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09/02/2017 | FRANCE | N°15LY01591

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 6ème chambre - formation à 3, 09 février 2017, 15LY01591


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

1°) Mme J...M...a demandé au tribunal administratif de Dijon la condamnation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser une somme de 924 591 euros en indemnisation des préjudices subis des suites de la prise en charge d'une blessure à la main gauche.

Par un jugement n° 1303265 du 12 mars 2015, le tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.

2°) Mme J...M...a demandé au tribunal adminis

tratif de Dijon de condamner le centre hospitalier de Montceau-les-Mines à lui verser...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

1°) Mme J...M...a demandé au tribunal administratif de Dijon la condamnation de l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à lui verser une somme de 924 591 euros en indemnisation des préjudices subis des suites de la prise en charge d'une blessure à la main gauche.

Par un jugement n° 1303265 du 12 mars 2015, le tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.

2°) Mme J...M...a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner le centre hospitalier de Montceau-les-Mines à lui verser une somme de 924 591 euros en réparation des préjudices subis des suites de la prise en charge d'une blessure à la main gauche.

Par un jugement n° 1400639 du 12 mars 2015, le tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour

I) Par une requête enregistrée le 13 mai 2015 sous le n° 15LY01591, MmeN..., représentée par MeK..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Dijon n° 1303265 du 12 mars 2015 ;

2°) de condamner l'ONIAM à lui verser une somme de 924 591 euros en indemnisation des préjudices subis des suites de la prise en charge d'une blessure à la main gauche ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Montceau-les-Mines une somme 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient :

Sur la responsabilité de l'ONIAM :

- que son invalidité est en partie liée à l'infection nosocomiale qu'elle a contractée ;

Sur les préjudices subis :

- que son déficit fonctionnel temporaire doit être indemnisé à hauteur de 16 850 euros,

- que les souffrances endurées doivent être indemnisées à hauteur de 22 000 euros,

- que le préjudice esthétique temporaire doit être indemnisé à hauteur de 14 000 euros,

- que la perte de gains professionnels doit être indemnisée à hauteur de 14 820 euros,

- que les dépenses de santé doivent être indemnisées à hauteur de 883 euros,

- que l'aide humaine non spécialisée à raison de 4 h par jour doit être indemnisée à hauteur de 199 578 euros,

- que son déficit fonctionnel permanent doit être indemnisé à hauteur de 150 000 euros,

- que son préjudice esthétique permanent doit être indemnisé à hauteur de 10 000 euros,

- que son préjudice sexuel doit être indemnisé à hauteur de 25 000 euros,

- que son préjudice d'établissement doit être indemnisé à hauteur de 25 000 euros,

- que les préjudices permanents exceptionnels doivent être indemnisés à hauteur de 18 000 euros,

- que son préjudice d'agrément doit être indemnisé à hauteur de 10 000 euros,

- que les préjudices liés à des pathologies évolutives doivent être indemnisés à hauteur de 20 000 euros,

- que l'assistance d'une tierce personne doit être indemnisée à hauteur de 100 000 euros,

- que les frais de logement doivent être indemnisés à hauteur de 107 651 euros,

- que les pertes de gains professionnels doivent être indemnisées à hauteur de 50 000 euros,

- que l'incidence professionnelle doit être indemnisée à hauteur de 8 340 euros,

- et enfin que son préjudice scolaire, universitaire et de formation doit être indemnisé à hauteur de 10 000 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 mars 2016, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par MeH..., conclut, à titre principal, au rejet de la requête, ou, à titre subsidiaire, à l'organisation d'une nouvelle expertise.

Il fait valoir que l'infection de la main de Mme M...n'est pas en lien avec un acte de soin mais est la suite de l'accident initial, de sorte que les conditions d'une indemnisation au titre de la solidarité nationale ne sont pas remplies.

Par un mémoire enregistré le 4 mai 2016, la caisse primaire d'assurances maladie de Saône-et-Loire, représentée par la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Or, par Me D...O..., demande à la cour :

1°) de condamner le centre hospitalier de Montceau-les-Mines à lui verser une somme de 589 017,87 euros au titre de ses débours, outre 1 047 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

2°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Montceau-les-Mines une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient :

Sur la responsabilité :

- que le centre hospitalier de Montceau-les-Mines a commis plusieurs manquements dans la prise en charge de Mme M...;

Sur ses débours :

- qu'elle a dépensé 60 940,01 euros au titre de ses dépenses de santé actuelles,

- qu'elle a versé 85 178,63 euros d'indemnités journalières,

- qu'elle a versé au titre des pertes de gains professionnels futurs, de l'incidence professionnelle et du déficit fonctionnel permanent une somme de 49 706,38 euros et devra encore verser 302 610,32 euros à ce titre ;

- que les dépenses de santé futures doivent être évaluées à 90 582,53 euros.

