I/ Vu, enregistrée au greffe de la cour le 24 juin 1992 sous le n° 92LY00622 le recours présenté par le ministre de l'intérieur et de la sécurité publique ;
Le ministre demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 21 avril 1992 par lequel le tribunal administratif de Marseille a condamné l'Etat à payer à la société CARFOS la somme de 60 462 francs, outre intérêts au taux légal à compter du 19 septembre 1988, en réparation du préjudice qu'elle a subi à la suite d'un rassemblement le 5 juillet 1988 ;
2°) de rejeter la demande présentée par la société CARFOS devant le tribunal administratif de Marseille ;
II/ Vu, enregistré au greffe de la cour le 24 juin 1992 sous le n° 92LY00623, le recours présenté par le ministre de l'intérieur et de la sécurité publique ;
Le ministre demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 21 avril 1992 par lequel le tribunal administratif de Marseille a condamné l'Etat à payer à la société CARFOS la somme de 117 462 francs, outre intérêts au taux légal à compter du 16 juin 1988, en réparation du préjudice qu'elle a subi à la suite d'un rassemblement le 27 avril 1988 ;
2°) de rejeter la demande présentée par la société CARFOS devant le tribunal administratif de Marseille ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition des compétences entre les communes, les départements, les régions et l'Etat ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 mars 1993 :
- le rapport de M. FONTBONNE, conseiller ;
- et les conclusions de Mme HAELVOET, commissaire du gouvernement ;
Considérant que les requêtes susvisées présentent à juger des questions communes ; qu'il convient de les joindre pour y être statué par une seule décision ;
Considérant que le ministre de l'intérieur demande l'annulation des deux jugements en date du 21 avril 1992 par lequel le tribunal administratif de Marseille a condamné l'Etat à payer à la société CARFOS, outre intérêts, les sommes de 117 462 francs et 60 462 francs en réparation des dommages causés par des attroupements les 27 avril et 5 juillet 1988 ; que le ministre conteste le principe de l'engagement de la responsabilité de l'Etat sans remettre en cause l'évaluation des dommages qui a été faite par le tribunal administratif ;
Considérant qu'aux termes de l'article 92 de la loi du 7 janvier 1983, l'Etat est civilement responsable des dégâts et dommages résultant des crimes et délits commis à force ouverte ou par violence par des attroupements ou rassemblements, armés ou non armés, soit contre les personnes, soit contre les biens ..." ;
Sur les évènements du 27 avril 1988 :
Considérant que le 27 avril 1988 au matin 150 dockers environ se sont réunis devant les bureaux de la société CARFOS à Martigues ; que les agents de cette société empêchés de pénétrer sur leur lieu de travail ont pu néanmoins observer à distance et constater que des détériorations étaient commises à l'intérieur des locaux et que deux véhicules stationnés à l'extérieur étaient incendiés ; qu'après que les dockers se soient retirés en fin de matinée, ils ont pu se rendre compte de l'ensemble des dégâts qui ont été constatés par huissier ;
Considérant que si les détériorations volontaires n'ont pas été commises par l'ensemble des dockers réunis devant les bureaux de la société, il ne résulte pas des pièces du dossier que leurs auteurs qui n'ont pas été formellement identifiés aient agi soit de manière tout à fait isolée soit parallèlement au rassemblement dans le cadre d'une action concertée et préméditée ; que par suite sans qu'il soit nécessaire de rechercher si cette action doit ou non être regardée comme revendiquée par une organisation syndicale, les dommages provoqués ont un lien direct avec une manifestation qui a dégénéré ; qu'ils doivent être regardés comme ayant été commis par un attroupement ou rassemblement au sens des dispositions précitées de la loi du 7 janvier 1983 ; que le ministre de l'intérieur n'est en conséquence pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Marseille a retenu la responsabilité de l'Etat ; que son recours n° 92/623 doit être rejetée ;
Sur les évènements du 5 juillet 1988 :
Considérant que le 5 juillet 1988 vers 10H30 une trentaine de véhicules particuliers occupés par environ 80 mineurs des Houillières de Provence à Gardanne, alors en grève, s'est présentée à l'entrée du quai minéralier du port de Caronte à Martigues ; qu'après avoir obligé le gardien à ouvrir la barrière, ils ont provoqué des incendies et endommagé des installations de la société CARFOS ;
Considérant que, compte tenu du nombre de mineurs en grève, s'étant rendus à Martigues, cette action violente ne peut être regardée comme une opération concertée de l'ensemble des participants tous parfaitement et également déterminés ; qu'elle a ainsi un lien direct avec un attroupement ou rassemblement consécutif à la grève des Houillières de Provence à l'intérieur duquel un groupe plus restreint de mineurs ayant certes envisagé cette éventualité a su le moment venu et dès la formation du rassemblement sur les lieux, entraîner l'ensemble des participants à détériorer les installations portuaires ; que par suite les dommages provoqués sont au nombre de ceux qui peuvent ouvrir droit à réparation sur le fondement des dispositions précitées de la loi du 7 janvier 1983 ; que le ministre de l'intérieur n'est en conséquence pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a retenu la responsabilité de l'Etat ; que son recours n° 92LY00622 doit être rejetée ;
Article 1er : Les recours susvisés du ministre de l'intérieur sont rejetées.