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31/07/2014 | FRANCE | N°13MA05107

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 9ème chambre - formation à 3, 31 juillet 2014, 13MA05107


Vu, en date du 13 décembre 2013, la décision n° 349541 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt n° 09MA00510 rendu le 17 mars 2011 par la cour administrative d'appel de Marseille et lui a renvoyé le jugement de la requête présentée par la société Résidences Porte des Neiges ;

Vu la requête, enregistrée le 11 février 2009 sur télécopie confirmée le 16 suivant, présenté pour la société Résidences Porte des Neiges, dont le siège est les Bailletas, à Porta (66000), agissant par son représentant légal en exercice, par la SCP d'avoc

ats Delaporte, Briard, Trichet ;

La société Résidences Porte des Neiges demande...

Vu, en date du 13 décembre 2013, la décision n° 349541 par laquelle le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt n° 09MA00510 rendu le 17 mars 2011 par la cour administrative d'appel de Marseille et lui a renvoyé le jugement de la requête présentée par la société Résidences Porte des Neiges ;

Vu la requête, enregistrée le 11 février 2009 sur télécopie confirmée le 16 suivant, présenté pour la société Résidences Porte des Neiges, dont le siège est les Bailletas, à Porta (66000), agissant par son représentant légal en exercice, par la SCP d'avocats Delaporte, Briard, Trichet ;

La société Résidences Porte des Neiges demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0703817 rendu le 25 novembre 2008 par le tribunal administratif de Montpellier qui a, sur déféré du préfet des Pyrénées-orientales, annulé la délibération du 9 mars 2007, par laquelle le conseil municipal de Porta a décidé la création de la zone d'aménagement concerté (ZAC) dite "Porte des Neiges" ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le traité instituant la Communauté européenne et le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;

Vu la directive 92/43/CEE du Conseil des communautés européennes du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages ;

Vu la décision de la Commission du 22 décembre 2003 arrêtant, en application de la directive 92/43/CEE du Conseil, la liste des sites d'importance communautaire pour la région biogéographique alpine ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code de l'urbanisme ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 23 juin 2014 :

- le rapport de Mme Busidan, premier conseiller,

- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,

- et les observations de Me A...pour la société Résidence Porte des Neiges ;

1. Considérant que, par délibération du 9 mars 2007, le conseil municipal de Porta a approuvé le dossier de création de la zone d'aménagement concerté (ZAC) dite "Porte des Neiges", dont l'aménageur est la société Résidences Porte des Neiges ; que, sur déféré préfectoral, le tribunal administratif de Montpellier a annulé cette délibération par un jugement du 25 novembre 2008 ; que la société Résidences Porte des Neiges, dont l'intervention en défense a été admise en première instance, relève appel de ce jugement ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique (...). / Mention est également faite de la production d'une note en délibéré. (...) " ;

3. Considérant qu'après l'audience publique qui a eu lieu le 12 novembre 2008, la société Résidences Porte des Neiges a adressé au tribunal administratif de Montpellier une note en délibéré, qui a été enregistrée au greffe le 20 novembre 2008 ; que les visas du jugement attaqué ne faisant pas mention de cette pièce, le jugement est entaché pour ce motif d'une irrégularité ; qu'en conséquence, la société Résidences Porte des Neiges est fondée à en demander l'annulation ;

4. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer l'affaire et de statuer immédiatement sur les conclusions de la demande présentée par le préfet des Pyrénées-Orientales devant le tribunal administratif de Montpellier ;

Sur l'intervention de la société Résidences Porte des Neiges :

5. Considérant qu'en tant qu'aménageur de la ZAC dont le dossier de création a été approuvé par la délibération en litige, la société Résidences Porte des Neiges a intérêt au rejet du déféré présenté par le préfet des Pyrénées-Orientales ; qu'ainsi son intervention en défense est recevable ;

Sur la légalité de la délibération attaquée :

6. Considérant, en premier lieu, qu'en vertu de l'article 3 de la directive 92/43/CEE du 21 mai 1992 susvisée, un réseau écologique européen, dénommé Natura 2000, a été constitué et comprend des zones spéciales de conservation et des zones de conservation spéciale ; qu'en vertu de l'article 4 § 5 de cette directive, l'inscription de ces zones dans une liste arrêtée par la Commission européenne comme "sites d'importance communautaire", suffit à les faire bénéficier de la protection prévue par l'article 6 § 2, 3 et 4 de la même directive ; que si, par suite, pour clore au niveau national la procédure de sélection et de désignation de ces zones comme "sites d'importance communautaire", le ministre chargé de l'environnement prend un arrêté désignant comme site "Natura 2000" un site inscrit par la Commission sur la liste précitée, cet arrêté est purement confirmatif de la décision d'inscription précédemment prise par la Commission, entrée en vigueur dans les conditions fixées à l'article 297 du traité de fonctionnement de l'Union Européenne ;