II) Par une requête enregistrée le 13 mai 2015 sous le n° 15LY01597, MmeN..., représentée par MeK..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Dijon n° 1400639 du 12 mars 2015 ;

2°) de condamner le centre hospitalier de Montceau-les-Mines à lui verser une somme de 924 591 euros en en réparation des préjudices subis des suites de la prise en charge d'une blessure à la main gauche ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Montceau-les-Mines une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient :

Sur la responsabilité du centre hospitalier de Montceau-les-Mines :

- que la responsabilité du centre hospitalier est engagée de plein droit dès lors qu'elle a été victime d'une infection nosocomiale,

- que l'infection bactérienne dont elle a été victime est liée aux mauvais choix thérapeutiques effectués par le centre hospitalier de Montceau-les-Mines,

- qu'en cas de doute sur l'existence d'un lien de causalité, il convient d'organiser une nouvelle expertise pour départager les deux expertises contradictoires ;

Sur les préjudices subis :

- que son déficit fonctionnel temporaire doit être indemnisé à hauteur de 16 850 euros,

- que les souffrances endurées doivent être indemnisées à hauteur de 22 000 euros,

- que le préjudice esthétique temporaire doit être indemnisé à hauteur de 14 000 euros,

- que la perte de gains professionnels doit être indemnisée à hauteur de 14 820 euros,

- que les dépenses de santé doivent être indemnisées à hauteur de 883 euros,

- que l'aide humaine non spécialisée à raison de 4 h par jour doit être indemnisée à hauteur de 199 578 euros,

- que son déficit fonctionnel permanent doit être indemnisé à hauteur de 150 000 euros,

- que son préjudice esthétique permanent doit être indemnisé à hauteur de 10 000 euros,

- que son préjudice sexuel doit être indemnisé à hauteur de 25 000 euros,

- que son préjudice d'établissement doit être indemnisé à hauteur de 25 000 euros,

- que les préjudices permanents exceptionnels doivent être indemnisés à hauteur de 18 000 euros,

- que son préjudice d'agrément doit être indemnisé à hauteur de 10 000 euros,

- que les préjudices liés à des pathologies évolutives doivent être indemnisés à hauteur de 20 000 euros,

- que l'assistance d'une tierce personne doit être indemnisée à hauteur de 100 000 euros,

- que les frais de logement doivent être indemnisés à hauteur de 107 651 euros,

- que les pertes de gains professionnels doivent être indemnisées à hauteur de 50 000 euros,

- que l'incidence professionnelle doit être indemnisée à hauteur de 8 340 euros,

- et enfin que son préjudice scolaire, universitaire et de formation doit être indemnisé à hauteur de 10 000 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 26 août 2015, le centre hospitalier de Montceau-les-Mines, représenté par MeP..., conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de Mme M...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que si Mme M...a été victime d'une infection liée au défaut de cicatrisation de sa main, aucune faute ne peut lui être reprochée dans la prise en charge de cette plaie complexe.

Par des mémoires enregistrés le 31 août 2015 et le 9 décembre 2015, la caisse primaire d'assurances maladie de Saône-et-Loire, représentée par la caisse primaire d'assurance maladie de la Côte d'Or, par Me D...O..., demande à la cour :

1°) de condamner le centre hospitalier de Montceau-les-Mines à lui verser une somme de 589 017,87 euros au titre de ses débours, outre 1 037 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

2°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Montceau-les-Mines une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient :

Sur la responsabilité :

- que le centre hospitalier de Montceau-les-Mines a commis plusieurs manquements dans la prise en charge de Mme M...;

Sur ses débours :

- qu'elle a dépensé 60 940,01 euros au titre de ses dépenses de santé actuelles,

- qu'elle a versé 85 178,63 euros d'indemnités journalières,

- qu'elle a versé au titre des pertes de gains professionnels futurs, de l'incidence professionnelle et du déficit fonctionnel permanent une somme de 49 706,38 euros et devra encore verser 302 610,32 euros à ce titre,

- que les dépenses de santé futures doivent être évaluées à 90 582,53 euros.

