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18/09/2014 | FRANCE | N°14LY00424

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 18 septembre 2014, 14LY00424


Vu la requête, enregistrée le 11 février 2014, présentée pour M. B...A..., domicilié ... ;

M. A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1305803 - 1400613 du 3 février 2014 par lequel le magistrat délégué du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 9 octobre 2013, par lesquelles le préfet de la Haute-Savoie lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office à l'issue de ce délai ainsi

que de la décision du 30 janvier 2014, par laquelle le préfet de la Haute-Savoie a ord...

Vu la requête, enregistrée le 11 février 2014, présentée pour M. B...A..., domicilié ... ;

M. A...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1305803 - 1400613 du 3 février 2014 par lequel le magistrat délégué du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 9 octobre 2013, par lesquelles le préfet de la Haute-Savoie lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office à l'issue de ce délai ainsi que de la décision du 30 janvier 2014, par laquelle le préfet de la Haute-Savoie a ordonné son placement en rétention administrative pour cinq jours ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, lesdites décisions préfectorales ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie, à titre principal, de lui délivrer une carte de séjour temporaire l'autorisant à travailler, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler, sous les mêmes conditions d'astreinte ;

4°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de retirer son signalement du fichier des personnes recherchées, dans le délai de trente jours à compter de la notification de la décision à venir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Il soutient que :

- son recours n'est pas tardif ;

- l'obligation de quitter le territoire est insuffisamment motivée, est entachée de défaut de base légale, méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision fixant un délai de départ volontaire est insuffisamment motivée, il n'a pu présenter ses observations avant l'édiction de cette décision en méconnaissance de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 et de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, le délai de 30 jours accordé en l'espèce est insuffisant, cette décision est entachée d'erreur de droit ;

- la décision ordonnant son placement en rétention administrative est dépourvue de base légale et méconnaît l'article L. 551-1 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dès lors qu'il a exécuté la mesure d'éloignement du 9 octobre 2013 en se rendant en Suisse et qu'il justifie de garanties de représentations ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu la décision du 6 mars 2014, du bureau d'aide juridictionnelle accordant à M. A...le bénéfice de l'aide juridictionnelle partielle, à hauteur de 15 % ;

Vu l'ordonnance en date du 9 avril 2014 fixant la clôture de l'instruction au 28 avril 2014 ;

Vu l'ordonnance en date du 11 avril 2014 reportant la clôture de l'instruction au 2 juin 2014 ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

Vu le décret n° 2010-569 du 28 mai 2010 relatif au fichier des personnes recherchées ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Vu la décision par laquelle le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 août 2014 le rapport de Mme Samson-Dye, premier conseiller ;

1. Considérant que M.A..., ressortissant kosovar, relève appel du jugement du 3 février 2014 par lequel le magistrat délégué du Tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 9 octobre 2013, par lesquelles le préfet de la Haute-Savoie lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays à destination duquel il pourrait être éloigné d'office à l'issue de ce délai ainsi que de la décision du 30 janvier 2014, par laquelle le préfet de la Haute-Savoie a ordonné son placement en rétention administrative pour cinq jours ;

Sur la légalité des décisions en litige :

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

2. Considérant, en premier lieu, que la circonstance que la décision évoque le fait que l'intéressé n'est pas dépourvu d'attaches familiales au Kosovo, sans mentionner la présence en France de son épouse, ne saurait l'entacher d'un défaut de motivation, dès lors qu'elle précise les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ;

3. Considérant, en deuxième lieu, que la circonstance que l'obligation de quitter le territoire aurait été exécutée, postérieurement à son édiction, est sans incidence sur la légalité de cette décision ;

4. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M.A..., entré en France irrégulièrement en 2010, est marié depuis janvier 2012 à une compatriote, séjournant régulièrement en France en qualité de réfugié ; que le couple n'a pas d'enfant ; que, la décision portant obligation de quitter le territoire n'imposant pas son retour vers un pays déterminé, M. A...ne peut utilement soutenir, à l'encontre de cette décision, que son épouse ne pourrait lui rendre visite au Kosovo ; que, compte tenu des effets d'une mesure d'éloignement, et de la faible durée de mariage, sans que l'existence d'une vie commune préexistante ne soit établie, cette décision n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. A...une atteinte disproportionnée, au sens de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, cette décision n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne la décision accordant un délai de départ volontaire de 30 jours :

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. (...) La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. / II. Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français (...) " ; qu'il résulte des dispositions précitées de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que la décision d'accorder un délai de départ volontaire ou de ne pas accorder un tel délai, dont l'objet même est distinct de celui de la mesure d'éloignement, résulte d'un examen par l'administration de la situation personnelle de l'étranger, au regard de critères différents de ceux qui fondent l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire français ; que le législateur a ainsi fait de cette décision une décision autonome de la mesure d'éloignement ; que cette décision distincte constitue une mesure de police visant à l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ; que dans ces conditions, si les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile imposent que cette décision soit motivée, cette motivation peut, outre la référence à l'article L. 511-1, se confondre avec celle de l'obligation de quitter le territoire français assortie d'un délai de départ volontaire ;

