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08/01/2015 | FRANCE | N°14LY01875

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 08 janvier 2015, 14LY01875


Vu la requête, enregistrée le 16 juin 2014, présentée pour le préfet du Rhône ; le préfet du Rhône demande à la Cour d'annuler le jugement n° 1400381 du 13 mai 2014, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions du 14 novembre 2013 portant refus de titre de séjour à M.D..., obligation de quitter le territoire français et désignation du pays de renvoi, lui a enjoint de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de sa notification et a mis à sa charge une somme de 700 euros à verser à Me B...au titre des frais non compris dans les dé

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Il soutient que :

- sa requête est recevable, ayant été prése...

Vu la requête, enregistrée le 16 juin 2014, présentée pour le préfet du Rhône ; le préfet du Rhône demande à la Cour d'annuler le jugement n° 1400381 du 13 mai 2014, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions du 14 novembre 2013 portant refus de titre de séjour à M.D..., obligation de quitter le territoire français et désignation du pays de renvoi, lui a enjoint de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de sa notification et a mis à sa charge une somme de 700 euros à verser à Me B...au titre des frais non compris dans les dépens ;

Il soutient que :

- sa requête est recevable, ayant été présentée dans le délai d'appel d'un mois ;

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé, pour annuler le refus de titre de séjour, qu'il n'existait pas de traitement approprié dans le pays d'origine de M. D...;

- saisie par l'effet d'évolutif, la Cour sera conduite à ses conclusions aux fins de rejet développées en première instance ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 31 juillet 2014, présenté pour M. D...; M. D...conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à verser à son conseil, à charge de renonciation au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

Il soutient que :

- la requête est tardive, dès lors que le délai d'appel ne commence pas à courir le lendemain de la notification ;

- le revirement du préfet, qui lui avait délivré un titre de séjour en qualité d'étranger malade en 2012, ne peut se justifier par la liste des médicaments essentiels, datée de 2010 ; le préfet renverse la charge de la preuve ; il n'établit pas que la liste est encore à jour ou que les médicaments qu'elle comporte sont équivalents au traitement dont il dispose ;

Vu la décision du 25 septembre 2014 du bureau d'aide juridictionnelle accordant à M. D... le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Vu la décision par laquelle le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience, en application de l'article L. 732-1 du code de justice administrative ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 11 décembre 2014 :

- le rapport de Mme Samson-Dye, premier conseiller,

- les observations de MeC..., représentant le préfet du Rhône ;

1. Considérant que le préfet du Rhône relève appel du jugement en date du 13 mai 2014, par lequel le Tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions du 14 novembre 2013 portant refus de titre de séjour à M.D..., obligation de quitter le territoire français et désignation du pays de renvoi, lui a enjoint de réexaminer la situation de celui-ci dans un délai de deux mois à compter de sa notification et a mis à sa charge une somme de 700 euros à verser à Me B...au titre des frais non compris dans les dépens ;

Sur la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la requête :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 776-9 du code de justice administrative, applicable notamment aux recours en annulation formés contre les décisions relatives au séjour assorties d'une obligation de quitter le territoire français : " Le délai d'appel est d'un mois. Il court à compter du jour où le jugement a été notifié à la partie intéressée. Cette notification mentionne la possibilité de faire appel et le délai dans lequel cette voie de recours peut être exercée (...) " ; que, contrairement à ce que soutient MD..., ce délai est franc et ne commence donc à courir que le lendemain de la date de son déclenchement ; qu'il est constant que le jugement a été notifié au préfet du Rhône le 15 mai 2014 ; que, par suite, le délai d'appel n'était pas expiré le 16 juin 2014, date d'enregistrement de la requête ; que la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de l'appel du préfet ne peut, dès lors, qu'être écartée ;

Sur la légalité des décisions préfectorales :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. (...) " ;

4. Considérant que sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ; que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ;

5. Considérant que, par un avis du 23 avril 2013, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de M. D...nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pouvait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, que les soins nécessités par son état de santé devaient être poursuivis pour une durée de 6 mois et que l'intéressé ne pouvait avoir accès à un traitement approprié dans son pays d'origine ; qu'il ressort des pièces du dossier que M.D..., originaire de la République Démocratique du Congo, souffre d'hypertension artérielle ainsi que d'un état de stress post-traumatique avec dépression, qu'il suit une psychothérapie et que lui est prescrit un traitement antidépresseur et anxiolytique ;

