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21/07/2015 | FRANCE | N°14LY02164

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 21 juillet 2015, 14LY02164


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...B..., épouse C...a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler :

- les décisions du 12 février 2014 par lesquelles le préfet du Cantal a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée ;

- la décision implicite de rejet née du silence gardé pendant deux mois par le préfet du Cantal sur son recours gracieux dirigé contre les décisions précitées ;



- la décision implicite de rejet qui serait née du silence gardé par le préfet du Cantal sur sa ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...B..., épouse C...a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler :

- les décisions du 12 février 2014 par lesquelles le préfet du Cantal a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée ;

- la décision implicite de rejet née du silence gardé pendant deux mois par le préfet du Cantal sur son recours gracieux dirigé contre les décisions précitées ;

- la décision implicite de rejet qui serait née du silence gardé par le préfet du Cantal sur sa demande de carte de séjour temporaire présentée sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un jugement n° 1400781 du 12 juin 2014, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 10 juillet 2014, MmeB..., épouseC..., représentée par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1400781 du 12 juin 2014 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 12 février 2014 et du rejet du recours gracieux qu'elle a exercé à l'encontre de ces décisions ;

2°) d'annuler ces dernières décisions ;

3°) d'enjoindre au préfet du Cantal de lui délivrer un titre de séjour, dans un délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, ou subsidiairement, de réexaminer sa situation et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour, dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.

Elle soutient que :

- elle n'a reçu la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile que le 17 février 2014, alors que les décisions attaquées ayant été prises le 12 février 2014, elle bénéficiait toujours d'un droit provisoire au séjour ; les décisions attaquées ont méconnu les dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance de son droit d'être entendue ;

- le préfet aurait dû solliciter l'avis du médecin inspecteur de la santé publique ;

- la décision par laquelle le préfet du Cantal a implicitement rejeté sa demande de titre de séjour présentée le 21 février 2014 en qualité d'étranger malade qui est née après la date du jugement méconnaît les dispositions de l'article L. 313-11-11° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant de prendre en compte ses problèmes de santé ;

- sa famille est parfaitement intégrée en France ; elle n'a conservé aucun lien familial au Kosovo ; les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont été méconnues ;

- son époux a fait l'objet de rackets réitérés alors qu'il était commerçant dans son pays d'origine ; la décision fixant le pays de destination a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire, enregistré le 6 octobre 2014, le préfet du Cantal conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- à la date de notification des décisions attaquées, l'intéressée bénéficiait d'un délai d'un mois pour quitter le territoire français ; dans ces conditions, les dispositions de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'ont pas été méconnues ;

- à la date des décisions attaquées, la présence de l'intéressée en France était récente et elle n'était pas démunie d'attaches familiales dans son pays d'origine où résident le père et la soeur de son époux ; ce dernier fait également l'objet d'une mesure d'éloignement ; les décisions litigieuses n'ont pas été prises en méconnaissance des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la demande de l'intéressée relative à son état de santé et présentée dans le recours gracieux du 21 février 2014, ne pouvait être traitée avant la saisine du médecin de l'agence régionale de santé ; l'avis de ce dernier étant intervenu après les décisions attaquées, aucune décision implicite de rejet ne peut être invoquée.

MmeB..., épouse C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 juillet 2014.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Dèche, premier conseiller.

1. Considérant que MmeB..., épouseC..., de nationalité kosovare, relève appel du jugement du 12 juin 2014 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 12 février 2014 par lesquelles le préfet du Cantal a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée ainsi que du rejet du recours gracieux qu'elle a exercé à l'encontre de ces décisions ;

Sur les conclusions dirigées contre les décisions du 12 février 2014 et contre le rejet implicite du recours gracieux exercé à leur encontre :

2. Considérant, en premier lieu, que le droit d'être entendu, issu de la directive du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier et transposé en droit français à l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne ;

