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14/06/1993 | FRANCE | N°91LY00578;91LY00579;91LY00580

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1e chambre, 14 juin 1993, 91LY00578, 91LY00579 et 91LY00580


Vu I) la requête, enregistrée au greffe de la cour le 21 juin 1991, présentée pour la société pour le traitement des déchets urbains et industriels de la région de Grasse (SOTRADUIG) dont le siège est situé ..., représentée par son président-directeur général, par la SCP SIRAT-GILLI, avocat ;
La société pour le traitement des déchets urbains et industriels de la région de Grasse demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 23 avril 1991 par lequel le tribunal administratif de NICE a rejeté sa demande d'indemnisation du préjudice subi après la résiliation d'

un marché la liant au syndicat intercommunal pour le traitement et l'enlèvemen...

Vu I) la requête, enregistrée au greffe de la cour le 21 juin 1991, présentée pour la société pour le traitement des déchets urbains et industriels de la région de Grasse (SOTRADUIG) dont le siège est situé ..., représentée par son président-directeur général, par la SCP SIRAT-GILLI, avocat ;
La société pour le traitement des déchets urbains et industriels de la région de Grasse demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 23 avril 1991 par lequel le tribunal administratif de NICE a rejeté sa demande d'indemnisation du préjudice subi après la résiliation d'un marché la liant au syndicat intercommunal pour le traitement et l'enlèvement des ordures ménagères et des déchets urbains (SITOMDU) ;
2°) de condamner ledit syndicat à lui payer une somme totale de 22 900 242 francs hors taxes, avec intérêts capitalisés ;
3°) de dire que le syndicat SITOMDU se trouve subrogé dans les obligations qu'elle a contractées envers les sociétés COMITH et HEURTEY ;

Vu II) la requête, enregistrée au greffe de la cour le 24 juin 1991, présentée pour la compagnie industrielle de l'équipement thermique (COMITH) dont le siège est situé ..., représentée par son président-directeur général, par Me GASTAUD, avocat ;
La compagnie industrielle de l'équipement thermique demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 23 avril 1991 par lequel le tribunal administratif de NICE a déclaré irrecevable son intervention dans une instance formée par la société SOTRADUIG contre le syndicat intercommunal pour le traitement et l'enlèvement des ordures ménagères et des déchets urbains (SITOMDU) ;
2°) de déclarer son intervention recevable et de déclarer que le syndicat SITOMDU sera subrogé dans les obligations que la société SOTRADUIG a contractées envers elle ;

Vu III) la requête, enregistrée au greffe de la cour le 24 juin 1991, présentée pour la société HEURTEY dont le siège est situé ..., représentée par son président-directeur général, par Me GASTAUD, avocat ;
La société HEURTEY demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 23 avril 1991 par lequel le tribunal administratif de NICE a déclaré irrecevable son intervention dans une instance formée par la société SOTRADUIG contre le syndicat (SITOMDU) ;
2°) de déclarer son intervention recevable et de déclarer le syndicat SITOMDU subrogé dans les obligations que la société SOTRADUIG avait contractées envers elle ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code civil ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 juin 1993 :
- le rapport de M. ZUNINO, conseiller ;
- les observations de Me GILLI, avocat de la SOTRADUIG et substituant Me GASTAUD, avocat des sociétés COMITH et HEURTEY, et de Me de CHAISEMARTIN, avocat du SITOMDU ;
- et les conclusions de M. RICHER, commissaire du gouvernement ;

