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08/07/1993 | FRANCE | N°92LY00136

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1e chambre, 08 juillet 1993, 92LY00136


Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 13 février 1992, présentée pour l'office public d'H.L.M. de Clermont-Ferrand dont le siège est situé ... représenté par son président en exercice, par la SCP MEYZONNADE, REBOUL-SALZE, avocats ;
L'office public d'H.L.M. de Clermont-Ferrand demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 12 décembre 1991 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à ce que l'entreprise SALESSE soit condamnée à lui verser une indemnité de 956 487,28 francs en réparation du préjudice né de dés

ordres affectant les travaux d'isolation effectués par l'entreprise SALESSE...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 13 février 1992, présentée pour l'office public d'H.L.M. de Clermont-Ferrand dont le siège est situé ... représenté par son président en exercice, par la SCP MEYZONNADE, REBOUL-SALZE, avocats ;
L'office public d'H.L.M. de Clermont-Ferrand demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 12 décembre 1991 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à ce que l'entreprise SALESSE soit condamnée à lui verser une indemnité de 956 487,28 francs en réparation du préjudice né de désordres affectant les travaux d'isolation effectués par l'entreprise SALESSE sur certains de ses bâtiments ;
2°) de condamner l'entreprise SALESSE à lui payer ladite indemnité avec intérêts de droit à compter du 14 septembre 1990 et anatocisme, ainsi qu'une somme de 20 000 francs au titre de l'article L 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
3°) de mettre les frais d'expertise à la charge de l'entreprise SALESSE ;
. Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;
Vu la loi n° 87-1127 du 31 décembre 1987 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 juin 1993 :
- le rapport de M. ZUNINO, conseiller ;
- les observations de Me REBOUL-SALZE, avocat de l'office public d'H.L.M. de Clermont-Ferrand ;
- et les conclusions de M. RICHER, commissaire du gouvernement ;

Considérant que des désordres sont apparus sur les façades des immeubles sis rue Alexandre Ribot et rue des Plats à Clermont-Ferrand et appartenant à l'office public d'H.L.M. de cette ville, après achèvement de travaux d'isolation extérieure confiés à l'entreprise SALESSE ; que la demande de l'O.P.H.L.M. tendant à ce que ladite entreprise l'indemnise des préjudices qui en sont résultés a été rejetée par le jugement attaqué ;
Sur la fin de non-recevoir opposée par l'entreprise SALESSE à la demande de l'O.P.H.L.M. :
Considérant que si l'entreprise SALESSE soutient que l'office requérant aurait été dédommagé par son assureur, elle ne justifie aucunement cette allégation contestée par l'O.P.H.L.M. ; que la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt pour agir dudit office doit donc en tout état de cause être écartée ;
Au fond :
Considérant que les travaux incriminés ont été réceptionnés sans réserve le 1er juin 1981 ; qu'une telle réception a eu pour effet de mettre fin aux relations contractuelles existant entre les parties ; que par suite, l'action engagée par l'O.P.H.L.M. de Clermont-Ferrand ne peut utilement se fonder que sur la responsabilité décennale des constructeurs ;
En ce qui concerne le délai de l'action en garantie :
Considérant qu'en vertu de l'article 2244 du code civil, dans sa rédaction issue de la loi du 5 juillet 1985, une demande en référé tendant à la désignation d'un expert aux fins de rechercher les causes et les conséquences des désordres imputés à des constructeurs interrompt le délai de garantie décennale que ceux-ci sont en droit d'opposer aux personnes publiques qui entendent mettre en cause leur responsabilité à raison de ces mêmes désordres ;
Considérant que la réception des travaux qui marquait le point de départ du délai de la garantie décennale a été prononcée avec effet du 7 décembre 1980 ; que l'office public d'H.L.M. de Clermont-Ferrand a présenté une demande en référé courant 1988 tendant à la désignation d'un expert à raison des désordres affectant les revêtements des façades des bâtiments ; qu'en application des principes ci-dessus rappelés, cette demande a eu pour effet d'interrompre, pour ces désordres, le délai d'action en garantie décennale ; que dès lors, l'entreprise SALESSE n'est pas fondée à soutenir que ledit délai était expiré le 19 avril 1991, date d'enregistrement au greffe du tribunal administratif de la demande par laquelle l'O.P.H.L.M. a conclu à ce qu'elle soit condamnée à réparer ces désordres ;
En ce qui concerne la responsabilité de l'entreprise SALESSE :

