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10/10/2014 | FRANCE | N°12MA02388

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 10 octobre 2014, 12MA02388


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour, sous le n° 12MA02388, le 13 juin 2012, présentée pour la fédération des Bouches-du-Rhône pour la pêche et la protection du milieu aquatique, dont le siège social est 8, parc d'activités de Bompertuis, rue d'Arménie à Gardanne (13120) par Me A...;

La fédération des Bouches-du-Rhône pour la pêche et la protection du milieu aquatique demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0908195, 0908947, 0908948 du 12 mars 2012 du tribunal administratif de Marseille qui a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de

l'arrêté, en date du 22 juillet 2009, par lequel le préfet de la région Provence...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour, sous le n° 12MA02388, le 13 juin 2012, présentée pour la fédération des Bouches-du-Rhône pour la pêche et la protection du milieu aquatique, dont le siège social est 8, parc d'activités de Bompertuis, rue d'Arménie à Gardanne (13120) par Me A...;

La fédération des Bouches-du-Rhône pour la pêche et la protection du milieu aquatique demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement nos 0908195, 0908947, 0908948 du 12 mars 2012 du tribunal administratif de Marseille qui a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de l'arrêté, en date du 22 juillet 2009, par lequel le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur a interdit la pêche dans les cours d'eau Cadière y compris le lac de la Tuilière et Raumartin, ensemble la décision expresse du 4 novembre 2009 rejetant son recours gracieux, de l'arrêté, en date du 22 juillet 2009, par lequel le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur a interdit la pêche dans le cours d'eau l'Huveaune du seuil du Pont de l'Etoile au barrage de la Pugette, ensemble la décision implicite de rejet née de son recours gracieux et de l'arrêté, en date du 22 juillet 2009, par lequel le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur a interdit la pêche dans le cours d'eau La Luynes, de sa source jusqu'à sa confluence, ensemble la décision implicite de rejet née de son recours gracieux ;

2°) d'annuler les trois arrêtés et les décisions susvisés ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- les arrêtés attaqués doivent être regardés comme des mesures de police, prises sur le fondement de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales, injustifiées, disproportionnées et générales ;

- le préfet n'a pas fait la démonstration devant les premiers juges qui a donc commis une erreur d'appréciation et de droit, du caractère proportionné et justifié des interdictions ;

- le tribunal n'a pas étudié sérieusement l'argument selon lequel les mesures de police ne pouvaient en droit présenter un caractère absolu et général, singulièrement dans le temps ;

- le tribunal en se fondant sur un avis de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA), du 13 mai 2009, à l'instar des arrêtés attaqués, a commis un erreur dans l'application du droit et une erreur dans l'appréciation des faits ;

- s'agissant du cas particulier de La Luynes, il ressort de l'appui scientifique et technique que l'AFSSA a conclu que les données disponibles pour ce cours d'eau devaient être jugées insuffisantes pour une interprétation sanitaire définitive ; il en résulte que la mesure de police d'interdiction générale de la pêche de toutes les espèces de poisson dans ce cours d'eau, de sa source jusqu'à sa confluence avec l'Arc, est infondée, manifestement entachée d'erreur de fait et d'erreur manifeste d'appréciation ; l'avis de l'AFSSA du 13 mai 2009 n'établit pas scientifiquement (aucune interprétation sanitaire définitive n'ayant été proposée par cet organisme) que lesdites espèces présentent effectivement une contamination au PCB dépassant les seuils fixés par le règlement CE n° 1881/2006 du 19 décembre 2006 ;

- s'agissant du cas particulier des cours d'eau Cadière et Raumartin, en se fondant sur des données manifestement incomplètes pour une interprétation sanitaire définitive susceptible de justifier comme nécessaire une mesure générale et absolue, portant interdiction pour l'ensemble des espèces de poissons, et sur l'avis de l'AFSSA, le tribunal a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation ; le tribunal a commis une erreur manifeste d'appréciation et une erreur de droit en validant une mesure de police prescrivant une interdiction sur l'intégralité du linéaire du cours d'eau Cadière, y compris le lac de la Tuilière ; le préfet commet une erreur manifeste d'appréciation en prenant l'arrêté querellé dès lors que les espèces prélevées pour analyse ne sont pas des espèces généralement consommées ;

- s'agissant en particulier du cours d'eau l'Huveaune, le jugement s'est à tort fondé sur des données manifestement incomplètes pour permettre une interprétation sanitaire fiable et définitive, seule de nature à pouvoir justifier une mesure de police ; le préfet ne pouvait sans commettre d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation, édicter une mesure interdisant la pêche de toutes les espèces de poissons, sans aucune distinction ou exception, dans le cours de l'Huveaune ; de la même façon, c'est à tort que le jugement a considéré que le préfet pouvait prendre une mesure d'interdiction sur l'intégralité du cours d'eau l'Huveaune ;

