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26/01/2016 | FRANCE | N°14LY01974

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 26 janvier 2016, 14LY01974


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...C..., épouse D...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du préfet du Rhône du 20 janvier 2014, lui refusant le renouvellement d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel elle serait reconduite d'office.

Par un jugement n° 1401496 du 10 juin 2014, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enreg

istrée le 25 juin 2014, MmeD..., représentée par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A...C..., épouse D...a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du préfet du Rhône du 20 janvier 2014, lui refusant le renouvellement d'un titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et désignant le pays à destination duquel elle serait reconduite d'office.

Par un jugement n° 1401496 du 10 juin 2014, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 25 juin 2014, MmeD..., représentée par MeE..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 10 juin 2014 ;

2°) d'annuler les décisions susmentionnées pour excès de pouvoir ;

3°) d'enjoindre au préfet du Rhône, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1200 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée.

Elle soutient que :

S'agissant du refus de renouvellement de titre de séjour :

- la décision est entachée d'un vice d'incompétence ;

- la décision viole les dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision a été prise en violation des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision méconnaît les dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

S'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- la décision est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour qui la fonde ;

- la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

S'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- la décision est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour et de la décision portant obligation de quitter le territoire.

Par un mémoire défense enregistré le 18 décembre 2015 le préfet du Rhône conclut au rejet de la requête ; le préfet fait valoir qu'aucun moyen nouveau n'étant articulé en appel, il s'en rapporte à ses écritures de première instance.

Mme D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 août 2014.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bourrachot, président.

1. Considérant que MmeD..., ressortissante ivoirienne née le 4 décembre 1979, est entrée en France le 30 septembre 2011, après avoir épousé un ressortissant français, le 7 juillet 2011 ; qu'elle a obtenu, en sa qualité de conjointe de Français, un titre de séjour dont elle a sollicité le renouvellement ; que, par arrêté du 20 janvier 2014, le préfet du Rhône lui a refusé ce renouvellement et a assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français en désignant le pays à destination duquel elle serait reconduite d'office ; que Mme D...relève appel du jugement du 10 juin 2014, par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur la décision de refus de renouvellement de titre de séjour :

2. Considérant que Mme F...B..., directrice de la citoyenneté, de l'immigration et de l'intégration de la préfecture du Rhône, qui a signé la décision attaquée, bénéficiait d'une délégation de signature du préfet du Rhône en date du 16 janvier 2014, régulièrement publiée au recueil des actes administratifs de la préfecture du Rhône le 17 janvier 2014, à l'effet de signer les actes administratifs établis par sa direction à l'exception de certains documents parmi lesquels ne figurent pas les décisions de refus de délivrance de titre de séjour ; que la circonstance que la signature figurant sur l'arrêté en litige est similaire à celles apposées sur d'autres documents de la préfecture du Rhône mentionnant des signataires différents n'est pas de nature, par elle-même, à remettre en cause l'identité du signataire de l'arrêté en litige ; que, dès lors, le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de la décision attaquée manque en fait ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 4° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que la communauté de vie n'ait pas cessé depuis le mariage, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (...) " et qu'aux termes de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Le renouvellement de la carte de séjour délivrée au titre du 4° de l'article L. 313-11 est subordonné au fait que la communauté de vie n'ait pas cessé, sauf si elle résulte du décès du conjoint français. Toutefois, lorsque la communauté de vie a été rompue en raison de violences conjugales qu'il a subies de la part de son conjoint, l'autorité administrative ne peut procéder au retrait du titre de séjour de l'étranger et peut en accorder le renouvellement. (...) " ;

