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15/06/2017 | FRANCE | N°15LY03249

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 5ème chambre - formation à 3, 15 juin 2017, 15LY03249


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 12 février 2015 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1501672 du 28 mai 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 9 octobre 2015, Mme

B..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal admini...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C... B...a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 12 février 2015 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a désigné le pays de renvoi.

Par un jugement n° 1501672 du 28 mai 2015, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 9 octobre 2015, Mme B..., représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 28 mai 2015 ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions susmentionnées ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, à titre principal de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour lui permettant de travailler ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a omis de se prononcer sur le moyen tiré de l'absence d'examen de sa situation particulière ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen de situation particulière concernant notamment la possibilité pour elle de voyager sans risque ;

- son état de santé nécessite une prise en charge médicale, sans laquelle elle pourrait être exposée à des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; la prise en charge pluridisciplinaire de son état de santé est absente en République démocratique du Congo ; le refus de séjour méconnait les dispositions du 1° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- compte tenu des menaces qu'elle encourt dans son pays d'origine, de son intégration en France et de son état de santé, le refus de titre de séjour a été pris en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français a été prise en méconnaissance du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- compte tenu des risques encourus dans son pays d'origine et de son état de santé, la décision fixant le pays de renvoi méconnait les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit d'observations.

Par une décision du 26 août 2015, l'aide juridictionnelle a été refusée à MmeB....

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Dèche, premier conseiller ;

1. Considérant que Mme B..., née le 7 septembre 1972, ressortissante de République démocratique du Congo, est entrée sur le territoire français le 23 septembre 2010 ; que sa demande d'asile a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, le 28 février 2011 ; que ce refus a été confirmé par la Cour nationale du droit d'asile, le 6 octobre 2011 ; qu'elle a bénéficié d'un titre de séjour au regard de son état de santé, valable jusqu'au 5 août 2014 ; qu'elle a sollicité le 13 juin 2014 le renouvellement de son titre de séjour ; que par décisions du 12 février 2015, le préfet de l'Isère lui a refusé le renouvellement de ce titre, lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi ; que Mme B... relève appel du jugement du 28 mai 2015 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de ces décisions du 12 février 2015 ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant que Mme B... a présenté dans sa demande au tribunal administratif un moyen tiré de ce que le préfet de l'Isère n'aurait procédé à aucun examen de sa situation particulière ; qu'au point 9 de leur décision, les premiers juges ont écarté ce moyen en se référant aux motifs qu'ils avaient précédemment exposés ; que, dès lors, leur jugement n'est pas entaché d'une omission de répondre à ce moyen ;

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

3. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence, ou, à Paris, du médecin, chef du service médical de la préfecture de police. Le médecin de l'agence régionale de santé (...) peut convoquer le demandeur pour une consultation médicale devant une commission médicale régionale dont la composition est fixée par décret en Conseil d'Etat. " ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que par avis du 1er juillet 2014, le médecin de l'agence régionale de santé a estimé que l'état de santé de Mme B... nécessitait une prise en charge médicale d'une durée de douze mois, dont le défaut aurait pour l'intéressée des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'un traitement approprié n'existait pas dans son pays d'origine ; que, toutefois, le préfet de l'Isère, qui n'est pas lié par cet avis, a refusé à Mme B... le renouvellement du titre de séjour sollicité sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11, considérant au contraire, au vu de l'ensemble des éléments relatifs aux capacités locales en matière de soins médicaux et de médicaments disponibles en République démocratique du Congo, qu'elle pouvait bénéficier dans ce pays des traitements appropriés aux différentes pathologies dont elle est atteinte et recevoir les soins dont elle avait besoin ; que la requérante produit des certificats médicaux indiquant qu'elle est atteinte d'une hypertension artérielle, d'un diabète évolutif, de lombalgies chroniques, d'anomalies hématologiques pouvant révéler une leucémie et d'asthme ; que toutefois, il ressort des éléments versés au dossier par le préfet de l'Isère, et notamment d'un courriel du 5 septembre 2013 du médecin référent auprès de l'ambassade de France à Kinshasa et de la liste nationale des médicaments essentiels révisée par le ministère de la santé publique de la République démocratique du Congo en mars 2010, que les différents soins et traitements médicamenteux dont l'intéressée a besoin sont disponibles dans ce pays ; que, si certains des médicaments prescrits à Mme B..., dont la Metformine et la Lercanidipine ne figurent pas sur cette liste des médicaments présents en République démocratique du Congo, il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment des études à caractère général concernant le système de santé de la République démocratique du Congo auxquels se réfère la requérante, qu'aucune autre substance active équivalente ne serait disponible dans ce pays ; qu'ainsi, le préfet de l'Isère n'a pas méconnu les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en refusant de délivrer un titre de séjour à Mme B... sur ce fondement ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet disposait d'éléments qui auraient dû le conduire à examiner la situation de l'intéressée au regard de sa capacité à voyager ;

6. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

7. Considérant que l'intéressée fait valoir qu'elle est présente en France depuis plus de quatre ans et qu'elle justifie d'une bonne intégration en se prévalant notamment de la signature d'un contrat de travail à durée indéterminée ; que toutefois, l'intéressée ne conteste pas avoir conservé des attaches dans son pays d'origine où résident ses sept enfants mineurs, sa mère et son concubin ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme B... ne pourrait pas bénéficier de soins médicaux appropriés en République démocratique du Congo ; qu'enfin, la requérante ne peut utilement se plaindre, à l'appui de ses conclusions dirigées contre le refus de titre litigieux des risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine ; que, dans ces conditions, la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour n'a pas porté au droit de Mme B... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée par rapport aux motifs du refus ; qu'elle n'a, par suite, pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que pour les mêmes motifs, cette décision n'est entachée d'aucune erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de l'intéressée ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : / (...) 10° L'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé (...) " ;

9. Considérant que, pour les motifs précédemment rappelés dans le cadre de l'examen de la légalité du refus de titre de séjour au regard des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, la décision obligeant Mme B... à quitter le territoire français ne méconnaît ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du même code ; que cette mesure n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences qu'elle est susceptible de comporter pour la situation personnelle de l'intéressée ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

10. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou des traitements inhumains ou dégradants " ;

11. Considérant que Mme B... soutient être exposée à des risques de traitements inhumains et dégradants en cas de retour dans son pays d'origine, en raison de son engagement politique au sein de la branche jeunesse de l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) ; que toutefois, elle n'établit pas, par le récit qu'elle produit, déjà écarté par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d'asile, la réalité des persécutions alléguées et des menaces actuelles et personnelles auxquelles elle serait exposée en cas de retour en République démocratique du Congo ; qu'en outre, eu égard aux motifs énoncés plus haut, le retour de Mme B... en République démocratique du Congo ne saurait être regardé comme susceptible d'exposer l'intéressée à un traitement inhumain et dégradant en raison de son état de santé ; que par suite, le moyen tiré de la violation, par la décision désignant ce pays comme pays de renvoi, des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté comme non fondé ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande ; que ses conclusions aux fins d'injonction ainsi que celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent, par voie de conséquence, qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B...et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 24 mai 2017 à laquelle siégeaient :

M. Clot, président de chambre,

Mme Dèche, premier conseiller,

M. Savouré, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 15 juin 2017.

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N° 15LY03249


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15LY03249
Date de la décision : 15/06/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. CLOT
Rapporteur ?: Mme Pascale DECHE
Rapporteur public ?: Mme BOURION
Avocat(s) : CANS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/06/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2017-06-15;15ly03249 ?
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