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18/04/2014 | FRANCE | N°13MA01510

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre - formation à 3, 18 avril 2014, 13MA01510


Vu la décision n° 359413 du 10 avril 2013 par laquelle le Conseil d'État statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté pour Mmes A...etC..., a annulé les articles 2 et 3 de l'arrêt n° 10MA01865 de la cour administrative d'appel de Marseille en date du 15 mars 2012 et renvoyé l'affaire devant la même Cour ;

Vu la requête, enregistrée le 12 mai 2010 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, présentée pour Mme D... E...épouseA..., demeurant ...et Mme F... E...épouseC..., demeurant..., par la SCP Berenger-Blanc- Burtez-Doucede et Associes ;

Mme

A... et Mme C... demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 08027...

Vu la décision n° 359413 du 10 avril 2013 par laquelle le Conseil d'État statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté pour Mmes A...etC..., a annulé les articles 2 et 3 de l'arrêt n° 10MA01865 de la cour administrative d'appel de Marseille en date du 15 mars 2012 et renvoyé l'affaire devant la même Cour ;

Vu la requête, enregistrée le 12 mai 2010 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, présentée pour Mme D... E...épouseA..., demeurant ...et Mme F... E...épouseC..., demeurant..., par la SCP Berenger-Blanc- Burtez-Doucede et Associes ;

Mme A... et Mme C... demandent à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0802717 du 19 mars 2010 par lequel le tribunal administratif de Toulon a rejeté leur demande tendant à l'annulation de la décision du maire de Six-Fours-les-Plages du 14 mars 2008 préemptant une parcelle cadastrée section BK n° 302 ;

2°) d'annuler ladite décision ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Six-Fours-les-Plages la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de l'expropriation ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du 7 janvier 2014 par laquelle la présidente de la Cour a désigné M. Roux pour assurer les fonctions de rapporteur public dans l'instance n° 13MA01510 ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 16 janvier 2014 :

- le rapport de M. Salvage, premier-conseiller,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me B...pour la commune de Six-Fours-les-Plages ;

Après avoir pris connaissance de la note en délibéré, enregistrée le 17 janvier 2014 au greffe de la Cour, présentée pour la commune de Six-Fours-les-Plages et de la note en délibéré, enregistrée le 21 janvier 2014 au greffe de la Cour, présentée pour Mmes A...etC... ;

1. Considérant que la parcelle cadastrée section BK n° 302 au lieu-dit Quartier les Gardières à Six Fours-les-plages a été expropriée au profit de l'Etat (ministère de la défense) par une ordonnance du juge de l'expropriation en date du 1er février 1983 ; que cette parcelle ayant cessé de recevoir la destination ayant justifié l'expropriation, le ministre a informé par courrier du 10 février 2005 les anciennes propriétaires, Mmes A...etC..., de sa décision de l'aliéner et de leur droit de priorité à l'acquérir ; que, ayant décidé d'exercer ce droit mais en désaccord sur le prix demandé, celles-ci ont saisi le juge de l'expropriation qui a fixé la valeur de rachat à la somme de 158 195 euros et a ordonné le transfert de la propriété par jugement en date du 21 mars 2007, devenu définitif le 11 juillet 2007 ; que le 30 janvier 2008, France Domaine a adressé à la commune de Six-Fours-les-Plages une déclaration d'intention d'aliéner cette parcelle au prix fixé par le juge de l'expropriation ; que, par décision du 14 mars 2008 le maire de la commune de Six-Fours-les-Plages a exercé le droit de préemption de la commune sur la parcelle en cause à ce prix ; que, par jugement du 19 mars 2010, le tribunal administratif de Toulon a rejeté la demande de Mmes A...et C...tendant à l'annulation de la décision du 14 mars 2008 comme étant irrecevable au motif que les intéressées étaient dépourvues d'intérêt à agir ; que par un arrêt n°10MA01865 du 15 mars 2012 la Cour a, d'une part, en son article 1er, annulé ce jugement, et d'autre part, en ses articles 2 et 3, rejeté la demande présentée par Mmes A...et C...devant le tribunal ainsi que les conclusions des parties au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ; que, par décision du 10 avril 2013, le Conseil d'État statuant au contentieux, saisi d'un pourvoi présenté pour Mmes A...etC..., a annulé les articles 2 et 3 de l'arrêt du 15 mars 2012 et renvoyé l'affaire dans cette mesure devant la Cour ;

