Vu le recours, enregistré au greffe de la cour le 2 juin 1992, en ce qui concerne la télécopie et le 10 juin en ce qui concerne l'original, présenté par le ministre de l'équipement, du logement et des transports ;
Le ministre demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement en date du 20 mars 1992 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a déclaré l'Etat responsable des conséquences dommageables pour M. C. X... et pour M. et Mme M. X... de la suppression des accès directs de leur station service située en bordure de la RN 90 à la Bathie et ordonné une expertise en vue de déterminer l'importance de leur préjudice ;
2°) de rejeter les conclusions présentées par les intéressés devant les premiers juges et subsidiairement de ne retenir que partiellement la responsabilité de l'Etat et d'ordonner une mesure d'instruction en vue de déterminer l'importance du préjudice indemnisable ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la décision par laquelle le président de la 3ème chambre de la cour a fixé au 16 novembre 1992, la clôture de l'instruction ;
Vu le code de l'urbanisme ;
Vu le code de la voirie routière ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 13 avril 1993 :
- le rapport de Mme DEVILLERS, conseiller ;
- les observations de Me BERN, avocat des consorts X... ;
- et les conclusions de M. CHANEL, commissaire du gouvernement ;
Considérant que le ministre de l'équipement, du logement et des transports demande à la cour d'annuler le jugement en date du 20 mars 1992 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a déclaré l'Etat responsable du préjudice anormal et spécial résultant pour les consorts X... de la suppression de l'accès direct à la RN 90 dont disposaient leurs stations service-bar situées de part et d'autre de cette voie, à la suite du classement de celle-ci en route express en 1987 ;
Considérant en premier lieu qu'il n'est pas allégué que les installations ci-dessus mentionnées des consorts X... empiétaient sur les dépendances de la voie publique ; qu'ainsi la permission de voirie dont ils bénéficiaient jusqu'à son retrait en 1987 avait pour objet non de les autoriser à occuper le domaine public mais d'aménager l'accès de leur propriété privée à la RN 90 ; que dans ces conditions, contrairement à ce que soutient le ministre, la circonstance qu'ils n'étaient plus titulaires de cette permission de voirie au moment où la RN a été classée en voie express ne saurait par elle-même les priver de tout droit à indemnité ;
Considérant en second lieu qu'il résulte de l'instruction que le classement de la RN 90 en route express a eu pour conséquence à partir du 18 décembre 1990, date à laquelle l'administration a fait procéder à l'installation de glissières de sécurité le long de la voie, d'empêcher l'accès direct des usagers aux installations des consorts X... ; que si une autre desserte de la station a été aménagée elle est incommode et nécessite un détour de 3 kms que les usagers de la route express ont d'autant moins de raison d'effectuer qu'une autre station d'un accès aisé a été mise en service à proximité de la leur dans le cadre d'une concession consentie par l'Etat ; que la quasi totalité de la clientèle des deux stations service bar exploitées par M. Claude X... et appartenant l'une à ce dernier l'autre à ses parents, a ainsi été détournée du fait des travaux publics en question ; que le préjudice qui résulte pour eux de cette situation a le caractère d'un préjudice anormal et spécial dont ils sont en droit d'obtenir réparation ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le ministre requérant n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif a déclaré l'Etat responsable des conséquences, pour les consorts X..., de la privation de l'accès direct de leurs installations à la voie publique ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation des sommes non comprises dans les dépens :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions précitées, de condamner l'Etat à payer aux requérants la somme de 4 000 francs ;
Article 1er : Le recours du ministre de l'équipement, du logement et des transports est rejeté.
Article 2 : L'Etat versera 4 000 francs aux consorts X... en application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 3 : Le surplus des conclusions des consorts X... est rejeté.