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15/05/2014 | FRANCE | N°13LY02644

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 15 mai 2014, 13LY02644


Vu la requête, enregistrée le 10 octobre 2013 et régularisée le 14 octobre 2013, présentée pour M. et MmeC..., domiciliés au Diaconat Protestant, 26 rue de la Pérouse, à Valence (26000), par MeB... ;

Les requérants demandent à la cour :

1°) d'annuler un jugement n° 1303314-1303315 du tribunal administratif de Grenoble en date du 28 juin 2013, qui a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 25 juin 2013, par lesquels le préfet de la Drôme a prononcé leur assignation à résidence ;

2°) d'annuler les arrêtés litigieux ;

3°) d

e condamner l'Etat à verser à leur conseil une somme de 1 500 euros sur le fondement des articles...

Vu la requête, enregistrée le 10 octobre 2013 et régularisée le 14 octobre 2013, présentée pour M. et MmeC..., domiciliés au Diaconat Protestant, 26 rue de la Pérouse, à Valence (26000), par MeB... ;

Les requérants demandent à la cour :

1°) d'annuler un jugement n° 1303314-1303315 du tribunal administratif de Grenoble en date du 28 juin 2013, qui a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des arrêtés du 25 juin 2013, par lesquels le préfet de la Drôme a prononcé leur assignation à résidence ;

2°) d'annuler les arrêtés litigieux ;

3°) de condamner l'Etat à verser à leur conseil une somme de 1 500 euros sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, à charge pour Me B...de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle ;

Ils soutiennent que le préfet, qui s'est cru tenu de prendre à leur encontre des décisions restrictives de liberté, n'a pas justifié ces mesures et a ainsi méconnu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ; que l'absence de démarches destinées à préparer leur départ s'explique, non pas par une intention de se soustraire aux mesures d'éloignement, mais par la volonté d'en demander l'annulation ; qu'ils ont d'ailleurs à cette fin sollicité le 12 mars 2013 l'aide juridictionnelle qui leur a été accordée le 18 juin ; que les mesures les assignant à résidence sont entachées d'une erreur de droit et sont devenues impossibles à exécuter, dès lors que le préfet de la Drôme a résilié la réservation de la chambre à l'Hôtel de Lyon, où ils devaient être logés pendant 45 jours ; que leur état de santé rendent leurs déplacements difficiles, et les empêchent de se rendre aux distributions gratuites de nourriture ; qu'un certificat médical, confirme la nécessité d'une prise en charge régulière de M.C..., qui doit subir une dialyse trois fois par semaine et a obtenu une carte d'invalidité à 80 % ; que les arrêtés du 25 juin 2013, qui les empêchent de recevoir les soins nécessaires, portent une atteinte disproportionnée à leur droit au respect d'une vie privée et familiale, garanti par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que leur fille unique réside à Valence avec son mari et leurs trois enfants et qu'ils n'ont plus de famille en Arménie ; qu'étant fondés à contester les arrêtés du 13 mars 2013, ils n'avaient pas à justifier de démarches destinées à préparer leur retour en Arménie ; que l'obligation qui leur est faite de se présenter chaque semaine au commissariat de police de Valence, qui n'est motivée ni en droit, ni en fait, est irrégulière ;

Vu l'arrêté attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 décembre 2013, présenté par le préfet de la Drôme qui conclut au rejet de la requête ;

Le préfet s'en rapporte à ses écritures de 1ère instance ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Lyon (section administrative appel) en date du 6 septembre 2013, admettant Mme A...C...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 avril 2014 :

- le rapport de M. Riquin, président ;

1. Considérant que, par un jugement n° 1303314-1303315 du 28 août 2013, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté les demandes de Mme A...C...et de M. D...C..., tendant à l'annulation des arrêtés du 25 juin 2013, par lesquels le préfet de la Drôme a prononcé à leur encontre une mesure d'assignation à résidence assortie d'un contrôle de police hebdomadaire ; que les intéressés relèvent appel du jugement ;

Sur l'étendue du litige :