Considérant que les requêtes susvisées présentent à juger des questions semblables ; qu'il y a lieu de les joindre pour y être statué par une même décision ;
Considérant que le contrat en date du 2 juillet 1975 unissant la société pour le traitement des déchets urbains et industriels de la région de Grasse (SOTRADUIG) au syndicat intercommunal pour le traitement et l'enlèvement des ordures ménagères et des déchets urbains (SITOMDU) en vue de la construction et de l'exploitation pendant vingt ans d'une usine de traitement et de destruction de déchets a été résilié le 14 juin 1979 ; que la SOTRADUIG, après avoir obtenu par jugement du tribunal administratif de Nice en date du 18 juin 1986 que le SITOMDU soit condamné à lui verser au total une somme de 11 316 461 francs en réparation du préjudice que lui avait causé cette résiliation, dont le caractère fautif avait été reconnu tant par le tribunal administratif que par le Conseil d'Etat statuant au contentieux, a demandé que le SITOMDU soit condamné à lui verser d'une part la somme de 22 900 242,20 francs, montant des échéances des années 1980 à 1986 de l'emprunt contracté en vue de la construction par elle de la station susmentionnée, d'autre part la somme de 756 102,51 francs, montant des indemnités que par arrêt de la cour d'appel de Nîmes elle a été condamnée à verser aux salariés qu'elle a dû licencier en raison de la résiliation susmentionnée, enfin 47 019,08 francs, montant d'une facture de réparation de ladite station qu'elle a dû honorer ; qu'en outre elle a demandé que le tribunal la décharge de ses obligations envers ses prêteurs, et subroge le SITOMDU dans lesdites obligations ; que, par le jugement attaqué ses conclusions ont été rejetées ; que les sociétés COMITH et HEURTEY, prêteurs de la SOTRADUIG, sont intervenues à l'instance, et demandent l'annulation du jugement attaqué en ce qu'il a déclaré leurs interventions irrecevables ;
En ce qui concerne les interventions formées en première instance par les sociétés COMITH et HEURTEY :
Considérant que la décision à rendre par le tribunal administratif sur la demande de la société SOTRADUIG n'était pas susceptible d'affecter les droits que les sociétés COMITH et HEURTEY tiraient des contrats de prêt qui les unissaient à cette dernière, lesdits contrats ne leur conférant aucun droit à l'encontre du SITOMDU auquel ladite décision ait été susceptible de préjudicier ; que la seule circonstance que l'issue du litige était de nature à affecter la solvabilité de leur débiteur n'était pas de nature à leur donner un intérêt à intervenir à l'instance ; que par suite, et sans qu'il soit besoin de rechercher si elles auraient pu former contre le SITOMDU une action aux côtés ou à la place de leur débiteur, elles ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué leur intervention a été déclarée irrecevable ;
En ce qui concerne les droits à indemnité de la SOTRADUIG :

