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27/03/2014 | FRANCE | N°13LY01312

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 27 mars 2014, 13LY01312


Vu la requête présentée le 22 mai 2013 pour le département de l'Isère, représenté par son président dûment habilité, et la SAEM Territoires 38, représentée par son président en exercice ;

Le département de l'Isère et Territoires 38 demandent à la Cour :

1° de réformer le jugement n° 0802695 du Tribunal administratif de Grenoble du 19 mars 2013 en tant qu'il a condamné le département de l'Isère à verser à la société Charbonnel la somme de 282 030,58 euros HT outre les intérêts à compter du 23 octobre 2007 et de rejeter la demande de la société Charb

onnel ;

2° de déclarer, dans l'hypothèse d'une évocation partielle de l'affaire, recevab...

Vu la requête présentée le 22 mai 2013 pour le département de l'Isère, représenté par son président dûment habilité, et la SAEM Territoires 38, représentée par son président en exercice ;

Le département de l'Isère et Territoires 38 demandent à la Cour :

1° de réformer le jugement n° 0802695 du Tribunal administratif de Grenoble du 19 mars 2013 en tant qu'il a condamné le département de l'Isère à verser à la société Charbonnel la somme de 282 030,58 euros HT outre les intérêts à compter du 23 octobre 2007 et de rejeter la demande de la société Charbonnel ;

2° de déclarer, dans l'hypothèse d'une évocation partielle de l'affaire, recevable l'appel en garantie de la société IM projet, des sociétés groupe 6, Setec et Me B...(H...F...), membres du groupement de maîtrise ;

3° de condamner la société Charbonnel à lui verser la somme de 5 000 euros en application de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;

Ils soutiennent que les conclusions du rapporteur public telles que mises en ligne sur le site Sagace n'étaient pas suffisamment précises ; que le jugement n'est pas suffisamment motivé ; que le Tribunal n'a pas répondu au moyen tiré de l'irresponsabilité du maître de l'ouvrage s'agissant des désordres causés par la désorganisation du chantier en raison de l'existence d'une mission de coordination du chantier confiée à la société IM Projet ; que le Tribunal a méconnu le principe d'unicité du décompte qui ne l'autorisait pas à statuer sur la demande de la société Charbonnel alors que quatre autres membres du groupement avaient également saisi le Tribunal administratif de Grenoble de requêtes distinctes ; que le Tribunal a dénaturé les pièces du dossier en l'absence de toute désorganisation particulière du chantier et de toute faute commise par le maître de l'ouvrage ; que la société Charbonnel était responsable de la garde des ouvrages lorsque des dégradations sont survenues ; que la désorganisation éventuelle du chantier est sans lien avec les dégradations en cause ; que les travaux réalisés par la société Charbonnel n'étaient pas nécessaires et ont été réalisés sans ordre de service et sans avoir alerté préalablement le maître d'oeuvre ; qu'il convient de mettre en cause les sociétés IM Projet, Groupe 6, Setec et Me B...(H...F...) chargés de la direction de l'exécution du ou des contrats de travaux (DET) contre lesquels elle forme un appel en garantie ;

