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19/11/2015 | FRANCE | N°15LY00521

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre - formation à 3, 19 novembre 2015, 15LY00521


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

- d'annuler l'arrêté du 4 septembre 2014 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays à destination duquel il serait éloigné ;

- d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de lui délivrer le titre de séjour sollicité, ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation et, dans

l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'un mois so...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Grenoble :

- d'annuler l'arrêté du 4 septembre 2014 par lequel le préfet de la Haute-Savoie a refusé de lui délivrer un titre de séjour, a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai d'un mois et a fixé le pays à destination duquel il serait éloigné ;

- d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de lui délivrer le titre de séjour sollicité, ou, subsidiairement, de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'un mois sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

- de mettre à la charge de l'État la somme de 1 000 euros, à verser à son conseil, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Par un jugement n° 1406075 du 29 janvier 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 11 février 2015, M. A...C..., représenté par MeB..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 29 janvier 2015 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 4 septembre 2014 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et désignation du pays de renvoi ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer le titre de séjour sollicité, dans le délai de 30 jours suivant la décision à intervenir, subsidiairement, de réexaminer sa situation dans le délai de deux mois et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour, dans un délai d'un mois;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à son conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé ; la commission du titre de séjour n'a pas été consultée préalablement à l'édiction de cette décision ; le médecin de l'agence régionale de santé n'a pas précisé s'il pouvait voyager sans risque vers son pays d'origine ; le préfet a commis une erreur de droit au regard des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation, l'administration n'ayant pas procédé à un examen attentif et particulier de son cas ;

- l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de renvoi sont illégales en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ; ces décisions méconnaissent les stipulations les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

M. Kayanzi Matanda a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale le 3 mars 2015.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile,

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979,

- l'arrêté du 9 novembre 2011, relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé, en application de l'article R.312-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé,

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Samson-Dye, premier conseiller.

1. Considérant que M. C...relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 4 septembre 2014 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et désignation du pays de renvoi ;

Sur la légalité des décisions préfectorales :

2. Considérant, en premier lieu, que le refus de titre de séjour litigieux comporte les considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement ; qu'en particulier, cette décision précise que le préfet estime qu'un traitement approprié à l'état de santé de M. C...existe en République Démocratique du Congo, ce qui suffit à justifier en fait cette mesure ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : / 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. (... )" ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé compétente au regard du lieu de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général (...) " et qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011, publié au journal officiel de la République française le 11 décembre 2011 : " Au vu de ce rapport médical et des informations dont il dispose, le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : / si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où un traitement approprié existe dans le pays d'origine, il peut, au vu des éléments du dossier du demandeur, indiquer si l'état de santé de l'étranger lui permet de voyager sans risque vers ce pays (...) " ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le requérant souffre de troubles gastro-entérologiques et d'asthme ; que son état de santé ne suscite aucun doute sur sa capacité à voyager sans risque vers son pays d'origine ; que, dans ces conditions, la circonstance que le médecin de l'agence régionale de santé n'ait pas précisé s'il pouvait voyager sans risque vers son pays d'origine est, dans les circonstances de l'espèce, sans incidence sur la légalité du refus de titre de séjour litigieux ;

5. Considérant, en troisième lieu, que sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle ; que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

6. Considérant que, par avis du 17 juin 2014, le médecin inspecteur de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de M. C... nécessitait une prise en charge dont le défaut pouvait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'un traitement approprié existait dans son pays d'origine ; que l'intéressé n'apporte pas d'éléments suffisamment probants pour remettre en cause la présomption de disponibilité d'un traitement approprié résultant de cet avis ; que les circonstances tenant au coût des médicaments nécessaires sont sans incidence sur son droit à un titre de séjour, apprécié uniquement au regard de l'existence du traitement dans le pays considéré, et ne sauraient être regardées comme caractérisant, en l'espèce, des circonstances humanitaires exceptionnelles ; qu'ainsi, le préfet de la Haute-Savoie n'a pas entaché le refus de titre de séjour d'erreur de droit, ni même d'erreur d'appréciation, au regard des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

