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09/02/2017 | FRANCE | N°15LY00594

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 09 février 2017, 15LY00594


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mlle C...D..., Mme F...D..., M. G...D...et M. A...D...ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la commune de Cranves-Sales à réparer les préjudices subis suite à une chute de cheval dont Mlle C...D...a été victime, le 23 juin 2007, dans cette commune, en versant les indemnités suivantes, outre intérêts au taux légal à compter du 23 juin 2011 :

- à Mlle C...D...une indemnité en capital de 5 456 832 euros, ou, subsidiairement, une indemnité en capital de 2 789 426,20 euros et

une rente viagère annuelle de 61 057,20 euros payable et revalorisée au 1er janvie...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mlle C...D..., Mme F...D..., M. G...D...et M. A...D...ont demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la commune de Cranves-Sales à réparer les préjudices subis suite à une chute de cheval dont Mlle C...D...a été victime, le 23 juin 2007, dans cette commune, en versant les indemnités suivantes, outre intérêts au taux légal à compter du 23 juin 2011 :

- à Mlle C...D...une indemnité en capital de 5 456 832 euros, ou, subsidiairement, une indemnité en capital de 2 789 426,20 euros et une rente viagère annuelle de 61 057,20 euros payable et revalorisée au 1er janvier de chaque année à compter du 25 juin 2010, ou, très subsidiairement, une indemnité en capital de 2 789 426,20 euros et une rente viagère annuelle de 22 896,45 euros payable et revalorisée au 1er janvier de chaque année à compter du 25 juin 2010 ;

- à M. G...D...une indemnité de 132 681,53 euros ;

- à Mme F...D...une indemnité de 80 000 euros ;

- à M. A...D...une indemnité de 60 000 euros.

La société Generali France Assurances a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la commune de Cranves-Sales à lui rembourser une somme totale de 48 984,42 euros.

La société Macif Rhône-Alpes a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la commune de Cranves-Sales à lui rembourser une somme de 47 161,44 euros.

La société compagnie Allianz Worldwide Care a présenté un mémoire enregistré postérieurement à la clôture de l'instruction prévue par l'article R. 613-2 du code de justice administrative devant le tribunal administratif de Grenoble.

Par un jugement n° 1105173 du 18 décembre 2014, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté les demandes des consortsD..., de la société Generali France Assurances et de la société Macif Rhône-Alpes et déclaré le jugement commun à la société Van Breda International et à la société Allianz Worldwide Care.

Procédure devant la cour

I) Par une requête enregistrée le 17 février 2015, sous le n° 15LY00594, présentée pour Mlle C...D..., Mme F...D..., M. G...D...et M. A...D..., il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1105173 du 18 décembre 2014 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) de prononcer les condamnations demandées ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Cranves-Sales les sommes de 6 000 euros, à verser à Mlle C...D..., 2 000 euros, à verser à M. et Mme D... et 1 000 euros à verser à M. A...D...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Cranves-Sales les entiers dépens incluant les frais d'expertise.

Ils soutiennent que :

- dès lors que Mlle C...D...avait, au moment de l'accident dont elle a été la victime, le 23 juin 2007, à l'occasion d'une animation équestre offerte pour la fête traditionnelle de la Saint-Jean, d'intérêt général, la qualité de collaborateur occasionnel du service public, la responsabilité sans faute de la commune de Cranves-Sales doit être retenue, dès lors que les festivités avaient été organisées par le syndicat d'initiative, sous le contrôle de cette commune, qui est toujours intervenue très activement dans l'organisation de cette manifestation, et dont des représentants sont membres de ce syndicat d'initiative ; la commune a encadré la manifestation en prenant des arrêtés d'autorisation, et celle-ci a eu lieu sous le contrôle étroit de la commune, qui avait le pouvoir d'accorder ou non les autorisations nécessaires au déroulement de la manifestation ; la commune a accordé des subventions pour l'organisation de la manifestation ; le groupe de cavalier dont faisait partie Mlle D...a été sollicité par la commune qui a organisé une démonstration équestre de maniabilité et fait procéder à la mise en place de barrières délimitant l'espace de démonstration ;

