La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

09/03/1993 | FRANCE | N°91LY01088

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4e chambre, 09 mars 1993, 91LY01088


Vu, enregistrée au greffe de la cour le 18 décembre 1991 la requête présentée pour Mlle X... demeurant ... par son avocat Me Béatrice Z...
A..., avocat ;
Mlle X... demande à la cour :
1°) d'annuler un jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 23 mai 1991 qui a rejeté sa demande d'indemnisation tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 1 000 000 francs en réparation du préjudice causé par l'absence de notification de l'arrêté préfectoral ordonnant la fin de son placement d'office, avec intérêts au taux légal et capitalisati

on des intérêts ;
2°) de faire droit à cette demande ;
3°) de lui accorder ...

Vu, enregistrée au greffe de la cour le 18 décembre 1991 la requête présentée pour Mlle X... demeurant ... par son avocat Me Béatrice Z...
A..., avocat ;
Mlle X... demande à la cour :
1°) d'annuler un jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 23 mai 1991 qui a rejeté sa demande d'indemnisation tendant à la condamnation de l'Etat à lui verser une indemnité de 1 000 000 francs en réparation du préjudice causé par l'absence de notification de l'arrêté préfectoral ordonnant la fin de son placement d'office, avec intérêts au taux légal et capitalisation des intérêts ;
2°) de faire droit à cette demande ;
3°) de lui accorder une somme de 20 000 francs au titre des frais irrépétibles qu'elle a dû engager ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de la santé publique ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 février 1993 :
- le rapport de M. QUENCEZ, conseiller ;
- les observations de Me REPOUX-RIEUSSEC, avocat de Mlle X... ;
- et les conclusions de M. BONNAUD, commissaire du gouvernement ;

Considérant que par un arrêté du 1er juillet 1963, le préfet de l'Allier a décidé la placement d'office de Mlle X... au centre psychiatrique départemental de l'Allier ; que par un nouvel arrêté du 19 octobre 1963, il a mis fin à cet internement ; que par une décision du 23 octobre 1963 le directeur du centre psychiatrique départemental a autorisé seulement sa sortie à titre d'essai pour trois mois, décision qu'il a reconduite pour trois mois le 23 janvier 1964 ; que par un arrêt du 17 juin 1991, le Conseil d'Etat a confirmé le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 23 juin 1988 qui avait d'une part rejeté les conclusions de Mlle X... tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 1er juillet 1963 et d'autre part annulé les décisions des 23 octobre 1963 et 23 janvier 1964 prises par le directeur du centre psychiatrique départemental ; que Mlle X... a ensuite demandé la condamnation du centre psychiatrique départemental, requête qui a été rejetée par le tribunal administratif de Clermont-Ferrand comme portée devant une juridiction incompétente pour en connaître ; qu'une nouvelle requête tendant à la condamnation de l'Etat en raison de la faute commise par le préfet en ne lui notifiant pas personnellement sa décision de remise en liberté a été rejetée par un jugement du 23 mai 1991 ; que Mlle Y... fait appel de ce dernier jugement ;
Sur la responsabilité de l'Etat :
Considérant qu'il n'est pas contesté que la décision du préfet de l'Allier mettant fin à l'internement d'office de Mlle X... ne lui a pas été notifiée ; que le préfet qui était tenu de notifier cette décision à la personne qu'elle concernait directement a ainsi commis une faute de nature a engager la responsabilité de l'Etat ; que cette faute qui a privé Mlle X... de la possibilité de s'opposer en temps utile et en connaissance de sa situation juridique réelle à toute tentative d'atteinte au droit qu'elle tenait de cette décision préfectorale de quitter le centre psychiatrique départemental sans aucune contrainte d'ordre thérapeutique lui a causé un préjudice moral direct et certain ; qu'en revanche, il résulte de l'instruction qu'ayant quitté l'établissement psychiatrique dès que celui-ci a été informé de la décision du préfet, elle ne s'est en fait rendue à une consultation médicale qu'à l'issue de la première période de sortie à l'essai assortie d'une obligation de suivi médical ; qu'ainsi elle n'établit pas que des conditions d'existence aient été réellement affectées par la crainte d'un nouvel internement dans l'ignorance de sa situation juridique exacte ; que, dans ces conditions, il sera fait une suffisante évaluation du préjudice qu'elle a subi en raison de la faute commise par le préfet en condamnant l'Etat à lui verser une indemnité de 1 000 francs tous intérêts compris au jour du présent arrêt ;
Sur le paiement de frais irrépétibles :
Considérant que le bien-fondé de ces conclusions doit être apprécié au regard des dispositions applicables à la date du présent arrêt ;

