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30/09/2014 | FRANCE | N°12LY24437

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 30 septembre 2014, 12LY24437


Vu l'ordonnance par laquelle, en application de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, le président de la Section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué le jugement de l'affaire à la cour ;

Vu la requête, enregistrée le 15 novembre 2012, présentée pour la société Un coup de vent, dont le siège est au 256, Route de la Transhumance, Le Germagnon à Les-Vans (07140) ;

La société Un coup de vent demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1002833 du tribunal administratif de Nîmes du 21 septembre 2012 qui a rejeté sa demande tendant à

l'annulation de l'arrêté du 13 octobre 2010 par lequel le préfet du Gard a refusé de...

Vu l'ordonnance par laquelle, en application de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, le président de la Section du contentieux du Conseil d'Etat a attribué le jugement de l'affaire à la cour ;

Vu la requête, enregistrée le 15 novembre 2012, présentée pour la société Un coup de vent, dont le siège est au 256, Route de la Transhumance, Le Germagnon à Les-Vans (07140) ;

La société Un coup de vent demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1002833 du tribunal administratif de Nîmes du 21 septembre 2012 qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 octobre 2010 par lequel le préfet du Gard a refusé de lui délivrer un permis de construire pour la réalisation d'un parc éolien de cinq aérogénérateurs sur le territoire de la commune de Malons-et-Elze ;

2°) d'annuler ce refus de permis de construire ;

3°) d'enjoindre au préfet du Gard de lui délivrer le permis de construire demandé ou, à défaut, de réexaminer sa demande, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de condamner l'Etat :

. aux dépens de l'instance,

. à lui verser une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société Un coup de vent soutient que :

- l'arrêté litigieux a été pris en méconnaissance de l'autorité de chose jugée qui s'attache au jugement du tribunal administratif de Nîmes du 18 juin 2010, dès lors que cet arrêté se fonde sur l'article L. 145-3 III du code de l'urbanisme et sur l'avis défavorable du conseil municipal de la commune de Malons-et-Elze ;

- avant de statuer à nouveau sur sa demande, laquelle a été confirmée en application de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme, le préfet ne pouvait, en l'absence de toute évolution dans les circonstances de droit et de fait, procéder à de nouvelles consultations, au surplus de certains services seulement ;

- le parc éolien en cause doit être regardé comme pouvant bénéficier de la dérogation prévue par les dispositions de l'article L. 145-3 III du code de l'urbanisme en faveur des installations ou équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées, aucune délibération favorable du conseil municipal de la commune de Malons-et-Elze n'étant dès lors nécessaire ;

- le motif fondé sur l'article L. 145-3 II du code de l'urbanisme ne s'appuie sur aucun élément, dès lors qu'elle a pris en compte l'impact du projet sur les chiroptères au-delà de ses obligations légales, qui imposent en l'espèce la seule réalisation d'une notice d'impact, et, qu'en outre, le doute allégué quant à la mise en oeuvre de mesures réductrices aurait pu être levé par des prescriptions du permis de construire ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu le mémoire, enregistré le 19 novembre 2013, présenté pour la commune de Malons-et-Elze, représentée par son maire, qui demande à la cour :

- de rejeter la requête ;

- de condamner la société Un coup de vent à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La commune soutient que les moyens invoqués par la société requérante ne sont pas fondés ;

En application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, par une ordonnance du 4 mars 2014, la clôture de l'instruction a été fixée au 24 avril 2014 ;

Vu le mémoire, enregistré le 21 avril 2014, présenté pour la commune de Malons-et-Elze, représentée par son maire, tendant aux mêmes fins que précédemment ;

Vu le mémoire, enregistré le 22 avril 2014, présenté par le ministre du logement et de l'égalité des territoires, qui demande à la cour de rejeter la requête ;

Le ministre soutient que les moyens invoqués par la société requérante ne sont pas fondés ;

En application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative, par une ordonnance du 3 juin 2014, la clôture de l'instruction a reportée au 27 juin 2014 ;

Vu le mémoire, enregistré le 24 juin 2014, présenté pour la société Un coup de vent qui, n'apportant aucun élément nouveau, n'a pas été communiqué ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 9 septembre 2014 :

- le rapport de M. Chenevey, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Vallecchia, rapporteur public ;

- et les observations de Me Ecolivet, avocat de la société Un coup de vent, et celles de Me A...représentant la SCP Lemoine Clabeaut, avocat de la commune de Malons-et-Elbe ;