- la circonstance que Mlle D...a été victime d'un accident dans une phase de transition, alors qu'elle tentait de détendre sa monture après un numéro de maniabilité, n'est pas de nature à lui faire perdre son statut de collaborateur bénévole du service public ;

- il n'est nullement rapporté une quelconque imprudence fautive de la part de cette cavalière dans la gestion de son animal ni dans l'absence de port d'une bombe, qui n'est pas une obligation imposée par une norme juridique et dès lors qu'elle portait une tenue correspondant à un personnage de cow-boy ; au demeurant, il n'est pas établi médicalement que le port de cette bombe aurait permis d'éviter et/ ou de limiter ses dommages puisqu'elle a présenté des lésions cérébrales consécutives à un phénomène kinétique connu d'accélération et décélération et présenté des lésions axonales diffuses caractéristiques de ce phénomène, rencontrées très souvent en dehors de tout choc direct dans les accidents de la route ;

- Mlle C...D...est fondée à réclamer l'indemnisation des préjudices suivants :

- au titre des préjudices patrimoniaux temporaires, jusqu'à la consolidation : dépenses de santé actuelles, frais d'assistance de médecin conseil, frais d'assistance par une tierce personne, frais de transport, frais de soutien scolaire ;

- au titre des préjudices patrimoniaux permanents : dépenses de santé futures, frais de logement adapté et de cours supplémentaires pour l'obtention du permis de conduire, frais d'assistance par une tierce personne, pertes de gains professionnels futurs et incidence professionnelle, préjudice scolaire, universitaire et de formation ;

- au titre des préjudices extra-patrimoniaux temporaires : déficit fonctionnel temporaire, souffrances endurées, préjudice esthétique temporaire ;

- au titre des préjudices extra-patrimoniaux permanents : déficit fonctionnel permanent, préjudice d'agrément, préjudice esthétique permanent, préjudice sexuel, préjudice d'établissement ;

- M. G... D...est fondé à réclamer l'indemnisation de son préjudice patrimonial, résultant de la prise en charge de sa fille auprès de sa caisse d'assurance maladie, et de son préjudice d'affection ;

- Mme F...D...est fondée à réclamer l'indemnisation de son préjudice d'affection ;

- M. A...D...est fondé à réclamer l'indemnisation de son préjudice d'affection.

Par un mémoire, enregistré le 20 avril 2015, présenté pour la compagnie Generali France assurances, elle conclut à l'annulation du jugement attaqué et à la condamnation de la commune de Cranves-Sales à lui verser une indemnité d'un montant total de 48 984,42 euros et une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que dès lors qu'elle intervient au titre des garanties contractuelles de l'assurance individuelle accident comprise au sein de la licence de Mlle C...D...souscrite par la Fédération française d'équitation pour les frais médicaux après intervention du régime obligatoire et épuisement des remboursements de la sécurité sociale et de la mutuelle et l'indemnisation des séquelles fonctionnelle persistantes à compter du premier pourcentage d'invalidité, elle est fondée à demander la condamnation, au titre d'une responsabilité sans faute, de la commune de Cranves-Sales, en sa qualité d'organisatrice de la fête communale au cours de laquelle Mlle D... a été blessée, des sommes qu'elle a réglées en exécution du contrat d'assurance.

Par un mémoire, enregistré le 9 juin 2015, présenté pour la commune de Cranves-Sales, elle conclut au rejet de la requête, à titre subsidiaire à l'organisation d'une mesure d'expertise et à ce que soit mise à la charge des requérants la somme de 6 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en l'absence de véritable critique au jugement, la requête ne peut qu'être purement et simplement rejetée et déclarée irrecevable ;

- Mlle D... exerce une activité libérale à Genève et mène une vie tout à fait normale, ne nécessitant à ce jour aucune indemnité pour une existence diminuée par l'accident dont elle a été victime ;

- la fête de la Saint-Jean et la démonstration hippique dans le cadre duquel celle-ci a eu lieu n'ont pas été organisées par la commune mais par le syndicat d'initiative, personne morale de droit privé totalement indépendante de la commune ;