- il appartenait au préfet de justifier que les modalités des prélèvements et analyses ont été rigoureusement conformes aux dispositions du règlement CE n° 1883/2006 de la commission du 19 décembre 2006 fixant les méthodes de prélèvement et d'analyse d'échantillons prescrites pour le contrôle officiel des teneurs en dioxines et en PCB dans certains aliments ; cette preuve n'a pas été faite par le préfet ; le tribunal ne pouvait en droit inverser la charge de la preuve et exiger de la fédération qu'elle rapporte une preuve impossible pour elle ;

Vu le jugement et les arrêtés attaqués ;

Vu le courrier du 25 juin 2014 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les informant de la date ou de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et précisant la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 24 juillet 2014, présenté par le ministre de l'écologie par lequel il conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- s'agissant du cours d'eau " La Luynes ", les données scientifiques sont jugées insuffisantes soit par rapport au nombre d'espèces échantillonnées, soit par rapport au nombre de sites de prélèvement enquêtés pour la zone considérée ; pour autant, il n'en demeure pas moins que, pour ce cours d'eau, les données recueillies ont mis en évidence un dépassement des seuils réglementaires aussi bien pour les espèces fortement bio-accumulatrices que pour les espèces faiblement bio-accumulatrices ; la fédération ne peut, à cet égard, utilement faire valoir que les espèces prélevées pour analyse ne constituent pas des espèces généralement consommées dès lors que cette circonstance est sans incidence sur la capacité de ces espèces à justifier scientifiquement de la contamination par le PCB de toutes les espèces présentant des caractéristiques similaires ; dès lors, au regard des résultats des analyses effectuées dans ce cours d'eau, qui même peu nombreuses, ont mis en évidence des taux de PCB-DL excédant les limites acceptées et ont ainsi relevé un risque pour la santé humaine en cas de consommation des espèces qui y évoluent, l'interdiction de pêche de ce cours d'eau n'apparaît pas disproportionnée au regard de l'objectif poursuivi de protection de la santé publique, lequel s'entend par la mise en oeuvre du principe de précaution et permet l'édiction de mesures destinées à garantir le respect de la santé publique nonobstant l'absence de certitude sur l'exact contamination des espèces du fait du nombre suffisant d'échantillons prélevés ; la Cour devra estimer justifiée et proportionnée la mesure d'interdiction prise au vu des doutes sérieux révélés par les analyses effectuées quant au risque pesant sur la santé humaine ; pour les mêmes raisons tenant à l'application cardinal de précaution applicable en matière de santé publique, l'interdiction pouvait également concerner l'ensemble du cours d'eau en dépit du fait que le nombre de sites de prélèvement sur ce cours d'eau n'a pas été jugé suffisant pour caractériser de façon certaine la contamination par le PCB ; le préfet a édicté une mesure qui n'a pas le caractère d'une interdiction générale et absolue puisque celle-ci est, par l'article 2, limitée dans le temps ;

- s'agissant des cours d'eau Cadière et Huveaune, la fédération ne conteste pas que les résultats des analyses effectuées dans ces cours d'eau ont mis en évidence le dépassement des seuils admis en termes de présence de PCB ; la fédération ne peut utilement faire valoir que les espèces prélevées pour analyse ne constituent pas des espèces généralement consommées dès lors que cette circonstance est sans incidence sur la capacité de ces espèces à justifier scientifiquement de la contamination par le PCB de toutes les espèces présentant des caractéristiques similaires, y compris les espèces pélagiques ; de la même manière, la circonstance qu'il n'a été procédé à aucun prélèvement de truites ne fait pas obstacle à ce que cette espèce soit concernée par l'interdiction dans la mesure où celle-ci a été considérée comme présentant des caractères similaires à ceux des espèces retenues dans les échantillons ; aucune erreur de droit ne pourra donc être censurée à cet égard ;

- s'agissant de la Cadière, le taux de contamination des poissons prélevés sur toutes les espèces et, en particulier, sur les espèces faiblement bio-accumulatrices, est le plus élevé de tous les cours d'eau ; concernant l'Huveaune, ce taux de contamination est également significatif en particulier sur les espèces faiblement bio-accumulatrices ;

- concernant le fait qu'un seul prélèvement ait été effectué sur le cours d'eau Cadière, celui-ci était suffisant au regard des prescriptions de l'AFSSA et la circonstance qu'aucun prélèvement n'ait été effectué directement dans le lac de la Tuillère et dans le cours d'eau Raumartin est sans incidence dès lors que le lac est alimenté par la Cadière et que le Raumartin en constitue un affluent ;

