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21/10/2014 | FRANCE | N°14LY01464

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 21 octobre 2014, 14LY01464


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 12 mai 2014, présentée pour M. B... A..., domicilié ... ;

M. A... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1306037 du 26 mars 2014 en tant que le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions en date du 18 octobre 2013 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler lesdites décisions ;

3°) de f

aire injonction au préfet de l'Isère de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention "...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 12 mai 2014, présentée pour M. B... A..., domicilié ... ;

M. A... demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1306037 du 26 mars 2014 en tant que le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions en date du 18 octobre 2013 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler lesdites décisions ;

3°) de faire injonction au préfet de l'Isère de lui délivrer une carte de séjour temporaire mention " vie privée et familiale " ou, à défaut, de réexaminer sa demande et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour et de travail, dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de condamner l'Etat à verser à son conseil une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 75-1 de la loi du 10 juillet 1991, à charge pour lui de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

il soutient que :

- le Tribunal a porté une mauvaise appréciation sur sa situation personnelle et familiale en rejetant ses moyens tirés de la violation des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale sur les droits de l'enfant ; il réside en France depuis plus de 4 ans avec son épouse dont il a eu deux enfants nés respectivement en juin 2010 et août 2013 ; cette dernière réside en France depuis l'âge de 9 ans, quatre de ses frères et soeurs étant nés en France ; il ne pourrait, en l'absence d'activité professionnelle de son épouse, bénéficier de la procédure de regroupement familial ; en tout état de cause, cette procédure lui imposerait une séparation de son épouse et de ses enfants pour une durée indéterminée ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 25 septembre 2014, présenté par le préfet de l'Isère qui conclut au rejet de la requête et s'en rapporte aux écritures qu'il a produites en première instance ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle en date du 26 mai 2014 du tribunal de grande instance de Lyon (section cour administrative d'appel) accordant le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à M. A... ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New-York le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-467 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Vu la décision par laquelle le président de la formation de jugement, sur proposition du rapporteur public, a dispensé celui-ci d'exposer ses conclusions à l'audience, en application de l'article L. 732-1 du code de justice administrative ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 30 septembre 2014 :

- le rapport de M. Martin, président, rapporteur ;

1. Considérant que M. B... A..., né en 1989, ressortissant de la République de Macédoine, a déclaré être entré en France irrégulièrement le 1er juillet 2009 ; qu'il a présenté une demande d'asile, qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par décision du 20 janvier 2010, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 14 mars 2011 ; que, par décisions du 23 février 2010, le préfet de l'Isère a refusé de délivrer à M. A...un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ; que par jugement du 28 juin 2010, confirmé par la cour administrative d'appel de Lyon par arrêt du 31 janvier 2011, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de M. A... tendant à l'annulation de ces décisions du 23 février 2010 ; qu'à la suite d'une demande présentée le 3 mai 2011 sur le fondement de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination par décisions du 18 octobre 2013 ; que M. A...relève appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 26 mars 2014 en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions ;

Sur la légalité des décisions attaquées :

Sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen de la requête ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

3. Considérant qu'il appartient à l'autorité administrative qui envisage de refuser de délivrer un titre de séjour à un étranger ou de procéder à son éloignement d'apprécier si, eu égard notamment à la durée et aux conditions de son séjour en France, ainsi qu'à la nature et à l'ancienneté de ses liens familiaux sur le territoire français, l'atteinte que cette mesure porterait à sa vie privée et familiale serait disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision serait prise ; que la circonstance que l'étranger relèverait, à la date de cet examen, des catégories ouvrant droit au regroupement familial ne saurait, par elle-même, intervenir dans l'appréciation portée par l'administration sur la gravité de l'atteinte à la situation de l'intéressé ; que cette dernière peut en revanche tenir compte le cas échéant, au titre des buts poursuivis par les mesures de refus de séjour et d'éloignement, de ce que le ressortissant étranger en cause ne pouvait légalement entrer en France pour y séjourner qu'au seul bénéfice du regroupement familial et qu'il n'a pas respecté cette procédure ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...réside depuis plus de quatre ans avec une compatriote épousée en décembre 2009 et entrée en France en septembre 1999 à l'âge de 9 ans, bénéficiaire d'une carte de séjour temporaire et de laquelle il a eu deux enfants, nés en France respectivement le 19 juin 2010 et le 21 août 2013 ; que, dans ces conditions, nonobstant ses conditions de séjour en France, les décisions de refus de titre de séjour et d'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ont porté, eu égard aux buts qu'elles poursuivent, une atteinte disproportionnée au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale ; que, par suite, ces décisions ont méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, dès lors, lesdites décisions, ainsi que, par voie de conséquence, la décision fixant le pays de destination sont illégales ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions litigieuses du 18 octobre 2013 ;

Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ;

7. Considérant que l'exécution du présent arrêt, qui annule la décision de refus de titre de séjour du 18 octobre 2013, implique nécessairement la délivrance à M. A...d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ; que, dès lors, il y a lieu d'enjoindre au préfet de l'Isère de délivrer à l'intéressé un tel titre de séjour dans un délai fixé, dans les circonstances de l'espèce, à deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les frais exposés et non compris dans les dépens :

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation " ;

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante, le versement à Me Borges De Deus Correia, avocat de M.A..., d'une somme de 1 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Borges De Deus Correia renonce à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1306037 du 26 mars 2014 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : Les décisions du 18 octobre 2013 du préfet de l'Isère refusant de délivrer à M. A... un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office à l'issue de ce délai sont annulées.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de l'Isère de délivrer à M. B...A...une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me Borges De Deus Correia une somme de 1 000 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ce dernier renonce à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A..., au ministre de l'intérieur et au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 30 septembre 2014, à laquelle siégeaient :

M. Martin, président de chambre,

Mme Courret, présidente-assesseur,

Mme Peuvrel, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 octobre 2014.

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N° 14LY01464


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY01464
Date de la décision : 21/10/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTIN
Rapporteur ?: M. Jean-Paul MARTIN
Rapporteur public ?: M. CLEMENT
Avocat(s) : BORGES DE DEUS CORREIA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-10-21;14ly01464 ?
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