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16/03/2017 | FRANCE | N°15LY03429

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 2ème chambre - formation à 3, 16 mars 2017, 15LY03429


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 9 avril 2015 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1503554 du 24 septembre 2015, le tribunal administratif de Grenoble a, en son article 1er, annulé cet arrêté, en son article 2, enjoint au préfet de l'Isère de délivrer un titre de séjour à M.C..

., sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étra...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A...C...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 9 avril 2015 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1503554 du 24 septembre 2015, le tribunal administratif de Grenoble a, en son article 1er, annulé cet arrêté, en son article 2, enjoint au préfet de l'Isère de délivrer un titre de séjour à M.C..., sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans un délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement, en son article 3, mis à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 000 euros à l'avocat de M. C...et, en son article 4, rejeté le surplus de la demande de M.C....

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 23 octobre 2015, le préfet de l'Isère, demande à la cour d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 24 septembre 2015.

Le préfet de l'Isère soutient que :

- son recours est recevable ;

- le jugement attaqué est entaché d'erreurs de droit : en premier lieu, c'est à tort que le tribunal a considéré que son arrêté méconnaissait les dispositions de l'article L. 313-11 7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile car M. C...n'entre pas dans le champ d'application de cet article dès lors que marié à une compatriote titulaire d'un titre de séjour en France, il entre dans les catégories ouvrant droit au regroupement familial ; en second lieu, son arrêté n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'arrêté litigieux n'a pas méconnu les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- il s'en rapporte à ses écritures de première instance.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 novembre 2015, M. A...C..., représenté par M. Claude Coutaz, avocat, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- il entre dans le champ d'application des dispositions de l'article L. 313-11-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'article L. 313-11 7° lui est applicable car il doit être lu à l'aune de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- c'est à bon droit que le tribunal a considéré que l'arrêté litigieux méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour ; son fondement juridique est erroné dès lors qu'elle vise l'article L. 511- 1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors qu'en tant que détenteur d'une carte de résident " Longue durée CE ", il relevait des dispositions de l'article L. 531-1 du même code auxquelles renvoient celles de l'article L. 531-2 de ce code ; elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; elle méconnaît l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ; elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- les décisions accordant un délai de départ volontaire de trente jours et fixant le pays de renvoi seront annulées par voie de conséquence de l'annulation des précédentes décisions.

Vu la pièce enregistrée le 24 janvier 2017, produite par le préfet de l'Isère, établissant qu'une carte de séjour mention " salarié ", valable un an, a été délivrée le 28 janvier 2016 à M. A... C... ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- le code de justice administrative ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mear, président-assesseur ;

1. Considérant que M. A... C..., ressortissant camerounais, né le 10 août 1981 est, selon ses déclarations, entré une première fois en France en 2012 ; qu'il a fait l'objet d'un arrêté du préfet de la Savoie en date du 10 avril 2013 portant refus de titre de séjour, sur le fondement des articles L. 313-4-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixation du pays de son renvoi ; qu'il déclare être entré pour la dernière fois en France le 28 janvier 2014 ; qu'il s'est présenté personnellement le 18 juillet 2014 pour solliciter un titre de séjour sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du même code ; que, par arrêté du 9 avril 2015, le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de son renvoi ; que le préfet de l'Isère relève appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 24 septembre 2015 qui a annulé cet arrêté, lui a enjoint de délivrer un titre de séjour à M. C...et a mis à la charge de l'Etat à verser à son conseil une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Sur l'étendue du litige :

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet de l'Isère a délivré à M. C... le 28 janvier 2016, soit postérieurement au dépôt de sa requête, une carte de séjour mention " salarié ", valable un an ; que l'exécution du jugement n° 1503554 du 24 septembre 2015 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté attaqué n'impliquait pas, eu égard au motif d'annulation retenu, la délivrance de cette carte de séjour et l'injonction de délivrance d'un tel titre ; que, dans ces conditions, il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions du préfet de l'Isère relatives à l'annulation des décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays de destination ;

Sur le motif d'annulation du tribunal administratif :

3. Considérant que, pour annuler la décision du préfet de L'Isère en date du 9 avril 2015 refusant la délivrance d'un titre de séjour à M.C..., les premiers juges ont considéré que cette décision portait au droit de l'intéressé au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et a ainsi méconnu les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

4. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : "Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République / (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 411-1 du même code : " Le ressortissant étranger qui séjourne régulièrement en France depuis au moins dix-huit mois, sous couvert d'un des titres d'une durée de validité d'au moins un an prévus par le présent code ou par des conventions internationales, peut demander à bénéficier de son droit à être rejoint, au titre du regroupement familial, par son conjoint, si ce dernier est âgé d'au moins dix-huit ans, et les enfants du couple mineurs de dix-huit ans. "

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.C..., ressortissant camerounais, titulaire d'un titre de séjour " longue durée CE " en Italie, est entré irrégulièrement en France en 2012 et a fait l'objet le 10 avril 2013 d'un arrêté lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et lui faisant obligation de quitter le territoire français ; que selon ses déclarations, il est entré pour la dernière fois en France le 28 janvier 2014 en provenance du Cameroun et ne justifie pas être parti dans ce pays en raison de la maladie de son père ainsi qu'il le fait valoir ; qu'à la date de la décision litigieuse, le 9 avril 2015, il ne justifiait d'une présence en France que de moins de trois mois et est, au demeurant, reparti en Italie le 29 avril 2015 ; que, par ailleurs, si son épouse, également titulaire d'un titre de séjour " longue durée CE " en Italie, a obtenu une carte de séjour temporaire en France en qualité de salariée, suite à l'obtention d'un emploi en qualité d'infirmière fin 2012, il n'est pas établi au dossier qu'elle aurait résidé en France avant le 18 octobre 2012 et ainsi elle ne justifiait que d'une présence de deux ans et 5 mois à la date de la décision en cause ; que, dans ces conditions il n'est pas établi, alors même que Mme C... résidait régulièrement en France avec ses deux enfants à la date de la décision litigieuse, que cette décision a porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. C..., une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise ; que, par suite, c'est à tort que les premiers juges se sont fondés sur le motif tiré de ce que la décision du préfet de l'Isère en date du 9 avril 2015 refusant à M. C...la délivrance d'un titre de séjour a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et, en tout état de cause, les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

5. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C...devant le tribunal administratif de Grenoble et devant la cour ;

6. Considérant qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que la décision litigieuse est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle et familiale de M. C...;

7. Considérant que M. C...ne peut utilement faire valoir être en droit de prétendre au bénéfice d'une carte de séjour temporaire en France sur le fondement de l'article L. 313-11-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il n'a pas sollicité un titre de séjour sur ce fondement et que le préfet de l'Isère ne lui a pas refusé un titre de séjour sur ce même fondement ;

8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet de l'Isère est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé sa décision du 9 avril 2015 refusant à M. C...la délivrance d'un titre de séjour, lui a enjoint de délivrer un titre de séjour à M.C..., sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans le délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement et a mis à la charge de l'Etat au profit de Me B..., conseil de M.C..., la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de l'Etat la somme de mille euros au profit de M.C..., au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions du préfet de l'Isère relatives à l'annulation des décisions faisant obligation à M. C...de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixant le pays de destination.

Article 2 : Le jugement n° 1503554 du tribunal administratif de Grenoble du 24 septembre 2015 est annulé en tant qu'il a annulé la décision du préfet de l'Isère du 9 avril 2015 refusant à M. C... la délivrance d'un titre de séjour, a enjoint à ce préfet de délivrer un titre de séjour à M. C..., sur le fondement du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans le délai de deux mois à compter de la notification de ce jugement et a mis à la charge de l'Etat au profit de Me B..., conseil de M. C..., la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 3 : L'Etat versera une somme de 1 000 (mille) euros à M.C..., en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par M. C...est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. A...C.... Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 14 février 2017, à laquelle siégeaient :

M. Bourrachot, président de chambre,

Mme Mear, président-assesseur,

Mme Terrade, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 mars 2017.

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N° 15LY03429

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY03429
Date de la décision : 16/03/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. BOURRACHOT
Rapporteur ?: Mme Josiane MEAR
Rapporteur public ?: M. BESSE
Avocat(s) : COUTAZ

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-03-16;15ly03429 ?
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