Par un mémoire en défense enregistré le 28 mars 2016, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM), représenté par MeH..., conclut, à titre principal, au rejet des conclusions dirigées contre lui, ou, à titre subsidiaire, à l'organisation d'une nouvelle expertise.

Il fait valoir que l'infection de la main de Mme M...n'est pas en lien avec un acte de soin mais est la suite de l'accident initial, de sorte que les conditions d'une indemnisation au titre de la solidarité nationale ne sont pas remplies.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Beytout, premier conseiller,

- les conclusions de Mme Vigier-Carrière, rapporteur public,

- et les observations de Me Michaud, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie de Côte d'Or.

1. Considérant que MmeN..., née le 18 novembre 1962, agent des services hospitalier au centre hospitalier de Montceau-les-Mines, a, le 23 octobre 2007 à 8 h, alors qu'elle était en service, été victime d'une blessure accidentelle à la main gauche causée par le bris d'un verre ; qu'arrivée à 9 h 31 aux urgences de l'hôpital, elle a été prise en charge vers 13 h 15, a été radiographiée puis suturée après que plusieurs morceaux de verre ont été retirés de la plaie ; que, le 31 octobre 2007, le pansement a été changé aux service des urgences du centre hospitalier de Montceau-les-Mines, et un antibiotique lui a été prescrit pour six jours ; que, les 12 novembre et 4 décembre 2007, de nouveaux morceaux de verre ont été retirés et l'antibiothérapie prolongée ; que, le 6 décembre 2007, le service des urgences a orienté la requérante vers le Dr F..., chirurgien au centre hospitalier de Montceau-les-Mines ; que, le 17 décembre 2007, sous anesthésie locale, le Dr F...a pu encore enlever de la poudre de verre de la plaie ; que, le 18 janvier 2008, le Dr F...a adressé Mme M...au Point Médical à Dijon, auprès du Dr A... qui l'a examinée le 23 janvier 2008 ; que, faute d'amélioration substantielle, une intervention chirurgicale a été programmée, le 6 février 2008, à la clinique de Fontaine, à Dijon ; que fin avril 2008, alors que la cicatrisation de la main n'était toujours pas acquise, le Dr A... a demandé au DrE..., médecin généraliste de MmeN..., de s'assurer de l'existence ou non d'un foyer septique profond ; que le Dr E...a prescrit un scanner thoraco-abdomino-pelvien, réalisé le 22 mai 2008, et a adressé Mme M...au DrB..., médecin interniste du centre hospitalier de Montceau-les-Mines ; que le DrB..., qui a fait réaliser une IRM de contrôle le 18 juin 2008, a vu Mme M...en consultation le jour suivant et, diagnostiquant une néhprite bactérienne, a préconisé un traitement antibiotique de trois semaines ; qu'un traitement antibiotique à base de fluoroquinolone a été prescrit à Mme M... par le Dr E... pendant trois semaines ; que la cicatrisation de la main est intervenue fin juin 2008 ; qu'à partir du 17 août 2008, Mme M...a ressenti des lombalgies et a connu de nouveaux épisodes fébriles ; que le 30 août 2008, devant la persistance des lombalgies et une diminution de la sensibilité nerveuse de l'intéressée, le Dr E...a adressé Mme M... aux urgences du centre hospitalier de Montceau-les-Mines ; qu'après plusieurs examens, Mme M... a été transférée au centre hospitalier universitaire de Dijon où elle a subi, le 3 septembre 2008, une intervention en service de neurochirurgie ; que cette intervention a confirmé le diagnostic envisagé de spondylodiscite, avec compression du fourreau dural (épidurite), due à un staphylocoque doré sensible à la méticilline (SASM) ; que, le 9 septembre 2008, Mme M... a été réadmise dans le service de médecine du centre hospitalier de Montceau-les-Mines ; que de nouveaux examens y ont alors été pratiqués, et notamment une échocardiographie transoesophagienne, qui ont permis de dépister une endocardite mitrale, qui a été traitée par une antibiothérapie adaptée ; que, du 23 septembre au 7 novembre 2008, Mme M... a séjourné au centre de rééducation de Mardor ; que le 6 avril 2009, Mme M...a saisi la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux (CRCI) de Bourgogne d'une demande d'indemnisation amiable des préjudices subis ; que celle-ci a diligenté deux expertises ; que la première expertise a été confiée au Pr Schernberg (chirurgie orthopédique), au Dr C...(neurologie), au Pr Vincent (médecine interne) et au Dr I...(infectiologie biologique), qui ont remis leur rapport le 18 janvier 2011 ; que la seconde mission d'expertise a été confiée au Dr L...(psychiatrie) et au Dr G... (médecine interne), qui ont déposé leur rapport le 17 août 2011 ; que la CRCI de Bourgogne, réunie le 3 octobre 2011, a rejeté la demande de Mme M... ; que, par la requête enregistrée sous le n° 15LY01591, Mme M... relève appel du jugement du tribunal administratif de Dijon rejetant sa demande d'indemnisation par l'ONIAM, au titre du régime de solidarité nationale applicable en matière d'infections nosocomiales ; que, par la requête enregistrée sous le n° 15LY01597, Mme M... relève appel du jugement du tribunal administratif de Dijon rejetant sa demande d'indemnisation par le centre hospitalier de Montceau-les-Mines à raison des manquements commis par celui-ci dans sa prise en charge ;

