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15/12/2009 | FRANCE | N°06LY01866

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 15 décembre 2009, 06LY01866


Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés le 1er septembre et le 25 octobre 2006 présentés pour la société VMO - CARRIERE DE MARLENS dont le siège est RN 508 à Marlens (74210) ;

La société demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0102555 en date du 1er juin 2006 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus d'autorisation d'exploiter une carrière sur le territoire de la commune de Saint Christophe la Grotte qui lui a été opposé le 9 mai 2001 par le préfet de la Savoie ;


2°) d'annuler le refus litigieux ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versemen...

Vu la requête sommaire et le mémoire complémentaire enregistrés le 1er septembre et le 25 octobre 2006 présentés pour la société VMO - CARRIERE DE MARLENS dont le siège est RN 508 à Marlens (74210) ;

La société demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0102555 en date du 1er juin 2006 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus d'autorisation d'exploiter une carrière sur le territoire de la commune de Saint Christophe la Grotte qui lui a été opposé le 9 mai 2001 par le préfet de la Savoie ;

2°) d'annuler le refus litigieux ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société soutient qu'en refusant l'autorisation d'exploiter au motif de l'incompatibilité du projet avec la charte du parc régional, le préfet a commis une erreur de droit ; qu'en substituant d'office à ce motif illégal une analyse fondée sur une absence de cohérence entre le projet et les prescriptions de la charte, sans respecter le principe du contradictoire, le Tribunal administratif a entaché son jugement d'irrégularité ; que le manquement aux procédures de publicité a vicié la procédure d'enquête publique ; que le jugement est entaché d'erreur de droit en ce qui concerne l'administration de la preuve des affichages ; que l'atteinte au paysage doit être relativisée ; que le risque de dommage irréversible à la faune et à la flore n'est pas établi ; que la mise en péril de l'aquifère karstique de Chartreuse n'est pas démontrée ; que l'accès ne compromet pas la sécurité routière ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 12 juin 2007, présenté pour la commune de Saint Christophe la Grotte qui conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société VMO d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article l.761-1 du code de justice administrative ;

La commune soutient que le projet n'est pas compatible avec la charte du parc régional ; que le Tribunal administratif n'a pas procédé à une substitution de motifs ; que la charge de la preuve incombe au demandeur en ce qui concerne la régularité de la procédure ; que le projet porte atteinte au paysage et à l'équilibre biologique en ce qui concerne la faune et la flore ; que l'aquifère karstique dont l'intérêt est reconnu par le Schéma Directeur d'Aménagement et de Gestion des Eaux (SDAGE) serait mis en péril ; qu'il aurait un impact négatif sur la sécurité routière ;

Vu le mémoire, enregistré le 24 août 2007, présenté pour le Syndicat mixte du parc naturel régional de Chartreuse qui conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société VMO d'une somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Le syndicat mixte soutient que le jugement attaqué a été régulièrement rendu ; que c'est à bon droit, et sans renverser la charge de la preuve que le tribunal administratif a estimé que l'enquête publique a été régulière ; que le projet porte atteinte au paysage, à la faune et à la flore, et à la préservation de la ressource en eau ; qu'il est incompatible avec le schéma départemental des carrières ; qu'il compromet la sécurité routière ;

Vu le mémoire, enregistré le 28 novembre 2007, présenté pour la société requérante qui confirme ses précédentes conclusions par les mêmes moyens en faisant valoir que le projet s'inscrit dans le schéma départemental des carrières ;

Vu le mémoire, enregistré le 22 février 2008, présenté pour le Syndicat mixte du parc naturel régional de Chartreuse qui confirme ses précédentes conclusions par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 26 février 2008, présenté par le ministre de l'écologie, du développement et de l'aménagement durables qui conclut au rejet de la requête en faisant valoir que le jugement attaqué a été régulièrement rendu ; qu'il se réfère aux observations du préfet devant le tribunal administratif ; que l'enquête publique a été régulière ; que le projet qui se situe pour partie dans une Zone Naturelle d'Intérêt Ecologique Faunistique et Floristique (ZNIEFF) de type II présente des inconvénients graves pour les intérêts visés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement ;