- l'accident n'a pas eu lieu dans le cadre de la démonstration hippique mais après que celle-ci était finie ;

- en tout état de cause l'imprudence de Mlle D... est seule à l'origine de l'accident survenu ; contrairement à ce qu'affirment les requérants, Mlle D... a présenté un traumatisme crânio-cérébral de sorte que l'absence de port d'une bombe est en lien direct de causalité avec les préjudices subis ;

- si sa responsabilité était retenue, les préjudices de Mlle D... ne pourraient qu'être rejetés purement et simplement, au regard de la vie normale qu'elle mène actuellement, seules certaines demandes liées aux semaines qui ont suivi son accident et son hospitalisation pouvant être indemnisées, mais ramenées à de plus justes proportions, et les demandes de sa famille devront être également ramenées à de plus justes proportions, pour celles qui sont recevables et bien fondées.

Par un mémoire, enregistré le 21 août 2015, présenté pour la société Macif Rhône-Alpes, elle conclut à l'annulation du jugement attaqué et à la condamnation de la commune de Cranves-Sales à lui verser une indemnité d'un montant total de 61 989,84 euros et une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que dès lors que Mlle D... a subi un accident alors qu'elle avait la qualité de collaborateur occasionnel ou bénévole d'un service public, la parade ayant été indéniablement mise en place au profit des habitants de la commune, la responsabilité sans faute de la commune doit être reconnue et elle est fondée à demander la condamnation de la commune de Cranves-Sales à lui à demander le remboursement des sommes versées à son assurée au titre des indemnités, à hauteur de 61 989,84 euros.

Par un mémoire, enregistré le 13 novembre 2015, présenté pour Mlle C...D..., Mme F...D..., M. G...D...et M. A...D..., ils maintiennent les conclusions de leur requête par les mêmes moyens.

Ils soutiennent, en outre, que Mlle D... n'exerce aucune activité rémunérée et n'a perçu aucun revenu au cours de l'année 2014, l'exercice d'une activité de naturopathie restant une activité à titre occupationnel.

Par un mémoire, enregistré le 22 décembre 2015, présenté pour la commune de Cranves-Sales, elle maintient ses conclusions pour les mêmes motifs.

Par un mémoire, enregistré le 19 mai 2016, présenté pour Mlle C...D..., Mme F...D..., M. G...D...et M. A...D..., ils maintiennent les conclusions de leur requête par les mêmes moyens, tout en chiffrant à 5 457 571,76 euros l'indemnité réclamée en réparation des préjudices de Mlle D..., à 133 887,73 euros l'indemnité réclamée par M. G...D..., et à 2 535 727,13 euros l'indemnité réclamée à titre subsidiaire au titre des frais d'assistance d'une tierce personne, outre une rente viagère de 61 057,20 euros ou de 22 896,45 euros payable chaque année.

Par un mémoire, enregistré le 29 novembre 2016, présenté pour la commune de Cranves-Sales, elle maintient ses conclusions pour les mêmes motifs.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions d'appel présentées par la compagnie Generali France assurances et par la société Macif Rhône-Alpes, présentées après l'expiration du délai d'appel qui a couru à compter de la notification du jugement attaqué.

Par un mémoire, enregistré le 22 décembre 2016, présenté pour la société Macif Rhône-Alpes, elle maintient ses conclusions par les mêmes moyens et soutient, en outre, en réponse à la lettre adressée aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que ses conclusions, présentes en qualité d'intervenant volontaire afin de faire valoir ses droits, ne sont pas tardives dès lors qu'elle est subrogée dans les droits des consortsD..., victimes en l'espèce, demandeurs principaux, mais également appelants principaux, et dès lors que les victimes ont formé appel dans le délai, le tiers, subrogé pour partie dans les droits de celle-ci, est recevable à intervenir volontairement à la procédure d'appel.

Par un mémoire, enregistré le 23 décembre 2016, présenté pour la commune de Cranves-Sales, elle conclut au rejet pour tardiveté des conclusions de la compagnie Generali France et de la société Macif Rhône-Alpes.

