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13/05/2014 | FRANCE | N°13LY02664

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 13 mai 2014, 13LY02664


Vu la requête, enregistrée le 11 octobre 2013, présentée pour M. D... A...B..., domicilié ... ;

M. A... B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1301941 du 6 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 février 2013 par lequel la préfète de la Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination " sous astreinte de 300 euros par jour de retard " ;

2°) d'

annuler ladite décision ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Loire de lui délivrer un ...

Vu la requête, enregistrée le 11 octobre 2013, présentée pour M. D... A...B..., domicilié ... ;

M. A... B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1301941 du 6 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 19 février 2013 par lequel la préfète de la Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination " sous astreinte de 300 euros par jour de retard " ;

2°) d'annuler ladite décision ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Loire de lui délivrer un titre de séjour et, à défaut, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour et de procéder au réexamen de sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil, sous réserve qu'il renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle en application de la loi du 10 juillet 1991 ;

5°) de condamner l'Etat aux entiers dépens, et pour le cas où le requérant serait condamné aux dépens, de faire application de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1991 sur l'aide juridique et de laisser les dépens à la charge de l'État ;

il soutient que :

- à titre liminaire, c'est à tort que le Tribunal n'a pas retenu le non-lieu, en ce que les décisions litigieuses sont devenues sans objet dans la mesure où, conformément à l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour de l'étranger et du droit d'asile, il a quitté le territoire français ;

- la décision de refus de délivrer un titre de séjour méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il est père d'un enfant dont la mère bénéficie d'un titre de séjour en qualité de réfugiée politique, que sa compagne attend un deuxième enfant et qu'il contribue à l'entretien de son enfant depuis sa naissance ;

- le préfet aurait dû saisir la commission du titre de séjour avant de prendre sa décision conformément à l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'exécution de cette décision ferait éclater la cellule familiale, méconnaissant ainsi l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la préfète pouvait lui délivrer un titre de séjour pour des considérations humanitaires ou au regard de motifs exceptionnels sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'obligation de quitter le territoire méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en raison des représailles qu'il a subies du fait de son engagement contre le pouvoir en place dans son pays d'origine ;

- cette décision, en méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, compromettra l'entretien de ses relations avec sa fille, le statut de sa mère faisant obstacle à ce qu'elle accompagne son enfant en République démocratique du Congo ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 3 avril 2014, présenté par la préfète de la Loire qui conclut au rejet de la requête ;

elle soutient que :

- le non-lieu invoqué ne peut être retenu dès lors que son départ, à le supposer établi, n'a pas eu lieu à destination du pays dont il a la nationalité ou dans lequel il serait admissible ; il lui appartient de se désister de ses conclusions aux fins d'annulation de cet acte ;

- les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant n'ont pas été méconnues ;

- le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'hommes dirigé contre l'obligation de quitter le territoire français est irrecevable comme n'étant pas assorti de précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé ;

Vu le mémoire, enregistré le 10 avril 2014, présenté pour M. A...B...qui conclut aux mêmes fins que sa requête, par les mêmes moyens ;

il soutient, en outre, que :

- il a exécuté l'obligation de quitter le territoire français ; dès lors, il y a non-lieu à statuer sur ce point ;

- il s'est toujours occupé de son enfant ; sa vie privée et familiale est réelle et intense ;

- le préfet aurait dû lui délivrer un titre de séjour pour des considérations humanitaires qui découlent des menaces qu'il encourt au regard de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il apporte des éléments sur le risque qu'il encourt en cas d'éloignement vers la République démocratique du Congo ;

Vu la décision du 6 septembre 2013 par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon (section cour administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. D...A...B... ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Vu la décision par laquelle le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de présenter ses conclusions à l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 avril 2014 :

- le rapport de Mme Courret ;

- et les observations de MeC..., représentant M. A...B... ;