Vu, enregistré le 1er aout 2013, le mémoire en défense présenté pour la société Charbonnel qui conclut au rejet de la requête et à la condamnation du département de l'Isère et de Territoires 38 à lui verser la somme de 181 520 euros HT, outre les intérêts à compter du 23 octobre 2007, pour le préjudice d'exploitation résultant de la désorganisation du chantier imputable au maître de l'ouvrage, la somme de 3 317 euros HT outre la TVA et les intérêts à compter du 23 octobre 2007 pour la dépose du plafond suspendu, la somme de 15 009 euros HT outre la TVA et les intérêts à compter du 23 octobre 2007 pour le solde du marché et la somme de 6 000 euros en application de l'article L 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que le jugement est régulier en la forme, le sens des conclusions du rapporteur public étant claires, le jugement parfaitement motivé et ayant répondu au moyen tiré de l'irresponsabilité du maître d'ouvrage pour les désordres causés par la désorganisation des travaux ; que la désorganisation du chantier est établie et est bien imputable au maître d'ouvrage ; qu'en conséquence de cette imputabilité, il appartient au maître de l'ouvrage de lui régler le coût des travaux de reprise des dégradations de ses ouvrages par les autres corps d'état ; qu'il appartient au maître d'ouvrage de lui régler le coût des travaux supplémentaires relatifs aux recoupements de plénums qui n'étaient pas prévus au marché initial et ont été rendus indispensables par la modification des cloisons ; qu'elle est bien fondée à former appel incident au titre de sa demande d'indemnisation de la perte d'exploitation subie du fait du différé de ses délais d'exécution et la déconnexion du planning entraînant un bouleversement de l'économie du marché, imputable à la maîtrise d'ouvrage, son préjudice étant parfaitement justifié dan son quantum, au titre de sa demande d'indemnisation des travaux supplémentaires relatifs à la dépose du plafond suspendu Noyau BCAC/BCAI consécutifs à une demande de la maîtrise d'oeuvre pour le calorifugeage des réseaux circulant en sous-face et enfin au titre de sa demande de règlement du solde restant dû sur le marché sur laquelle le Tribunal a omis de statuer et qui s'élève à 15 009,04 euros HT soit 17 950,81 euros TTC ;

Vu la lettre du 18 octobre 2013 informant les parties de ce que la Cour est susceptible de soulever un moyen d'ordre public tiré de l'irrecevabilité des conclusions d'appel en garantie présentées par le département de l'Isère et dirigées contre les sociétés IM Projet, Groupe 6, Setec et, au nom de la société Faure-F..., formulées pour la première fois en appel ;

Vu le mémoire, enregistré le 22 octobre 2013, présenté pour la société IM Projet, qui conclut au rejet de l'appel en garantie formulé à son encontre par le département de l'Isère et la société Territoires 38 et à ce que soit mis à leur charge à son profit de la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que cet appel en garantie, qui n'a pas été présenté devant les premiers juges, est irrecevable ;

Vu le mémoire, enregistré le 23 octobre 2013, présenté pour le département de l'Isère et Territoires 38 ;

Ils soutiennent que l'appel en garantie est recevable si la Cour statue par la voie de l'évocation, dès lors que de telles conclusions n'ont pas pour effet de modifier la nature ou l'objet du recours et sont recevables jusqu'au terme de l'instruction de première instance ;

Vu le mémoire, enregistré le 24 octobre 2013, présenté pour la société IM Projet qui confirme ses précédentes écritures notamment sur l'irrecevabilité des conclusions nouvelles du département de l'Isère ;

Vu le mémoire, enregistré le 24 octobre 2013, présenté pour la société Groupe 6 Architectes qui conclut au rejet des conclusions dirigées contre elle, à titre subsidiaire, à ce qu'elle soit garantie par la société Charbonnel, la société Setec Bâtiment et la société IM Projet tant des conséquences de la désorganisation du chantier que des dégradations des autres corps d'état et à ce que soit mis à la charge du département de l'Isère et de Territoires 38 la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient à titre principal que les conclusions présentées contre elle pour la première fois en appel sont irrecevables, y compris en cas d'évocation partielle ; à titre subsidiaire, qu'elle n'a commis aucune faute dans l'exécution de sa mission, que la prétendue désorganisation du chantier ne lui est pas imputable, ni les dégradations des ouvrages imputées à des entreprises n'appartenant pas au groupement de maîtrise d'oeuvre ; qu'enfin, le solde restant à payer concerne seulement l'entreprise et le maître d'ouvrage ;

Vu le mémoire, enregistré le 25 octobre 2013, présenté pour la société Im Projet qui confirme ses précédentes écritures ;

Vu l'ordonnance en date du 28 octobre 2013 fixant la clôture de l'instruction de l'affaire au 12 novembre 2013 ;

Vu le mémoire présenté le 5 novembre 2013 par la société Charbonnel qui confirme ses précédentes écritures ;

Elle soutient en outre que l'appel en garantie formulé à son encontre par la société Groupe 6 ne pourra qu'être écarté dès lors que la maîtrise d'ouvrage est exclusivement responsable de la désorganisation du chantier et de la dégradation de ses ouvrages ;

