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17/09/2015 | FRANCE | N°15LY00628

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 17 septembre 2015, 15LY00628


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...et M. A...E...ont demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les décisions en date du 12 février 2014 par lesquelles le préfet de la Côte-d'Or a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français et a désigné le pays à destination duquel ils pourront être reconduits.

Par le jugement n° 1400818, 1400820 du 16 décembre 2014, le tribunal administratif de Dijon, a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 février 2015 sous le n° 15LY00628, M. et Mme E... représentés p...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B...et M. A...E...ont demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler les décisions en date du 12 février 2014 par lesquelles le préfet de la Côte-d'Or a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français et a désigné le pays à destination duquel ils pourront être reconduits.

Par le jugement n° 1400818, 1400820 du 16 décembre 2014, le tribunal administratif de Dijon, a rejeté leurs demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 18 février 2015 sous le n° 15LY00628, M. et Mme E... représentés par Me C...demandent à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Dijon du 16 décembre 2014 ;

2°) d'annuler les décisions préfectorales du 12 février 2014.

M. et Mme E...soutiennent que :

- la décision de refus de séjour visant M. E...est illégale dès lors que le médecin de l'agence régionale de santé n'ayant pas indiqué dans son avis s'il pouvait voyager sans risque vers son pays d'origine, le préfet devait malgré tout s'informer sur sa capacité à voyager sans risque ;

- il appartient au préfet d'apporter la preuve qu'il peut être soigné en Arménie ;

- les décisions de refus de séjour méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que, s'agissant de MmeE..., les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- les obligations de quitter le territoire sont illégales du fait de l'illégalité des refus de titre de séjour ;

- la décision sur le pays de destination méconnaît, s'agissant de M. E..., les stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par une ordonnance du 17 avril 2015, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 mai 2015.

Par un mémoire en défense enregistré le 4 mai 2015, le préfet de la Côte-d'Or conclut au rejet de la requête et soutient qu'aucun moyen n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu, au cours de l'audience publique du 27 août 2015, le rapport de Mme Gondouin, rapporteur.

1. Considérant que M. et Mme E...nés respectivement en 1961 et 1968 sont de nationalité arménienne ; qu'ils sont entrés irrégulièrement en France en novembre 2011 ; que leur demande d'asile politique a été rejetée par des décisions de l'OFPRA en date du 12 mars 2012 et que leurs recours contre ces décisions ont été rejetés par la Cour nationale du droit d'asile le 28 septembre 2012 ; qu'ils ont ensuite sollicité et obtenu un titre de séjour en raison de leur état de santé sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, valable du 15 mars 2013 au 7 janvier 2014 ; que par des arrêtés du 12 février 2014, le préfet de la Côte-d'Or a refusé de renouveler ces titres de séjour et assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire à destination de l'Arménie ; que, par le jugement attaqué dont M. et Mme E... relèvent appel, le tribunal administratif de Dijon a rejeté leurs demandes dirigées contre ces décisions ;

Sur les décisions portant refus de titre de séjour :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : (...) 11° À l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé ou, à Paris, le chef du service médical de la préfecture de police peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'État " ;

3. Considérant que, selon l'article R. 313-22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général. (...) L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin agréé ou un médecin praticien hospitalier et, d'autre part, des informations disponibles sur l'existence d'un traitement dans le pays d'origine de l'intéressé (...) " ; qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 susvisé : " Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant :- si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ;- s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; - la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis est transmis au préfet sous couvert du directeur général de l'agence régionale de santé (...) " ;

4. Considérant que, d'une part, il incombe au préfet de prendre en considération les modalités d'exécution d'une éventuelle mesure d'éloignement dès le stade de l'examen d'une demande de titre de séjour mention " vie privée et familiale " présentée, sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, par un étranger malade et de disposer d'une information complète sur l'état de santé de l'étranger, y compris sur sa capacité à voyager sans risque à destination du pays dont il a la nationalité ; qu'à cet égard, la circonstance que, depuis l'intervention de l'arrêté susvisé du 9 novembre 2011, le médecin de l'agence régionale de santé n'est pas tenu de se prononcer sur le point de savoir si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays est sans influence sur l'étendue des obligations du préfet ;