2. Considérant que la commune de Six-Fours-les-Plages persiste, après le renvoi de l'affaire devant la Cour, à soutenir que Mmes A...et C...ont été déchues de leur droit à rétrocession et qu'elles sont en conséquence dépourvues d'intérêt à agir à l'encontre de la décision de préemption ainsi que l'a jugé le tribunal administratif ; que, toutefois, par l'article 1er de son arrêt n° 10MA01865 qui, indemne de cassation et devenu définitif, a acquis l'autorité absolue de la chose jugée ainsi que les motifs qui en sont le soutien nécessaire, la Cour a annulé le jugement du tribunal administratif en retenant que les appelantes n'avaient pas été déchues de leur droit à rétrocession et était dès lors recevables à agir contre la décision litigieuse ; que la fin de non-recevoir réitérée par la commune doit donc être écartée ;

Sur la légalité de la décision contestée :

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 12-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique : " Si les immeubles expropriés (...) n'ont pas reçu dans le délai de cinq ans la destination prévue ou ont cessé de recevoir cette destination, les anciens propriétaires ou leurs ayants droit à titre universel peuvent en demander la rétrocession pendant un délai de trente ans à compter de l'ordonnance d'expropriation, à moins que ne soit requise une nouvelle déclaration d'utilité publique / Lorsque ces terrains sont rétrocédés, les anciens propriétaires ou leurs ayants droit à titre universel disposent d'une priorité pour leur acquisition. L'estimation de leur valeur de vente se fera suivant les mêmes normes que pour les expropriations. Ils doivent, dans ce cas, et dans le mois de la fixation du prix soit à l'amiable, soit par décision de justice, passer le contrat de rachat et payer le prix, le tout à peine de déchéance " ; que, ainsi que l'a jugé le Conseil Constitutionnel dans sa décision 2012-292 QPC du 15 février 2013, en instaurant le droit de rétrocession, le législateur a entendu renforcer les garanties légales assurant le respect de l'exigence constitutionnelle selon laquelle l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers ne peut-être ordonnée que pour la réalisation d'une opération dont l'utilité publique a été légalement constatée ;

4. Considérant que l'exercice du droit de préemption, tel qu'organisé par les dispositions des articles L. 210-1 et suivants du code de l'urbanisme, n'a d'autre objet que de permettre à une personne publique de se substituer pour un motif d'intérêt général à l'acquéreur d'un bien que son propriétaire a décidé de céder, apportant ainsi une simple limite au droit de propriété de ce dernier ; que si l'exercice du droit de rétrocession se matérialise par la cession d'un bien exproprié par la personne publique expropriante au profit du propriétaire exproprié, la première ne dispose pas de la liberté de choisir l'acquéreur dès lors que la loi la contraint à proposer en priorité l'acquisition au second qui s'il décide d'exercer son droit ne peut être regardé comme un simple acquéreur pouvant être évincé ; qu'ainsi l'exercice du droit de préemption ne saurait, sans porter une atteinte illégale à la garantie susmentionnée et donc à son droit de propriété, avoir pour effet de faire échec à l'exercice de son droit de rétrocession par un propriétaire exproprié pour cause d'utilité publique ; qu'il suit de là que Mmes A...et C...sont fondées à soutenir que la commune de Six Fours les Plages ne pouvait légalement exercer son droit de préemption à l'occasion de la rétrocession à leur profit de la parcelle cadastrée section BK n° 302 au lieu-dit Quartier les Gardières ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme : " Lorsqu'elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d' urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptibles de fonder l'annulation ou la suspension, en l'état du dossier " ; que, pour l'application de ces dispositions, aucun des autres moyens soulevés n'est susceptible de fonder l'annulation de la délibération contestée ;

6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que Mme C...et Mme A...sont fondées à demander l'annulation de la décision du maire de la commune de Six-Fours-les-Plages du 14 mars 2008 préemptant la parcelle cadastrée section BK n° 302 ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

7. Considérant que les dispositions susvisées font obstacle à ce qu'une quelconque somme soit mise à la charge de Mmes C...etA..., qui ne sont pas la partie perdante, au titre des frais exposés par la commune de Six-Fours-les-Plages et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à ce titre à la charge de la commune de Six-Fours-les-Plages une somme de 1 000 euros au bénéfice de Mme A...et une autre somme de 1 000 euros au bénéfice de Mme C...;

D É C I D E :

Article 1er : La décision du maire de la commune de Six-Fours-les-Plages du 14 mars 2008 préemptant la parcelle cadastrée section BK n° 302 est annulée.

Article 2 : La commune de Six-Fours-les-Plages versera une somme de 1 000 (mille) euros à Mme A...et une somme de 1 000 (mille) euros à Mme C...au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D...A..., à Mme F... C...et à la commune de Six-Fours-les-Plages.