Vu l'ordonnance en date du 7 novembre 2013 reportant au 20 novembre 2013 la clôture de l'instruction de l'affaire ;

Vu le mémoire présenté le 18 novembre 2013 pour la société Setec Bâtiment qui conclut au rejet de l'appel en garantie formulé à son encontre par le département de l'Isère et la société Territoires 38 et à ce que soit mis à leur charge à son profit de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que l'appel en garantie présenté pour la première fois en appel est irrecevable, même si la Cour statue par voie d'évocation ; à titre subsidiaire, que le département ne démontre pas qu'elle aurait commis une faute dans l'accomplissement de ses prestations ;

Vu le mémoire présenté le 21 novembre 2013 pour la société Groupe 6 qui confirme ses précédentes écritures et demande en outre, en cas de condamnation, à être garantie par les entreprises intervenantes et l'ordonnancement, pilotage et coordination (OPC) ;

Elle soutient en outre que la désorganisation du chantier est due également aux entreprises membres du groupement titulaire du lot " cloisons démontables ", à l'origine de nombreux retards et des dégradations commises sur le chantier ; que les sommes demandées par la société Charbonnel ne sont pas toutes assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée ; que les sommes demandées ne sont pas suffisamment justifiées ;

Vu l'ordonnance en date du 21 novembre 2013 reportant au 2 décembre 2013 la clôture de l'instruction de l'affaire ;

Vu le mémoire en réplique enregistré le 2 décembre 2013 pour le département de l'Isère et Territoires 38 qui confirment leurs précédentes écritures ;

Ils soutiennent en outre que le règlement du solde du décompte général incluant les travaux supplémentaires acceptés a été effectué sur le compte commun du groupement dès le 18 octobre 2007 ; que l'appel incident de la société Charbonnel est irrecevable puisqu'il tend à obtenir réparation de dommages qui ne sont pas liés aux travaux de reprise des faux plafonds réalisés en cours de chantier par cette entreprise et qu'il concerne un article du dispositif du jugement différent de celui-ci contesté par l'appel principal ; que ses prétentions sont infondées ; que le prétendu glissement de calendrier n'est ni à l'origine d'un bouleversement de l'économie du marché ni imputable à une faute du maître de l'ouvrage ; que le chiffrage n'est pas justifié dans son quantum ; qu'il appartenait à l'entreprise de coordonner la mise en oeuvre de son faux-plafond avec les ouvrages contenus dans le plénum et de tenir compte des épaisseurs de calorifugeage des réseaux, ainsi que l'a estimé le comité consultatif interrégional de règlement amiable (CCIRA) ; que la répartition de la somme consignée pour régler le sous-traitant Sud-est Plâtre n'a jamais été effectuée par Territoires 38 mais par le mandataire du groupement, la société Suscillon, qui n'a dû régler les cotraitants qu'en janvier 2008 ;

Vu l'ordonnance en date du 4 décembre 2013 reportant au 19 décembre 2013 la clôture de l'instruction de l'affaire ;

Vu l'ordonnance en date du 31 décembre 2013 reportant au 27 janvier 2014 la clôture de l'instruction de l'affaire ;

Vu le mémoire enregistré le 10 janvier 2014 pour la société IM projet et qui confirme ses précédentes écritures et demande, en cas de condamnation, à être garantie par la société Groupe 6, la société Setec et la société FaureF... ;

