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17/06/2014 | FRANCE | N°13LY02675

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 17 juin 2014, 13LY02675


Vu la requête enregistrée le 14 octobre 2013 par télécopie au greffe de la Cour et régularisée le 17 octobre 2013, présentée par le préfet de la Haute-Savoie ;

Le Préfet de la Haute-Savoie demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1306303 du 10 septembre 2013 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions du 7 septembre 2013 par lesquelles il a obligé M. C...à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a désigné le pays à destination duquel il

serait éloigné d'office et a décidé son placement en rétention administrative, lui a ...

Vu la requête enregistrée le 14 octobre 2013 par télécopie au greffe de la Cour et régularisée le 17 octobre 2013, présentée par le préfet de la Haute-Savoie ;

Le Préfet de la Haute-Savoie demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1306303 du 10 septembre 2013 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions du 7 septembre 2013 par lesquelles il a obligé M. C...à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a désigné le pays à destination duquel il serait éloigné d'office et a décidé son placement en rétention administrative, lui a enjoint de réexaminer la situation de l'intéressé dans le délai de deux mois suivant la notification du jugement et a mis à sa charge la somme de 400 euros, à verser au conseil de M.C..., en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

2°) de rejeter les conclusions présentées par M. C...devant le Tribunal administratif de Lyon ;

Le préfet de la Haute-Savoie soutient que :

- à titre principal, dès lors que M. C...doit être regardé comme ayant implicitement renoncé à sa demande d'asile en ne se rendant pas à la convocation qui lui avait été adressée et en n'évoquant pas ladite demande lors de son interpellation par les services de police le 7 septembre 2013, c'est à tort que le premier juge a estimé qu'en prenant à l'encontre de ce dernier une mesure d'éloignement sans se prononcer au préalable sur sa demande d'admission provisoire au séjour en qualité de demandeur d'asile, il a méconnu les dispositions des articles L. 741-1 à L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que les droits conférés aux demandeurs d'asile ; que, ce faisant, le premier juge a commis une erreur de droit ainsi qu'une erreur manifeste d'appréciation ;

- à titre subsidiaire, les décisions litigieuses ont été signées par une autorité compétente et sont suffisamment motivées ;

- M. C...entrait dans le champ d'application des dispositions du 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que dans celui du f) du 3° du II du même article ;

- s'agissant du a) du 3° du II dudit article, le préfet demande qu'il soit procédé à une substitution de base légale et de motifs au profit des dispositions du d) du 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors que M. C... s'est soustrait à l'exécution de la précédente mesure d'éloignement dont il avait fait l'objet, le 3 février 2011 ;

- la décision fixant le pays de renvoi n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- M. C..., dépourvu de domicile fixe et souhaitant demeurer sur le territoire français, ne dispose pas de garanties de représentation suffisantes ; que l'autorité administrative a donc pu légalement décider son placement en rétention administrative ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les pièces desquelles il résulte que la requête a été notifiée à M. C...qui n'a pas produit d'observations ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu l'arrêté ministériel du 7 avril 2010 portant régionalisation de l'admission au séjour des demandeurs d'asile dans la région Rhône-Alpes ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 mai 2014 :

- le rapport de Mme Samson, présidente,

- et les conclusions de M. Levy Ben Cheton, rapporteur public ;