1. Considérant que, par un arrêté du 5 septembre 2008, le préfet du Gard a rejeté la demande de permis de construire présentée par la société Un coup de vent, en vue de la réalisation d'un parc éolien de cinq aérogénérateurs sur le territoire de la commune de Malons-et-Elze ; que, par un jugement du 18 juin 2010 devenu définitif, le tribunal administratif de Nîmes a annulé ce refus de permis de construire et a enjoint au préfet de réexaminer la demande de permis de cette société ; que, par un courrier du 6 août 2010, cette dernière a confirmé sa demande, en application de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme ; que, par un arrêté du 13 octobre 2010, le préfet du Gard a de nouveau refusé de délivrer un permis de construire à la société Un coup de vent ; que, par un jugement du 21 septembre 2012, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande d'annulation de ce second refus de permis de construire présentée par cette société ; que cette dernière relève appel de ce jugement ;

2. Considérant, en premier lieu, qu'avant de statuer à nouveau sur la demande de permis de construire de la société Un coup de vent, le préfet du Gard a procédé à de nouvelles consultations ; que cette société soutient qu'aucune nouvelle consultation n'était nécessaire, compte tenu de l'instruction complète dont a initialement bénéficié la demande de permis de construire ; que, toutefois, aucun principe ni aucune disposition, et notamment l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme, ne faisaient obstacle à ce que le service instructeur procédât, en l'absence même de tout changement dans les circonstances de droit ou de fait, aux consultations qu'il estimait nécessaires à la prise d'une nouvelle décision, après l'annulation du refus de permis de construire du 5 septembre 2008 ; que, contrairement à ce que soutient la société requérante, la procédure n'est donc entachée d'aucune irrégularité ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes du III de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme : " Sous réserve de l'adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l'extension limitée des constructions existantes et de la réalisation d'installations ou d'équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées, l'urbanisation doit se réaliser en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants. / (...) Les dispositions du premier alinéa ne s'appliquent pas dans les cas suivants : / (...) c) Dans les communes ou parties de commune qui ne sont pas couvertes par un plan local d'urbanisme ou une carte communale, des constructions qui ne sont pas situées en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants peuvent être autorisées, dans les conditions définies au 4° de l'article L. 111-1-2, si la commune ne subit pas de pression foncière due au développement démographique ou à la construction de résidences secondaires et si la dérogation envisagée est compatible avec les objectifs de protection des terres agricoles, pastorales et forestières et avec la préservation des paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel prévus aux I et II. / (...) " ;

4. Considérant que, dans son jugement du 18 juin 2010, pour annuler le refus de permis de construire du 5 septembre 2008, le tribunal administratif de Nîmes a notamment estimé que " la réalisation d'un parc éolien, eu égard à ses caractéristiques techniques et à sa destination, ne constitue pas une opération d'urbanisation au sens de ces dispositions " et, qu'en conséquence, le préfet ne pouvait légalement fonder sa décision de refus de permis sur l'absence d'avis favorable émis par la commune de Malons-et-Elze dans les conditions prévues par le c) précité de l'article L. 145-3 III ; que, dans son arrêté litigieux du 13 octobre 2010, après avoir relevé que " le projet doit être regardé comme constitutif d'une urbanisation " au sens de l'article L. 145-3 III, le préfet a estimé qu'il ne peut entrer dans le cadre de la dérogation bénéficiant aux installations ou équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées prévue par les dispositions de cet article ; qu'en opposant ainsi à nouveau au projet, en l'absence de tout changement dans les circonstances de droit et de fait, des dispositions jugées inapplicables en l'espèce par le tribunal administratif, le préfet a méconnu l'autorité absolue de chose jugée qui s'attache tant au dispositif du jugement d'annulation pour excès de pouvoir du 18 juin 2010 qu'aux motifs qui en constituent le support nécessaire, et ce quel que soit le bien fondé de la position ainsi adoptée par le tribunal ; que, par suite, la société Un coup de vent est fondée à soutenir que le motif de l'arrêté contesté fondé sur l'article L. 145-3 III du code de l'urbanisme est entaché d'illégalité ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du II de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme : " Les documents et décisions relatifs à l'occupation des sols comportent les dispositions propres à préserver les espaces, paysages et milieux caractéristiques du patrimoine naturel et culturel montagnard. " ;

