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17/06/2014 | FRANCE | N°13LY01221

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 17 juin 2014, 13LY01221


Vu la requête, enregistrée le 17 mai 2013 par télécopie au greffe de la Cour et régularisée le 21 mai 2013, présentée par le préfet de la Haute-Savoie ;

Le préfet de la Haute-Savoie demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300340, du 16 avril 2013 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a annulé ses décisions du 18 décembre 2012 refusant de délivrer un certificat de résidence algérien à Mme F...E..., épouse A...C..., l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignant le pays à destination duquel elle sera

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2°) de rejeter la requête présentée par Mme E...devant le Tribunal a...

Vu la requête, enregistrée le 17 mai 2013 par télécopie au greffe de la Cour et régularisée le 21 mai 2013, présentée par le préfet de la Haute-Savoie ;

Le préfet de la Haute-Savoie demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300340, du 16 avril 2013 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a annulé ses décisions du 18 décembre 2012 refusant de délivrer un certificat de résidence algérien à Mme F...E..., épouse A...C..., l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignant le pays à destination duquel elle serait reconduite ;

2°) de rejeter la requête présentée par Mme E...devant le Tribunal administratif de Grenoble ;

Le préfet de la Haute-Savoie soutient que la décision par laquelle il a refusé de délivrer un certificat de résidence algérien à Mme E...n'est pas contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni à celles du 5. de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire, enregistré le 18 juillet 2013, présenté pour MmeE..., domiciliée... qui conclut au rejet de la requête et demande, en outre, à la Cour d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de lui délivrer un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer sa situation administrative et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Mme E...soutient que :

- le préfet de la Haute-Savoie aurait dû saisir la commission du titre de séjour avant de lui refuser la délivrance d'un certificat de résidence algérien ;

- la décision lui refusant la délivrance d'un certificat de résidence algérien est contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi qu'à celles du 5. de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;

- la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour ;

- elle méconnaît les stipulations du 5. de l'article 6 de l'accord franco-algérien ainsi que celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant le délai de départ volontaire est contraire aux dispositions de l'article 7 de la directive 2008-115 CE du 16 décembre 2008 ;

- elle n'est pas suffisamment motivée ;

- elle est contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la Directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, modifié, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Sur sa proposition, le rapporteur public a été dispensé de prononcer des conclusions à l'audience en application de l'article R 732-1-1 du code de justice administrative par la présidente de la formation de jugement ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 mai 2014 :

- le rapport de Mme Samson, présidente ;

1. Considérant que le préfet de la Haute-Savoie relève appel du jugement du 16 avril 2013 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a fait droit à la demande de Mme E... tendant à l'annulation de ses décisions du 18 décembre 2012 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel elle pourra être reconduite ;

Sur le motif d'annulation retenu par le Tribunal :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

3. Considérant que MmeE..., ressortissante algérienne, entrée en France le 13 décembre 2011, fait valoir qu'atteinte d'un taux de handicap moteur à hauteur de 75 % depuis sa naissance et souffrant d'une affection rhumatismale aux mains, elle se retrouve isolée en Algérie depuis le décès de ses grands-parents alors que ses parents ainsi que trois de ses frères et soeurs résident en France ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que MmeE..., qui n'a pas sollicité de titre de séjour à raison de son état de santé, n'est pas dépourvue d'attaches familiales en Algérie où elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt-huit ans et où résident l'un de ses frères ainsi que son mari qui exerce un emploi stable et peut dès lors la prendre en charge et dont il n'est pas établi pas que la communauté de vie aurait cessé entre eux ; que, par suite, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision du préfet de la Haute-Savoie refusant de délivrer un certificat de résidence algérien à Mme E...n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a, ainsi, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de la Haute-Savoie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé, pour ce motif, sa décision du 18 décembre 2012 refusant à Mme E...la délivrance d'un titre de séjour et, par voie de conséquence, ses décisions du même jour l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai d'un mois et désignant le pays à destination duquel elle serait reconduite ;

4. Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par MmeE..., tant devant le Tribunal administratif que devant la Cour ;

Sur la décision de refus de délivrance de titre de séjour :

5. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 5. au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) " ;

6. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés précédemment dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision de refus de titre de séjour au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, le préfet de la Haute-Savoie n'a pas méconnu les stipulations du 5. de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ; qu'il n'a pas davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de l'intéressée ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 312-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile " Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 312-2 du même code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3. " ; qu'il résulte de ce qui précède que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls ressortissants algériens qui remplissent effectivement les conditions prévues à l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé, équivalentes à celles de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité ;

8. Considérant que si les stipulations du 5. de l'article 6 de l'accord franco-algérien ont une portée équivalente à celle du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, il résulte de ce qui a été dit précédemment que l'intéressée ne remplit pas effectivement les conditions énoncées pour bénéficier d'un titre de séjour sur leur fondement et, qu'ainsi, le moyen tiré de l'absence de consultation de la commission du titre de séjour ne peut également qu'être écarté ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...)/ 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) " ;

10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme E...s'est vu refuser la délivrance d'un certificat de résidence algérien par décision du 18 décembre 2012 ; qu'ainsi, à cette date, elle était dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme E...n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de la décision de refus de séjour à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;

12. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision de refus de titre de séjour, le préfet de la Haute-Savoie a pu, sans méconnaître les stipulations du 5. de l'article 6 de l'accord franco-algérien, ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, assortir cette décision d'une obligation de quitter le territoire français ; qu'il n'a pas davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de MmeE... ;

Sur la décision refusant un délai de départ volontaire :

13. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " II - Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français (...) " ;

14. Considérant qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui ne sont pas incompatibles avec les dispositions de la directive du 26 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, que la décision d'accorder un délai de départ volontaire, dont l'objet même est distinct de celui de la mesure d'éloignement, résulte d'un examen par l'administration de la situation personnelle de l'étranger, au regard de critères différents de ceux qui fondent l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire français ; que le législateur a ainsi fait de cette décision, une décision autonome de la mesure d'éloignement ; que cette décision distincte constitue une mesure de police visant à l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ; que dans ces conditions, si les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile imposent que cette décision soit motivée, cette motivation peut, outre la référence à l'article L. 511-1, se confondre avec celle de l'obligation de quitter le territoire français ; que la décision accordant un départ volontaire d'un mois vise les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et comporte une analyse de la situation personnelle et familiale de MmeE... ; qu'elle est ainsi suffisamment motivée ;

15. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Haute-Savoie n'aurait pas procédé à un réel examen de la situation de Mme E...en fixant le délai de départ volontaire à un mois, laquelle ne fait état d'aucune circonstance particulière justifiant qu'un délai supérieur lui soit accordé ; que le préfet de la Haute-Savoie n'a pas davantage entaché sa décision d'une méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée ;

16. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de la Haute-Savoie est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a annulé ses décisions du 18 décembre 2012, lui a enjoint de délivrer un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale " dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à son profit au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que, par voie de conséquence, doivent être rejetées les conclusions de Mme E...aux fins d'injonction et celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1300340 du 16 avril 2013 du Tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme E...devant le Tribunal administratif de Grenoble et ses conclusions devant la Cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme F...E..., épouse A...C.... Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 27 mai 2014 laquelle siégeaient :

Mme Samson, présidente,

M. B...et MmeD..., premiers-conseillers.

Lu en audience publique, le 17 juin 2014.

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N° 13LY01221


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme SAMSON
Rapporteur ?: Mme Dominique SAMSON
Rapporteur public ?: M. LEVY BEN CHETON
Avocat(s) : ALDEGUER

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 17/06/2014
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 13LY01221
Numéro NOR : CETATEXT000029140920 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-06-17;13ly01221 ?
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