1. Considérant le préfet de la Haute-Savoie relève appel du jugement du 10 septembre 2013 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions du 7 septembre 2013 faisant obligation à M. C...de quitter le territoire français sans délai en désignant le Kosovo comme pays à destination duquel il serait éloigné d'office et le plaçant en rétention administrative ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Tout étranger présent sur le territoire français qui, n'étant pas déjà admis à séjourner en France sous couvert d'un des titres de séjour prévus par le présent code ou les conventions internationales, demande à séjourner en France au titre de l'asile forme cette demande dans les conditions fixées au présent chapitre. " ; qu'aux termes de l'article L. 741-4 du même code : " Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : (...) 4° La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 742-1 du même code : " Lorsqu'il est admis à séjourner en France en application des dispositions du chapitre Ier du présent titre, l'étranger qui demande à bénéficier de l'asile se voit remettre un document provisoire de séjour lui permettant de déposer une demande d'asile auprès de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides. L'office ne peut être saisi qu'après la remise de ce document au demandeur. Après le dépôt de sa demande d'asile, le demandeur se voit délivrer un nouveau document provisoire de séjour. Ce document est renouvelé jusqu'à ce que l'office statue et, si un recours est formé devant la Cour nationale du droit d'asile, jusqu'à ce que la cour statue. " ; qu'aux termes de l'article L. 742-3 de ce même code : " L'étranger admis à séjourner en France bénéficie du droit de s'y maintenir jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. (...) " et qu'aux termes de l'article L. 742-6 dudit code : " L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée au livre V du présent code ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office. / En cas de reconnaissance de la qualité de réfugié ou d'octroi de la protection subsidiaire, l'autorité administrative abroge l'obligation de quitter le territoire français ou l'arrêté de reconduite à la frontière qui a, le cas échéant, été pris. Elle délivre sans délai au réfugié la carte de résident prévue au 8° de l'article L. 314-11 et au bénéficiaire de la protection subsidiaire la carte de séjour temporaire prévue à l'article L. 313-13. " ; que ces dispositions ont pour effet d'obliger le préfet à enregistrer une demande d'admission au séjour lorsqu'un étranger formule une demande d'asile ; que, par voie de conséquence, elles font légalement obstacle à ce que le préfet fasse usage des pouvoirs que lui confère le I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en prenant une obligation de quitter le territoire français à l'encontre d'un étranger en situation irrégulière, avant d'avoir statué sur cette demande d'admission au séjour déposée au titre de l'asile ; que ce n'est que dans l'hypothèse où la demande d'admission au séjour a été expressément ou implicitement rejetée par lui sur le fondement des dispositions des 2° à 4° de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le préfet peut, le cas échéant sans attendre que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ait statué, faire obligation de quitter le territoire français à l'étranger ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.C..., ressortissant du Kosovo, né le 30 juin 1981, est entré une première fois en France le 29 mars 2009 ; que, consécutivement au rejet de sa demande d'asile, le préfet de la Haute-Savoie lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français par arrêté du 3 février 2011 ; que M.C..., affirmant être reparti dans son pays et être revenu irrégulièrement sur le territoire français le 11 juin 2012, a sollicité le 18 juin suivant une nouvelle demande d'admission provisoire au séjour en qualité de demandeur d'asile auprès des services préfectoraux de la Haute-Savoie ; qu'une convocation fixée au 27 août 2012 lui a été remise pour se rendre auprès des services de la préfecture de l'Isère que les services préfectoraux de la Haute-Savoie ont estimé compétents pour instruire une telle demande en application de l'article 1er de l'arrêté du 7 avril 2010 portant régionalisation de l'admission au séjour des demandeurs d'asile ; que M. C...ne s'étant pas présenté le 27 août 2012, il a été reçu le 26 octobre suivant par la section asile de l'Isère ; que l'intéressé, n'ayant pas été en mesure d'apporter des éléments probants permettant l'ouverture d'une deuxième demande d'asile, il a été invité à se présenter auprès de la préfecture du département de la Haute-Savoie compétente pour procéder au réexamen de sa première demande d'asile, en application de l'article 3 de l'arrêté ministériel du 7 avril 2010 précité ; qu'il n'est pas contesté que M. C...ne s'est pas présenté auprès des services de la préfecture de la Haute-Savoie en vue de confirmer sa demande d'admission provisoire au séjour au titre de l'asile ; que, le 7 septembre 2013, il s'est vu notifier par le préfet de la Haute-Savoie la décision portant obligation de quitter le territoire français litigieuse ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier ni des mentions de cet acte que le préfet de la Haute-Savoie se soit, même implicitement, prononcé sur l'admission provisoire au séjour de M. C...au titre de l'asile ; que si M.C..., qui a fait part, lors de son audition par les services de police, ce même jour, des risques qu'il encourrait selon lui au Kosovo, n'a alors pas expressément manifesté sa volonté de solliciter l'asile en France ni même évoqué les démarches engagées à cet effet en 2012, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il aurait renoncé à celles-ci, alors qu'aucun justificatif du renvoi de M. C...devant le préfet de la Haute-Savoie aux fins d'instruction de sa demande de séjour au titre de l'asile, consécutivement à l'entretien du 26 octobre 2012, n'est produit au dossier et que M. C...conteste, dans ses écritures devant le premier juge, avoir reçu une information claire sur ce point de la part des services du préfet de l'Isère qu'il affirme avoir contactés à plusieurs reprises, en vain, pour connaître la suite réservée à sa demande d'asile ; qu'il résulte de ce qui précède qu'en édictant cette mesure d'éloignement sans que l'administration se soit prononcée, au préalable, sur la demande d'admission provisoire au séjour en qualité de demandeur d'asile de M. C..., le préfet de la Haute-Savoie a méconnu les dispositions précitées du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

4. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de la Haute-Savoie n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions du 7 septembre 2013 ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête du préfet de la Haute-Savoie est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... C....

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 27 mai 2014 à laquelle siégeaient :

Mme Samson, présidente,

M. A...et MmeD..., premiers-conseillers,

Lu en audience publique, le 17 juin 2014.

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N° 13LY02675


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13LY02675
Date de la décision : 17/06/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière - Légalité interne - Étrangers ne pouvant faire l`objet d`une OQTF ou d`une mesure de reconduite - Demandeurs d'asile.


Composition du Tribunal
Président : Mme SAMSON
Rapporteur ?: Mme Dominique SAMSON
Rapporteur public ?: M. LEVY BEN CHETON

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-06-17;13ly02675 ?
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