6. Considérant que la décision en litige, qui a fixé à trente jours le délai de départ volontaire de M .A..., se réfère à l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que l'obligation de quitter le territoire énonce les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement ; que de telles énonciations constituent une motivation suffisante pour fixer un délai égal à celui prévu par principe ; que, par suite, le moyen tiré d'une insuffisante motivation doit être écarté ;

7. Considérant qu'à supposer même que la décision accordant à M. A...un délai de trente jours pour quitter volontairement le territoire français puisse être regardée comme défavorable, en l'absence de demande d'octroi d'un délai supérieur, le requérant ne fait, en tout état de cause, pas état d'éléments pertinents tenant à sa situation personnelle susceptibles d'influer sur le délai qui lui a été accordé pour quitter volontairement le territoire français, en se bornant à faire valoir qu'il vit avec une compatriote disposant du statut de réfugié et que son adresse est connue de l'administration ;

8. Considérant que, pour les mêmes motifs que ceux énoncés ci-avant, M. A...n'établit pas qu'en lui accordant un délai de départ volontaire de trente jours, le préfet de la Haute-Savoie aurait commis une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences de sa décision sur sa situation personnelle et, partant, une erreur de droit ;

9. Considérant que M. A...reprend en appel les moyens, soulevés en première instance, tirés de la méconnaissance de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 et de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; qu'il ressort des pièces du dossier que ce moyen doit être écarté par adoption des motifs des premiers juges ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi et la décision ordonnant le placement en rétention :

10. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

11. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que l'épouse du requérant, qui est également originaire du Kosovo, a la qualité de réfugié ; que, dans ces conditions, et compte tenu de l'impossibilité pour les époux de poursuivre leur vie familiale dans leur pays d'origine, la décision fixant le Kosovo comme pays de destination de l'éloignement de M. A...porte au droit de l'intéressé au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et, par suite, méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que l'annulation de la décision fixant le pays de renvoi, qui se borne à désigner le Kosovo comme pays de destination, entraîne, par voie de conséquence, l'annulation de la décision ordonnant le placement en rétention administrative du requérant ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que le premier juge a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions fixant le pays de renvoi et ordonnant son placement en rétention administrative ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

13. Considérant, d'une part, que l'exécution du présent arrêt, qui n'annule que les décisions relatives au pays de destination et au placement en rétention administrative, n'implique pas qu'une carte de séjour ou une autorisation provisoire de séjour soient délivrées à M. A...;

14. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 7 du décret susvisé n° 2010-569 : " Les données à caractère personnel enregistrées dans le fichier sont effacées sans délai en cas d'aboutissement de la recherche ou d'extinction du motif de l'inscription. Les données enregistrées au titre du 5° du IV de l'article 2 sont effacées, au plus tard, trois ans après la date à laquelle l'obligation de quitter le territoire français a été signée. " ; que l'article 2 du même décret dispose : " [...] IV. Peuvent également être inscrits dans le fichier à l'initiative des autorités administratives compétentes : [...] 5° Les étrangers faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français non exécutée, en application du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. [...] " ; que l'exécution du présent arrêt, qui n'annule pas l'obligation de quitter le territoire français émise à l'encontre de M.A..., n'implique pas nécessairement que soient effacées les données à caractère personnel relatives au requérant enregistrées dans le fichier des personnes recherchées ;

15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte doivent être rejetées ;

Sur les conclusions relatives aux frais non compris dans les dépens :

16. Considérant que M. A...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle, au taux de 15 %, par une décision du bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon en date du 6 mars 2014 ; qu'il n'allègue pas avoir engagé d'autres frais que ceux partiellement pris en charge à ce titre ; que, d'autre part, l'avocat de M. A...n'a pas demandé la condamnation de l'Etat à lui verser la somme correspondant aux frais exposés qu'il aurait réclamée à son client si ce dernier n'avait bénéficié de l'aide juridictionnelle ; que, dans ces conditions, il y a donc lieu de condamner l'Etat à rembourser à M. A...la part des frais exposés par lui, non compris dans les dépens et laissés à sa charge par le bureau d'aide juridictionnelle ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1305803 - 1400613 du 3 février 2014 est annulé, en tant qu'il rejette les conclusions de M. B...A...tendant à l'annulation des décisions du préfet de la Haute -Savoie du 9 octobre 2013 fixant le pays à destination duquel il est susceptible d'être éloigné et du 30 janvier 2014 ordonnant son placement en rétention administrative.

Article 2 : Les décisions du préfet de la Haute - Savoie en date du 9 octobre 2013, fixant le pays à destination duquel M. B...A...est susceptible d'être éloigné, et du 30 janvier 2014, ordonnant son placement en rétention administrative, sont annulées.

Article 3 : L'Etat paiera à M. B...A...la part des frais exposés par lui, non compris dans les dépens et laissés à sa charge par la décision du 6 mars 2014 du bureau d'aide juridictionnelle du Tribunal de grande instance de Lyon.

Article 4 : Le surplus des conclusions de M. B...A...est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 28 août 2014, où siégeaient :

- M. Wyss, président de chambre,

- M. Gazagnes, président-assesseur,

- Mme Samson-Dye, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 18 septembre 2014.

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N° 14LY00424

N° 14LY00424


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY00424
Date de la décision : 18/09/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. WYSS
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON DYE
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : SELARL LFMA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-09-18;14ly00424 ?
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