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19/11/2015 | FRANCE | N°15LY00203

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 19 novembre 2015, 15LY00203


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...C...a demandé au tribunal administratif de Lyon :

- d'annuler les décisions, en date du 13 juin 2014, par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé un délai de départ volontaire de trente jours et a désigné un pays de destination ;

- d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence algérien d'une durée d'un an, portant la mention " v

ie privée et familiale ", à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreint...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...C...a demandé au tribunal administratif de Lyon :

- d'annuler les décisions, en date du 13 juin 2014, par lesquelles le préfet du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé un délai de départ volontaire de trente jours et a désigné un pays de destination ;

- d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence algérien d'une durée d'un an, portant la mention " vie privée et familiale ", à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande ;

- de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, d'une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 1405285 du 16 décembre 2014, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande et les conclusions du préfet du Rhône relatives aux frais non compris dans les dépens.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 15 janvier 2015, Mme A...C..., représentée par Me D..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 16 décembre 2014 ;

2°) d'annuler la décision du préfet du Rhône du 13 juin 2014 ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône de lui délivrer un titre de séjour temporaire d'une durée d'un an, portant la mention " vie privée et familiale " ou de réexaminer sa situation, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la lecture de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement, à son conseil, d'une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 75-1 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'il renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle ;

Elle soutient que :

- le refus de titre de séjour n'a pas été précédé de la consultation de la commission du titre de séjour, alors qu'elle avait été regardée comme remplissant effectivement les conditions permettant la délivrance d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade à l'issue de la consultation du médecin de l'agence régionale de santé ;

- le jugement est entaché d'erreur de fait, d'absence d'examen sérieux et de dénaturation, en ce qu'il estime que le préfet avait produit la liste des médicaments disponibles en Algérie alors que seule la liste des médicaments enregistrés avait été produite ;

- le refus de titre de séjour est entaché d'incompétence, méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- cette décision méconnaît les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la mesure d'éloignement est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de renvoi est illégale du fait de des autres décisions.

Par un mémoire en défense enregistré le 21 mai 2015, le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de Mme C...une somme de 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Mme C...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale le 17 février 2015.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950,

- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié,

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Samson-Dye, premier conseiller,

- les observations de MeB..., représentant Mme C...;

1. Considérant que MmeC..., ressortissante algérienne, relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 13 juin 2014 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et désignation du pays de renvoi ;

Sur la légalité des décisions préfectorales :

2. Considérant, en premier lieu, que l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 régit de manière complète les conditions dans lesquelles les ressortissants algériens peuvent être admis à séjourner en France ; que, dans ces conditions, Mme C...ne peut utilement se prévaloir des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé (...) " ;

4. Considérant que sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ; que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

5. Considérant que, par avis du 13 mai 2014, le médecin inspecteur de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de Mme C...nécessitait une prise en charge dont le défaut pouvait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, qu'un traitement approprié n'existait pas dans son pays d'origine, et que les soins nécessités par son état de santé devaient être poursuivis pendant une durée de six mois ; qu'il ressort des pièces du dossier que Mme C...souffre de dysplasie fibreuse des os, qui a justifié une prise en charge chirurgicale ainsi que des cures de bisphosphonates, et en particulier de pamidronate ;

6. Considérant que, pour contredire l'avis du 13 mai 2014 en ce qui concerne l'existence d'un traitement approprié, le préfet du Rhône produit un document faisant état de la présence de plusieurs structures chirurgicales en Algérie, et notamment de cliniques spécialisées en orthopédie ; qu'il produit également une liste de médicaments enregistrés, ainsi que, pour la première fois en appel, une liste des médicaments du syndicat national algérien des pharmaciens d'officine, sur lesquelles figure, notamment un médicament à base de pamidronate ; que ces listes doivent être regardées comme justifiant de l'existence de ce médicament en Algérie, la requérante ne produisant de son côté aucun document justifiant qu'il ne serait en réalité pas effectivement diffusé dans ce pays ; qu'elle ne justifie par ailleurs pas, par des documents suffisamment probants, qu'elle serait dans l'impossibilité d'accéder effectivement à un traitement adéquat, qui ne saurait se déduire de la seule circonstance, à la supposer établie, que sa pathologie n'aurait été diagnostiquée qu'en France ; qu'il suit de là que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont écarté le moyen tiré de la méconnaissance, par le refus de certificat de résidence algérien, du 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien ; que, compte tenu de l'existence d'un traitement approprié dans son pays d'origine, elle n'est pas davantage fondée à soutenir que l'obligation de quitter le territoire français méconnaît le 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

8. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit, qu'un traitement adapté à l'état de santé de Mme C...est disponible dans son pays d'origine ; que, par ailleurs, celle-ci ne réside en France que depuis moins d'un an à la date des décisions préfectorales litigieuses ; que, si elle se prévaut de ses liens avec sa soeur, de nationalité française, et avec la famille de celle-ci, elle ne conteste pas qu'ainsi qu'elle l'avait indiqué à l'occasion de sa demande de titre de séjour, sa mère et plusieurs de ses frères et soeurs demeurent... ; que, dans ces conditions, ni le refus de titre de séjour, ni l'obligation de quitter le territoire français ne portent d'atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, eu égard aux buts en vue desquels ces mesures ont été prises ; que, par suite, ces décisions ne méconnaissent pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par ailleurs, compte tenu des circonstances de l'espèce ainsi rappelées, la mesure d'éloignement n'est pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée ;

9. Considérant, en quatrième lieu, qu'en vertu du premier alinéa de l'article L. 312-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 312-1 du même code " est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12 ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3 " ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du cas des seuls ressortissants algériens qui remplissent effectivement les conditions prévues, notamment, à l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé, équivalentes à celles de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité ; qu'ainsi qu'il a été dit, Mme C...n'est pas au nombre des étrangers remplissant les conditions énoncées au 7) de l'article 6 de l'accord franco-algérien ; qu'elle ne peut utilement se prévaloir de l'avis favorable qu'avait émis le médecin de l'agence régionale de santé, qui ne lui donnait pas droit à l'obtention d'un titre de séjour dès lors qu'il ne liait pas le préfet ; qu'ainsi, l'administration n'était pas tenue de soumettre son dossier à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande ;

10. Considérant, en cinquième et dernier lieu, qu'en absence de démonstration de l'illégalité du refus de titre de séjour et de la mesure d'éloignement, la requérante n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de ces décisions ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme C...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; qu'il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction, d'astreinte et tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de la loi du 10 juillet 1991 ;

12. Considérant que, par ailleurs, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, à ce que soit mise à la charge de la requérante une somme au titre des frais exposés par l'Etat et non compris dans les dépens ; que les conclusions présentées par le préfet du Rhône tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, dès lors, être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A...C...est rejetée.

Article 2 : Les conclusions du préfet du Rhône tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 22 octobre 2015, où siégeaient :

- Mme Verley-Cheynel, président,

- Mme Gondouin, premier conseiller

- Mme Samson-Dye, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 novembre 2015.

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N° 14LY00768

N° 15LY00203 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY00203
Date de la décision : 19/11/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme VERLEY-CHEYNEL
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON DYE
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 05/12/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-11-19;15ly00203 ?
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