Elle soutient que les conclusions d'appel de la compagnie Generali France et de la société Macif Rhône-Alpes ont été présentées plus de deux mois après la date du jugement de première instance.

Par un mémoire, enregistré le 16 janvier 2017, présenté pour la compagnie Generali France, elle soutient, en réponse à la lettre adressée aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que ses conclusions sont bien recevables ;

II) Par une requête enregistrée le 23 février 2015, sous le n° 15LY00637, présentée pour la société compagnie Allianz Worldwide Care (AWC SA), il est demandé à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1105173 du 18 décembre 2014 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) de condamner la commune de Cranves-Sales à lui verser une somme de 330 217,08 euros correspondant aux sommes versées à la suite de l'accident dont a été victime Mlle D... le 28 juin 2007 ;

3°) de mettre à la charge de commune de Cranves-Sales la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- dès lors qu'elle été notée comme " intervenant en requête " sur le site Sagace et que le jugement lui a été déclaré commun par le tribunal, elle a qualité pour faire appel du jugement ;

- dès lors que la commune de Cranves-Sales avait a minima la qualité de co-organisatrice de la fête communale, sa responsabilité sans faute doit être engagée à raison de la qualité de collaborateur occasionnel du service public de Mlle D... ;

- elle est fondée à réclamer le remboursement des frais médicaux qu'elle a remboursés à Mlle D... et qui sont directement liés à l'accident dont elle a été victime.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions de la requête la compagnie Allianz Worldwide Care qui, mise à même de faire valoir ses droits devant le tribunal administratif mais ayant omis de demander en temps utile le remboursement des frais exposés antérieurement à la clôture de l'instruction, n'est pas recevable à le demander devant le juge d'appel.

Par un mémoire, enregistré le 20 décembre 2016, présenté pour la compagnie Allianz Worldwide Care, elle maintient ses conclusions par les mêmes moyens et soutient, en outre, en réponse à la lettre adressée aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que ses conclusions sont recevables, dès lors qu'elle n'avait pas reçu notification de l'avis d'audience devant le tribunal, de sorte que le délai prévu par l'article R. 613-2 du code de justice administrative ne lui est pas opposable et qu'elle ne peut être considérée comme ayant été mise à même de faire valoir ses droits devant le tribunal administratif.

Par un mémoire, enregistré le 27 décembre 2016, présenté pour la commune de Cranves-Sales, elle conclut au rejet de la requête de la compagnie Allianz Worldwide Care et à ce que la somme de 6 000 euros soit mise à sa charge au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la fête de la Saint-Jean et la démonstration hippique dans le cadre duquel celle-ci a eu lieu n'ont pas été organisées par la commune mais par le syndicat d'initiative, personne morale de droit privé totalement indépendante de la commune ;

- l'accident n'a pas eu lieu dans le cadre de la démonstration hippique mais après que celle-ci était finie ;

- en tout état de cause l'imprudence de Mlle D... est seule à l'origine de l'accident survenu ; contrairement à ce qu'affirment les requérants, Mlle D... a présenté un traumatisme crânio-cérébral de sorte que l'absence de port d'une bombe est en lien direct de causalité avec les préjudices subis ;

- la compagnie Allianz Worldwide Care n'est pas recevable à demander le remboursement des frais exposés alors qu'elle a formé ses demandes postérieurement à la date de clôture de l'instruction de première instance ;

- la compagnie Allianz Worldwide Care verse aux débats une attestation par laquelle elle prétend avoir remboursé à l'OMC une somme totale de 396 943,21 euros et affirme que le contrat prévoyait un recours subrogatoire, alors que cette seule attestation, rédigée par l'appelante elle-même, ne peut permettre de justifier de la recevabilité du recours subrogatoire alors même qu'il n'est justifié ni du montant des sommes revendiquées, ni du lien de causalité avec l'accident de MaevaD..., ni de l'existence d'une quelconque subrogation.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 19 janvier 2017 :

- le rapport de M. Seillet, président-assesseur ;

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public ;

- et les observations de Me Weber, avocat des consortsD..., de Me Couderc, avocat de la compagnie Allianz Worldwide Care, de Me Vigneron avocat de la société Macif Rhône-Alpes et de Me Ramio, avocat de la commune de Cranves-Sales.