Considérant que si le jugement susmentionné en date du 18 juin 1986 a été frappé d'appel par la SOTRADUIG, cette dernière a produit devant le Conseil d'Etat un désistement dont il a été donné acte par arrêt du 11 mars 1988 ; que bien que ce désistement fût un désistement d'instance, qualifié comme tel par l'arrêt susmentionné, et n'ait pas ainsi privé la SOTRADUIG de la possibilité de reprendre son action, il a eu nécessairement pour effet de rendre définitif le jugement du 18 juin 1986, dont le SITOMDU est ainsi fondé à invoquer l'autorité ; que toutefois ladite autorité ne concerne que les éléments d'indemnisation faisant l'objet de la demande dont était saisi le tribunal, qui avait pour cause la faute commise par le SITOMDU en procédant à la résiliation du contrat dont s'agit, et dont les limites avaient été fixées par décision du 26 juillet 1985 du Conseil d'Etat statuant au contentieux ;
Considérant en premier lieu que la SOTRADUIG demande que le SITOMDU soit condamné à lui rembourser le montant des échéances du prêt contracté pour construire l'installation objet du contrat, au titre des années 1980 à 1986 ; qu'elle s'est prévalue pour ce faire des stipulations de l'article 5-4 du contrat prévoyant que "dans tous les cas de résiliation, le syndicat assurera le remboursement du financement de l'installation ...", et de la circonstance que le SITOMDU s'est refusé à payer lesdites échéances à ses prêteurs ;
Considérant que la clause précitée réglait les conditions de reprise des installations dans tous les cas de résiliation, et n'était pas limitée aux hypothèses de résiliation fautive ; que par suite, en s'en prévalant, la SOTRADUIG ne recherchait plus la réparation des conséquences de la faute du SITOMDU constituée par la résiliation, mais celle du manquement du même syndicat à une clause contractuelle indépendante du caractère fautif ou non de la résiliation ; que la cause de sa demande sur ce point était ainsi distincte de celle ayant donné lieu au jugement du 18 juin 1986 ; que par suite l'autorité de chose jugée qui s'attache à ce dernier ne faisait pas obstacle à ce que soit présentée une telle demande, quand bien même elle tendait au versement de sommes déjà réclamées antérieurement sur un autre fondement, et écartées sous cette forme par le jugement du 18 juin 1986 ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le SITOMDU s'est refusé à assurer, à partir de la date à laquelle les installations lui ont été remises, le remboursement des annuités des emprunts qui avaient été contractés en vue de la construction de l'ouvrage ; qu'il a ainsi méconnu la clause précitée du contrat l'unissant à la SOTRADUIG, engageant par là-même sa responsabilité contractuelle à l'égard de cette dernière ; qu'il résulte de l'instruction que la SOTRADUIG a dû, en exécution du contrat la liant aux prêteurs, s'acquitter desdites annuités au titre des années 1980 à 1986, et payer la somme de 22 097 121, 20 francs, laquelle doit ainsi être regardée comme constituant, au titre desdites années, le préjudice résultant du manquement susmentionné du SITOMDU à ses obligations contractuelles ; que la SOTRADUIG est donc fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a refusé de condamner le SITOMDU à lui verser cette somme, et à demander que la cour prononce cette condamnation ;

Considérant en deuxième lieu que si la SOTRADUIG demande que le SITOMDU soit condamné à lui verser une somme de 47 019,08 francs, montant d'une facture de réparation des installations établie par la société LEROY SOMMER, et afférente à une intervention antérieure à la remise des installations au SITOMDU, l'autorité de chose jugée en ce qui concerne la réparation des conséquences de la résiliation fautive prononcée par le SITOMDU s'oppose à ce qu'une telle demande, qui a la même cause, et ne vise pas un dommage apparu après le jugement du 18 juin 1986, soit accueillie ;
Considérant enfin que la SOTRADUIG réclame au SITOMDU le remboursement des indemnités que, par arrêt en date du 17 juillet 1986 de la cour d'appel de Nîmes, elle a été condamnée à verser à divers salariés qu'elle a licenciés ; que toutefois une telle demande avait été présentée au tribunal administratif de Nice dès 1985 ; que la SOTRADUIG s'en est désistée, ce dont le tribunal lui a donné acte par jugement, devenu définitif, en date du 25 février 1986 ; qu'alors même qu'en donnant acte d'un désistement d'action le tribunal se serait mépris sur la portée de la renonciation formée par la SOTRADUIG, qui ne concernait que l'instance, le caractère définitif dudit jugement fait obstacle à ce que cette dernière demande à nouveau le remboursement des indemnités dont s'agit ; que le SITOMDU est ainsi fondé à opposer à la demande de la SOTRADUIG l'existence de ce désistement ;
Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :
Considérant que la somme de 22 097 121,20 francs à laquelle a droit la SOTRADUIG doit porter intérêts à compter du 15 juillet 1987, date d'enregistrement de sa demande devant le tribunal administratif de Nice ;
Considérant qu'à chacune des dates des 27 juin 1989, 28 février 1991 et 17 août 1992 auxquelles la SOTRADUIG a demandé la capitalisation des intérêts, il était dû au moins une année d'intérêts ; que dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il y a lieu de faire droit à ces demandes ; qu'en revanche moins d'une année d'intérêts était due aux dates des 24 juin 1988, 21 juin 1991 et 5 janvier 1993 auxquelles la même capitalisation a été demandée ; que ces dernières demandes doivent donc être rejetées ;
En ce qui concerne les conclusions de la SOTRADUIG tendant à ce que soit prononcée la subrogation du SITOMDU dans les obligations souscrites par la requérante à l'égard des sociétés COMITH et HEURTEY :
Considérant que même si, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le SITOMDU est tenu, envers la SOTRADUIG, de prendre à sa charge les annuités de remboursement du prêt consenti en vue de la réalisation de l'ouvrage, il n'appartient pas au juge administratif de se prononcer sur les obligations liant la SOTRADUIG à ses prêteurs, lesquelles trouvent leur source dans un contrat de droit privé, ni d'intervenir dans les modalités d'exécution d'un tel contrat ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation de sommes non comprises dans les dépens :