- concernant l'Huveaune, au regard des prescriptions de l'AFSSA, un seul prélèvement était suffisant ; d'autre part, l'interdiction est limitée à la partie située en aval du seuil du pont de l'Etoile, dans le secteur situé en amont, il a été considéré que les activités recensées et l'infranchissabilité de l'ouvrage permettait de considérer que les espèces pêchées étaient globalement conformes ; les moyens tirés de l'erreur de droit et de l'erreur manifeste d'appréciation seront écartés ;

- faute d'apporter un commencement de preuve du non-respect des exigences relatives aux modalités de prélèvement, la fédération requérante ne saurait donc remettre en cause la validité des mesures effectuées et le moyen tiré de ce que le tribunal a procédé à cet égard à un renversement de la charge de la preuve pourra être écarté ;

Vu le mémoire complémentaire, enregistré le 31 juillet 2014, présenté pour la fédération des Bouches-du-Rhône pour la pêche et la protection du milieu aquatique par lequel elle conclut aux mêmes fins que la requête, par les mêmes moyens ;

Elle soutient, en outre, que le préfet ne pouvait prendre les arrêtés litigieux sans avoir, au préalable, dans le cadre de la procédure contradictoire imposée par l'article 24 de la loi du 12 avril 2000, recueilli ses observations ;

Vu l'avis d'audience adressé le 8 septembre 2014 portant clôture d'instruction en application des dispositions de l'article R. 613-2 du code de justice administrative ;

Vu la lettre, en date du 12 septembre 2014, informant les parties, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la décision à intervenir était susceptible d'être fondée sur un moyen soulevé d'office tiré de ce que le moyen de légalité externe relatif à la méconnaissance de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 soulevé pour la première fois en appel constitue une demande nouvelle irrecevable ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le règlement CE modifié n°1881/2006 de la commission du 19 décembre 2006 portant fixation de teneurs maximales pour certains contaminants dans les denrées alimentaires ;

Vu le code de la santé publique ;

Vu le code de l'environnement ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 relative aux droits des citoyens dans leurs relations avec les administrations ;

Vu l'arrêté du 12 janvier 2001 fixant les teneurs maximales pour les substances et produits indésirables dans l'alimentation des animaux ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 septembre 2014 :

- le rapport de Mme Marchessaux, premier conseiller ;

- et les conclusions de M. Revert, rapporteur public ;

1. Considérant que la fédération des Bouches-du-Rhône pour la pêche et la protection du milieu aquatique relève appel du jugement du 12 mars 2012 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des arrêtés du préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur en date du 22 juillet 2009, ensemble les décisions rejetant ses recours gracieux, interdisant la pêche respectivement dans les cours d'eau de la Cadière y compris le lac de la Tuilière et Raumartin, dans le cours d'eau de l'Huveaune du seuil du Pont de l'Etoile au barrage de la Pugette et dans le cours d'eau de La Luynes, de sa source jusqu'à sa confluence ;

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2215-1 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale est assurée par le maire, toutefois : / 1° Le représentant de l'Etat dans le département peut prendre, pour toutes les communes du département ou plusieurs d'entre elles, et dans tous les cas où il n'y aurait pas été pourvu par les autorités municipales, toutes mesures relatives au maintien de la salubrité, de la sûreté et de la tranquillité publiques (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 1311-1 du code de la santé publique : " : " Sans préjudice de l'application de législations spéciales et des pouvoirs reconnus aux autorités locales, des décrets en Conseil d'Etat, pris après consultation du Haut Conseil de la santé publique et, le cas échéant, du Conseil supérieur de la prévention des risques professionnels, fixent les règles générales d'hygiène et toutes autres mesures propres à préserver la santé de l'homme, (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 1311-2 du même code, dans sa version applicable à la date des arrêtés et décisions attaqués : " Les décrets mentionnés à l'article L. 1311-1 peuvent être complétés par des arrêtés du représentant de l'Etat dans le département ou par des arrêtés du maire ayant pour objet d'édicter des dispositions particulières en vue d'assurer la protection de la santé publique dans le département ou la commune. " ; qu'aux termes de l'article L. 211-5 du code de l'environnement : " Le préfet et le maire intéressés doivent être informés, dans les meilleurs délais par toute personne qui en a connaissance, de tout incident ou accident présentant un danger pour la sécurité civile, la qualité, la circulation ou la conservation des eaux. / La personne à l'origine de l'incident ou de l'accident et l'exploitant ou, s'il n'existe pas d'exploitant, le propriétaire sont tenus, dès qu'ils en ont connaissance, de prendre ou faire prendre toutes les mesures possibles pour mettre fin à la cause de danger ou d'atteinte au milieu aquatique, évaluer les conséquences de l'incident ou de l'accident et y remédier. / Le préfet peut prescrire aux personnes mentionnées ci-dessus les mesures à prendre pour mettre fin au dommage constaté ou en circonscrire la gravité et, notamment, les analyses à effectuer. / En cas de carence, et s'il y a un risque de pollution ou de destruction du milieu naturel, ou encore pour la santé publique et l'alimentation en eau potable, le préfet peut prendre ou faire exécuter les mesures nécessaires aux frais et risques des personnes responsables. (...) " ;