2. Considérant que les requêtes susvisées sont dirigées contre des jugements faisant suite à la même demande et ont fait l'objet d'une instruction commune ; qu'il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt ;

Sur l'existence d'une infection nosocomiale :

3. Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère. " ;

4. Considérant que si ces dispositions font peser sur l'établissement de santé la responsabilité des infections nosocomiales, qu'elles soient exogènes ou endogènes, à moins que la preuve d'une cause étrangère ne soit rapportée, seule une infection survenant au cours ou au décours d'une prise en charge et qui n'était ni présente, ni en incubation au début de la prise en charge peut être qualifiée de nosocomiale ;

5. Considérant qu'il apparaît à la lecture des deux rapports d'expertise que la plaie de la main a constitué une porte d'entrée pour le staphylocoque doré à l'origine de la spondylodiscite avec épidurite dont a été victime Mme M...fin août 2008 ;

6. Considérant que les premiers experts ont indiqué que le diagnostic d'infection de la main pouvait être porté dès le 31 octobre 2007 en raison des signes locaux et de la nature de la plaie, qui était très probablement septique ; que le DrI..., spécialisée en infectiologie, a toutefois précisé que la surinfection ne pouvait être considérée comme nosocomiale car la plaie était ouverte, potentiellement contaminée par les germes de la peau, et parmi eux le staphylocoque doré, avant la pratique de tout soin ; que les premiers experts ont également relevé que le staphylocoque doré incriminé, sensible à la méticilline, est d'origine communautaire et non hospitalière ;

7. Considérant que les seconds experts ont également estimé que l'infection ne pouvait être considérée comme nosocomiale dès lors qu'à partir de cette plaie colonisée, Mme M...était exposée en permanence à un risque infectieux, tout d'abord localement, ou à un niveau locorégional, mais aussi à un niveau général par passage de bactéries dans la circulation sanguine, par la voie hématogène, avec une localisation ostéoarticulaire, et éventuellement valvulaire mitrale ; que ce risque s'était réalisé tardivement, environ dix mois après la constitution de la plaie, avec l'apparition de la spondylodiscite fin août 2008 ; qu'aucun moyen de prévention efficace ne permettait d'éviter cette évolution ; que seule la cicatrisation aurait permis cette prévention et que cet objectif de cicatrisation a été long à obtenir ;

8. Considérant que les deux expertises sont divergentes quant à la date d'apparition de l'infection ; qu'en outre, elles n'expliquent pas en quoi cette infection ne peut être reconnue comme nosocomiale, alors qu'il n'y a pas lieu de distinguer selon l'origine endogène ou exogène d'un germe et qu'il est constant que la main de Mme M...n'était pas infectée lorsqu'elle a été initialement prise en charge au centre hospitalier de Montceau-les-Mines ;