Elle soutient en outre que son marché a fait l'objet d'un décompte général et définitif qui s'oppose à ce que soit recherchée sa responsabilité contractuelle ; que le département et la société Territoires 38 n'établissent pas qu'elle aurait commis une faute dans l'exécution de sa mission qui comprenait le contrôle de l'organisation du chantier, le contrôle des délais et la planification subséquente ; qu'elle a élaboré un calendrier prévisionnel d'exécution qui faisait partie des pièces contractuelles des marchés des entreprises puis a procédé à l'élaboration des plannings détaillés d'exécution en collaboration avec les entreprises ; que les plannings détaillés d'exécution ont permis de faire bénéficier aux entreprises membres du groupement Suscillon de délais supplémentaires et n'ont jamais fait l'objet de contestations ; qu'elle a mis en place un système de pilotage / coordination des études et des travaux qui a bien fonctionné et lui a permis d'alerter les maîtrises d'oeuvre et d'ouvrage sur les carences des entreprises en terme de délais et de proposer des pénalités de retard ; que l'organisation interne du groupement auquel appartenait la société Charbonnel a été défaillante du fait de son mandataire, la société Suscillon ; que les retards des entreprises du groupement ont gravement perturbé l'avancement du chantier et l'intervention des autres entreprises ; que les dégradations alléguées ont eu lieu avant la réception de l'ouvrage alors que l'entreprise avait la garde de son ouvrage et en était responsable ; que ces dégradations sont le fait du groupement Oméga Cristal et ne sont pas le fait d'une mauvaise planification du chantier ou de sa désorganisation ; qu'elle a à de nombreuses reprises fait part au maître d'oeuvre des difficultés rencontrées avec certaines entreprises qui ne respectaient pas les calendriers d'exécution et a proposé l'infliction de pénalités de retard, mais sans être suivie alors qu'il appartenait à la société Groupe 6 de prendre toute mesure pour faire cesser ces retards ;

Vu le mémoire enregistré le 24 janvier 2014 pour la société Charbonnel qui confirme ses précédentes écritures et porte à 10 000 euros la somme demandée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Vu l'ordonnance en date du 29 janvier 2014 reportant au 17 février 2014 la clôture de l'instruction de l'affaire ;

Vu le mémoire enregistré le 17 février 2014 pour le département de l'Isère et Territoires 38 qui confirment leurs précédentes écritures ;

Vu le mémoire enregistré le 26 février 2014 pour la société Charbonnel qui confirme ses précédentes écritures ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 mars 2014 :

- le rapport de M. Gazagnes, rapporteur ;

- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public ;

- les observations de MeC..., pour le département de l'Isère et la SAEM Territoires 38, de MeA..., pour la société charbonnel, de MeG..., pour la société IM Projet, de MeE..., pour la société Groupe 6 et de MeD..., pour la société Setec Bâtiment ;

Vu la note en délibéré enregistré le 6 mars 2004 présentée par le département de l'Isère et la société Territoires 38 ;

1. Considérant que le département de l'Isère a décidé de réaliser un pôle pour l'innovation en micro et nanotechnologie " MINATEC " soit 45 000 m² de bâtiments tertiaires, laboratoires, salles blanches et enseignement, sur le territoire de la commune de Grenoble ; que la société Territoires 38 était son mandataire et qu'il a confié la mission de maîtrise d'oeuvre à un groupement composé des sociétés Groupe 6, Tecset, Setec, Faure F...et Adret ; que la société IM Projet était chargée de la mission OPC ; que le lot 202.3 " cloison plâtre - cloisons démontables - menuiserie bois peinture - faux plafonds " a été attribué au groupement solidaire formé par les sociétés Suscillon, Charbonnel, Prezioso, Inside Mecanobloc et Staipp, la société Suscillon étant leur mandataire commun, pour un prix unique global et forfaitaire de 6 224 384,36 euros TTC ; que la société Suscillon, en qualité de mandataire du groupement, a notifié son projet de décompte final le 16 mai 2007 ; que la société Groupe 6 a rectifié ce projet et établi le projet de décompte général ; que la société Territoires 38 a notifié le décompte général le 17 septembre 2007 par ordre de service (OS) n° 46 à la société Suscillon ; que la société Charbonnel, par le mandataire du groupement, a présenté un mémoire en réclamation le 23 octobre 2007 d'un montant de 644 148,35 euros TTC, rejeté expressément le 17 décembre 2007 par le maître d'ouvrage ; que le 9 juin 2008, la société Charbonnel a saisi le CCIRA qui a rejeté la totalité de ses demandes le 18 mai 2009 ; que le 11 juin 2008, la société Charbonnel a saisi le Tribunal administratif de Grenoble d'une demande tendant au versement d'une part d'une somme de 513 422,24 euros HT au titre de ses réclamations et, d'autre part, d'une somme de 15 009,04 euros HT au titre du solde du marché ; que, par jugement du 19 mars 2013, le Tribunal a condamné le département de l'Isère a lui verser la somme de 282 030, 58 euros HT au titre des dégradations ayant affecté ses travaux ; que le département de l'Isère et la SAEM Territoires 38 relèvent appel de ce jugement ; que la société Charbonnel relève appel incident de ce jugement en tant qu'il ne lui a accordé que partiellement satisfaction ;