2. Considérant que, postérieurement à l'introduction de la présente requête, le tribunal administratif de Grenoble a, par un jugement n° 1303682 du 7 novembre 2013, devenu définitif, annulé l'arrêté n° 13-2600082 du 12 mars 2013, en tant que cet arrêté faisait obligation à M. C... de quitter le territoire français et désignait le pays à destination duquel il serait reconduit d'office à défaut pour lui d'obtempérer ; que l'annulation de cet arrêté a pour effet de priver de base légale celui du 25 juin 2013, par lequel le préfet de la Drôme a assigné M. C... à résidence ; qu'il doit dès lors être annulé, ainsi que le jugement du tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a rejeté les conclusions tendant à son annulation ; que la Cour reste en revanche saisie des conclusions de la requête dirigées contre l'arrêté n° 13-230166 du 25 juin 2013, par lequel le préfet de la Drôme a assigné Mme C...à résidence ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Considérant que si une décision portant assignation à résidence doit être motivée en fait et en droit, il ressort de son arrêté qu'après avoir visé les dispositions applicables et l'arrêté du 13 mars 2013 faisant obligation à Mme C...de quitter le territoire français, le préfet a relevé que l'intéressée n'avait pas justifié de démarches destinées à préparer son retour en Arménie ; que l'arrêté attaqué précise qu'elle bénéficie d'un hébergement et qu'en remettant son passeport aux services de police, elle a néanmoins présenté des garanties effectives de représentation ; que son retour en Arménie demeurait par ailleurs une perspective raisonnable en l'absence alléguée d'éléments de nature juridique ou matérielle y faisant obstacle ; que la décision en litige, qui énonce les motifs de fait et de droit qui en constituent le fondement, est dès lors suffisamment motivée dans toutes ses dispositions, y compris celle imposant à l'intéressée l'obligation de se présenter une fois par semaine aux services de police ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) / II. - Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine (...) / Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / (...)/ f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut justifier de la possession de documents d'identité ou de voyage en cours de validité, ou qu'il a dissimulé des éléments de son identité, ou qu'il n'a pas déclaré le lieu de sa résidence effective ou permanente, ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues par les articles L. 513-4, L. 552-4, (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 561-2 du même code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. (... ) " ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme C...a été assignée à résidence pour une durée de 45 jours par un arrêté du 25 juin 2013, à la date duquel elle n'avait pas exécuté l'obligation de quitter le territoire dans le délai de 30 jours fixé par l'arrêté du 15 mars 2013 ; que la circonstance que l'intéressée n'ait pas l'intention de se soustraire à l'obligation de quitter le territoire est sans incidence sur la légalité de la décision attaquée, dès lors que les conditions de mise en oeuvre des dispositions précitées de l'article L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont remplies ; que l'arrêté en litige mentionne que malgré l'absence de dispositions prises par Mme C...en vue de préparer son retour en Arménie, qui demeure une perspective raisonnable, l'intéressée avait remis son passeport à l'autorité de police, justifiait d'une résidence, et présentait ainsi des garanties de représentation ; qu'elle ne peut à cet égard utilement soutenir que le recours, assorti d'une demande d'aide juridictionnelle, qu'elle a formé contre la mesure d'éloignement démontrait qu'elle n'avait pas l'intention de prendre la fuite et ne l'obligeait pas à justifier de démarches destinées à préparer son départ ; qu'il n'est pas sérieusement contesté que la mesure d'assignation à résidence remplit l'ensemble des conditions imposées par l'article L. 561-2 précité, répond à une nécessité, et n'est entachée d'aucune erreur de droit ; que le moyen tiré de ce que le préfet se serait cru tenu de l'assigner à résidence doit donc également être écarté ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article R. 561-2 du même code : " L'autorité administrative détermine le périmètre dans lequel l'étranger assigné à résidence en application (...) de l'article L. 561-2 ou d'une des mesures prévues aux articles L. 523-3, L. 523-4 et L. 523-5 est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence. Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'il fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si cette obligation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés (...) " ;

7. Considérant que l'appelante fait valoir qu'en résiliant la location d'une chambre à l'Hôtel de Lyon, le préfet avait rendu la mesure d'assignation à résidence impossible à exécuter ; qu'il ressort toutefois d'une attestation des services sociaux que le couple a, de sa propre initiative, quitté la chambre qui lui avait été réservée dès la notification de l'arrêté en litige pour s'installer au centre d'accueil du Diaconat Protestant, également situé à Valence ; que l'impossibilité invoquée d'exécuter la mesure n'est donc pas du fait du préfet, qui, en assignant l'intéressée à résidence " plus particulièrement " à l'Hôtel de Lyon, n'excluait d'ailleurs pas un autre domicile ;

8. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

9. Considérant que le moyen tiré de l'absence de liens familiaux en Arménie est inopérant à l'encontre de la décision assignant l'intéressée à résidence ; que la décision en litige n'a pas pour effet de l'empêcher à rencontrer sa fille unique, domiciliée... ; qu'il n'est pas établi qu'elle ne puisse, malgré son absence de ressources, obtenir des repas à la nouvelle adresse choisie par le couple et être ainsi contrainte d'entreprendre les déplacements qui lui sont difficiles ; que l'arrêté en litige n'a pas pour effet de séparer Mme C...de son époux, même depuis que l'arrêté concernant celui-ci est privé de base légale ; que l'arrêté attaqué ne porte donc pas en lui-même une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie familiale et privée, garanti par les stipulations précitées ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Grenoble est annulé en tant qu'il rejette les conclusions de la demande tendant à l'annulation de l'arrêté assignant M. D...C...à résidence.

Article 2 : L'arrêté n° 13-230165 du 25 juin 2013 assignant M. D...C...à résidence est annulé.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêté sera notifié à Mme A...C..., à M. D...C..., et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.

Délibéré après l'audience du 8 avril 2014, à laquelle siégeaient :

M. Riquin, président de chambre,

M. Picard, président-assesseur,

M. Chenevey, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 mai 2014.

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N° 13LY02644

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY02644
Date de la décision : 15/05/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. RIQUIN
Rapporteur ?: M. Daniel RIQUIN
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : LETELLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-05-15;13ly02644 ?
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