Considérant qu'aux termes de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation" ;
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que la SOTRADUIG qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamnée à payer au SITOMDU la somme qu'il demande au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
Considérant qu'il n'y a pas lieu dans les circonstances de l'espèce de faire droit à la demande de la SOTRADUIG ;
Article 1er : L'article 2 du jugement du tribunal administratif de NICE en date du 23 avril 1991 est annulé.
Article 2 : Le syndicat intercommunal pour le traitement et l'enlèvement des ordures ménagères et des déchets urbains est condamné à payer à la société pour le traitement des déchets urbains et industriels de la région de Grasse la somme de 22 097 121,20 francs, avec intérêts au taux légal à compter du 15 juillet 1987. Les intérêts échus aux 27 juin 1989, 28 février 1991 et 17 août 1992 seront eux-mêmes capitalisés pour produire intérêts.
Article 3 : Les requêtes des sociétés COMITH et HEURTEY, le surplus des conclusions de la société pour le traitement des déchets urbains et industriels de la région de Grasse et du syndicat intercommunal pour le traitement et l'enlèvement des ordures ménagères et des déchets urbains sont rejetés.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 91LY00578;91LY00579;91LY00580
Date de la décision : 14/06/1993
Sens de l'arrêt : Annulation partielle indemnité
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - FIN DES CONTRATS - FIN DES CONCESSIONS - RESILIATION - DROIT A INDEMNITE DU CONCESSIONNAIRE - Effets d'un jugement définitif statuant sur le droit à réparation à raison de la résiliation abusive d'une concession - Autorité de la chose jugée non opposable à une demande fondée sur une stipulation contractuelle prévoyant - dans tous les cas de résiliation - la prise en charge par le concédant de certaines annuités d'emprunt.

39-04-05-02-02, 54-06-06-01-01 Jugement, devenu définitif, s'étant prononcé sur le droit à réparation d'un concessionnaire victime d'une résiliation fautive. Autorité de la chose ainsi jugée non opposable à la demande du même contractant se prévalant d'une stipulation contractuelle prévoyant que, dans tous les cas de résiliation, le concédant prendrait à sa charge le service des annuités restant à payer de l'emprunt souscrit pour l'édification de l'ouvrage et réclamant sur ce fondement le remboursement des annuités qu'il a dû régler après la résiliation. En effet, en fondant sa demande sur cette clause, le concessionnaire ne recherchait plus la réparation des conséquences de la faute constituée par la résiliation, mais l'application d'une stipulation indépendante du caractère fautif ou non de cette résiliation, et sa demande sur ce point reposait donc sur une cause juridique distincte de celle ayant donné lieu au jugement.

PROCEDURE - JUGEMENTS - CHOSE JUGEE - CHOSE JUGEE PAR LA JURIDICTION ADMINISTRATIVE - ABSENCE - Condition d'identité de cause - Application au contentieux contractuel.


Références :

Code civil 1154
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1


Composition du Tribunal
Président : M. Chabanol
Rapporteur ?: M. Zunino
Rapporteur public ?: M. Richer

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1993-06-14;91ly00578 ?
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