Sur l'appel en garantie formulé par le département de l'Isère et la société Territoires 38 :

2. Considérant que lorsque des conclusions nouvelles présentées pour la première fois en cause d'appel sont de ce fait irrecevables, il appartient au juge d'appel de leur opposer cette irrecevabilité sauf à ce qu'il les rejette pour un autre motif ; qu'il en va ainsi, alors même que le juge d'appel serait appelé à statuer sur le litige qui lui est soumis par la voie de l'évocation après avoir annulé pour irrégularité le jugement de première instance ;

3. Considérant que, pour la première fois devant la Cour, le département de l'Isère et la société Territoires 38 appellent en garantie les sociétés IM Projet, Groupe 6, Setec et, au nom de la société Faure-F..., MeB... ; que ces conclusions sont nouvelles en appel et, par voie de conséquence, irrecevables ;

Sur la régularité du jugement :

En ce qui concerne le principe de l'unicité du décompte :

4. Considérant que les requérants font valoir que le Tribunal, en refusant de prononcer la jonction avec d'autres demandes des entreprises du groupement pendantes devant ce même Tribunal, n'a pas respecté le principe d'unicité du décompte ; que, s'il est vrai que le lot " cloisons plâtres, cloisons démontables menuiseries bois peinture, faux plafonds " a fait l'objet d'un marché unique et devait faire l'objet d'un décompte unique, il résulte de l'instruction que l'acte d'engagement précisait clairement la prestation et le montant du marché revenant à chaque cotraitant et que cette répartition des tâches était opposable au maître d'ouvrage ; qu'ainsi, l'acte d'engagement identifiait la prestation de la société Charbonnel comme portant sur les faux plafonds et sa rémunération comme devant être de 637 676,57 euros HT pour la tranche ferme et de 19 941,25 euros pour la tranche conditionnelle ; que, par suite, rien ne faisait obstacle à ce qu'il soit établi des décomptes individualisés pour chacun des sous-traitants ; que, dans ces conditions, le principe de l'unicité du décompte ne faisait pas obstacle à ce que le Tribunal administratif de Grenoble se prononce sur la demande de la société Charbonnel alors même qu'il était parallèlement saisi de demandes présentées par d'autres entreprises membres du groupement pour leurs propres décomptes individualisés ;

En ce qui concerne le sens des conclusions du rapporteur public :

5. Considérant qu'aux termes de l'article R. 711-3 du code de justice administrative : " Si le jugement de l'affaire doit intervenir après le prononcé de conclusions du rapporteur public, les parties ou leurs mandataires sont mis en mesure de connaître, avant la tenue de l'audience, le sens de ces conclusions sur l'affaire qui les concerne " ; que ces dispositions, qui ont pour objet de mettre le justiciable en mesure d'apprécier l'opportunité d'assister à l'audience publique, d'y présenter utilement des observations orales à l'appui de son argumentation écrite et, le cas échéant, de produire une note en délibéré, impliquent nécessairement, à peine d'irrégularité du jugement, que la communication ainsi prévue porte non seulement sur la solution que le rapporteur public propose à la formation de jugement du Tribunal d'adopter mais encore sur le ou les moyens lui paraissant, à titre principal, fonder cette solution, lorsque, comme en l'espèce, il envisage de proposer à la formation de jugement de donner satisfaction au requérant ;