1. Considérant que Mlle D..., alors âgée de 19 ans, est tombée de cheval, le 23 juin 2007, à Cranves-Sales, alors qu'elle participait, dans le cadre des festivités organisées dans cette commune à l'occasion à la fête de la Saint-Jean, à une démonstration de maniabilité et de dressage équestres ; que cette chute a été à l'origine d'une perte de connaissance, qui a justifié son transport par le SAMU vers l'hôpital cantonal de Genève, et a entraîné un coma de 22 jours, la victime ayant été hospitalisée dans un service de soins intensifs du 23 juin au 5 juillet 2007, puis transférée dans un service de neurochirurgie, du 5 au 18 juillet, avant son placement pour une neuro-rééducation dans un autre établissement ; que les examens pratiqués au cours de ces périodes d'hospitalisation ont révélé des lésions de régions cérébrales ainsi que des paralysies de certains nerfs (III et IV droit) avec diplopie, qui a justifié une intervention chirurgicale ; qu'à la suite de la demande de Mlle D..., laquelle conserve des séquelles sous forme d'une parésie du nerf IV droit avec diplopie dans certaines positions du regard et affirme souffrir d'importants troubles cognitifs, tels que des troubles du langage, attentionnels et du comportement, et de ses proches, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a désigné, par une ordonnance du 5 février 2009, un expert, auquel ont été adjoints des sapiteurs par une ordonnance du 9 septembre 2009, dont le rapport a été déposé le 11 mars 2011 ; qu'après le rejet des réclamations préalables adressées à la commune de Cranves-Sales, Mlle D..., ses parents et son frère ont recherché la responsabilité de cette commune devant cette même juridiction ; que la compagnie d'assurances Generali, au titre des garanties contractuelles de l'assurance individuelle accident comprise dans la licence de Mlle D... souscrite par la Fédération française d'équitation, et la société Macif Rhône-Alpes, assureur de la mère de la victime, ont présenté des conclusions indemnitaires ; que la procédure a été communiquée à la " Caisse de Sécurité Sociale Van Breda International ", gestionnaire du contrat d'assurance conclu entre la société Allianz Vie, dont les contrats ont été acquis en 2004 par la société Allianz Worldwide Care, et l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC), dont M. G...D..., père de la victime, est salarié ; que la compagnie Allianz Worldwide Care a présenté des conclusions par un mémoire parvenu au greffe du tribunal après la clôture automatique de l'instruction ; que, par une requête enregistrée sous le n° 15LY00594, les consorts D...font appel du jugement du 18 décembre 2014 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes ; que la compagnie Generali France assurances et la société Macif Rhône-Alpes font également appel du jugement en tant qu'il a rejeté leurs demandes ; que, sous le n° 15LY00367, la compagnie Allianz Worldwide Care fait appel du même jugement et demande à la cour de condamner la commune de Cranves-Sales à lui verser une somme de 330 217,08 euros correspondant aux sommes versées à la suite de l'accident dont Mlle D... a été victime ;

2. Considérant que les requêtes susvisées sont dirigées contre le même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt ;

Sur la fin de non recevoir opposée à la requête des consorts D...par la commune de Cranves-Sales :

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les consorts D...ont présenté, dans le délai d'appel, une requête qui ne se limite pas à la seule reproduction intégrale et exclusive de leurs mémoires de première instance ; qu'elle répond ainsi aux exigences posées à l'article R. 411-1 du code de justice administrative ; que, par suite, la fin de non-recevoir tirée de ce que la requête serait entachée d'un défaut de motivation doit être écartée ;

Sur la recevabilité des conclusions de la compagnie Allianz Worldwide Care :