Vu le mémoire, enregistré le 5 mars 2008 , présenté pour la commune de Saint Christophe la Grotte qui confirme ses précédentes conclusions par les mêmes moyens ;

Vu le mémoire, enregistré le 6 mars 2008 reçu par télécopie, régularisée par l'original le 7 mars 2008, présenté pour l'Association contre le projet de carrière à Combe Noire en Chartreuse qui conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société VMO d'une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

L'association soutient que le jugement attaqué a été régulièrement rendu sans procéder à une substitution de motifs ; que la procédure d'enquête publique a été régulière au regard du décret du 21 septembre 1997 ; que le Tribunal administratif n'a pas renversé la charge de la preuve ; que le projet porte atteinte à un grand ensemble naturel ; que le secteur représente une liaison biologique terrestre entre les Préalpes et le Jura ; que les dommages causés au paysage, à la ressource en eau, à la faune et à la flore seraient irréversibles ; que l'accès compromet la sécurité publique ;

Vu l'ordonnance fixant la clôture de l'instruction au 11 avril 2008 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le décret n° 77-1133 du 21 septembre 1977 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 10 novembre 2009 :

- le rapport de M. Fontbonne, président-assesseur ;

- les observations de Me Nicolay, avocat de la société VMO - CARRIERE DE MARLENS, celles de Me Jakob, avocat de la commune de Saint Christophe la Grotte, celles de Me Galliard, avocat de la commune de Saint Jean de Couz et celles de Me Jourdan, avocat de l'Association contre le projet de carrière à Combe Noire en Chartreuse ;

- les conclusions de M. Besson, rapporteur public ;

- la parole ayant à nouveau été donnée aux parties présentes ;

Sur les interventions :

Considérant que s'agissant d'un projet poursuivi sur son territoire, la commune de Saint Christophe la Grotte a intérêt à intervenir en défense pour le maintien du refus litigieux ; qu'il en est de même pour le Syndicat mixte du parc naturel régional de Chartreuse ; que c'est également le cas de l'Association pour la protection et la défense de Combe Noire dont l'objet statutaire unique est de s'opposer au projet en cause ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

Considérant que la société VMO soutient que le tribunal administratif a irrégulièrement procédé à une substitution de motifs, dès lors, d'une part, qu'il l'a effectuée d'office, sans y avoir été invité par l'auteur de la décision attaquée, et, d'autre part, qu'il n'a pas mis l'auteur du recours à même de présenter des observations ;

Considérant que l'arrêté de refus litigieux énonce, au regard de la réalisation du projet dans le périmètre du Parc naturel régional de Chartreuse, d'abord qu'il est incompatible avec les dispositions de la Charte du Parc qui n'admet que les carrières exploitées à des fins non commerciales pour des besoins d'autoconsommation, puis, ensuite, qu'il représente une atteinte forte à des paysages qui, par leur qualité, constituent une ressource économique ; qu'il énonce ainsi successivement deux motifs distincts ; que le tribunal administratif estime au regard, tant de la qualité du site mise en évidence par des photomontages, que de la nécessaire cohérence avec les orientations de la Charte du Parc, que le motif tiré de l'atteinte aux paysages pouvait légalement justifier la décision attaquée ; qu'après avoir jugé que les trois autres motifs énoncés pouvaient également justifier la décision attaquée, le tribunal administratif a relevé que celui tiré de l'incompatibilité du projet avec la Charte du Parc était entaché d'illégalité mais que le préfet aurait pris la même décision, s'il n'avait retenu que les autres motifs ; que, ce faisant, le tribunal administratif n'a pas ainsi procédé à une substitution de motifs d'office ; qu'il s'ensuit que la société VMO n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué a été irrégulièrement rendu ;

