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13/11/2014 | FRANCE | N°14LY01317

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 13 novembre 2014, 14LY01317


Vu la requête, enregistrée le 24 avril 2014 présentée pour Mme B... A...épouseC..., domiciliée ... ;

Mme C...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1304614 - 1304921 du 23 janvier 2014 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions implicites par lesquelles le préfet de l'Isère a rejeté sa demande de titre de séjour déposée le 18 juillet 2012 et lui a refusé la délivrance d'un récépissé de demande de titre de séjour et des décisions en date du 23 août 2013, par lesquelles le préfet de

l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le terr...

Vu la requête, enregistrée le 24 avril 2014 présentée pour Mme B... A...épouseC..., domiciliée ... ;

Mme C...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1304614 - 1304921 du 23 janvier 2014 par lequel le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions implicites par lesquelles le préfet de l'Isère a rejeté sa demande de titre de séjour déposée le 18 juillet 2012 et lui a refusé la délivrance d'un récépissé de demande de titre de séjour et des décisions en date du 23 août 2013, par lesquelles le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et, à défaut, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec droit au travail et de réexaminer sa situation ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que ce dernier renonce au bénéfice de la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle ;

Mme A...soutient que ;

S'agissant de la régularité du jugement :

- le jugement est entaché d'irrégularité dès lors qu'il n'a pas répondu à l'ensemble des conclusions et des moyens d'annulation contenus dans les deux requêtes ;

S'agissant de la légalité des décisions attaquées :

- c'est à tort que les premiers juges ont rejeté le moyen tiré de ce que la décision de refus de séjour était entachée d'un vice de procédure faute pour le préfet d'avoir saisi la commission de titre de séjour alors que ni la sincérité de son mariage, le 21 avril 2012, avec un ressortissant français, ni l'existence et la durée de la vie commune avec son époux depuis 2010 n'étaient remises en cause ;

- c'est à tort que les premiers juges ont rejeté le moyen tiré d'une méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que d'une erreur manifeste d'appréciation alors que le préfet ne contestait aucunement l'existence et la durée de la vie commune avec son époux ;

- c'est à tort que les premiers juges n'ont pas retenu une violation par les décisions attaquées des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant en ne tenant pas compte de l'intérêt supérieur de l'enfant mineur de son conjoint de nationalité française auquel elle apporte une aide indispensable pour son éducation ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance en date du 18 juillet 2014 fixant la clôture d'instruction au 11 août 2014, en application des articles R. 613-1 et R. 613-3 du code de justice administrative;

Vu le mémoire, enregistré le 6 août 2014, présenté par le préfet de l'Isère qui conclut au rejet de la requête ;

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé ;

Vu la décision du 20 mars 2014, par laquelle le bureau d'aide juridictionnelle près le Tribunal de grande instance de Lyon (section administrative d'appel) a accordé le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale à Mme A...épouse C...;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la Convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant du 20 novembre 1989, signée par la France le 26 janvier 1990 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Vu la décision par laquelle le président de la formation de jugement, sur proposition du rapporteur public, a dispensé celui-ci d'exposer ses conclusions à l'audience, en application de l'article L. 732-1 du code de justice administrative ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2014 le rapport de M. Mesmin d'Estienne, président-assesseur et les observations orales de Mme A...épouse C...;

1. Considérant que Mme B... A...épouseC..., née le 19 octobre 1979 à Conakry (Guinée), de nationalité guinéenne, est entrée irrégulièrement en France le 22 août 2010 ; qu'elle s'est mariée le 21 avril 2012 avec M.C..., ressortissant français ; que Mme C...a sollicité, le 18 juillet 2012, la délivrance d'un titre de séjour en qualité de conjointe de français ; que le 27 août 2013, la requérante a demandé au Tribunal administratif de Grenoble l'annulation des décisions implicites par lesquelles le préfet de l'Isère a, d'une part, refusé la délivrance d'un récépissé de demande de titre de séjour et a, d'autre part, rejeté sa demande de titre de séjour ; que le 23 août 2013, le préfet de l'Isère a pris à son encontre un arrêté de refus de titre de séjour, assorti d'une obligation de quitter le territoire et fixant le pays de destination ; que, par une seconde requête en date du 16 septembre 2013, Mme C...a demandé au tribunal administratif l'annulation de cet arrêté ; que Mme C...demande l'annulation du jugement n° 1304614 -1304921 du 23 janvier 2014 du Tribunal administratif de Grenoble en tant qu'il a rejeté sa demande dirigée contre l'arrêté du 23 août 2013 ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'il résulte de l'examen du jugement attaqué que le tribunal administratif n'a pas statué sur les moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français, tirés d'une méconnaissance par cette dernière de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'existence d'une erreur manifeste d'appréciation, que Mme A...épouse C...avait expressément soulevés et qui n'étaient pas inopérants ; qu'il a ainsi entaché son jugement d'une omission à statuer sur ce point ; qu'il y a lieu, dès lors, pour la Cour, d'annuler ce jugement en ce qu'il a rejeté les conclusions de Mme A...épouse C...dirigées contre cette décision et de statuer par voie d'évocation sur ce point et, pour le surplus, au titre de l'effet dévolutif de l'appel ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne le refus de délivrance d'un titre de séjour :

3. Considérant en premier lieu, qu'aux termes de l'article L 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français " ; qu'aux termes de l'article L. 311-7 du même code : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, l'octroi de la carte de séjour temporaire et celui de la carte de séjour compétences et talents sont subordonnés à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois " ; qu'aux termes des quatrième et sixième alinéas de l'article L. 211-2-1 du même code : " Outre le cas mentionné au deuxième alinéa, le visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois ne peut être refusé à un conjoint de Français qu'en cas de fraude, d'annulation du mariage ou de menace à l'ordre public (...) Lorsque la demande de visa de long séjour émane d'un étranger entré régulièrement en France, marié en France avec un ressortissant de nationalité française et que le demandeur séjourne en France depuis plus de six mois avec son conjoint, la demande de visa de long séjour est présentée à l'autorité administrative compétente pour la délivrance d'un titre de séjour " ;