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N° 13MA01510


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 1ère chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13MA01510
Date de la décision : 18/04/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

EXPROPRIATION POUR CAUSE D'UTILITÉ PUBLIQUE - RÈGLES GÉNÉRALES DE LA PROCÉDURE NORMALE - AFFECTATION ET RÉTROCESSION - L'EXERCICE DU DROIT DE PRÉEMPTION NE SAURAIT - SANS PORTER UNE ATTEINTE ILLÉGALE À LA GARANTIE QUE CONSTITUE LE DROIT DE RÉTROCESSION PRÉVU À L'ARTICLE L - 12-6 DU CODE DE L'EXPROPRIATION POUR CAUSE D'UTILITÉ PUBLIQUE - ET DONC AU DROIT DE PROPRIÉTÉ DE L'INTÉRESSÉ - AVOIR POUR EFFET DE FAIRE ÉCHEC À L'EXERCICE DE CE DROIT PAR UN PROPRIÉTAIRE PRÉCÉDEMMENT EXPROPRIÉ POUR CAUSE D'UTILITÉ PUBLIQUE.

34-02-04 Ainsi que l'a jugé le Conseil Constitutionnel dans sa décision 2012-292 QPC du 15 février 2013, le législateur en instaurant le droit de rétrocession à l'article L.12-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, a entendu renforcer les garanties légales assurant le respect de l'exigence constitutionnelle selon laquelle l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers ne peut-être ordonnée que pour la réalisation d'une opération dont l'utilité publique a été légalement constatée,,L'exercice du droit de préemption, tel qu'organisé par les dispositions des articles L. 210-1 et suivants du code de l'urbanisme, n'a d'autre objet que de permettre à une personne publique de se substituer pour un motif d'intérêt général à l'acquéreur d'un bien que son propriétaire a décidé de céder, apportant ainsi une simple limite au droit de propriété de ce dernier. Si l'exercice du droit de rétrocession, se matérialise par la cession d'un bien exproprié par la personne publique expropriante au profit du propriétaire initialement exproprié, la première ne dispose pas ab initio de la liberté de choisir l'acquéreur dès lors que la loi la contraint à proposer en priorité l'acquisition au second qui s'il décide d'exercer son droit ne peut être regardé comme un simple acquéreur pouvant être évincé. Ainsi l'exercice du droit de préemption ne saurait, sans porter une atteinte illégale à la garantie que constitue le droit de rétrocession, et donc à son droit de propriété, avoir pour effet de faire échec à l'exercice de ce droit par un propriétaire exproprié pour cause d'utilité publique.

URBANISME ET AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE - PROCÉDURES D'INTERVENTION FONCIÈRE - PRÉEMPTION ET RÉSERVES FONCIÈRES - DROITS DE PRÉEMPTION - L'EXERCICE DU DROIT DE PRÉEMPTION NE SAURAIT - SANS PORTER UNE ATTEINTE ILLÉGALE À LA GARANTIE QUE CONSTITUE LE DROIT DE RÉTROCESSION PRÉVU À L'ARTICLE L - 12-6 DU CODE DE L'EXPROPRIATION POUR CAUSE D'UTILITÉ PUBLIQUE - ET DONC AU DROIT DE PROPRIÉTÉ DE L'INTÉRESSÉ - AVOIR POUR EFFET DE FAIRE ÉCHEC À L'EXERCICE DE CE DROIT PAR UN PROPRIÉTAIRE PRÉCÉDEMMENT EXPROPRIÉ POUR CAUSE D'UTILITÉ PUBLIQUE.

68-02-01-01 Ainsi que l'a jugé le Conseil Constitutionnel dans sa décision 2012-292 QPC du 15 février 2013, le législateur en instaurant le droit de rétrocession à l'article L.12-6 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, a entendu renforcer les garanties légales assurant le respect de l'exigence constitutionnelle selon laquelle l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers ne peut-être ordonnée que pour la réalisation d'une opération dont l'utilité publique a été légalement constatée,,L'exercice du droit de préemption, tel qu'organisé par les dispositions des articles L. 210-1 et suivants du code de l'urbanisme, n'a d'autre objet que de permettre à une personne publique de se substituer pour un motif d'intérêt général à l'acquéreur d'un bien que son propriétaire a décidé de céder, apportant ainsi une simple limite au droit de propriété de ce dernier. Si l'exercice du droit de rétrocession, se matérialise par la cession d'un bien exproprié par la personne publique expropriante au profit du propriétaire initialement exproprié, la première ne dispose pas ab initio de la liberté de choisir l'acquéreur dès lors que la loi la contraint à proposer en priorité l'acquisition au second qui s'il décide d'exercer son droit ne peut être regardé comme un simple acquéreur pouvant être évincé. Ainsi l'exercice du droit de préemption ne saurait, sans porter une atteinte illégale à la garantie que constitue le droit de rétrocession, et donc à son droit de propriété, avoir pour effet de faire échec à l'exercice de ce droit par un propriétaire exproprié pour cause d'utilité publique.


Composition du Tribunal
Président : M. BENOIT
Rapporteur ?: M. Frédéric SALVAGE
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : CEZILLY - PEREZ - MAZEL - PISTONE

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2014-04-18;13ma01510 ?
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