, avait été demandée par la société ne faisait pas obstacle à ce que l'administration puisse régulièrement adresser le 16 juin 1986 une nouvelle notification de redressement dès lors que la procédure contradictoire a été régulièrement poursuivie par une réponse aux observations du contribuable dûment motivée en date du 2 septembre 1986 ; qu'il résulte de tout ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que l'imposition litigieuse a été établie au terme d'une procédure irrégulière ;
Sur la charge de la preuve :

Considérant que le contribuable justifie dans son principe comme dans son montant l'exactitude de l'écriture en cause ; que par suite, indépendamment de la procédure d'imposition suivie, l'administration a la charge d'établir que l'opération ne s'est pas inscrite dans le cadre d'une gestion commerciale normale de l'entreprise ;
Sur le bien-fondé de l'imposition :
Considérant que la société Hôtelière de Saint Véran a vendu en 1982 à la société Réseau Elzéard Immobilier pour le prix de 3 540 000 francs un immeuble à usage d'hôtel-restaurant et des terrains formant dépendances sis à Saint Véran ; que M. X... locataire de l'ensemble immobilier ainsi vendu et propriétaire du fonds de commerce d'hôtel-restaurant est intervenu à l'acte de vente en acceptant de passer avec la société acquéreur un bail de 9 ans prenant effet au 1er janvier 1983 stipulant un loyer annuel de 100 000 francs et ne comprenant pas une partie des terrains dont il disposait en vertu du bail précédemment conclu avec la société Hôtelière de Saint Véran ; que cette acceptation a été donnée en contrepartie du versement par la société venderesse d'une indemnité de 800 000 francs ; que l'administration estimant que le versement de cette indemnité ne relevait pas pour la société Hôtelière de Saint Véran d'une gestion commerciale normale a réintégré cette somme dans les bases de calcul de l'impôt sur les sociétés au titre de la plus-value de cession réalisée lors de l'exercice clos en 1982 ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X... qui a acquis le fonds de commerce en 1964 a d'abord bénéficié du bail de son prédécesseur en cours depuis 1965 puis a conclu avec la société Hôtelière de Saint Véran un bail de 9 ans prenant effet le 1er juillet 1970 moyennant un loyer annuel de 12 000 francs ensuite relevé à 15 000 francs en application de la clause de révision triennale ; que ce bail prévoyait que "tous travaux, distributions, décors et embellissements ou améliorations quelconques que le preneur pourra faire avec l'autorisation de la société bailleresse, appartiendront à cette dernière à la fin du bail, sans que le preneur puisse exiger aucune indemnité" ; que de 1965 à 1974 M. X... a fait procéder à divers travaux d'amélioration de l'équipement de l'hôtel pour un montant cumulé de 1 113 071 francs ; qu'aux termes de divers actes passés entre 1976 et 1981, M. X... et son épouse ont acquis 181 parts sur les 267 composant le capital social de la société Hôtelière de Saint Véran ;

Considérant qu'il résulte des dispositions du décret du 30 septembre 1953 relatif aux baux commerciaux que le bail conclu le 1er juillet 1970 entre la société requérante et M. X... s'est, à défaut de diligence de l'une ou l'autre des parties pour en provoquer le renouvellement, et bien qu'il ne comporte aucune clause de tacite reconduction, trouvé à partir du 1er juillet 1979, prorogé pour une durée indéterminée ; que les relations contractuelles entre les parties se sont ainsi poursuivies au-delà du terme du bail dans les mêmes conditions, M. X... conservant en particulier le bénéfice du maintien du loyer stipulé dans le bail ; que toutefois, la société bailleresse pouvait alors à tout moment mettre fin au bail, le congé donné au locataire prenant effet 6 mois après sa signification ; que la résiliation du bail à l'initiative de la société bailleresse l'aurait alors rendue propriétaire des impenses effectuées par le locataire sans que celui-ci puisse exiger aucune indemnité ; qu'aucune autre clause du bail ou aucune disposition législative ou réglementaire, ne conduisaient, contrairement à ce que soutient la société requérante, à ne permettre le jeu de la clause de retour gratuit au bailleur en fin de bail des améliorations apportées à l'immeuble loué que dans la seule situation de départ volontaire du locataire ; qu'en s'abstenant ainsi de donner congé au locataire, la société requérante qui n'allègue pas n'avoir pu disposer pendant les pourparlers ayant précédé la cession du délai de 6 mois nécessaire à la prise d'effet du congé, a préjudicié à ses intérêts ; que M. X... n'aurait en effet alors pu s'opposer à une proposition de conclusion d'un nouveau bail prenant en compte la valeur locative résultant en particulier des améliorations apportées à l'immeuble en cours de bail ; qu'il n'est pas allégué que la proposition de fixation du nouveau loyer à la somme de 100 000 francs par an, et dont l'acquéreur aurait fait une condition de la réalisation de l'opération, ne correspondait pas à la valeur locative réelle ; que M. X... n'aurait donc pu écarter cette proposition ;
Considérant que la société requérante fait valoir qu'en matière de baux commerciaux concernant des établissements hôteliers, la loi du 1er juillet 1964, s'oppose, nonobstant l'existence d'une clause de retour gratuit des impenses en fin de bail, à toute majoration de loyer du fait de l'incorporation à l'immeuble des améliorations résultant des travaux effectués par le locataire, avant un délai de 12 ans, délai qui en l'espèce n'était pas expiré pour les travaux d'amélioration effectués entre 1971 et 1974 ; que la société requérante ne conteste pas que la modicité du loyer qu'elle avait consenti, trouvait sa contrepartie et sa justification dans la clause de retour gratuit des impenses en fin de bail ; qu'elle a ainsi indirectement assumé la charge des travaux d'amélioration au sens des dispositions de l'article 23-3 du décret du 30 septembre 1953 ; que dans ces conditions les dispositions de la loi du 1er juillet 1964 qui doivent être regardées comme ayant entendu viser le cas où le bail a été conclu avec un loyer correspondant à la valeur locative réelle de l'immeuble n'étaient pas applicables en l'espèce et ne peuvent être utilement invoquées par la société requérante ;