4. Considérant que lorsque qu'il se prononce tant sur une demande de première délivrance d'un titre de séjour, présentée par un ressortissant étranger conjoint d'un ressortissant français, que sur une demande de renouvellement d'un tel titre, et lorsque le demandeur soutient que la condition de communauté de vie, mentionnée par les dispositions précitées des articles L. 311-11 et L. 311-12, n'est plus satisfaite en raison de violences subies de la part de son conjoint, le préfet doit, dans tous les cas, s'assurer de la réalité de ces violences avant de se prononcer sur ces demandes ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que MmeD..., de nationalité ivoirienne, entrée régulièrement en France le 30 septembre 2011, sous couvert d'un visa de long séjour portant la mention " conjoint de Français ", s'est vu refuser le renouvellement de son titre de séjour par décision du préfet du Rhône en date du 20 janvier 2014, au motif de la rupture de la communauté de vie d'avec son époux français ; que MmeD..., qui ne conteste pas la réalité de la cessation de la communauté de vie, soutient que le préfet aurait dû néanmoins procéder au renouvellement de son titre de séjour, eu égard au fait que cette rupture trouve son origine dans les violences physiques et psychologiques qu'elle a subies de la part de son conjoint ; qu'elle produit notamment à l'appui de ses allégations un procès-verbal, en date du 8 octobre 2013, concernant un dépôt de plainte de sa part pour usurpation de son identité par son époux sur un réseau social ainsi que deux récépissés de déclarations de main courante effectuées par la requérante les 16 août et 27 octobre 2012 pour " différends entre époux " et trois attestations datées de mars et novembre 2013 mentionnant son suivi et son hébergement, depuis le 5 mai 2013, par une association accompagnant les femmes victimes de violences conjugales ; que toutefois, les éléments susmentionnés apportés à l'appui de son récit ne permettent pas de retenir l'existence de violences conjugales précises et avérées, la faisant entrer dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi, Mme D...n'est pas fondée à soutenir que le préfet du Rhône a méconnu les dispositions de l'article L. 313-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en lui refusant le renouvellement de son titre de séjour ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

7. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme D...est arrivée sur le territoire français deux ans seulement avant la date de la décision en litige, après avoir vécu jusqu'à l'âge de trente et un ans en Côte-d'Ivoire, où elle conserve de fortes attaches familiales, en la personne notamment de ses cinq frères et soeurs ; que si MmeD..., séparée et en instance de divorce de son époux français, soutient avoir développé des liens amicaux intenses et stables en France et s'être insérée professionnellement, la seule circonstance qu'elle occupe un emploi à temps partiel sous couvert d'un contrat à durée indéterminée, en qualité d'agent de cuisine, ne saurait constituer une insertion socio-professionnelle justifiant, à elle-seule, son admission sur le territoire français, alors qu'elle n'allègue pas disposer d'autres attaches familiales sur le territoire français ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, la décision de refus de renouvellement de titre de séjour contestée n'a pas porté au droit de l'intéressée au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ; qu'elle n'a, dès lors, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

8. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet du Rhône n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision en refusant de renouveler le titre de séjour de Mme D...;

9. Considérant que MmeD..., qui n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou de l'article L. 313-14 du même code, dispositions au titre desquelles le préfet ne s'est pas prononcé par l'arrêté contesté, ne peut pas utilement se prévaloir de ces dispositions pour contester le refus de renouvellement de titre de séjour en litige ;

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

10. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré ; (...) " ;

11. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que MmeD..., de nationalité ivoirienne, s'est vu refuser le renouvellement d'un titre de séjour par décision du 20 janvier 2014 ; qu'ainsi, à la date de l'arrêté attaqué, elle était dans le cas prévu par les dispositions précitées du 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile où le préfet peut faire obligation à un étranger de quitter le territoire français ;

12. Considérant que la décision de refus de renouvellement de titre de séjour n'étant pas illégale, Mme D...n'est pas fondée à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité de cette décision à l'encontre de la décision l'obligeant à quitter le territoire français ;

13. Considérant que pour les motifs énoncés ci-dessus et eu égard aux effets d'une mesure d'éloignement, la décision contestée n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Sur la décision désignant le pays de destination :

14. Considérant d'une part, qu'il résulte de l'examen ci-avant de la légalité de l'obligation de quitter le territoire français, que la requérante n'est pas fondée à exciper de l'illégalité de cette mesure d'éloignement à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision désignant le pays de renvoi ; que, d'autre part, la décision désignant le pays de renvoi n'ayant été prise ni en application ni sur le fondement de la décision de refus de renouvellement de titre de séjour, Mme D...ne saurait utilement exciper de l'illégalité de ce refus de séjour à l'appui de ses conclusions dirigées contre la décision fixant le pays de renvoi ;

15. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction et de mise à la charge de l'Etat des frais exposés par elle et non compris dans les dépens doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...C..., épouse D...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet du Rhône.

Délibéré après l'audience du 5 janvier 2016 à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président,

Mme Mear, président-assesseur,

Mme Duguit-Larcher, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 26 janvier 2016.

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N° 14LY01974


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: M. François BOURRACHOT
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : SABATIER

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 26/01/2016
Date de l'import : 06/02/2016

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 14LY01974
Numéro NOR : CETATEXT000031973378 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2016-01-26;14ly01974 ?
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