Considérant qu'il résulte de l'instruction que les désordres dont s'agit consistent en des gonflements du revêtement protecteur de l'enduit d'isolation et en des décollements de ce matériau entraînant sa chute ; que si l'enduit d'isolation n'a pas été encore affecté par la disparition, par plaques, de l'enduit armé en treillis de verre, il est susceptible de se détériorer à terme sous l'effet des intempéries ; qu'il existe, outre la dégradation constatée, un risque de chute d'autres panneaux de revêtement créant un grave danger pour les usagers des immeubles concernés et le public ; que ces désordres sont ainsi de nature à engager la responsabilité des constructeurs sur le fondement des principes dont s'inspirent les articles 1792 et 2270 du code civil ; que l'office requérant est ainsi fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande motif pris de ce que les désordres invoqués ne relevaient pas du champ d'application de la responsabilité décennale des constructeurs ;
Considérant qu'il y a lieu pour la cour, saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, de se prononcer sur les autres moyens opposés par l'entreprise SALESSE à la demande de l'office public d'H.L.M. de Clermont-Ferrand ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'entreprise SALESSE était chargée des travaux d'isolation des façades des bâtiments 106 et 107, et non, contrairement à ce qu'elle allègue, du seul bâtiment 107 ; que les désordres incriminés, qui trouvent leur cause dans les modalités de mise en oeuvre des matériaux par cette entreprise, lui sont ainsi imputables, sans qu'elle puisse se prévaloir en l'espèce de circonstances climatiques qui, contrairement à ses affirmations, n'ont pas revêtu le caractère de force majeure ;
En ce qui concerne la réparation :
Considérant qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que les gonflements du revêtement se manifestent sur la plus grande partie des façades ouest des bâtiments 106 et 107 et sud du bâtiment 107 ; qu'il est, de ce fait, nécessaire de faire procéder à la totalité des travaux de reprise préconisés par l'expert et évalués à 956 425,28 francs ; qu'il sera fait une exacte appréciation du préjudice subi par l'office public d'H.L.M. de Clermont-Ferrand en le fixant à cette somme, qui n'a pas à être actualisée dès lors qu'il n'est ni établi ni même soutenu que l'office n'aurait pu effectuer les travaux de réparation à la date de dépôt du rapport d'expertise ;
Sur les intérêts et les intérêts des intérêts :
Considérant que la somme de 956 425,28 francs doit porter intérêts à compter du 19 avril 1991, date de la première demande d'indemnisation présentée à l'encontre de la société SALESSE et non, comme demandé, à compter du dépôt du rapport d'expertise ;
Considérant que l'office public d'H.L.M. de Clermont-Ferrand a demandé le 13 février 1992 la capitalisation des intérêts afférents à l'indemnité à laquelle il a droit ; qu'à cette date, il n'était pas encore dû une année d'intérêts ; que dès lors, conformément aux dispositions de l'article 1154 du code civil, il n'y a pas lieu de faire droit à cette demande ;
Sur les frais d'expertise :

Considérant qu'il y a lieu de mettre les frais d'expertise à la charge de l'entreprise SALESSE ;
Sur les conclusions tendant à l'allocation de sommes non comprises dans les dépens :
Considérant qu'aux termes de l'article L-8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel : "Dans toutes les instances devant les tribunaux et les cours administratives d'appel, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée ..." ;
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'office public d'H.L.M. de Clermont-Ferrand, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, soit condamné à payer à l'entreprise SALESSE la somme qu'elle demande au titre des sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens ;
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions précitées, de condamner l'entreprise SALESSE à payer à l'office public d'H.L.M. de Clermont-Ferrand la somme de 5 000 francs ;
Article 1er : Le jugement en date du 12 décembre 1991 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé.
Article 2 : L'entreprise SALESSE est condamnée à payer à l'office public d'H.L.M. de Clermont-Ferrand une indemnité de 956 425,28 francs, avec intérêts au taux légal à compter du 19 avril 1991.
Article 3 : L'entreprise SALESSE versera à l'office public d'H.L.M. de Clermont-Ferrand la somme de 5 000 francs au titre de l'article L 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel.
Article 4 : Les frais d'expertise sont mis à la charge de l'entreprise SALESSE.
Article 5 : Le surplus des conclusions de l'office public d'H.L.M. de Clermont-Ferrand et de l'entreprise SALESSE est rejeté.


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1e chambre
Numéro d'arrêt : 92LY00136
Date de la décision : 08/07/1993
Type d'affaire : Administrative

Analyses

39-06-01-04-03-02 MARCHES ET CONTRATS ADMINISTRATIFS - RAPPORTS ENTRE L'ARCHITECTE, L'ENTREPRENEUR ET LE MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DES CONSTRUCTEURS A L'EGARD DU MAITRE DE L'OUVRAGE - RESPONSABILITE DECENNALE - DESORDRES DE NATURE A ENGAGER LA RESPONSABILITE DECENNALE DES CONSTRUCTEURS - ONT CE CARACTERE


Références :

Code civil 2244, 1792, 2270, 1154
Code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel L8-1
Loi 85-677 du 05 juillet 1985


Composition du Tribunal
Rapporteur ?: M. ZUNINO
Rapporteur public ?: M. RICHER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;1993-07-08;92ly00136 ?
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