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17/09/2015 | FRANCE | N°14LY03973

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 17 septembre 2015, 14LY03973


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...D...a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

- d'annuler l'arrêté du 2 juillet 2014 du préfet de l'Isère portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français sous 30 jours et désignation du pays de renvoi ;

- d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre se séjour " vie privée et familiale " dès la notification du jugement et, à titre subsidiaire, dans le délai d'un mois à compter de cette notification, d'enjoindre au préfet de procéder au

réexamen de sa situation et de lui délivrer dans le délai de huit jours une autorisation pr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme C...D...a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

- d'annuler l'arrêté du 2 juillet 2014 du préfet de l'Isère portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français sous 30 jours et désignation du pays de renvoi ;

- d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre se séjour " vie privée et familiale " dès la notification du jugement et, à titre subsidiaire, dans le délai d'un mois à compter de cette notification, d'enjoindre au préfet de procéder au réexamen de sa situation et de lui délivrer dans le délai de huit jours une autorisation provisoire de séjour ;

- de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 1405128 du 24 novembre 2014, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du préfet de l'Isère du 2 juillet 2014, a enjoint au préfet de l'Isère de procéder au réexamen de la situation de Mme D...dans un délai de deux mois à compter de sa notification et de lui délivrer, sans délai, une autorisation provisoire de séjour, a mis à la charge de l'Etat une somme de 600 euros à verser à Me B... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté le surplus des conclusions de la demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 décembre 2014, le préfet de l'Isère demande à la Cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble en date du 24 novembre 2014 et de rejeter la demande de MmeD....

Il soutient que c'est à tort que le tribunal a retenu l'existence d'une absence d'examen personnel et approfondi de sa situation quant à la nationalité française de son enfant, dès lors que cette circonstance n'avait pas été portée à sa connaissance, que la nationalité de l'enfant et son lien de filiation avec M. E... A... ne peuvent être regardés comme établis, que rien ne s'oppose à ce que l'intéressée regagne son pays d'origine avec son enfant mineur, que Mme D... ne justifie pas participer personnellement à l'entretien et à l'éducation de son enfant.

Par un mémoire enregistré le 27 avril 2015, Mme C...D..., représentée par Me B..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- c'est à juste titre que les premiers juges ont estimé que le préfet n'avait pas procédé à l'examen personnel et approfondi de sa situation ;

- l'arrêté litigieux est insuffisamment motivé ;

- cet arrêté est entaché d'erreur de fait ;

- le refus de titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire français méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachés d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la mesure d'éloignement méconnaît le 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Par ordonnance du 30 avril 2015, la clôture d'instruction a été fixée au 21 mai 2015.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 27 août 2015 :

- le rapport de Mme Samson-Dye, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Dursapt, rapporteur public ;

1. Considérant que le préfet de l'Isère relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé son arrêté du 2 juillet 2014 portant refus de titre de séjour à MmeD..., obligation de quitter le territoire français sous 30 jours et désignation du pays de renvoi ;

Sur la légalité de l'arrêté litigieux :

2. Considérant que, pour annuler l'arrêté litigieux, les premiers juges ont estimé que le préfet n'avait pas procédé à un examen personnalisé et approfondi de la situation de Mme D...en omettant de prendre en considération le fait qu'elle était parent d'un enfant français ; que, cependant, le préfet allègue, pour la première fois en appel et sans être contredit, que la nationalité de l'enfant n'avait pas été portée à la connaissance de l'administration ; que la seule circonstance qu'une carte d'identité avait été délivrée à l'enfant de Mme D...par la sous-préfecture de la Tour-du-Pin est insuffisante pour permettre de regarder le service chargé de se prononcer sur le droit au séjour de l'intéressée comme informé de la nationalité de cet enfant ; que, dans ces conditions, le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont retenu un défaut d'examen personnalisé et approfondi ;

3. Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par Mme D...tant en première instance qu'en appel ;

4. Considérant, en premier lieu, que la décision du 2 juillet 2014 par laquelle le préfet de l'Isère a refusé la délivrance d'un titre de séjour à Mme D...a été prise en réponse à sa demande d'admission au séjour au titre de l'asile ; que, dès lors que, par décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile, le statut de réfugié et le bénéfice de la protection subsidiaire ont été refusés à MmeD..., le préfet était tenu de refuser à cette dernière la délivrance des titres de séjour prévus à l'article L. 313-13 et au 8° de l'article L. 314-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sans avoir à porter une appréciation sur les faits de l'espèce ; que le préfet se trouvant ainsi en situation de compétence liée pour refuser le titre de séjour sollicité, les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la décision, de l'erreur de fait, de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée cette décision, sont inopérants à l'encontre du refus de titre de séjour opposé sur ce fondement ;

5. Considérant par ailleurs que le préfet de l'Isère a examiné le droit au séjour de l'intéressée au regard de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

6. Considérant que le refus de titre de séjour opposé à ce titre comporte l'ensemble des circonstances de fait et de droit qui en constituent le fondement ;