Considérant qu'aux termes de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant que Mlle X... bénéficiaire de l'aide judiciaire totale ne justifie pas avoir exposé des frais au cours de cette instance ; qu'il n'y a donc pas lieu de condamner l'Etat à lui payer la somme qu'elle demande sur le fondement des dispositions précitées.
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 23 mai 1991 est annulé.
Article 2 : L'Etat est condamné à payer à Mlle X... une somme de 1 000 francs tous intérêts compris au jour du présent arrêt.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de Mlle X... est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4e chambre
Numéro d'arrêt : 91LY01088
Date de la décision : 09/03/1993
Sens de l'arrêt : Annulation
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

- RJ1 POLICE ADMINISTRATIVE - POLICES SPECIALES - POLICE DES ALIENES - PLACEMENT D'OFFICE - Décision de mettre fin à un internement d'office - Défaut de notification à un aliéné de l'arrêté mettant fin à son internement d'office - a) Responsabilité pour faute simple - b) Préjudice moral (1).

49-05-01-01, 60-02-03-05, 60-04-03-04, 61-03-04-01-01-02 Arrêté préfectoral mettant fin au placement d'office d'une personne au centre psychiatrique départemental et le directeur de ce centre décidant illégalement d'autoriser seulement sa sortie à titre d'essai pour une période de trois mois avec obligation de suivi thérapeutique, décision qu'il renouvelle une fois. L'absence de notification de l'arrêté préfectoral à la personne qu'elle concernait directement constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat. Cette faute, qui a privé la personne concernée de la possibilité de s'opposer en temps utile et en connaissance de sa situation juridique réelle à toute tentative d'atteinte au droit qu'elle tenait de cet arrêté de quitter le centre psychiatrique départemental sans aucune contrainte d'ordre thérapeutique, lui a causé un préjudice moral direct et certain, même si, en fait, elle a quitté immédiatement l'établissement et ne s'est soumise qu'une fois à l'obligation de suivi médical.

RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - FAITS SUSCEPTIBLES OU NON D'OUVRIR UNE ACTION EN RESPONSABILITE - FONDEMENT DE LA RESPONSABILITE - RESPONSABILITE POUR FAUTE - APPLICATION D'UN REGIME DE FAUTE SIMPLE - Police - Défaut de notification à un aliéné de l'arrêté mettant fin à son internement d'office - Existence d'une faute.

60-01-02-02-02 Nonobstant un arrêté préfectoral mettant fin au placement d'office d'une personne dans un centre psychiatrique départemental, le directeur de ce centre a décidé illégalement d'autoriser seulement la sortie de l'intéressée à titre d'essai pour une période de trois mois avec obligation de suivi thérapeutique, décision renouvelée une fois. L'absence de notification de l'arrêté préfectoral à la personne qu'elle concernait directement constitue une faute de nature à engager la responsabilité de l'Etat.

- RJ1 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - RESPONSABILITE EN RAISON DES DIFFERENTES ACTIVITES DES SERVICES PUBLICS - SERVICES DE POLICE - POLICE DES ALIENES - Placement d'office - Défaut de notification à un aliéné de l'arrêté mettant fin à son internement d'office - a) Responsabilité pour faute simple - b) Préjudice moral (1).

- RJ1 RESPONSABILITE DE LA PUISSANCE PUBLIQUE - REPARATION - EVALUATION DU PREJUDICE - PREJUDICE MORAL - Préjudice causé par la faute tenant à l'absence de notification à un aliéné de l'arrêté préfectoral mettant fin à son internement d'office (1).

- RJ1 SANTE PUBLIQUE - LUTTE CONTRE LES FLEAUX SOCIAUX - LUTTE CONTRE LES MALADIES MENTALES - ETABLISSEMENTS DE SOINS - MODE DE PLACEMENT DANS LES ETABLISSEMENTS DE SOINS - PLACEMENT D'OFFICE - Défaut de notification à l'aliéné interné de l'arrêté préfectoral mettant fin à son placement d'office - Faute génératrice d'un préjudice moral (1).


Références :

Arrêté du 01 juillet 1963
Arrêté du 19 octobre 1963
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1

1. Comp. CE, 1986-10-22, Mme Doursoux, p. 242


Composition du Tribunal
Président : Mme Latournerie
Rapporteur ?: M. Quencez
Rapporteur public ?: M. Bonnaud

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1993-03-09;91ly01088 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award