7. Considérant qu'en l'espèce, le site Capcir, Carlit et Campcardos, d'une superficie de 39 520 hectares, à l'intérieur duquel se trouve la ZAC dont la création a été approuvée par la délibération en litige, a été inscrit sur la liste des sites d'importance communautaire pour la région biogéographique alpine par une décision de la Commission du 22 décembre 2003, entrée en vigueur, par défaut, le vingtième jour après sa publication au Journal officiel de l'Union Européenne intervenue le 21 janvier 2004 ; que, par suite, la circonstance que le site Capcir, Carlit et Campcardos n'ait pas fait l'objet de l'arrêté du ministre chargé de l'environnement le désignant comme site Natura 2000 prévu à l'article R. 414-4 du code de l'environnement, ne faisait pas obstacle à ce que ledit site, qui était nécessairement délimité, bénéficiât, à la date de la délibération en litige, de la protection voulue par la directive 92/43/CEE du 21 mai 1992 pour les sites reconnus d'importance communautaire ;

8. Considérant, en deuxième lieu, que ces mesures de protection, applicables aux sites d'importance communautaire et mentionnées à l'article 6 § 2, 3 et 4 de la directive 92/43/CEE du 21 mai 1992, ont été transposées en droit interne par l'article L. 414-4 du code de l'environnement, créé par l'ordonnance n° 2001-321 du 11 avril 2001 ; qu'à la date de la délibération en litige, cet article, qui était donc applicable au site concerné par le projet litigieux, dispose : " I. - Les programmes ou projets de travaux, d'ouvrage ou d'aménagement soumis à un régime d'autorisation ou d'approbation administrative, et dont la réalisation est de nature à affecter de façon notable un site Natura 2000, font l'objet d'une évaluation de leurs incidences au regard des objectifs de conservation du site. (...) / (...). / II. - L'autorité compétente ne peut autoriser ou approuver un programme ou projet mentionné au premier alinéa du I s'il résulte de l'évaluation que sa réalisation porte atteinte à l'état de conservation du site. / III. - Toutefois, lorsqu'il n'existe pas d'autre solution que la réalisation d'un programme ou projet qui est de nature à porter atteinte à l'état de conservation du site, l'autorité compétente peut donner son accord pour des raisons impératives d'intérêt public. Dans ce cas, elle s'assure que des mesures compensatoires sont prises pour maintenir la cohérence globale du réseau Natura 2000. Ces mesures compensatoires sont à la charge du bénéficiaire des travaux, de l'ouvrage ou de l'aménagement. La Commission européenne en est tenue informée. / IV. - Lorsque le site abrite un type d'habitat naturel ou une espèce prioritaires qui figurent, au titre de la protection renforcée dont ils bénéficient, sur des listes arrêtées dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, l'accord mentionné au III ne peut être donné que pour des motifs liés à la santé ou à la sécurité publique ou tirés des avantages importants procurés à l'environnement ou, après avis de la Commission européenne, pour d'autres raisons impératives d'intérêt public. " ;

9. Considérant qu'au sens de la législation applicable en matière d'environnement, qui est indépendante de celle applicable en matière d'urbanisme, la délibération approuvant le dossier de création d'une ZAC doit être regardée comme en permettant à terme la réalisation, et donc comme faisant entrer la ZAC ainsi créée dans le champ des dispositions précitées du I de l'article L. 414-4 ; qu'alors que le projet en litige couvre 54 hectares et prévoit la construction de 2 300 places de parkings et de 80 000 m² de surface hors oeuvre nette, dont 40 000 m² de logements, 28 000 m² d'hôtels et assimilés et 12 000 m² de commerces, services et équipements, il ne peut qu'être regardé comme de nature à affecter de façon notable le site d'importance communautaire à l'intérieur duquel il se situe ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient la société intervenante, le projet de ZAC devait légalement faire l'objet d'une évaluation de ses incidences au regard des objectifs de conservation du site ;

10. Considérant, en troisième lieu, qu'en vertu des dispositions du V de l'article L.-414-1 du code de l'environnement, qui a transposé en droit interne les objectifs recherchés par la directive 92/43/CEE du 21 mai 1992 pour les sites inscrits par la Commission sur la liste des sites d'importance communautaire, la protection voulue pour ces sites est destinée " à conserver ou à rétablir dans un état favorable à leur maintien à long terme les habitats naturels et les populations des espèces de faune et de flore sauvages qui ont justifié leur délimitation " et doit " éviter la détérioration de ces mêmes habitats naturels et les perturbations de nature à affecter de façon significative ces mêmes espèces. " ;