7. Considérant que le défaut de prise en compte de la nationalité française de l'enfant de MmeD..., né le 3 février 2012, est demeuré sans incidence sur la légalité de ce refus de titre de séjour, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le père du fils de Mme D... aurait conservé un lien effectif avec l'enfant ou avec sa mère, qu'il n'est pas démontré que la nationalité française de l'enfant ferait obstacle à ce qu'il retourne dans le pays d'origine de sa mère que celle-ci n'a quitté qu'en janvier 2012 ; que, pour les mêmes motifs, ce refus de titre de séjour ne porte pas au droit au respect de la vie privée et familiale de Mme D... une atteinte disproportionnée et n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à demander l'annulation du refus de titre de séjour qui lui a été opposé ; que le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont annulé son refus de titre de séjour ;

9. Considérant en revanche qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : 6°) L'étranger ne vivant pas en état de polygamie qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans " ;

10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme D...a eu un fils, Gerson, né le 3 février 2012, qui a été reconnu par M. E...A..., le 21 mars 2013, dont il est constant qu'il est de nationalité française ; que l'enfant a obtenu une carte d'identité française ;

11. Considérant que si un acte de droit privé opposable aux tiers est en principe opposable dans les mêmes conditions à l'administration tant qu'il n'a pas été déclaré nul par le juge judiciaire, il appartient cependant à l'administration, lorsque se révèle une fraude commise en vue d'obtenir l'application de dispositions de droit public, d'y faire échec même dans le cas où cette fraude revêt la forme d'un acte de droit privé ; que ce principe peut conduire l'administration, qui doit exercer ses compétences sans pouvoir renvoyer une question préjudicielle à l'autorité judiciaire, à ne pas tenir compte, dans l'exercice de ces compétences, d'actes de droit privé opposables aux tiers ; que si la reconnaissance d'un enfant est opposable aux tiers, en tant qu'elle établit un lien de filiation et, le cas échéant, en tant qu'elle permet l'acquisition par l'enfant de la nationalité française, dès lors que cette reconnaissance a été effectuée conformément aux conditions prévues par le code civil et s'impose donc en principe à l'administration tant qu'une action en contestation de filiation n'a pas abouti, il appartient néanmoins au préfet, s'il est établi que la reconnaissance de paternité a été souscrite dans le but de faciliter l'obtention de la nationalité française ou d'un titre de séjour, de faire échec à cette fraude ;

12. Considérant que le préfet de l'Isère met en doute la paternité de l'enfant, en faisant valoir qu'il est né peu de temps après l'entrée en France de Mme D...et que cette dernière, qui s'est déclarée célibataire lors de sa demande d'asile et bénéficiait d'un logement en centre d'accueil pour demandeur d'asile, n'a pas justifié d'une communauté de vie avec le père de l'enfant ; que, cependant, ces seules allégations ne suffisent pas à constituer des éléments précis et concordants permettant de regarder la fraude comme établie ; que, dans ces conditions, Mme D...doit être regardée comme étant la mère d'un enfant français ; que, si le préfet relève que l'adresse mentionnée sur la carte d'identité de l'enfant ne correspond pas au domicile de MmeD..., cette discordance est insuffisante pour établir que Mme D...ne vivrait pas effectivement avec son fils, alors que les pièces du dossier révèlent qu'elle a changé d'adresse à de nombreuses reprises ; que la circonstance que Mme D... n'exerce pas d'activité professionnelle et qu'elle vit en foyer est, par elle-même, sans incidence nécessaire sur le fait qu'elle s'occupe de son enfant ; que Mme D...doit, au regard des moyens dont elle dispose, être regardée comme contribuant effectivement à son entretien ; que, dans ces conditions, elle est fondée à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français prise à son encontre méconnaît, au regard des pièces du dossier, les dispositions du 6° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que l'annulation de la mesure d'éloignement entraîne, par voie de conséquence, l'illégalité de la décision fixant le pays de renvoi ; qu'il suit de là que le préfet de l'Isère n'est pas fondé à se plaindre de l'annulation de ces deux décisions par les premiers juges ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

13. Considérant que, compte tenu du moyen retenu à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français, le présent arrêt implique nécessairement qu'il soit procédé au réexamen de la situation de Mme D...et qu'une autorisation provisoire de séjour lui soit délivrée, ce qui correspond aux mesures d'injonction ordonnées par les premiers juges ; que, par suite, il n'y a pas lieu de réformer le jugement sur ce point ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la Cour fasse bénéficier la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais exposés à l'occasion du litige soumis au juge et non compris dans les dépens ; que, dès lors, les conclusions de Mme D...doivent être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1405128 du tribunal administratif de Grenoble du 24 novembre 2014 est annulé en tant qu'il annule le refus de titre de séjour opposé par le préfet de l'Isère à Mme D...par l'arrêté du 2 juillet 2014.

Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme C...D.... Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 27 août 2015, où siégeaient :

- M. Mesmin d'Estienne, président,

- Mme Gondouin, premier conseiller

- Mme Samson-Dye, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 17 septembre 2015.

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N° 14LY00768

N° 14LY03973 5


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. MESMIN d'ESTIENNE
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON DYE
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : HUARD

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 17/09/2015
Date de l'import : 01/10/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 14LY03973
Numéro NOR : CETATEXT000031200864 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-09-17;14ly03973 ?
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