3. Considérant que MmeB..., épouseC..., qui a été à même de faire valoir tout élément utile tenant à sa situation personnelle à l'occasion du dépôt de sa demande de titre de séjour et tout au long de l'instruction de sa demande, n'établit pas avoir été empêchée de faire valoir ses problèmes de santé ainsi que ceux de son époux, faits qu'elle n'a invoqués que postérieurement aux décisions attaquées ; que, dès lors, le moyen tiré de la violation du droit d'être entendu énoncé à l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ne peut être qu'écarté ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 742-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger admis à séjourner en France bénéficie du droit de s'y maintenir jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, si un recours a été formé, jusqu'à la notification de la décision de la Cour nationale du droit d'asile. (...). " ;

5. Considérant que MmeB..., épouse C...qui reconnaît ne pas avoir été admise au séjour en France en qualité de demandeur d'asile, ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance de ces dispositions ;

6. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat. " ;

7. Considérant qu'il est constant que MmeB..., épouse C...n'a informé le préfet de ses problèmes de santé que par courrier en date du 21 février 2014, sollicitant un titre de séjour sur le fondement des dispositions précitées ; que ce courrier étant postérieur à la date des décisions attaquées, l'intéressée ne peut, par suite, utilement soutenir que le préfet aurait méconnu ces dispositions, qu'il aurait omis de saisir le médecin de l'agence régionale de santé ou qu'il aurait commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de son état de santé ;

8. Considérant, en quatrième lieu, que l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; (...). " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

9. Considérant que MmeB..., épouse C...fait valoir qu'elle réside en France avec son époux et ses deux enfants scolarisés et que la famille justifie d'une bonne intégration ; que toutefois il ressort des pièces du dossier que son époux fait l'objet de décisions de refus de titre et d'obligation de quitter le territoire français, que leur présence en France est récente et que rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue au Kosovo ; que, dans ces conditions, les décisions attaquées n'ont pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts poursuivis et n'ont pas méconnu les stipulations et dispositions précitées ;

10. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. " ; que si Mme B..., épouse C...soutient que son époux et elle-même ont été victimes de rackets et d'agressions alors qu'ils tenaient un commerce au Kosovo, elle n'établit ni la réalité de risques actuels en cas de retour dans ce pays, ni qu'elle ne pourrait bénéficier de la protection des autorités de ce pays ; que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de destination aurait méconnu les stipulations précitées doit, par suite, être écarté ;

Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision implicite de rejet qui serait née du silence gardé par le préfet du Cantal sur la demande de carte de séjour temporaire présentée sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :

11. Considérant, qu'aux termes de l'article R. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le silence gardé pendant plus de quatre mois sur les demandes de titres de séjour vaut décision implicite de rejet. " ;

12. Considérant qu'il est constant qu'à la date du jugement attaqué, aucune décision de l'administration n'était intervenue en application des dispositions précitées de R. 311-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sur la demande présentée par Mme B..., épouseC..., dans son courrier du 21 février 2014, qui constituait non seulement un recours gracieux contre les décisions préfectorales du 12 février 2014, mais aussi une nouvelle demande de carte de séjour temporaire sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il s'ensuit que la demande de MmeB..., épouse C...dirigée contre la décision implicite de rejet de sa nouvelle demande de titre de séjour était irrecevable ; que la circonstance que la décision soit désormais née est sans incidence sur la recevabilité de la demande de première instance ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que MmeB..., épouse C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles qu'il présente au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de MmeB..., épouse C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...B..., épouse C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Cantal.

Délibéré après l'audience du 30 juin 2015 à laquelle siégeaient :

M. Martin, président de chambre,

Mme Courret, président-assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 juillet 2015.

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N° 14LY02164


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY02164
Date de la décision : 21/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTIN
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: M. CLEMENT
Avocat(s) : CABINET MERAL-PORTAL-YERMIA

Origine de la décision
Date de l'import : 11/08/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-07-21;14ly02164 ?
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