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12/05/2014 | FRANCE | N°12MA01338

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 12 mai 2014, 12MA01338


Vu le recours, enregistré par télécopie le 5 avril 2012 et régularisé par courrier le 10 avril 2012 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 12MA01338, présentée par le préfet des Alpes-Maritimes ;

Le préfet des Alpes-Maritimes demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200020 du 13 mars 2012 du tribunal administratif de Nice qui a annulé son arrêté du 9 décembre 2011 par lequel il a refusé de délivrer un titre de séjour à M. B...A...et assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français, lui a enjoint de d

livrer à M. A...un certificat de résidence dans le délai d'un mois à compter de l...

Vu le recours, enregistré par télécopie le 5 avril 2012 et régularisé par courrier le 10 avril 2012 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, sous le n° 12MA01338, présentée par le préfet des Alpes-Maritimes ;

Le préfet des Alpes-Maritimes demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1200020 du 13 mars 2012 du tribunal administratif de Nice qui a annulé son arrêté du 9 décembre 2011 par lequel il a refusé de délivrer un titre de séjour à M. B...A...et assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français, lui a enjoint de délivrer à M. A...un certificat de résidence dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement, et a mis à la charge de l'Etat la somme de 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de confirmer la légalité de sa décision de rejet de demande de délivrance de titre de séjour, assortie d'une obligation de quitter le territoire ;

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Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la convention relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;

Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 avril 2014 le rapport de Mme Ciréfice, premier conseiller ;

1. Considérant que le préfet des Alpes-Maritimes relève appel du jugement en date du 13 mars 2012 du tribunal administratif de Nice qui a annulé son arrêté en date du 25 octobre 2011 par lequel il a refusé de délivrer un titre de séjour à M. B...A...et assorti ce refus d'une obligation de quitter le territoire français ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit sous réserve que la situation matrimoniale de l'étranger soit conforme à la législation française : 1° Au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans qui, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant " ; que M.A..., né en Algérie en 1964, fait valoir qu'entré en France en 1999, il justifie d'une résidence habituelle et continue de dix ans en France entre 2001 et 2011 ; que toutefois, les pièces produites au titre des années 2009 et 2010, consistant essentiellement en des factures, sont insuffisantes par leur nombre, leur diversité et leur régularité, pour établir qu'il avait effectivement sa résidence habituelle en France, au sens des stipulations de l'article 6-1° de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968, au cours desdites années ; qu'ainsi, le préfet des Alpes-Maritimes est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a prononcé l'annulation de son arrêté du 9 décembre 2011 au motif de la méconnaissance des stipulations de l'article 6-1° de l'accord-franco-algérien ;

3. Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A...devant le tribunal administratif de Nice ;

4. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 12 de la directive du 16 décembre 2008 : " 1. Les décisions de retour et, le cas échéant, les décisions d'interdiction d'entrée ainsi que les décisions d'éloignement sont rendues par écrit, indiquent leurs motifs de fait et de droit et comportent des informations relatives aux voies de recours disponibles " ; qu'aux termes de l'article 3 de la même directive : " Aux fins de la présente directive, on entend par : (...) 4) décision de retour : une décision ou un acte de nature administrative ou judiciaire déclarant illégal le séjour d'un ressortissant d'un pays tiers et imposant ou énonçant une obligation de retour " ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version résultant de l'article 37 de la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité : " I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne (...) lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité / 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré / 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré / 4° Si l'étranger n'a pas demandé le renouvellement de son titre de séjour temporaire et s'est maintenu sur le territoire français à l'expiration de ce titre / 5° Si le récépissé de la demande de carte de séjour ou l'autorisation provisoire de séjour qui avait été délivré à l'étranger lui a été retiré ou si le renouvellement de ces documents lui a été refusé. / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I (...) " ;

6. Considérant que M. A...fait valoir que les dispositions de l'article L. 511-1 I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile sont incompatibles avec les objectifs fixés par la directive européenne 2008/115/CE ; que, toutefois, lorsqu'une obligation de quitter le territoire français est assortie d'un refus de séjour, lequel, par nature, déclare implicitement illégal le séjour de l'étranger en France, la motivation de cette mesure se confond avec celle du refus de titre de séjour dont elle découle nécessairement et n'implique pas, par conséquent, dès lors que ce refus est lui-même motivé et que les dispositions législatives qui permettent d'assortir le refus de séjour d'une obligation de quitter le territoire français ont été rappelées, de mention spécifique pour respecter les exigences des dispositions sus rappelées de l'article 12 de la directive européenne du 16 décembre 2008 ; que dès lors que le refus de séjour est suffisamment motivé, la décision portant obligation de quitter le territoire français dont est assorti ce refus de séjour doit elle-même être regardée comme suffisamment motivée ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompatibilité de l'article L. 511-1 I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile avec les objectifs de la directive ne peut qu'être écarté ;

