La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/08/2015 | FRANCE | N°14LY03352

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre - formation à 3, 12 août 2015, 14LY03352


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Lyon l'annulation de l'arrêté en date du 11 juin 2014 par lequel le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et a désigné le pays de destination.

Par un jugement n° 1404284 du 1er octobre 2014, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 novembre 2014, M. B...demande à la

cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 1er octobre 2014 ;

2°) d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B...a demandé au tribunal administratif de Lyon l'annulation de l'arrêté en date du 11 juin 2014 par lequel le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire et a désigné le pays de destination.

Par un jugement n° 1404284 du 1er octobre 2014, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 novembre 2014, M. B...demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Lyon du 1er octobre 2014 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet du Rhône du 11 juin 2014 ;

3°) de faire injonction au préfet du Rhône, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve des dispositions de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient qu'il est père de deux enfants nés en 2006 et 2010 en France et confiés au service de l'aide sociale à l'enfance ; qu'il vit avec une ressortissante de nationalité albanaise avec qui il a eu un enfant né en 2014 ; que l'obligation de quitter le territoire français n'est pas motivée ; qu'il n'y a pas eu examen particulier de sa situation et erreur de fait à estimer que sa compagne était kosovare et pouvait vivre au Kosovo ; que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales a été méconnu ; qu'il y a eu erreur manifeste d'appréciation ; que ses enfants le voient plus que leur mère et il contribue à leur entretien et éducation ; que l'essentiel de ses attaches est en France où il est bien intégré ; que l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant a été méconnu ; que le refus de délai de départ volontaire est sans base légale et insuffisamment motivé ; que le 3° du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile a été violé ; que le refus de délai de départ volontaire est contraire aux articles 1er et 3 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008, aucun risque de fuite n'étant établi ; que la décision fixant le pays de destination est sans base légale ;

M. B...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 novembre 2014.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Au cours de l'audience publique a été entendu le rapport de M. Picard, président-assesseur.

1. Considérant que M. A...B..., ressortissant kosovar né en 1978, entré une première fois en France en 2004, retourné depuis lors à deux reprises dans son pays à la suite de mesures d'éloignement prises à son encontre, et entré sur le territoire pour la dernière fois en octobre 2009, relève appel d'un jugement du tribunal administratif de Lyon du 1er octobre 2014 qui a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté en date du 11 juin 2014 par lequel le préfet du Rhône lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ et a désigné le pays de destination ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; que selon le paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les deux filles nées en France en 2006 et en 2010 de la relation de M. B...avec une compatriote, et qu'il a immédiatement reconnues, ont été confiées au service de l'aide sociale à l'enfance du Rhône et placées par le juge des enfants qui, dans son jugement du 19 juin 2013, a porté le droit de visite dont l'intéressé bénéficiait, alors limité à une visite médiatisée mensuelle d'une heure, à deux heures minimum deux fois par mois, la visite étant désormais accompagnée ; que dans son dernier jugement en date du 19 juin 2014, qui repose sur un ensemble de faits antérieurs à la date d'intervention de l'arrêté contesté, le tribunal pour enfants a notamment relevé que M. B...était " très investi auprès de ses enfants ", " régulier dans les visites ", que ses filles se montraient contentes d'aller chez lui et profitaient " pleinement des moments avec lui " mais qu'il " était très inquiet pour ses enfants du fait des troubles de leur mère " ; qu'il a revanche indiqué que cette dernière a fait un séjour au Kosovo qui " semble l'avoir très fortement perturbée ", " que lors de ses rencontres avec ses filles, elle a pu se présenter dans des états d'agitation importants alors que d'autres visites au contraire ont été l'occasion d'échanges effectifs ", qu'elle " semble plus proche de Baffie et plus en difficulté avec Anjezza avec laquelle elle a du mal à entrer en contact " et qu'elle admet que " la situation est difficile depuis son retour du Kosovo ", qu'elle " voudrait avoir ses filles mais reconnaît que son état de santé ne lui permet pas " et qu'elle " souhaite qu'elles soient remises à leur père " ; que, par ce même jugement, le tribunal a également élargi le droit de visite de M. B...à deux samedis par mois de dix heures à dix-sept heures et prévu à partir de la rentrée, sauf difficultés, un droit d'hébergement une fin de semaine sur deux et prescrit pour la mère des droits de visite médiatisés et différenciés avec chacune de ses filles une fois par mois, tout en renouvelant la mesure de placement des enfants pour une durée d'un an et en maintenant le versement des prestations familiales à la mère ainsi que la dispense de toute contribution financière de la famille ; que, si l'impossibilité pour la compagne de M.B..., de nationalité albanaise, et de leur jeune fils, de se rendre au Kosovo afin d'y rejoindre éventuellement l'intéressé n'est pas avérée, rien ne permet toutefois de dire que, malgré les mesures de protection dont elles bénéficient actuellement en France, Baffie et Anjezza pourraient accompagner leur père dans ce pays et, le cas échéant, y être effectivement prises en charge ; que dans ces circonstances très particulières, et compte tenu de la durée de présence en France de M.B..., et plus spécialement des liens particuliers qu'il a noués avec ses filles qui, comme il a été vu ci-dessus, se sont renforcés au fil des années, ainsi que de l'intérêt pour ces dernières de poursuivre le rapprochement entrepris en direction de leurs parents, la mesure contestée portant obligation de quitter le territoire français a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; que M. B...est fondé à en demander l'annulation ainsi que, par voie de conséquence, celle des décisions refusant de lui accorder un délai de départ et portant désignation du pays de destination ;

4. Considérant qu'il résulte de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'annulation de l'obligation de quitter le territoire français implique que M. B...soit muni d'une autorisation provisoire de séjour, jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ; que, dans les circonstances de l'espèce, il y a donc lieu d'enjoindre au préfet du Rhône de délivrer, dans le délai de huit jours, une autorisation provisoire de séjour à M.B..., sans qu'il soit nécessaire d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses conclusions ; que M. B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son conseil peut se prévaloir des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve qu'il renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens au profit dudit conseil ;

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Lyon du 1er octobre 2014 et l'arrêté du préfet du Rhône du 11 juin 2014 sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera au conseil de M. B...la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que celui-ci renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Rhône de délivrer une autorisation provisoire de séjour à M. B... dans le délai de huit jours.

Article 4 : Le surplus des conclusions est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié M. A...B..., au préfet du Rhône et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 7 juillet 2015, à laquelle siégeaient :

M. Riquin, président de chambre

M. Picard, président-assesseur,

M. Chenevey, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 12 août 2015.

''

''

''

''

5

N° 14LY03352

mg


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Références :

Publications
RTFTélécharger au format RTF
Composition du Tribunal
Président : M. RIQUIN
Rapporteur ?: M. Vincent-Marie PICARD
Rapporteur public ?: M. VALLECCHIA
Avocat(s) : SABATIER

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Date de la décision : 12/08/2015
Date de l'import : 25/08/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 14LY03352
Numéro NOR : CETATEXT000031027601 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-08-12;14ly03352 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award