Sur la légalité de l'arrêté litigieux :

En ce qui concerne la légalité externe :

Considérant que, si le préfet de la Savoie n'a pas, comme le prévoient les dispositions de l'avant-dernier alinéa de l'article 5 du décret du 21 septembre 1977, recueilli l'accord du préfet de l'Isère pour l'affichage de l'avis d'ouverture de l'enquête publique sur la commune de Saint Christophe sur Guiers, cette circonstance n'a pas été de nature à vicier la procédure ;

Considérant qu'aux termes de l'article 6 du décret susvisé du 21 septembre 1977 : Un avis au public est affiché aux frais du demandeur et par les soins du maire de chaque commune dont une partie du territoire est touchée par le périmètre prévu à l'article précédent. L'affichage a lieu à la mairie huit jours au moins avant l'ouverture de l'enquête publique ainsi que dans le voisinage de l'installation projetée de manière à assurer une bonne information du public. L'accomplissement de cet affichage est certifié par le maire de chaque commune où il a lieu. ;

Considérant, il est vrai, que l'affichage de l'avis d'enquête en mairie de Saint Christophe sur Guiers n'est pas attesté par un certificat du maire ; que, toutefois, il n'est pas contesté que cet affichage ait été dûment effectué au voisinage du projet, et que la prolongation d'un mois de l'enquête a fait l'objet d'un affichage complet ; qu'à l'issue de l'enquête, qui s'est ainsi déroulée du 8 novembre 2000 au 9 janvier 2001, il s'est avéré que le public avait été bien informé de son ouverture puisque 138 observations ont été recueillies sur une commune comptant 750 habitants ; que, par suite, la seule circonstance que, sur une des 9 communes concernées, l'affichage n'aurait pas été effectué à la porte de la mairie, ne peut être regardé comme ayant constitué, dans les circonstances de l'espèce, un vice de forme substantiel de nature à entacher d'irrégularité l'ensemble de la procédure ;

En ce qui concerne la légalité interne :

Considérant qu'aux termes de l'article L. 512-2 du code de l'environnement applicable aux exploitations de carrière en vertu de l'article L. 511-1 de ce code : Sont soumises à autorisation préfectorale les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts visés à l'article L. 511-1. L'autorisation ne peut être accordée que si ces dangers ou inconvénients peuvent être prévenus par des mesures que spécifie l'arrêté préfectoral. ; que parmi les dangers ou inconvénients précités, figurent en particulier ceux concernant la santé, la sécurité, la salubrité publiques... la protection de la nature et de l'environnement... la conservation des sites... ; que les installations en cause relèvent en outre de l'article L. 211-1 par renvoi de l'article L. 214-7, lequel fixe les objectifs de protection de la ressource en eau, à savoir la lutte contre toute pollution par déversements, écoulements, rejets, dépôts directs ou indirects de matières de toute nature et plus généralement par tout fait susceptible de provoquer ou d'accroître la dégradation des eaux en modifiant leurs caractéristiques physiques, chimiques, biologiques ou bactériologiques, qu'il s'agisse des eaux superficielles, souterraines (...). ; qu'enfin l'article L. 333-1 relatif aux parcs naturels régionaux dispose : L'Etat et les collectivités territoriales adhérant à la charte appliquent les orientations et les mesures de la charte dans l'exercice de leurs compétences sur le territoire du parc. Ils assurent, en conséquence, la cohérence de leurs actions et des moyens qu'ils y consacrent. ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que le projet s'inscrit à la fois dans le paysage de proximité des gorges empruntées par la RN6 et dans le grand paysage des sommets de Chartreuse qui peut être appréhendé à partir de plusieurs belvédères et du sentier de grande randonnée n° 9 ; que, par suite, et alors même que la conduite de l'exploitation en plusieurs phases serait de nature à limiter l'impact visuel du projet, le préfet a pu, sans erreur d'appréciation, estimer qu'il impliquait une atteinte forte aux paysages, et était ainsi dépourvu de cohérence avec les orientations de la Charte du Parc approuvé par décret du 6 mai 1995 en vertu de laquelle les paysages de qualité constituent une ressource touristique et, par voie de conséquence, économique, à préserver ;

