La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/09/2015 | FRANCE | N°14LY03124

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 17 septembre 2015, 14LY03124


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes distinctes, M. C...E...et Mme A...D...épouse E...ont demandé au tribunal administratif de Grenoble :

- d'annuler les arrêtés du 5 juin 2014 du préfet de l'Isère portant obligation de quitter le territoire français, refus d'accorder un délai de départ volontaire et fixation du pays de destination ;

- d'enjoindre au préfet de l'Isère de leur délivrer un titre de séjour dans le délai de 30 jours à compter du prononcé du jugement ou, à défaut, de réexaminer leur sit

uation dans le délai d'un mois suivant la notification de jugement et, dans l'attente, de leur...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par deux requêtes distinctes, M. C...E...et Mme A...D...épouse E...ont demandé au tribunal administratif de Grenoble :

- d'annuler les arrêtés du 5 juin 2014 du préfet de l'Isère portant obligation de quitter le territoire français, refus d'accorder un délai de départ volontaire et fixation du pays de destination ;

- d'enjoindre au préfet de l'Isère de leur délivrer un titre de séjour dans le délai de 30 jours à compter du prononcé du jugement ou, à défaut, de réexaminer leur situation dans le délai d'un mois suivant la notification de jugement et, dans l'attente, de leur délivrer dans les deux jours, une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

- de les admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;

- de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros, pour chaque dossier, à verser à leur conseil au titre des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 1403526 et 1403528 du 22 juillet 2014, le magistrat délégué du tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes et refusé de les admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés le 17 octobre 2014 et le 30 janvier 2015, M. et Mme E..., représentés par MeB..., demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble en date du 22 juillet 2014 ;

2°) d'annuler les arrêtés du préfet de l'Isère en date du 5 juin 2014 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de leur délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer leur situation dans le délai d'un mois suivant le prononcé de la décision à intervenir et, dans l'attente, de leur délivrer une autorisation provisoire de séjour les autorisant à travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à leur conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Ils soutiennent que :

- les obligations de quitter le territoire français méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;

- les décisions refusant de leur accorder un délai de départ volontaire sont entachées d'erreur de fait et méconnaissent les dispositions de l'article L. 511-1-II-3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; ces décisions méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;

- les décisions fixant le pays de renvoi méconnaissent les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par ordonnance du 5 février 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 25 février 2015.

Par décisions du bureau d'aide juridictionnelle en date du 9 septembre 2014, M. et Mme E... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Samson-Dye.

1. Considérant que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué du tribunal administratif de Grenoble a rejeté les demandes de M. et MmeE..., ressortissants arméniens, tendant à l'annulation des arrêtés du préfet de l'Isère en date du 5 juin 2014 portant obligation de quitter le territoire français sans délai et désignation du pays de renvoi ;

Sur la légalité des arrêtés en litige :

En ce qui concerne les obligations de quitter le territoire français :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les requérants résident en France depuis 3 ans à la date des arrêtés litigieux, avec leurs deux filles, nées en octobre 2011 et mai 2013 ; que, contrairement à ce qui est allégué, il ne ressort pas des pièces du dossier que l'aînée de ces enfants était scolarisée à la date des arrêtés contestés ; que rien ne fait obstacle à ce que la vie familiale reprenne en Arménie, pays d'origine commun de M. et MmeE..., où ils ont vécu la majeure partie de leur existence ; que, dans ces conditions, en dépit de leurs efforts d'intégration, et alors même que certains des membres de la famille du couple vivent régulièrement en France et que le requérant justifie d'une promesse d'embauche, les décisions les obligeant à quitter le territoire français n'ont pas porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels ces mesures ont été prises ; que, par suite, ces décisions ne méconnaissent pas les stipulations précitées ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'au regard de l'ensemble des circonstances de l'espèce précédemment rappelées, ces décisions ne sont pas davantage entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent des enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur des enfants doit être une considération primordiale " ; qu'il n'est pas établi que les enfants du couple ne pourraient être scolarisés hors de France ; que les mesures en litige n'ont ni pour objet ni pour effet de les séparer de leurs parents ; que, par suite, ces décisions ne méconnaissent pas les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ;

En ce qui concerne les refus d'accorder un délai de départ volontaire :

6. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) II. Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours. Toutefois, l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) / 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) / d) Si l'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement (...) " ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. et Mme E...ont fait l'objet de précédentes obligations de quitter le territoire français, résultant d'arrêtés du préfet de l'Isère du 10 juillet 2013 ; que les recours qu'ils avaient introduits contre ces actes ont été rejetés par jugement du magistrat délégué du tribunal administratif de Grenoble du 14 mars 2014 ; qu'il est constant que les intéressés se sont abstenus d'exécuter ces mesures d'éloignement et doivent, dès lors, être regardés comme s'étant soustraits à l'exécution de ces mesures au sens du d) précité du II de L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le fait qu'ils ont respecté les obligations découlant des décisions d'assignation à résidence dont ils ont fait l'objet ne constitue pas une circonstance particulière, au sens de ces dispositions ; que, par suite, c'est sans erreur de fait que le préfet a pu estimer qu'ils présentaient un risque de soustraction aux nouvelles mesures d'éloignement édictées à leur encontre ; que ces décisions ne méconnaissent pas les dispositions précitées ;

8. Considérant, en second lieu, qu'au regard des circonstances précédemment rappelées, et en absence de toute argumentation détaillée critiquant spécifiquement l'absence de délai de départ volontaire, les moyens tirés de ce que les décisions litigieuses méconnaîtraient les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant et seraient entachées d'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés ;

En ce qui concerne la désignation du pays de renvoi :

9. Considérant que, si les requérants font état de leur appartenance à la religion évangélique et évoquent les tentatives d'extorsion de fonds dont ils auraient été victimes, ainsi que l'arrestation du patron de M.E..., ils n'apportent aucun élément probant à l'appui de leurs allégations ; qu'ainsi, il ne ressort pas des pièces du dossier que les décisions fixant leur pays de renvoi les exposeraient à des peines et traitements inhumains ou dégradants, au sens des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

10. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. et Mme E...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué du tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande ; que leurs conclusions aux fins d'injonction, d'astreinte et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C...E...et Mme A...D...épouse E...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C...E..., Mme A...D...épouse E...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 27 août 2015, où siégeaient :

- M. Mesmin d'Estienne, président,

- Mme Gondouin, premier conseiller,

- Mme Samson-Dye, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 septembre 2015.

''

''

''

''

5

N° 14LY03124


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14LY03124
Date de la décision : 17/09/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. MESMIN d'ESTIENNE
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON DYE
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : CANS

Origine de la décision
Date de l'import : 01/10/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-09-17;14ly03124 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award