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21/07/2015 | FRANCE | N°14LY02177

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 3ème chambre - formation à 3, 21 juillet 2015, 14LY02177


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les décisions du 23 janvier 2014 par lesquelles le préfet du Puy-de-Dôme lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office à l'expiration de ce délai de départ volontaire.

Par un jugement n° 1400543 du 17 juin 2014 le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant

la Cour :

Par une requête enregistrée le 16 juillet 2014, M.A..., représenté par la SCP ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les décisions du 23 janvier 2014 par lesquelles le préfet du Puy-de-Dôme lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays à destination duquel il pourrait être reconduit d'office à l'expiration de ce délai de départ volontaire.

Par un jugement n° 1400543 du 17 juin 2014 le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 16 juillet 2014, M.A..., représenté par la SCP Borie et associés, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 17 juin 2014 ;

2°) d'annuler les décisions susvisées du 23 janvier 2014 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros, à verser à son conseil, en application des dispositions combinées de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le droit d'être entendu, énoncé par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne a été méconnu dès lors qu'il a fait uniquement l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ;

- les premiers juges se sont uniquement fondés sur les renseignements révélés par le fichier Visabio ; les dispositions de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ont été méconnues, la preuve de sa majorité étant d'autant moins rapportée que le tribunal correctionnel et le tribunal pour enfants de Clermont-Ferrand ne l'ont pas tenue pour établie ;

- les dispositions de l'article 22-1 de la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ont été méconnues, le préfet n'ayant pas procédé aux vérifications qu'elles imposaient auprès des autorités étrangères compétentes ;

- les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ont été méconnues en raison du caractère insuffisamment approfondi de l'enquête relative à la régularité de son acte de naissance ; il n'a ainsi pas été possible de localiser les titulaires de l'autorité parentale.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 août 2014, le préfet du Puy-de-Dôme conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne n'a pas été méconnu dès lors que l'intéressé n'a sollicité aucun entretien ni présenté aucune observation utile ; qu'en particulier, son audition par les services de police atteste qu'il n'a pas été privé de son droit d'être entendu avant la notification de sa mesure d'éloignement ;

- aucun doute ne pouvant être émis sur la liaison entre l'identité de l'intéressé et les empreintes digitales, les diligences mentionnées à l'article 22-1 de la loi du 12 avril 2000 effectuées ne trouvaient pas à s'employer ;

- l'intéressé ne démontrant nullement sa minorité par des actes dont l'authenticité et la valeur seraient irréfutables, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté ;

- les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant n'ont pas été méconnues.

Par deux mémoires enregistrés le 4 septembre 2014 et le 19 mars 2015, M.A..., représenté par la SCP Borie et associés, persiste dans ses conclusions, par les mêmes moyens.

Il soutient, en outre, que :

- tenu dans l'ignorance de la mesure d'éloignement susceptible d'être prise à son encontre, il n'a pas été mis à même de présenter spontanément des observations ;

- le préfet ne saurait être dispensé des investigations nécessaires pour étayer ses allégations de faux ;

- l'utilisation d'un passeport et la mention des éléments d'emprunt qu'il comporte, nécessairement différents de ceux de son acte de naissance, ne suffisent pas à contredire l'acte de naissance qu'il produit, légalisé par la mairie de Kinshasa.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 mai 2015, le préfet du Puy-de-Dôme conclut aux mêmes fins que précédemment, et par les mêmes moyens.

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 9 septembre 2014.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention des Nations-Unies sur les droits de l'enfant du 20 novembre 1989, signée par la France le 26 janvier 1990 ;

- le traité sur l'Union européenne ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 6 décembre 2008 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n°91-647 du 10 juillet 1991 ;

- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

A été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Martin, président ;

1. Considérant que le requérant, qui se dit être RonaldoA..., né le 8 juin 1998 à Kinshasa et de nationalité congolaise, déclare être entré en France irrégulièrement le 16 janvier 2014 ; qu'il relève appel du jugement du 17 juin 2014 par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 23 janvier 2014 lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de sa destination ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; (...) ; ;

3. Considérant, en premier lieu, que lorsqu'il oblige un étranger à quitter le territoire français sur le fondement du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont les dispositions sont issues de la transposition en droit national de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, le préfet doit être regardé comme mettant en oeuvre le droit de l'Union européenne ; qu'il lui appartient, dès lors, d'en appliquer les principes généraux, dont celui du droit à une bonne administration ; que, parmi les principes que sous-tend ce dernier, figure celui du droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre, tel qu'il est énoncé notamment au 2. de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; que le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne ; qu'enfin, une atteinte à ce droit n'est susceptible d'affecter la régularité de la procédure à l'issue de laquelle la décision défavorable est prise que si la personne concernée a été privée de la possibilité de présenter des éléments pertinents qui auraient pu influer sur le contenu de la décision, ce qu'il lui revient, le cas échéant, d'établir devant la juridiction saisie ;