6. Considérant que le dossier de la demande de permis de construire comporte une étude, réalisée en décembre 2007, destinée à déterminer l'incidence du projet sur les chiroptères ; que cette étude mentionne que, durant l'été, une très forte diversité de chiroptères, représentant 13 espèces différentes, a été identifiée dans le secteur dans lequel se situe le terrain d'assiette du projet, sept de ces espèces étant connues pour leur sensibilité marquée aux éoliennes ; que l'étude relève que le niveau d'activité de ces espèces est globalement fort, notamment au niveau des boisements dominés par les feuillus ; qu'en automne, une forte diversité, au total de 10 espèces, dont le niveau d'activité est globalement moyen, a été constatée, dont cinq présentent une sensibilité marquée aux éoliennes ; que toutes les espèces de chiroptères ainsi observées sont protégées ; qu'en raison de la fréquentation du site par des espèces variées ayant une activité globale élevée, l'étude conclut au fait que le site présente une forte sensibilité du point de vue chiroptèrologique, avec notamment des enjeux élevés pour cinq espèces (la Sérotine commune, la Pipistrelle commune, la Pipistrelle de Kuhl, le Vespère de Savii et le Molosse de Cestoni), et ce en raison de leur valeur patrimoniale importante et des circonstances qu'elles sont à la fois très présentes sur le site et particulièrement sensibles aux éoliennes ; que, selon l'étude, le projet est ainsi susceptible d'entraîner, en phase de chantier, la destruction de gîtes, de corridors de déplacement et d'habitats de chasse et, en phase d'exploitation, la perte de terrains de chasse et une mortalité par collision ; que, alors que l'étude recommande en conséquence comme mesure préventive d'éviter les coupes d'arbres et l'implantation des éoliennes dans les secteurs de hêtraies, il est constant que le terrain d'assiette du projet en litige se situe précisément dans une hêtraie ; qu'en outre, il ressort des pièces du dossier que, comme le préfet du Gard l'a soutenu devant le tribunal, les experts s'accordent sur le fait que, dans l'hypothèse dans laquelle la présence de chiroptères a été constatée, les éoliennes ne doivent pas être installées dans une forêt ou à une distance inférieure à 200 mètres d'une lisière, et ce d'autant que l'on se trouve en présence d'une forêt de feuillus ; que, par ailleurs, si l'étude relative aux chiroptères recommande certaines mesures pour limiter l'incidence du projet, celles-ci sont toutefois présentées comme hypothétiques et la notice d'impact, qui se borne à reprendre la présentation de cette étude, ne permet pas de connaître les mesures qui sont précisément envisagées dans le cadre du projet ; que, si la société Un coup de vent fait valoir que le préfet aurait pu émettre des prescriptions plutôt que de rejeter la demande de permis de construire, il ne ressort pas des pièces du dossier que des prescriptions seraient susceptibles de compenser les inconvénients résultant du choix d'implanter le projet au sein d'une hêtraie dans laquelle on rencontre de nombreuses espèces de chiroptères, dont certaines particulièrement exposées aux éoliennes ; que, dans ces conditions, le préfet du Gard a pu légalement estimer que le projet méconnaît les dispositions précitées du II de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme ;

7. Considérant, en dernier lieu, qu'il résulte de l'instruction que le préfet du Gard aurait pris la même décision s'il s'était initialement fondé sur le seul motif légal tiré de l'application de l'article L. 145-3 II du code de l'urbanisme ; que la société Un coup de vent ne peut donc soutenir que l'arrêté litigieux est entaché d'illégalité ;

8. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la société Un coup de vent n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 octobre 2010 par lequel le préfet du Gard a refusé de lui délivrer un permis de construire ;

9. Considérant que le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution ; qu'il y a lieu, en conséquence, de rejeter les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par la société requérante ;

10. Considérant qu'en vertu de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent la contribution pour l'aide juridique prévue à l'article 1635 bis Q du code général des impôts (...). / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties (...) " ; qu'il y a lieu de laisser à la société Un coup de vent, partie perdante, la charge de la contribution pour l'aide juridique qu'elle a acquittée lors de l'introduction de sa requête ;

11. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, partie perdante, soit condamné à payer à la société Un coup de vent la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de cette société le versement d'une somme de 1 500 euros au bénéfice de la commune de Malons-et-Elze sur le fondement de ces mêmes dispositions ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Un coup de vent est rejetée.

Article 2 : La société Un coup de vent versera à la commune de Malons-et-Elze une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Un coup de vent, au ministre du logement, de l'égalité des territoires et de la ruralité et à la commune de Malons-et-Elze.

Délibéré après l'audience du 9 septembre 2014, à laquelle siégeaient :

M. Riquin, président de chambre,

M. Picard, président-assesseur,

M. Chenevey, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 30 septembre 2014.

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12LY24437

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12LY24437
Date de la décision : 30/09/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-025-03 Urbanisme et aménagement du territoire. Permis de construire. Nature de la décision. Refus du permis.


Composition du Tribunal
Président : M. RIQUIN
Rapporteur ?: M. Jean-Pascal CHENEVEY
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : SCP LEMOINE CLABEAUT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-09-30;12ly24437 ?
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