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17/09/2015 | FRANCE | N°15LY00074

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 17 septembre 2015, 15LY00074


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...E...a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 10 juin 2014 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme lui a fait obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné.

Par le jugement n° 1401289 du 30 septembre 2014, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 janvier 2015, M.E..., repré

senté par Me A...C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...E...a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler l'arrêté du 10 juin 2014 par lequel le préfet du Puy-de-Dôme lui a fait obligation de quitter le territoire dans le délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il pourra être éloigné.

Par le jugement n° 1401289 du 30 septembre 2014, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 janvier 2015, M.E..., représenté par Me A...C..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 30 septembre 2014 ;

2°) d'annuler les décisions préfectorales du 10 juin 2014 portant obligation de quitter le territoire, dans un délai de trente jours et désignant la République démocratique du Congo comme pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme, de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale " et à tout le moins une autorisation provisoire de séjour, dans le délai de 8 jours à compter de la décision à intervenir sous astreinte de 150 euros par jour de retard ou de lui enjoindre de procéder à un nouvel examen de sa situation dans un délai de 8 jours à compter du prononcé de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer un récépissé avec autorisation de travailler, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles ;

5°) de mettre également à la charge de l'État la somme de 3 000 euros à verser à son conseil en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve, pour Me A...C..., de renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- le jugement attaqué n'est pas suffisamment motivé, il répond à ses moyens de façon lapidaire et a méconnu les exigences fixées par la loi du 11 juillet 1979 ;

- l'arrêté du 10 juin 2014 est lui-même insuffisamment motivé, en particulier sur les conditions dans lesquelles a été pratiqué l'examen osseux dont il découlerait qu'il est âgé de plus de 18 ans ; l'arrêté ne précise pas davantage pourquoi l'attestation de naissance qu'il a produite serait incohérente avec les résultats de l'examen osseux ni pourquoi cette attestation ne pourrait être prise en compte alors qu'il n'a fait l'objet d'aucune poursuite devant les juridictions pénales pour des faits de faux ou usage de faux documents administratifs ;

- le préfet a commis des erreurs de fait, notamment en affirmant, à tort, qu'il est majeur ; l'examen osseux a été pratiqué dans des conditions totalement irrégulières ; le juge des enfants de Clermont-Ferrand, par son jugement du 22 septembre 2014, l'a placé à l'aide sociale à l'enfance pour un an en retenant que son acte de naissance n'est pas contesté par le ministère public ;

- le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui interdit qu'un mineur étranger de dix-huit ans fasse l'objet d'une obligation de quitter le territoire a donc été méconnu ;

- ont également été méconnues les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; le préfet a, en outre, commis une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense enregistré le 1er avril 2015, le préfet du Puy-de-Dôme conclut au rejet de la requête et soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par un mémoire enregistré le 15 juin 2015, M. E...conclut aux mêmes fins que précédemment, par les mêmes moyens, tout en sollicitant un report d'audience compte tenu des nouvelles pièces relatives à son état civil.

Par une ordonnance du 16 juin 2015 l'instruction a été rouverte.

Par une décision du 25 novembre 2014, le bureau d'aide juridictionnelle a accordé à Ngoba Yamba le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code civil

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement, a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu, au cours de l'audience publique du 27 août 2015, le rapport de Mme Gondouin, rapporteur.