7. Considérant, en deuxième lieu, que M. A...oppose à la décision portant obligation de quitter le territoire français un défaut de motivation spécifique au regard de l'article 12 de la directive européenne qui prévoit que les décisions de retour prises à l'encontre d'un étranger doivent être motivées ; qu'il ressort des pièces du dossier que la décision portant refus de séjour dont découle l'obligation de quitter le territoire, qui vise les dispositions législatives applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, comporte l'exposé des considérations précises de fait sur lesquelles elle se fonde ; qu'il y a lieu d'écarter ledit moyen ;

8. Considérant, en troisième lieu, que M. A...soutient que la décision d'obligation de quitter le territoire serait illégale en ce qu'elle ne préciserait pas la base légale sur le fondement de laquelle elle est prise, faute pour le préfet d'indiquer si la décision est prise sur le fondement du 3° ou du 5° de l'article L. 511-1-1, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de telle sorte que le Tribunal ne pourrait s'assurer que la décision pouvait ne pas faire l'objet d'une " motivation distincte " ; que, toutefois, l'absence d'obligation de motivation distincte découle nécessairement de l'arrêté lui-même, de ses motifs et de son dispositif ; qu'en l'espèce, l'arrêté, après avoir fait mention de la demande d'admission au séjour du requérant, précise que la demande de titre de séjour est refusée et expose les motifs de ce refus ; que ce faisant, il révèle que le préfet a nécessairement fondé sa décision d'obligation de quitter le territoire français sur le refus de délivrance d'un titre de séjour visé au 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont il fait mention ; que, par suite, M. A...n'est pas fondé à soutenir que la décision d'obligation de quitter le territoire serait privée de base légale faute de précision du fait qu'elle a été prise sur le fondement du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

9. Considérant en quatrième lieu qu'aux termes de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus. " ; qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " -1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ;

10. Considérant que si M. A... soutient être entré en France en 1999, il ne démontre pas la continuité de son séjour sur le territoire français depuis cette date ; qu'il n'a accompli des démarches en vue de régulariser sa situation qu'au mois de juin 2010 et n'établit pas, par ailleurs, être dépourvu d'attaches familiales en Algérie où il a vécu, au moins, jusqu'à l'âge de trente-cinq ans ; qu'à la date de la décision attaquée, M. A...était célibataire, sans enfant et sans activité déclarée ; que, s'il soutient avoir conclu un PACS le 20 février 2012 avec une ressortissante française laquelle a donné naissance le 3 mai 2012 à leur enfant, ces circonstances, postérieures à la décision litigieuse, sont sans incidence sur sa légalité ; qu'au demeurant, il n'établit aucune ancienneté de communauté de vie avec ladite ressortissante ; qu'enfin, la circonstance que son père soit un ancien combattant de l'armée française ne confère à M. A...aucun droit au séjour ; que, par suite, en prenant l'arrêté contesté, le préfet des Alpes-Maritimes n'a méconnu ni les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco algérien, ni celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas davantage commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'appelant ;

11. Considérant, en dernier lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant susvisée : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale " ; qu'il résulte de ces dispositions, qui peuvent utilement être invoquées à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir, que, dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation, l'autorité administrative doit accorder une attention primordiale à l'intérêt supérieur des enfants dans toutes les décisions les concernant ; que, toutefois, les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant ne peuvent être utilement invoquées dans le cas d'un enfant à naître ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la demande de première instance présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Nice doit être rejetée ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

14. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse à M. A...la somme que celui-ci réclame au titre des frais qu'il a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 13 mars 2012 est annulé.

Article 2 : La demande de première instance présentée par M. A...devant le tribunal administratif de Nice est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

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N° 12MA01338

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12MA01338
Date de la décision : 12/05/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Virginie CIREFICE
Rapporteur public ?: Mme MARZOUG
Avocat(s) : CABINET CICCOLINI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2014-05-12;12ma01338 ?
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