Considérant qu'il ne résulte pas des pièces du dossier que les terrains qui n'ont pas été compris dans le nouveau bail formaient une dépendance absolument nécessaire à l'exploitation sur laquelle M. X... aurait pu faire valoir des droits commerciaux ; qu'il n'en avait d'ailleurs pas la disposition commerciale les ayant sous-loués ; que par suite, la société requérante ne peut soutenir que l'octroi d'une indemnité à M. X..., était, entre autres motifs, justifié par la nécessité d'éteindre ses droits sur les terrains non compris dans le nouveau bail ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que dans la mesure où la conclusion d'un nouveau bail lui était proposée dans des conditions qu'il ne pouvait refuser et qu'il était ainsi, comme il le souhaitait, maintenu dans les lieux, M. X... n'était pas dans la situation de pouvoir exiger le versement d'une indemnité ; que l'ensemble de ces circonstances étant rapproché de l'étroite communauté d'intérêts existant entre la société requérante et M. X..., l'administration doit être regardée comme apportant la preuve que dans sa totalité, le versement de l'indemnité litigieuse de 800 000 francs ne procède pas d'une gestion commerciale normale ; que la société Hôtelière de Saint Véran n'est en conséquence pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a écarté cette indemnité, des sommes venant en déduction pour le calcul de la plus-value taxable à la suite de la cession qu'elle a réalisée ; qu'il y a lieu en conséquence de rejeter la requête de la société Hôtelière de Saint Véran, de prononcer l'annulation du jugement attaqué et de faire droit au recours incident du ministre en rétablissant intégralement la société Hôtelière de Saint Véran au rôle de l'imposition litigieuse ;
Considérant que dans les circonstances de l'espèce, les conclusions de la société Hôtelière de Saint Véran tendant à obtenir une indemnité de 52 850 francs sur le fondement de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel doivent être rejetées.
Article 1er : La requête de la société Hôtelière de Saint Véran est rejetée.
Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 24 septembre 1991 est annulé.
Article 3 : L'imposition supplémentaire à l'impôt sur les sociétés à laquelle la société Hôtelière de Saint Véran a été assujettie au titre de l'exercice clos en 1983 pour un montant de 463 000 francs est remise intégralement à sa charge.
Article 4 : Les conclusions de la société Hôtelière de Saint Véran tendant au bénéfice de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel sont rejetées.


Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux fiscal

Analyses

19-04-02-01-04-082 CONTRIBUTIONS ET TAXES - IMPOTS SUR LES REVENUS ET BENEFICES - REVENUS ET BENEFICES IMPOSABLES - REGLES PARTICULIERES - BENEFICES INDUSTRIELS ET COMMERCIAUX - DETERMINATION DU BENEFICE NET - ACTE ANORMAL DE GESTION -Avantages consentis à des partenaires commerciaux - Actes de gestion anormale - Bail commercial - Indemnité injustifiée versée par la société propriétaire au preneur.

19-04-02-01-04-082 Le bail conclu entre la société propriétaire d'un hôtel-restaurant et le preneur prévoyait un loyer très réduit en contrepartie d'une clause de retour gratuit au propriétaire des impenses effectuées par le preneur. Lors de la vente de l'immeuble la société propriétaire verse au preneur, titulaire du fonds de commerce, une indemnité de 800.000 francs en raison de son acceptation de passer avec la société acquéreur un nouveau bail stipulant un loyer annuel plus élevé correspondant à la valeur locative réelle. Le bail s'étant poursuivi au-delà du terme pour une durée indéterminée, la société bailleresse aurait pu prendre l'initiative de la résiliation du bail et provoquer l'incorporation des impenses effectuées par le preneur qui n'aurait pu ensuite s'opposer à la conclusion avec l'acquéreur d'un nouveau bail avec un loyer correspondant à la valeur locative réelle de l'ensemble. En s'abstenant de donner congé, la société bailleresse a préjudicié à ses intérêts. La loi du 1er juillet 1964 modifiant les rapports entre bailleurs et locataires des immeubles affectés à l'hôtellerie et s'opposant avant un délai de 12 ans, nonobstant l'existence d'une clause de retour gratuit des impenses, à toute majoration de loyer du fait de l'incorporation des impenses, n'était pas applicable dès lors qu'en consentant un loyer réduit, la société bailleresse avait indirectement assumé la charge des travaux d'amélioration au sens de l'article 23.3 du décret du 30 septembre 1953 modifié. Dans la mesure où il était maintenu dans les lieux, le preneur n'aurait pu exiger le versement d'une indemnité. Cette circonstance étant rapprochée de l'étroite communauté d'intérêts existant entre la société bailleresse et le preneur, l'administration apporte la preuve que le versement de cette indemnité ne procède pas d'une gestion commerciale normale.


Références :

CGI Livre des procédures fiscales L57, L58
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Décret 53-960 du 30 septembre 1953 art. 23-3
Loi 64-645 du 01 juillet 1964


Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. Bonifait
Rapporteur ?: M. Fontbonne
Rapporteur public ?: Mme Haelvoet

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2e chambre
Date de la décision : 30/12/1992
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 91LY01041
Numéro NOR : CETATEXT000007454477 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1992-12-30;91ly01041 ?
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