7. Considérant, en quatrième lieu, qu'ainsi qu'il a été dit, un traitement approprié à l'état de santé du requérant existe dans son pays d'origine ; qu'il ne fait état d'aucune attache familiale sur le territoire français, où il réside depuis moins de trois ans seulement à la date de l'arrêté litigieux ; que, s'il allègue que sa mère et son frère résident en Angola, il ne justifie pas être dépourvu de toute attache dans son pays d'origine, où il a passé la majeure partie de son existence ; que les risques allégués de mauvais traitement en cas de retour dans son pays d'origine, qui ne peuvent être utilement invoqués qu'à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi, ne sont pas étayés par des éléments suffisamment probants, l'avis de recherche produit étant en particulier dénué de garantie d'authenticité ; qu'il ne ressort par ailleurs pas des pièces du dossier que l'épidémie du virus Ebola en République Démocratique du Congo était, à la date des décisions litigieuses, d'une ampleur telle que son retour dans ce pays pourrait lui faire craindre pour sa vie ; que, dans ces conditions, le refus de titre de séjour, la mesure d'éloignement et la décision fixant le pays de renvoi ne portent pas d'atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, au regard des buts en vue desquels ces mesures ont été prises, et ne méconnaissent donc pas l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'au regard de l'ensemble des circonstances de l'espèce ainsi rappelées, ces décisions ne sont pas davantage entachées d'erreur manifeste d'appréciation ;

8. Considérant, en cinquième lieu, qu'aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 313- 14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 312-1 du même code : " Dans chaque département, est instituée une commission du titre de séjour (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 312-2 de ce code : " La commission est saisie par l'autorité administrative lorsque celle-ci envisage de refuser de délivrer ou de renouveler une carte de séjour temporaire à un étranger mentionné à l'article L. 313-11 ou de délivrer une carte de résident à un étranger mentionné aux articles L. 314-11 et L. 314-12, ainsi que dans le cas prévu à l'article L. 431-3. " ; qu'il résulte de ces dispositions que le préfet est tenu de saisir la commission du titre de séjour du cas des seuls étrangers qui remplissent effectivement les conditions prévues aux articles L. 313-11, L. 314-11, L. 314-12 et L. 431-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou qui justifient d'une résidence habituelle de plus de dix ans sur le territoire français, auxquels il envisage de refuser le titre de séjour sollicité, et non de celui de tous les étrangers qui se prévalent de ces dispositions ; que M. C... n'est pas au nombre des étrangers remplissant les conditions énoncées à l'article L. 313-11 pour obtenir un titre de séjour de plein droit ; qu'il ne réside pas en France depuis plus de dix ans ; qu'ainsi, le préfet n'était pas tenu de soumettre son cas à la commission du titre de séjour avant de rejeter sa demande ;

9. Considérant, en sixième lieu, qu'en absence de démonstration de l'illégalité du refus de titre de séjour, le requérant n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision ;

10. Considérant, en septième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet a procédé à l'examen personnel de la situation de l'intéressé ;

11. Considérant, en huitième et dernier lieu, qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales " ; que ce dernier texte stipule que : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants " ; que la méconnaissance de ces stipulations et dispositions ne peut être utilement invoquée qu'à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi ; que, si le requérant allègue avoir fait l'objet de persécutions en République Démocratique du Congo en raison de son engagement politique, l'unique document produit à l'appui de ces allégations, à savoir le témoignage d'un compatriote réfugié, est insuffisamment probant pour établir la réalité des risques encourus ; qu'ainsi qu'il a été dit, le risque d'une contamination par le virus Ebola en cas de retour en République Démocratique du Congo n'était pas tel que la vie de M. C...pût être regardée comme menacée ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction, d'astreinte et tendant à l'application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées, par voie de conséquence ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A...C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 22 octobre 2015, où siégeaient :

- Mme Verley-Cheynel, président,

- Mme Gondouin, premier conseiller,

- Mme Samson-Dye, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 novembre 2015.

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N° 14LY00768

N° 15LY00521 2


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme VERLEY-CHEYNEL
Rapporteur ?: Mme Aline SAMSON DYE
Rapporteur public ?: M. DURSAPT
Avocat(s) : ALBERTIN

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 19/11/2015
Date de l'import : 05/12/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 15LY00521
Numéro NOR : CETATEXT000031529339 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2015-11-19;15ly00521 ?
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