1. Considérant que M. A...B..., de nationalité congolaise, est entré en France, selon ses dires, le 19 mai 2010 ; que sa demande de réexamen de sa demande d'asile a été rejetée le 29 octobre 2012 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ; qu'il a sollicité, le 15 janvier 2013, l'obtention d'un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sur le fondement des articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par arrêté du 19 février 2013, la préfète de la Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination ; que, par jugement du 6 juin 2013, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ; que M. A...B...relève appel de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant que M. A...B...soutient que c'est à tort que les premiers juges n'ont pas prononcé de non-lieu à statuer au motif que les décisions attaquées sont devenue sans objet l'obligation qui lui était faite de quitter le territoire français ayant été exécutée ; que, toutefois, à la supposer même établie, la circonstance qu'il serait reparti le 27 février 2013 en Suisse, ne rend pas sans objet sa demande ; que, par suite, en ne prononçant pas de non-lieu à statuer, le Tribunal n'a pas entaché son jugement d'irrégularité ;

3. Considérant, toutefois, qu'il résulte de ce qui précède, que suite à la demande de M. A... B...dans son mémoire enregistré au greffe du tribunal administratif de Lyon le 19 avril 2013, tendant à constater que les décisions de la préfète de la Loire sont devenues sans objet, les premiers juges auraient dû donner acte au requérant du désistement de ses conclusions en tant qu'elles sont dirigées contre l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination ; que, par suite, le Tribunal a entaché sur ce point son jugement d'irrégularité ;

4. Considérant qu'il y a lieu pour la cour administrative d'appel de se prononcer sur cette partie de la demande par la voie de l'évocation et de statuer par l'effet dévolutif de l'appel sur les conclusions dirigées contre le refus de titre de séjour ;

Sur la légalité de la décision de refus de séjour :

5. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'aux termes de l'article L. 313-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...). " ;

6. Considérant que M. A...B...fait valoir qu'il est le père d'un enfant né en France dont la mère, qui a un titre de séjour en qualité de réfugiée politique, attend un second enfant ; que toutefois à l'exception d'un témoignage de sa compagne et d'une attestation d'un contrat EDF, le requérant ne produit pas d'éléments de nature à justifier qu'il participerait à l'entretien et à l'éducation de ce premier enfant ; que la circonstance, attestée par un certificat médical du 16 juillet 2013, que sa compagne est enceinte, est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée, qui s'apprécie à la date de son édiction ; qu'ainsi, compte tenu des conditions de son entrée et de son séjour en France et de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision contestée ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, dès lors, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés ;

7. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant du 26 janvier 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " ; qu'il résulte de ces stipulations que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

8. Considérant que si M. A...B...fait valoir que cette décision porterait atteinte à la cellule familiale qu'il constitue avec sa compagne et leur fille, il résulte de ce qui précède qu'il ne participe pas à l'éducation et à l'entretien de sa fille et ne réside pas au domicile de ces dernières ; qu'il s'ensuit que la décision attaquée n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

9. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier qu'il y a lieu, par adoption des motifs retenus par le Tribunal, que la Cour fait siens, d'écarter les moyens invoqués en première instance et repris en appel, tirés de la méconnaissance des articles L. 312-1 et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi :

10. Considérant que M. A...B...soutient que l'obligation de quitter le territoire est devenue sans objet dès lors qu'il a exécuté l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français ; que, toutefois, comme il a été mentionné au point 2, à la supposer même établie, la circonstance qu'il serait reparti le 27 février 2013 en Suisse, ne rend pas sans objet sa demande ; que dans ses conditions, ses conclusions susmentionnées doivent être regardées comme équivalent à un désistement pur et simple ; que rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le jugement du tribunal administratif de Lyon est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions dirigées à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi ; que M. A... B...n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, les conclusions qu'il présente à fin d'injonction et au titre des articles L. 761-1 et R. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon est annulé en tant qu'il a statué sur les conclusions dirigées à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi.

Article 2 : Il est donné acte du désistement des conclusions de la requête de M. A...B...dirigées à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi.

Article 3 : La demande présentée par M. A...B...devant le tribunal administratif de Lyon et le surplus des conclusions de la requête sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...A...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète de la Loire.

Délibéré après l'audience du 15 avril 2014, à laquelle siégeaient :

- M. Martin, président de chambre,

- Mme Courret, président-assesseur,

- M. Clément, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 mai 2014.

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N° 13LY02664

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY02664
Date de la décision : 13/05/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTIN
Rapporteur ?: Mme Catherine COURRET
Rapporteur public ?: Mme SCHMERBER
Avocat(s) : SHIBABA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-05-13;13ly02664 ?
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