6. Considérant que, pour mettre en cause la présomption d'indisponibilité des soins résultant de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, le préfet produit, notamment, un document mentionnant l'existence d'une prise en charge pour l'hypertension artérielle ainsi qu'un extrait de la liste des médicaments essentiels de la République Démocratique du Congo de 2010 dont il ressort qu'y existent des anxiolytiques ; qu'il produit par ailleurs, pour la première fois en appel, un autre extrait de cette liste faisant apparaître que des antidépresseurs y figurent également ; que, contrairement à ce que soutient M.D..., le préfet peut utilement se prévaloir de ce document, alors même qu'il est antérieur à la décision par laquelle il lui avait délivré un précédent titre de séjour en qualité d'étranger malade, valable du 13 mars 2012 au 12 mars 2013 ;

7. Considérant que, compte tenu de ces éléments, il appartient à M. D...de démontrer en quoi les traitements dont le préfet a établi l'existence ne seraient pas appropriés à sa pathologie, étant précisé qu'un traitement approprié n'est pas nécessairement identique à celui dont il bénéficie en France ; qu'en se bornant à soutenir qu'il n'est démontré ni que la liste des médicaments essentiels produite serait à jour, ni que les médicaments visés seraient équivalents à son traitement, M. D...n'apporte pas d'éléments suffisamment probants pour démontrer que les traitements dont le préfet a établi l'existence dans son pays d'origine ne seraient pas adaptés à sa situation ; que, dans ces conditions, le préfet du Rhône est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont estimé qu'en refusant à M. D...la délivrance du titre de séjour sollicité, il avait méconnu les dispositions précitées du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

8. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. D...;

9. Considérant que le préfet a produit, en première instance, l'avis du médecin de l'agence régionale de santé ; que, par suite, le moyen tiré du défaut de justification de cet avis doit être écarté ;

10. Considérant que, par ailleurs, aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait au préfet de soumettre à l'intéressé, préalablement à l'édiction du refus de renouvellement de titre de séjour, les éléments sur lesquels il se fondait pour s'écarter de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, qui ne le liait pas ; que, dans ces conditions, le moyen tiré du vice de procédure tenant au défaut de communication des éléments fournis par l'ambassade de France en République Démocratique du Congo n'est pas fondé ;

11. Considérant que M. D...se prévaut de son état de santé, de son entrée en France en septembre 2010, et de son intégration, notamment par le biais de l'exercice d'un emploi salarié à compter de juillet 2012 ; que, toutefois, il ne justifie d'aucune attache familiale en France ; qu'il ne conteste pas que, conformément à ses déclarations faites à l'occasion d'une demande de titre de séjour, son épouse et ses quatre enfants résident dans son pays d'origine ; qu'ainsi qu'il a été indiqué précédemment, un traitement approprié à son état de santé existe en République Démocratique du Congo ; que, dans ces conditions, l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre ne porte pas une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce ainsi rappelées, cette décision n'est pas davantage entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

12. Considérant que M. D...fait état du risque de mauvais traitements encouru dans son pays d'origine en raison de son implication dans la défense des droits de l'homme et des exactions dont auraient été victimes certains membres de sa famille de la part des autorités congolaises ; que, cependant, l'unique document qu'il produit ne permet pas de tenir pour établies la réalité et l'actualité des menaces qui pèseraient sur lui en cas de retour en République Démocratique du Congo ; qu'il n'est, dès lors, pas fondé à soutenir que la décision fixant le pays de renvoi l'expose à des risques de traitements inhumains ou dégradants prohibés par l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

13. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le préfet du Rhône est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Lyon a annulé ses décisions en date du 14 novembre 2013 ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant que les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, la somme demandée par M. D...;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1400381 du Tribunal administratif de Lyon en date du 13 mai 2014 est annulé.

Article 2 : Les conclusions présentées par M. D...devant le Tribunal administratif de Lyon et devant la Cour sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...D...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 11 décembre 2014, où siégeaient :

- M. Mesmin d'Estienne, président-assesseur,

- Mme Gondouin, premier conseiller,

- Mme Samson-Dye, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 8 janvier 2015.

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N° 14LY01875

N° 14LY01875 2


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. MESMIN d'ESTIENNE
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON DYE
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : CLAISSE

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 08/01/2015
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 14LY01875
Numéro NOR : CETATEXT000030133743 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-01-08;14ly01875 ?
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