1. Considérant que M.E..., originaire de la République démocratique du Congo et arrivé en France en mai 2014 selon ses propres déclarations, a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise par le préfet du Puy-de-Dôme le 10 juin 2014 ; qu'il relève appel du jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand en date du 30 septembre 2014 qui a rejeté sa demande dirigée contre cet arrêté ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français ou d'une mesure de reconduite à la frontière en application du présent chapitre : 1° L'étranger mineur de dix-huit ans (...) " ; que selon les dispositions de l'article L. 111-6 du même code : " La vérification de tout acte d'état civil étranger est effectuée dans les conditions définies par l'article 47 du code civil. (...) " ; et, qu'aux termes de l'article 47 du code civil : " Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité " ; que ces dispositions posent une présomption de validité des actes d'état civil établis par une autorité étrangère ; qu'il incombe le cas échéant à l'administration de renverser cette présomption en apportant la preuve du caractère irrégulier, falsifié ou non-conforme à la réalité des actes en question ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le requérant a déclaré le 3 juin 2014, lors de son audition par les services de police, être né le 19 juillet 1998 à Kinshasa ; qu'il a produit à l'appui de ses allégations une attestation de naissance établie le 10 avril 2012 par le bourgmestre de la commune de Kalamu, ville de Kinshasa, énonçant qu'il " ressort des documents en sa possession " qu'il est " effectivement " né le 19 juillet 1998 à Kinshasa ; que cette simple attestation de naissance délivrée au vu de " documents " non spécifiés ne peut être regardée comme un acte de l'état civil rédigé dans les formes répondant aux prescriptions fixées par la législation de la République démocratique du Congo en matière d'état civil des personnes ; que, par suite, ce document n'est pas de nature à établir de façon suffisamment probante que l'intéressé serait effectivement né le 19 juillet 1998 comme il y est indiqué ; que, contrairement à ce que soutient le requérant, le jugement du 22 septembre 2014 par lequel le juge des enfants l'a confié au service de l'Aide sociale à l'Enfance du Puy-de-Dôme pour une durée d'un an ne suffit pas à établir qu'il était mineur ;

4. Considérant, toutefois, que M. E...produit pour la première fois en appel un jugement supplétif du tribunal de grande instance de Kinshasa en date du 24 avril 2015 ainsi qu'un acte de naissance établi le 29 avril suivant au vu de ce jugement, légalisé le 9 mai 2015, établissant que l'intéressé est effectivement né le 19 juillet 1998 à Kinshasa ; que le préfet, nonobstant les conclusions qu'il a tirées de l'examen osseux réalisé au centre hospitalier universitaire de Clermont-Ferrand le 3 juin 2014, n'a pas contesté l'authenticité de ces documents, ni l'exactitude de leur contenu ; que ceux-ci, bien que postérieurs à l'arrêté préfectoral attaqué, attestent de faits antérieurs à cette décision qui doivent être pris en compte pour en apprécier la légalité ; que, dès lors, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés par le requérant, celui-ci est fondé à soutenir que la décision portant obligation de quitter le territoire méconnaît les dispositions de l'article L. 511-4 précité ;

5. Considérant que la décision portant obligation de quitter le territoire devant être, pour ce motif, annulée, la décision fixant le pays de destination doit l'être également, par voie de conséquence ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. E...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande ;

Sur les autres conclusions :

7. Considérant qu'il y a lieu d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de procéder à un nouvel examen de la situation de M. E...dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

8. Considérant que M. E...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Faure-Cromarias, son avocat, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée, de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1401289 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 30 septembre 2014 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du préfet du Puy-de-Dôme du 10 juin 2014 est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet du Puy-de-Dôme de procéder à un nouvel examen de la situation de M. E...dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'État versera à Me Faure-Cromarias, avocat de M.E..., la somme de 1 200 euros en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve pour cet avocat de renoncer à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B...E..., au ministre de l'intérieur. Copie en sera donnée au préfet du Puy-de-Dôme.

Délibéré après l'audience du 27 août 2015 où siégeaient :

- M. Mesmin d'Estienne, président,

- Mme Gondouin et MmeD..., premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 17 septembre 2015.

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N° 15LY00074


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY00074
Date de la décision : 17/09/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. MESMIN d'ESTIENNE
Rapporteur ?: Mme Genevieve GONDOUIN
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : FAURE CROMARIAS

Origine de la décision
Date de l'import : 01/10/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-09-17;15ly00074 ?
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