6. Considérant qu'il résulte de l'instruction, et notamment de la copie d'écran éditée du site sagace, que le système d'information du suivi de l'instruction renseigné par le rapporteur public indiquait aux parties qu'il allait conclure dans le sens suivant : " condamnation du CG 38 à verser 257 880 euros HT (+ TVA) au titre des dégradations fautives commises par les autres entreprises n'étant pas contractuellement liées avec Charbonnel et les membres du groupement mais contractuellement liés au CG 38 condamnation du CG 38 à verser 24 150 euros HT (+ TVA) au titre du recoupement du plénum sur les autres travaux à hauteur de 56 729 euros, ceux-ci sont intégrés dans le projet de DGD comme indiqué dans l'avis CCIRA rejet surplus conclusions indemnitaires " ; que le département de l'Isère et la société Territoires 38, qui ne contestent pas avoir eu accès au sens des conclusions du rapporteur public dans un délai raisonnable avant l'audience publique du 19 février 2013, ne sont pas fondés à soutenir que ces indications seraient insuffisantes au regard des exigences des dispositions de l'article R. 711-3 du code de justice administrative ou qu'elles seraient imprécises et que le jugement aurait ainsi été rendu à l'issue d'une procédure irrégulière ;

En ce qui concerne la motivation du jugement :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " les jugements sont motivés " ; que le Tribunal, pour condamner le département de l'Isère, s'est borné à indiquer que " les importantes dégradations ayant affecté les travaux réalisés par la requérante révèlent une désorganisation du chantier imputable au maître d'ouvrage " ; qu'en s'abstenant de préciser les éléments de désorganisation du chantier et surtout en quoi ils seraient imputables au département de l'Isère, ni en quoi le maître de l'ouvrage aurait commis une faute, le Tribunal n'a pas suffisamment motivé son jugement ; qu'en outre, le Tribunal n'a pas répondu au moyen, qui n'était pas inopérant, tiré de ce que la mission de coordination du chantier avait été déléguée à la société IM Projet ; que, par suite, le département de l'Isère et la société Territoires 38 sont fondés à demander l'annulation du jugement en tant qu'il a statué sur ce chef de préjudice ;

En ce qui concerne l'omission à statuer :

8. Considérant que dans sa demande, la société Charbonnel a sollicité le versement d'une somme de 15 009,04 euros correspondant au solde de son marché ; que le tribunal administratif a omis de se prononcer sur ces conclusions ; qu'il y a lieu dès lors d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il n'a pas statué sur ces conclusions ;

9. Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu, pour la Cour, d'évoquer d'une part la demande des requérants et de la société Charbonnel sur les désordres constatés sur les faux-plafonds et leur imputabilité et sur le solde du marché et d'autre part, d'examiner par la voie de l'effet dévolutif de l'appel les autres chefs de préjudice invoqués par la société Charbonnel par la voie de l'appel incident ;

Sur l'appel principal du département de l'Isère et de la société Territoires 38 :

En ce qui concerne les dégradations des prestations de la société Charbonnel :

10. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les faux-plafonds posés l'entreprise Charbonnel ont été dégradés par d'autres entreprises présentes sur le chantier en même temps qu'elle ; que la présence concomitante de ces entreprises sur le chantier n'est pas de nature en elle-même à révéler une désorganisation du chantier dont la conduite était placée sous la responsabilité du maître d'oeuvre et du conducteur d'opération ; que la société Charbonnel n'apporte aucun élément permettant d'estimer que le maître de l'ouvrage, par son comportement, aurait participé d'une quelconque façon à la survenance de ces dégradations ; que le département de l'Isère est par suite fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal a retenu sa responsabilité en tant que maître d'ouvrage des désordres des faux-plafonds de la société Charbonnel ;

11. Considérant qu'il résulte de l'instruction que la suppression des barrières phoniques en plénum de plafond était prévue par le cahier des clauses techniques particulières de l'entreprise Charbonnel pour les bâtiments BBCA et BHT ; que le département de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal l'a condamné à verser à la société Charbonnel la somme de 28 883, 93 TTC en rémunération de ces prestations ;

Sur les conclusions d'appel incident de la société Charbonnel :

En ce qui concerne le préjudice pour perte d'exploitation :