Considérant, en deuxième lieu, que le projet est placé au sein d'un vaste ensemble naturel recensé comme ZNIEFF de type 2, dont il serait de nature, même s'il n'affecterait directement que 8 hectares, à rompre l'unité et ainsi une large partie de son intérêt pour la préservation de la biodiversité, en particulier comme corridor biologique entre les Préalpes et le Jura ; que le préfet a, dès lors, pu, sans erreur d'appréciation, estimer que le projet méconnaissait la protection des intérêts visés à l'article L. 512-2 du code de l'environnement ;

Considérant, en troisième lieu, que le projet surplombe une zone aquifère dépendant du bassin versant du Guiers, recensée par le schéma directeur d'aménagement et de gestion des eaux (SDAGE) comme une ressource en eau potable à forte valeur patrimoniale pour les besoins actuels et futurs, et que sa nature karstique rend particulièrement sensible aux pollutions par infiltrations ; que, par suite, en admettant même que le stockage et la manipulation des hydrocarbures puissent être sécurisés par des mesures appropriées, l'extraction en elle même entraînerait inévitablement, lors des épisodes pluvieux ou à la fonte des neiges, des infiltrations de poussières fines dans un sous-sol de nature perméable et au surplus fissuré par les tirs de mines ; que le préfet a, dès lors, pu, sans erreur d'appréciation, au regard des exigences de l'article L. 214-7 du code de l'environnement, estimer que le projet compromettait la préservation de la ressource en eau ;

Considérant, en quatrième lieu, que le débouché sur la RN 6 de la voie d'accès au projet est placé dans une configuration en virage et en rampe où, même au prix d'aménagement dégageant la visibilité, la sécurité de la desserte ne peut, en toute hypothèse, être assurée dans des conditions satisfaisantes ; que le préfet a, dès lors, pu également sans erreur d'appréciation, au regard des exigences de sécurité publique mentionnées à l'article L. 512-2 du code de l'environnement, estimer que le projet compromettait la sécurité routière ;

Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la société VMO n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant que les conclusions de la société VMO dirigées contre l'Etat ne peuvent qu'être rejetées dès lors qu'elle est partie perdante ;

Considérant que les trois intervenants en défense n'ayant pas la qualité de partie à l'instance, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mis à la charge de la société VMO les sommes qu'ils demandent ;

DECIDE :

Article 1er : Les interventions de la commune de Saint Christophe la Grotte, du Syndicat mixte du Parc naturel régional de Chartreuse et de l'association pour la protection et la défense du site de Combe Noire sont admises.

Article 2 : La requête de la société VMO est rejetée.

Article 3 : Les conclusions des intervenants en défense tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société VMO - Carrières de Marlens, à la commune de Saint Christophe la Grotte, à la commune de St Jean de Couz, au Syndicat mixte du parc naturel régional de Chartreuse, à l'Association contre le projet de carrière à Combe Noire en Chartreuse et au ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer.

Délibéré après l'audience du 10 novembre 2009 à laquelle siégeaient :

M. Bézard, président de chambre,

M. Fontbonne, président-assesseur,

Mme Chevalier-Aubert, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 décembre 2009.

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N° 06LY01866

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 06LY01866
Date de la décision : 15/12/2009
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. BEZARD
Rapporteur ?: M. Gérard FONTBONNE
Rapporteur public ?: M. BESSON
Avocat(s) : SCP NICOLAY et DE LANOUVELLE

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2009-12-15;06ly01866 ?
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