4. Considérant qu'il résulte de la combinaison de ces dispositions que la production d'un visa de long séjour délivré, le cas échéant, selon les modalités fixées au 6ème alinéa de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, est au nombre des conditions auxquelles est subordonnée la délivrance d'une carte de séjour temporaire sur le fondement du 4° de l'article L. 313-11 dudit code ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme C...ne justifiait pas d'une entrée régulière en France lorsqu'elle a sollicité le 18 juillet 2012, la délivrance d'un titre de séjour en sa qualité de conjointe de français ; qu'ainsi, l'intéressée ne relevait pas des dispositions précitées de l'article L. 211-2-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et ne remplissait pas, dès lors, les conditions prescrites par le 4° de l'article L. 313-11 pour prétendre à la délivrance de plein droit d'une carte de séjour temporaire ; que le préfet n'était par suite pas légalement tenu, avant d'opposer un refus de séjour, de consulter la commission du titre de séjour, laquelle n'a à être saisie que du cas des étrangers qui remplissent effectivement l'ensemble des conditions de procédure et de fond auxquelles est subordonnée la délivrance d'un titre mentionné à l'article L. 312-2 du code précité, et non du cas de tous les étrangers qui se prévalent des articles auxquels les dispositions de cet article renvoient ;

6. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° - Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° - Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

7. Considérant que Mme C...soutient que la décision de refus de titre de séjour porte une atteinte excessive au respect de son droit à une vie privée et familiale dès lors qu'elle serait entrée en France en 2010 et qu'elle entretiendrait une relation amoureuse depuis plus de trois ans avec un ressortissant français, dont elle est devenue l'épouse le 21 avril 2012 ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que la requérante ne justifie pas de la réalité de sa vie commune avec son époux alors que le préfet la conteste expressément ; que la seule communication d'attestations rédigées par des tiers et d'un courrier valant échéancier de fourniture d'électricité en date du 12 février 2013 aux noms des époux ne caractérise pas, à elle seule, l'existence réelle d'une vie commune depuis l'époque où une telle cohabitation est alléguée ; qu'en revanche, Mme C...n'est pas dépourvue d'attaches dans son pays d'origine, dans lequel elle a vécu jusqu'à l'âge de 30 ans et où résident ses deux enfants mineurs, ainsi que sa mère ; que dès lors, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision attaquée n'a pas porté au droit de la requérante au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; que, le préfet de l'Isère a pu, sans méconnaître les dispositions précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, lui refuser la délivrance d'un titre de séjour ;

8. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, signée à New-York le 26 janvier 1990, et publiée par décret du 8 octobre 1990 : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces stipulations, qui peuvent utilement être invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ;

9. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 8, Mme A...épouse C...n'établit pas la réalité de sa vie commune avec son époux par les pièces qu'elle produit ; que, par suite, et même si elle est amenée à s'occuper de l'enfant mineur de son époux né d'un premier lit, Mme A...épouse C...n'est pas fondée à soutenir que cette décision méconnaît les stipulations précitées de l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

10. Considérant que, pour les motifs précédemment énoncés dans le cadre de l'examen de la légalité de la décision de refus de délivrance de titre de séjour, la décision du 23 août 2013 par laquelle le préfet de l'Isère a fait obligation à Mme C...de quitter le territoire français n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles du 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant et n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à ses conséquences sur la situation personnelle de la requérante, qui pourra bénéficier de la procédure du regroupement familial ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme C...n'est fondée ni à demander l'annulation de la décision du 23 août 2013 par laquelle le préfet de l'Isère lui a fait obligation de quitter le territoire français, ni à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions implicites par lesquelles le préfet de l'Isère a rejeté sa demande de titre de séjour déposée le 18 juillet 2012, et lui a refusé la délivrance d'un récépissé de demande de titre de séjour ainsi que des décisions en date du 23 août 2013, par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a fixé le pays de destination ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

12. Considérant que le présent arrêt, qui rejette les conclusions tendant à l'annulation des décisions attaquées, n'implique aucune mesure particulière d'exécution ; que, par suite, les conclusions susvisées ne peuvent être accueillies ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, une quelconque somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; que les conclusions présentées sur ce fondement par Mme A...doivent, par suite, être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1304614-1304921 du Tribunal administratif de Grenoble du 23 janvier 2014 est annulé en tant qu'il a rejeté les conclusions de Mme B...A...épouse C...dirigée contre la décision du préfet de l'Isère du 23 août 2013 lui faisant obligation de quitter le territoire français.

Article 2 : La demande présentée par Mme B...A...épouse C...devant le Tribunal administratif de Grenoble tendant à l'annulation de la décision du préfet de l'Isère du 23 août 2013 lui faisant obligation de quitter le territoire français et le surplus des conclusions de la requête présentée par Mme A...devant la Cour administrative d'appel de Lyon sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...A...épouse C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 23 octobre 2014 à laquelle siégeaient :

M. Wyss, président de chambre,

M. Mesmin d'Estienne, président-assesseur,

Mme Samson-Dye, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 13 novembre 2014.

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N° 14LY01317


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY01317
Date de la décision : 13/11/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour - Procédure.


Composition du Tribunal
Président : M. WYSS
Rapporteur ?: M. Olivier MESMIN d'ESTIENNE
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : BORGES DE DEUS CORREIA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2014-11-13;14ly01317 ?
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