9. Considérant que, dans ces circonstances, les éléments du dossier ne permettent pas à la cour de se prononcer sur l'existence d'une infection survenue au cours ou au décours de la prise en charge de Mme M...au centre hospitalier de Montceau-les-Mines, qui n'aurait été ni présente, ni en incubation au début de la prise en charge et, par suite, sur l'éventuel droit à réparation de Mme M... au titre de la solidarité nationale ; que, dès lors, il y a lieu, avant plus amplement dire droit, d'ordonner une expertise aux fins précisées ci-après

Sur l'existence de manquements du centre hospitalier de Montceau-les-Mines dans la prise en charge de Mme M...:

10. Considérant que les premiers experts estiment que la prise en charge médicale de Mme M...a fait l'objet " d'une succession de manquements ", " diagnostiques " tout d'abord, puis ensuite " par non respect de l'obligation de moyens ", et " thérapeutiques " enfin ; qu'ils relèvent notamment que le diagnostic de surinfection de la main pouvait être porté dès le 31 octobre 2007, en raison des signes locaux et de la nature de la plaie ; que jusqu'au 18 janvier 2008, le Dr F...n'a pas eu d'autre attitude que chirurgicale, alors que Mme M...présentait des signes d'infection ; que de même, le Dr A...n'a mis en oeuvre aucune prise en charge infectieuse, alors que l'absence de cicatrisation de la main, l'apparition d'une odeur de putréfaction et l'altération de l'état général de la patiente témoignaient d'une diffusion de l'infection ; que le 25 avril 2008, alors qu'un syndrome infectieux était noté, le Dr A... a évoqué un foyer septique profond mais n'a rien fait pour en permettre le diagnostic ; que le Dr B...s'est contenté d'examiner le scanner thoraco-abdomino-pelvien réalisé le 22 mai 2008 et l'IRM réalisé le 18 juin 2008, mais n'a prescrit ni hémocultures ni échocardiographie avant d'administrer un traitement antibiotique ; que le 17 août 2008, la fièvre à 39°C, les frissons, les douleurs lombaires basses et les douleurs articulaires diffuses invitaient à rechercher un autre foyer infectieux que la main ; que le 30 août 2008, l'hospitalisation de Mme M...au centre hospitalier de Montceau-les-Mines ne s'est pas accompagnée de prélèvements microbiologiques ni de bilan étiologique de cette fièvre, qui évoluait depuis fin 2007, circonstance attestant de ce que le traitement antibiotique n'était pas adapté aux données de l'antibiogramme ;

11. Considérant que les seconds experts relèvent quant à eux que le comportement de l'ensemble des intervenants a été conforme aux données médicales de la science ; qu'ils estiment en effet que si la plaie présentait à plusieurs reprises un aspect inflammatoire local et non locorégional, les différentes descriptions cliniques ne permettaient pas de retenir une infection bactérienne patente au cours de cette évolution, aussi bien au centre hospitalier de Montceau-les-Mines que lors des consultations du DrA... ; que le défaut de cicatrisation de la main pouvait avoir d'autres causes qu'une infection ; que la prescription d'antibiotiques à plusieurs reprises ne constitue pas la preuve de l'existence d'une infection ; que, le 17 décembre 2007, lors de l'intervention du Dr F...au centre hospitalier de Montceau-les-Mines, la patiente ne présentait pas de syndrome biologique inflammatoire ; que les prélèvements à visée microbiologique n'étaient pas nécessairement indiqués dès lors qu'en raison de la colonisation évidente de la plaie, lesdits prélèvements auraient nécessairement montré la présence de bactéries sans qu'il s'agisse alors d'une véritable information supplémentaire, et que seule l'évaluation clinique du médecin aurait permis de justifié la réalisation d'un prélèvement ; qu'il est par ailleurs impossible d'admettre que l'infection à SASM était déjà constituée et évoluait au cours de la prise en charge, dès lors que ces infections sont très symptomatiques et surtout destructrices ; que le refus de Mme M...d'être hospitalisée n'a pas facilité la prise en charge ni l'éventuelle mise en évidence d'une infection ;

12. Considérant que ces deux expertises, dont les conclusions divergent totalement, ne permettent pas à la cour de se prononcer sur les éventuels manquements commis par le centre hospitalier de Monceau-les-Mines dans la prise en charge de Mme M...et, par suite, sur l'éventuel droit à réparation de celle-ci, à la fois dans son principe et dans son montant ; que, dès lors, il y a également lieu, avant plus amplement dire droit, d'ordonner une expertise aux fins précisées ci-après ;

DECIDE :