4. Considérant que la compagnie Allianz Worldwide Care a acquis, avec effet au 1er juillet 2004, le contrat d'assurance conclu entre Allianz Vie et l'Organisation Mondiale du Commerce (OMC), dont M. G...D...est salarié ; que le gestionnaire de ce contrat est la société Van Breda International, à laquelle la procédure a été communiquée par le tribunal ; que la compagnie Allianz Worldwide Care, appelée en déclaration de jugement commun dans l'instance engagée devant le tribunal administratif de Grenoble tendant à la condamnation de la commune de Cranves-Sales à réparer les préjudices de Mlle D... et de ses proches, a, par un mémoire enregistré le 1er décembre 2014, postérieurement à la clôture de l'instruction, demandé que la commune de Cranves-Sales soit condamnée à lui rembourser les sommes versées à son assuré, pour une période comprise entre le 23 juin 2007 et le 25 juin 2010 ; qu'ayant été mise à même de faire valoir ses droits devant le tribunal administratif mais ayant omis de demander en temps utile le remboursement des frais exposés antérieurement à la clôture de l'instruction, la compagnie Allianz Worldwide Care n'est plus recevable à le demander devant le juge d'appel ; que, par suite, les conclusions de la requête de la compagnie Allianz Worldwide Care tendant au remboursement de ces sommes doivent être rejetées ;

Sur la responsabilité de la commune de Cranves-Sales :

5. Considérant, d'une part, qu'il résulte de l'instruction, et en particulier des témoignages produits en appel par les requérants, de M.E..., maire de la commune de Cranves-Sales à la date de l'accident dont a été victime Mlle D... le 23 juin 2007, de M. Dalvet, président de l'amicale des sapeurs-pompiers, et de M.B..., qu'en réponse à la demande de nouvelles animations formulée par la municipalité pour la fête locale traditionnelle de la Saint-Jean, M. Dalvet, membre d'un groupe de randonneurs équestres auquel appartenait également Mlle D..., a proposé l'organisation d'une démonstration de dressage et de maniabilité sur le thème du " far-west " ; qu'il en résulte également que les autorités municipales, après avoir accepté cette proposition, ont fait procéder à la délimitation du périmètre de déroulement de la fête et à la mise en place, par les services communaux, de barrières de sécurité marquant un espace protégé dans le périmètre festif ; que ces éléments sont corroborés par les mentions figurant sur le site Internet de la commune, relatives à la fête de la Saint-Jean de juin 2007, selon lesquelles " un investissement important des associations, du personnel communal et de la municipalité aura permis d'assurer cette manifestation " ; que la seule circonstance que le syndicat d'initiative de la commune de Cranves-Sales a également participé à l'organisation des festivités ne saurait exclure la responsabilité de la commune ; que selon les témoignages au dossier, la chute de Mlle D... s'est produite alors que, après avoir participé à la démonstration et s'être éloignée du lieu de celle-ci afin de détendre sa monture, elle se trouvait sur le chemin du retour vers l'aire de démonstration ; qu'ainsi, Mlle D..., qui participait, en tant que membre d'un groupe de cavaliers sollicités par la municipalité pour animer bénévolement un spectacle donné à l'occasion d'une fête locale traditionnelle, à l'organisation matérielle duquel les services municipaux avaient pris part, notamment en mettant en place un espace sécurisé matérialisé par des barrières, doit être regardée, non comme un usager bénéficiaire de prestations offertes à l'occasion de cette fête, mais comme ayant agi en qualité de collaborateur bénévole d'un service public municipal ;

6. Considérant, d'autre part, que si la commune de Cranves-Sales fait valoir que Mlle D... ne portait pas de casque au moment de sa chute, cette circonstance, eu égard à la nature des lésions constatées a, en tout état de cause, été sans incidence sur la survenance des préjudices dont il est demandé réparation ;

7. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la réparation des conséquences dommageables de l'accident survenu à Mlle D... incombe à la commune de Cranves-Sales ;

Sur les préjudices :