5. Considérant que, dans son avis du 7 janvier 2014, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de M. E...nécessite des soins, qu'un défaut de prise en charge peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé au vu de l'absence d'un traitement approprié dans le pays d'origine et que la durée prévisible du traitement est d'un an à compter de ce jour ; qu'ainsi ce médecin n'était pas tenu, en application des dispositions précitées de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011, de préciser si l'intéressé pouvait voyager sans risque vers ce pays ; que si M. E...soutient que le préfet de la Côte-d'Or n'a pas été correctement informé sur sa capacité à voyager sans risque vers son pays d'origine, il ne ressort d'aucune pièce du dossier que son état de santé, à la date à laquelle le préfet a pris les décisions contestées, aurait pu susciter des interrogations sur ce point ; qu'en particulier, le certificat médical établi le 17 février 2014 par le centre hospitalier universitaire de Dijon et attestant que " l'état de santé de M. E...hospitalisé en cardiologie depuis le 14/02/2014, contre-indique le voyage prévu en mars 2014 " est postérieur de quelques jours à la décision de refus de titre contestée ; que les autres certificats médicaux établis par le même établissement datés du 17 juin 2013 et du 30 avril 2012 ne pouvaient susciter des doutes sur la capacité de M. E...à voyager sans risque vers son pays ; que, dès lors, dans les circonstances de l'espèce, la décision refusant de délivrer un titre de séjour à M. E... n'est, sur ce point, entachée d'aucune illégalité ;

6. Considérant que, d'autre part, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ; que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ;

7. Considérant que le préfet de la Côte-d'Or, qui n'était pas lié par l'avis du médecin de l'agence régionale de santé, a estimé que l'ensemble des éléments relatifs aux capacités locales en matière de soins médicaux et de médicaments disponibles en Arménie, résultant notamment de la liste des médicaments disponibles en Arménie, des éléments fournis par l'ambassade de France en Arménie en date du 10 avril 2012 et du 12 avril 2013, du rapport daté du 20 novembre 2009 de l'Organisation Internationale pour les Migrations, démontre le sérieux et les capacités des institutions de santé arméniennes qui sont à même de traiter la majorité des maladies courantes et que les ressortissants arméniens sont à même de trouver en Arménie un traitement adapté à leur état de santé ; qu'il ressort des pièces du dossier que M. E...est suivi et soigné pour plusieurs affections dont la plus grave, de nature cardiaque, lui a valu plusieurs interventions chirurgicales ; que, par les pièces qu'il produit, certificats médicaux, ordonnances et bulletins d'hospitalisation, qui sont pour la plupart postérieures à la décision de refus de titre de séjour contestée, il n'établit pas qu'il ne pourrait trouver en Arménie les soins ou traitements appropriés à son état de santé ; que le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code précité doit être écarté ;

8. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

9. Considérant qu'il y a lieu d'écarter, pour les motifs retenus par les premiers juges, le moyen tiré de l'atteinte au droit au respect de la vie privée et familiale des requérants ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme E...a déposé une demande de titre sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 précitées ; que son moyen tiré de la méconnaissance de celles-ci par le préfet de la Côte-d'Or est donc inopérant ;

Sur les autres décisions :

10. Considérant, en premier lieu, que compte tenu de ce qui précède, M. et Mme E... ne sont pas fondés à soutenir que l'obligation de quitter le territoire qui les vise l'un et l'autre est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour qui leur a été opposé ;

11. Considérant, en second lieu, que si M. E...soutient que le renvoi en Arménie l'expose à un traitement inhumain dès lors qu'il ne pourra y être convenablement soigné, il n'est pas établi, comme il a été précédemment dit qu'il ne pourra trouver dans son pays d'origine des soins adaptés à son état de santé ; que le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme et M. E...ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté leurs demandes ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A...E...et de Mme B...E...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...E...et Mme B...E...ainsi qu'au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Côte-d'Or.

Délibéré après l'audience du 27 août 2015 où siégeaient :

- M. Mesmin d'Estienne, président,

- Mme Gondouin et MmeD..., premiers conseillers.

Lu en audience publique, le 17 septembre 2015.

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N° 15LY00628


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY00628
Date de la décision : 17/09/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. MESMIN d'ESTIENNE
Rapporteur ?: Mme Genevieve GONDOUIN
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : CLEMANG

Origine de la décision
Date de l'import : 01/10/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-09-17;15ly00628 ?
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