Article 1er : Il sera, avant de statuer sur les requêtes de MmeN..., procédé à une expertise, par un seul expert en présence de l'ONIAM, du centre hospitalier de Montceau-les-Mines et de la caisse primaire d'assurance maladie de Saône-et-Loire. L'expert aura pour mission :

- après s'être fait communiquer le dossier médical de Mme M...et avoir procédé à un examen de cette dernière, de décrire les conditions dans lesquelles elle a été prise en charge au centre hospitalier de Montceau-les-Mines, du 23 octobre 2007, jour de l'accident, au 18 janvier 2008, puis par le Dr A...à compter du 23 janvier 2008 et jusqu'au 26 juin 2008, par le centre hospitalier de Montceau-les-Mines en juin 2008 et du 30 août 2008 au 3 septembre 2008, puis par le centre hospitalier universitaire de Dijon du 3 septembre 2008 au 9 septembre 2008, et enfin par le centre hospitalier de Montceau-les-Mines du 9 septembre 2008 au 23 septembre 2008 ; de décrire les examens et analyses biologiques réalisés, les soins prodigués, les traitements prescrits lors et après chaque hospitalisation, en les distinguant ; de décrire les pathologies dont elle souffre actuellement et les origines, infectieuses ou non, de ces pathologies ;

- d'analyser le lien entre la prise en charge de la plaie de la main de Mme M...et la survenue de l'infection à SASM à l'origine de la spondylodiscite avec épidurite, en indiquant à partir de quel moment l'infection à SASM a pu se déclarer, et de déterminer, d'une part, si elle résulte d'une infection présente ou en incubation au début de sa prise en charge par le centre hospitalier de Montceau-les-Mines ou par le DrA..., ou si cette infection a pu être contractée au cours ou au décours de l'une ou l'autre de ces prises en charge, et d'autre part, si des manquements aux règles de l'art ont été commis par les différents intervenants, tant dans la prise en charge de la blessure initiale, en précisant notamment si le défaut de cicatrisation de la main aurait dû faire suspecter la présence d'une infection, que dans la recherche d'une infection et dans la prise en charge de celle-ci, en indiquant si une endocardite infectieuse pouvait être déjà installée au cours de la prise en charge et si elle a pu être masquée par des antibiothérapies inadaptées, et enfin dans la prise en charge de la spondylodiscite, et dans quelle proportion ces éventuels manquements ont fait perdre une chance à Mme M...d'échapper aux dommages subis ;

- de fixer la date de consolidation de l'état de santé de MmeN..., d'évaluer le taux d'incapacité temporaire totale et partielle, le taux d'incapacité permanente partielle et son éventuelle incidence professionnelle, la date de consolidation, l'importance des souffrances endurées sur une échelle de 1 à 7 et l'ensemble des préjudices qui en résultent pour Mme M..., dont préjudice sexuel, esthétique et d'agrément, en distinguant la part imputable à une infection et éventuellement celle ayant pour origine une autre cause ou pathologie.

Article 2 : L'expert sera désigné par le président de la cour. Il accomplira sa mission dans les conditions prévues par les articles R. 621-2 à R. 621-14 du code de justice administrative. Il ne pourra recourir à un sapiteur sans l'autorisation préalable du président de la cour.

Article 3 : Préalablement à toute opération, l'expert prêtera serment dans les formes prévues à l'article R. 621-3 du code de justice administrative.

Article 4 : L'expert avertira les parties conformément aux dispositions de l'article R. 621-7 du code de justice administrative.

Article 5 : L'expert communiquera un pré-rapport aux parties, en vue d'éventuelles observations, avant l'établissement de son rapport définitif. Il déposera son rapport au greffe en deux exemplaires.

Article 6 : Des copies de son rapport seront notifiées par l'expert aux parties. Avec leur accord, cette notification pourra s'opérer sous forme électronique. L'expert justifiera auprès de la cour de la date de réception de son rapport par les parties.

Article 7 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'est pas expressément statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à Mme J...M..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, au centre hospitalier de Montceau les-Mines et à la caisse primaire d'assurance maladie de Côte d'Or.

Délibéré après l'audience du 19 janvier 2017 à laquelle siégeaient :

M. Faessel, président de chambre,

M. Seillet, président-assesseur,

Mme Beytout, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 9 février 2017.

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N° 15LY01591...


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