8. Considérant que si l'expert désigné par le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble, assisté des sapiteurs désignés par ledit juge des référés, a procédé, dans son rapport du 11 mars 2011, puis dans sa réponse aux dires des parties, à une évaluation de l'état de santé de Mlle D... à cette date, il résulte de l'instruction, et en particulier des pièces produites par les requérants eux-mêmes, qu'au cours de l'année 2015, l'intéressée a exercé, à titre indépendant, une activité professionnelle à l'origine de la perception de revenus en Suisse, et qu'elle dispose d'un domicile fixé dans ce pays, alors que l'adresse de ses parents demeure établie dans le département de la Haute-Savoie ; que ces éléments sont de nature à établir une évolution de l'état de santé de Mlle D... par rapport à celui qui était le sien lors des opérations d'expertise conduites en 2011 ; qu'ainsi l'état du dossier ne permet pas à la cour de déterminer l'ensemble des conséquences, au jour du présent arrêt, sur l'état de santé de Mlle D..., de l'accident dont elle a été victime le 23 juin 2007 ; qu'il y a lieu, par suite, avant plus amplement dire droit, d'ordonner un supplément d'instruction, aux fins et selon les modalités définies dans le dispositif du présent arrêt ;

DECIDE :

Article 1er : La requête n° 15LY00637 de la compagnie Allianz Worldwide Care est rejetée.

Article 2 : Le jugement n° 1105173 du 18 décembre 2014 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 3 : Avant de statuer sur la requête des consortsD..., il sera procédé à une expertise médicale.

Article 4 : L'expert sera désigné par le président de la cour administrative d'appel et accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative.

Article 5 : L'expert aura pour mission :

- de se faire remettre tous documents nécessaires et notamment le dossier médical de Mlle D..., entendre tous sachants ;

- d'examiner Mlle D..., en précisant notamment les atteintes neuropsychologiques et ophtalmologiques ;

- de rappeler l'état de santé constaté par la précédente expertise ;

- de décrire les séquelles de Mlle D... et dire si son état de santé est susceptible d'une amélioration ou d'une aggravation et de fixer, le cas échéant, la date de consolidation ;

- de déterminer les incapacités résultant de l'état de santé de Mlle D... ;

- de détailler les conséquences des incapacités, notamment s'agissant des gestes ou actes quotidiens, des contraintes lors des déplacements et des conditions de recours à une tierce personne, l'aménagement éventuel du logement, les incidences scolaire et professionnelle, les frais médicaux ;

- de donner son avis sur les préjudices subis, et notamment le pretium doloris, le préjudice d'agrément, le préjudice esthétique et le préjudice sexuel ;

- de fournir à la cour tous les éléments qui lui paraîtraient utiles.

Article 6 : Pour l'accomplissement de sa mission, l'expert convoquera les parties, examinera Mlle D..., se fera remettre l'ensemble de ses dossiers médicaux, les rapports de l'expert et des sapiteurs désignés par le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble ainsi que tous les documents utiles à l'accomplissement de sa mission et pourra entendre tous sachants. Il communiquera un pré-rapport aux parties, en vue d'éventuelles observations, avant l'établissement de son rapport définitif.

Article 7 : Tous droits, moyens et conclusions des parties sur lesquels il n'est pas statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à Mlle C...D..., Mme F...D..., M. G... D..., M. A...D..., à la commune de Cranves-Sales, à la société Generali France Assurances, à la société Macif Rhône-Alpes et à la compagnie Allianz Worldwide Care.

Délibéré après l'audience du 19 janvier 2017 à laquelle siégeaient :

M. Faessel, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

Mme Beytout, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 février 2017.

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N° 15LY00594,...


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY00594
Date de la décision : 09/02/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-02-01-02-02-01 Responsabilité de la puissance publique. Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. Fondement de la responsabilité. Responsabilité sans faute. Responsabilité fondée sur le risque créé par certaines activités de puissance publique. Responsabilité fondée sur l'obligation de garantir les collaborateurs des services publics contre les risques que leur fait courir leur participation à l'exécution du service. Collaborateurs bénévoles.


Composition du Tribunal
Président : M. FAESSEL
Rapporteur ?: M. Philippe SEILLET
Rapporteur public ?: Mme VIGIER-CARRIERE
Avocat(s) : WEBER

Origine de la décision
Date de l'import : 21/02/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-02-09;15ly00594 ?
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