11. Considérant, d'une part, que dans sa partie consacrée aux effets de la ZAC, le document d'évaluation des incidences des projets Porte des Neiges au regard des objectifs de conservation des sites Natura 2000 indique que deux habitats naturels prioritaires, les formations herbeuses à Nardus riches en espèces sur substrats siliceux des zones montagnardes (code UE 6230), et les tourbières hautes actives (code UE 7110), sont présentes sur l'emprise du projet en litige ; que ce dernier conduit à une destruction permanente de 14,28 hectares des premières, et de 0,07 hectare des secondes, cependant que la modification de l'écoulement des eaux de surface assècherait aussi ces tourbières hautes actives sur une superficie non précisée ; que le document d'évaluation des incidences montre, en outre, que le projet aurait un impact sur cinq autres types d'habitats naturels d'intérêt communautaire, altérant définitivement plus de 10 autres hectares ;

12. Considérant, d'autre part, que l'expertise missionnée par le préfet des Pyrénées-Orientales a conclu en janvier 2009 que "l'impact sur les nardaies [réalisé par l'évaluation des incidences] est sous-estimé, en raison notamment de la fragmentation de l'habitat induite par les aménagements du domaine skiable" et que, s'agissant des tourbières, "outre leur destruction directe par l'implantation des constructions de la ZAC, les tourbières situées en aval du domaine skiable et de la ZAC seront impactées à la fois par le drainage et par les concentrations d'eau en cas de fortes précipitations induits par ces ouvrages" et que "s'agissant d'un habitat rare, le critère de proportion de superficie détruite par les strictes emprises des prises et constructions(...) ne paraît pas adapté" ; que cette même expertise souligne que l'habitat du papillon damier de la succise relève du même diagnostic que les tourbières et qu'il paraît menacé ;

13. Considérant, enfin, que si le document d'évaluation des incidences indique des mesures de nature à supprimer ou réduire les effets négatifs prévisibles du projet, telles que l'information des équipes de chantier sur la fragilité des habitats, la maîtrise absolue de l'emprise du chantier, la récupération des eaux à l'amont de l'emprise urbaine et la restitution à l'aval dans le lit des ruisseaux, le choix préférentiel de pistes de ski en parcours naturel avec un damage à partir d'un enneigement égal ou supérieur à 50 cm pour une bonne protection, la nature de ces mesures ne permet pas de mesurer leur portée réelle, en l'absence notamment de toute évaluation des superficies altérées tenant compte de leur mise en oeuvre ;

14. Considérant, par conséquent, que la réalisation du projet, qui conduirait à une détérioration de 25 hectares d'habitats naturels, dont 14 d'habitats prioritaires, porterait atteinte à l'état de conservation des habitats qui ont justifié la délimitation du site, alors même qu'ils ne représentent qu'un faible pourcentage de la superficie totale de ce site ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, et n'est d'ailleurs pas allégué, que le projet serait justifié par des motifs liés à la santé ou à la sécurité publique ou tirés des avantages importants que le projet procurerait à l'environnement, ni par d'autres raisons impératives d'intérêt public au sens des dispositions précitées de l'article L. 414-4 ; que, dès lors, le préfet des Pyrénées-Orientales est fondé à soutenir qu'en adoptant la délibération en litige, le conseil municipal de Porta a méconnu les dispositions de l'article L. 414-4 du code de l'environnement ; que ladite délibération doit, par suite, être annulée ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

15. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soient mises à la charge de l'Etat, qui n'est dans la présente instance, ni partie perdante, ni tenu aux dépens, les sommes que la commune de Porta et la société Résidences Porte des Neiges demandent au titre de leurs frais non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 25 novembre 2008 est annulé.

Article 2 : L'intervention de la société Résidences Porte des Neiges est admise.

Article 3 : La délibération adoptée le 9 mars 2007 par le conseil municipal de la commune de Porta approuvant la création de la ZAC dite "Porte des Neiges" est annulée.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Résidences Porte des Neiges, au préfet des Pyrénées-Orientales et à la commune de Porta.

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N° 13MA05107


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 9ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13MA05107
Date de la décision : 31/07/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Nature et environnement.

Urbanisme et aménagement du territoire - Procédures d'intervention foncière - Opérations d'aménagement urbain - Zones d'aménagement concerté (ZAC) - Création.


Composition du Tribunal
Président : M. BOUCHER
Rapporteur ?: Mme Hélène BUSIDAN
Rapporteur public ?: M. ROUX
Avocat(s) : SCP DELAPORTE BRIARD TRICHET

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2014-07-31;13ma05107 ?
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