12. Considérant que la société Charbonnel prétend qu'elle a dû réaliser sa mission de pose des faux-plafonds en quatre mois et demi et non en sept mois comme prévu et qu'elle a dû mettre des moyens supplémentaires, dont elle demande la prise en charge, pour tenir le délai ; qu'il ressort cependant de l'instruction que l'acte d'engagement du lot prévoyait un délai d'exécution global de 16 mois porté par avenant à 19,5 mois ; qu'aucun délai propre n'était fixé à la société Charbonnel en dehors du délai fixé au lot en cause ; que tous les délais et leurs modifications ont été transmis par ordre de service et n'ont fait l'objet d'aucune réserve de la part du mandataire du groupement ; que le calendrier et l'organisation du chantier relevait de la responsabilité de la société IM projet, chargé de la mission OPC et de la maîtrise d'oeuvre et qu'il ne résulte pas de l'instruction que le maître d'ouvrage aurait commis une faute propre de nature à engager sa responsabilité ; que la société Charbonnel n'est dès lors pas fondée à demander l'indemnisation par le département de l'Isère, maître d'ouvrage, des moyens supplémentaires, qui ne sont au demeurant qu'allégués, qu'elle aurait mis en oeuvre pour la pose des faux plafonds dont elle avait la charge au sein du lot n° lot 202.3 " cloison plâtre - cloisons démontables - menuiserie bois peinture - faux plafonds ";

En ce qui concerne les travaux supplémentaires :

13. Considérant que la société Charbonnel demande une indemnisation de 3 317 euros pour le démontage de faux-plafonds, le calorifugeage des réseaux et le renforcement des planchers ; qu'il résulte de l'instruction que ces travaux résultent d'une sous-évaluation initiale de la société Charbonnel elle-même de la hauteur initiale nécessaire à réserver au-dessus de ses faux-plafonds ; que si elle fait valoir que cette sous-évaluation résulterait d'une demande du maître d'oeuvre, elle n'établit pas avoir fait des réserves à ce titre ; qu'elle n'est dès lors pas fondée à réclamer l'indemnisation des travaux en cause dont le montant doit être compris dans le prix du marché ;

En ce qui concerne le solde du marché :

14. Considérant que la société Charbonnel soutient qu'une somme de 15 009,04 euros HT lui reste due au titre du solde du marché, composée à hauteur de 9 522,11 euros du solde proprement dit et à hauteur de 5 486,93 euros d'une somme qui aurait été à tort mise à sa charge pour régler le sous-traitant Sud-est Plâtre ; que le département soutient toutefois, sans être sérieusement contredit, que l'ensemble des sommes dues aux cotraitants a été réglé le 18 octobre 2007 sur le compte commun du groupement géré par son mandataire, la société Suscillon, qui avait en charge sa répartition ; que, par suite, la demande présentée sur ce point par la société Charbonnel ne peut qu'être rejetée ;

Sur les conclusions en appel provoqué des sociétés Groupe 6 et IM Projet :

15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le présent arrêt rejetant l'appel en garantie formé contre les sociétés IM Projet, Groupe 6, Setec et FaureF..., les conclusions à fin de garantie réciproque présentées par ces sociétés, provoquées par l'appel du département de l'Isère et de la société Territoires 38, ne sont pas recevables en l'absence d'aggravation de leur situation ;

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

16. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que le département de l'Isère et la société Territoires 38, qui ne sont pas les parties perdantes, soient condamnés à verser à la société Charbonnel une somme au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par les autres parties sur le fondement de ces dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 0802695 du Tribunal administratif de Grenoble du 19 mars 2013 est annulé.

Article 2 : La demande présentée par la société Charbonnel est rejetée.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au département de l'Isère, à la société Charbonnel, à la société IM Projet, à la SA Groupe 6, à la société Setec, au nom de la société Faure-F..., MeB... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 6 mars 2014, où siégeaient :

M. Wyss, président ,

M. Gazagnes, président-assesseur,

M. Mesmin d'Etienne, président-assesseur,

Lu en audience publique, le 27 mars 2014.

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N° 13LY01312


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY01312
Date de la décision : 27/03/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Marchés et contrats administratifs - Exécution financière du contrat - Rémunération du co-contractant.

Marchés et contrats administratifs - Exécution financière du contrat - Règlement des marchés.


Composition du Tribunal
Président : M. WYSS
Rapporteur ?: M. Philippe GAZAGNES
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : GUIMET AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-03-27;13ly01312 ?
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