4. Considérant que M. A...fait valoir qu'il n'a pas été informé par le préfet de ce qu'il était susceptible de faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et n'a, de ce fait, pas été mis en mesure, en violation de son droit à être entendu, de présenter ses observations préalablement à l'édiction de cette mesure ; qu'il ne soutient toutefois pas qu'il ait sollicité en vain un entretien avec les services préfectoraux ni qu'il ait été empêché de présenter spontanément des observations avant que ne soit prise la décision d'éloignement, ni même, au demeurant, qu'il disposait d'éléments pertinents tenant à sa situation personnelle susceptibles d'influer sur le sens de la décision ; qu'il a pu, lors de son audition par les services de police le 23 janvier 2014 à onze heures, contester les conclusions de l'examen de ses empreintes digitales ainsi que celles résultant de la consultation du fichier Visabio, et ainsi présenter des observations avant que ne soit prise la décision d'éloignement ; que, dès lors, nonobstant la circonstance qu'il n'a pas fait l'objet d'un refus de séjour, lequel aurait seul, selon lui, pu lui faire connaître qu'une mesure d'éloignement était susceptible d'être prise à son encontre, M. A...n'a pas été empêché de présenter des observations utiles sur la décision lui faisant obligation de quitter le territoire français et n'a pas été privé de la garantie que constitue le droit d'être entendu tiré de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 111-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. (...) ; " ; que l'article 47 du code civil dispose que : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. " ; qu'aux termes de l'article 22-1 de la loi du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations : " Par dérogation aux articles 21 et 22 et sous réserve d'exceptions prévues par décret en Conseil d'Etat, lorsque, en cas de doute sur l'authenticité ou l'exactitude d'un acte de l'état civil étranger, l'autorité administrative saisie d'une demande d'établissement ou de délivrance d'un acte ou de titre procède ou fait procéder, en application de l'article 47 du code civil, aux vérifications utiles auprès de l'autorité étrangère compétente, le silence gardé pendant huit mois vaut décision de rejet. / Dans le délai prévu à l'article 21, l'autorité administrative informe par tous moyens l'intéressé de l'engagement de ces vérifications. / En cas de litige, le juge forme sa conviction au vu des éléments fournis tant par l'autorité administrative que par l'intéressé ; " ;

6. Considérant que l'article 47 du code civil précité pose une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère dans les formes usitées dans ce pays ; qu'il incombe à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non conforme à la réalité des actes en question ; qu'il ne résulte en revanche pas de ces dispositions que l'administration française doive nécessairement et systématiquement solliciter les autorités d'un Etat afin d'établir qu'un acte d'état-civil présenté comme émanant de cet Etat est dépourvu d'authenticité, en particulier lorsque, comme c'est le cas en l'espèce, l'administration, qui a considéré qu'à la date de la décision attaquée " il ressort des investigations menées par le fonctionnaire " référent fraude " que l'attestation de naissance congolaise est fantaisiste ", ne peut pas être regardée comme ayant émis des doutes sur l'authenticité ou l'exactitude de l'acte en question au sens des dispositions précitées ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : 1° L'étranger mineur de dix-huit ans (...) ; " ;

8. Considérant que pour estimer que M. A...était majeur, le préfet du Puy-de-Dôme s'est fondé sur la consultation du fichier " Visabio ", selon laquelle ses empreintes digitales et sa photographie prises par les autorités consulaires en Angola lors d'une demande de visa correspondent en réalité à celles de M. B...C...né le 8 juin 1994 ; qu'en outre, ses empreintes digitales et sa photographie ont permis d'établir une correspondance avec une pièce d'identité de la République d'Angola, toujours au nom de M. B... C..., né le 8 juin 1994 ; que le préfet indique dans la décision attaquée qu'il ressort des investigations du fonctionnaire " référent fraude " que l'attestation de naissance congolaise qu'il a produite lors de son audition par les services de police est fantaisiste ; que la copie communiquée à la Cour le 19 mars 2015, soit postérieurement à la décision attaquée, du document intitulé " acte de naissance ", rédigé selon les déclarations de la mère de l'enfant recueillies le 9 août 2006 et dont seule la signature a été au demeurant légalisée, ne comporte pas l'heure de naissance de M. B...A... ; que ces deux documents, sur lesquels n'est apposée aucune photographie, ne permettent pas de démontrer que l'identité du requérant correspond à celle qui y est indiquée, quand bien même leur falsification n'aurait été établie par aucun juge pénal ; qu'ainsi, nonobstant la circonstance qu'il a été confié, par jugement du 18 mars 2014 de la vice-présidente du tribunal pour enfants de Clermont-Ferrand, à l'aide sociale à l'enfance du Puy-de-Dôme pour une durée d'un an, le requérant, qui se borne à produire une convocation à une audience correctionnelle, ne renverse pas la présomption d'exactitude des informations obtenues par le préfet ; que, dans ces conditions et en l'absence de tout autre élément probant fourni par le requérant justifiant de son âge exact et de sa véritable identité, ce dernier, qui ne peut être regardé comme mineur à la date de la décision attaquée, n'était pas au nombre des étrangers ne pouvant faire l'objet d'une mesure d'éloignement ;

9. Considérant, en quatrième lieu, que M. A...étant majeur, il ne saurait utilement invoquer la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par lui et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.

Délibéré après l'audience du 30 juin 2015 à laquelle siégeaient :

M. Martin, président de chambre,

Mme Courret, président-assesseur,

Mme Dèche, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 juillet 2015.

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N° 14LY02177


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY02177
Date de la décision : 21/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. MARTIN
Rapporteur ?: M. Jean-Paul MARTIN
Rapporteur public ?: M. CLEMENT
Avocat(s) : BORIE et ASSOCIES AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 11/08/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-07-21;14ly02177 ?
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