Sur la légalité de l'arrêté en date du 22 juillet 2009 portant interdiction de pêche en vue de la consommation et de la commercialisation de toutes les espèces de poissons du cours d'eau de La Luynes et de la décision implicite du préfet des Bouches-du-Rhône rejetant le recours gracieux de la requérante :

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête ;

3. Considérant que la fédération des Bouches-du-Rhône pour la pêche et la protection du milieu aquatique soutient qu'au cas particulier du cours d'eau de La Luynes, l'avis de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA) n'établit pas scientifiquement que lesdites espèces présentent effectivement une contamination au PCB dépassant le seuil fixé par le règlement CE n°1881/2006 du 19 septembre 2006 ; qu'il ressort des pièces du dossier que, pour prendre l'arrêté attaqué, le préfet des Bouches-du-Rhône s'est fondé sur l'avis de l'AFSSA en date du 13 mai 2009 relatif à l'interprétation des données du plan national PCB 2008 dans les poissons de rivière et à la proposition du plan d'échantillonnage 2009 ; que, toutefois, si pour le cours de La Luynes, cet avis mentionne que des dépassements de seuils règlementaires sont observés aussi bien pour les espèces fortement bio-accumulatrices que pour les espèces faiblement bio-accumulatrices, il n'indique aucune valeur de dépassement, contrairement aux cours de la Cadière et de l'Huveaune ; que le ministre de l'écologie qui se borne à se référer à l'avis de l'AFSSA ne conteste pas valablement ce fait ; que, si en première instance, le préfet des Bouches-du-Rhône a fait valoir que l'avis affirme que des dépassements de seuils réglementaires ont été observés avec une moyenne de 9 pg TEQ/g PF sur des chevesnes et carassins, ce taux ne figure pas dans l'avis de l'AFSSA ; qu'ainsi, en l'absence de preuve scientifique du dépassement du seuil fixé par le règlement du 19 septembre 2006 précité et des réserves émises pas l'avis de l'AFSSA qui indique que les données sont jugées insuffisantes pour une interprétation sanitaire définitive et que, dans l'attente des recommandations définitives, il pourrait être proposé au cas par cas, d'appliquer temporairement le scénario consistant en la recommandation temporaire de la non-commercialisation et de la non-consommation de tout ou partie des espèces, le préfet des Bouches-du-Rhône a commis une erreur d'appréciation en édictant l'arrêté querellé pour le cours d'eau de La Luyne ; que, dans cette mesure la fédération requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses conclusions aux fins d'annulation dirigées contre l'arrêté sus-analysé du 22 juillet 2009, ensemble la décision rejetant son recours gracieux ;

Sur la légalité des arrêtés en date du 22 juillet 2009 portant interdiction de la pêche en vue de la consommation et de la commercialisation de toutes les espèces de poissons des cours d'eau de la Cadière et de L'Huveaune, de la décision du 4 novembre 2009 et de la décision implicite du préfet rejetant les recours gracieux de la requérante :

4. Considérant que, devant le tribunal administratif, la fédération des Bouches-du-Rhône pour la pêche et la protection du milieu aquatique n'avait soulevé que des moyens tirés de l'illégalité interne des arrêtés attaqués ; que, si devant la Cour, elle soutient, en outre, que les arrêtés querellés seraient entachés d'une violation des dispositions de l'article 24 de la loi du 12 avril 2000 susvisée, ce moyen, fondé sur une cause juridique distincte, constitue une demande nouvelle irrecevable en appel ;

5. Considérant qu'en vertu de l'article 1er du règlement CE n°1881/2006 du 19 décembre 2006 susvisé, les denrées alimentaires visées en annexe dudit règlement ne sont pas mises sur le marché lorsqu'elles contiennent un contaminant mentionné à ladite annexe à une teneur qui dépasse la teneur maximale prévue dans celle-ci ; que la section 5 de cette annexe vise, notamment, les teneurs maximales en dioxines et PCB contenues dans la chair musculaire de poisson et produits de la pêche et produits dérivés à l'exclusion des anguilles qu'elle fixe, pour la somme des dioxines et PCB de type dioxine, à 8,0 pg/g de poids à l'état frais et, pour la chair musculaire de l'anguille, à 12,0 pg/g ; qu'en l'espèce, il ressort de l'annexe 3 de l'avis de l'AFSSA, en date du 13 mai 2009 que les taux de contamination des poissons prélevés dans la Cadière et dans l'Huveaune sur toutes les espèces et sur les espèces faiblement bio-accumulatrices sont supérieurs à ces teneurs maximales, comme l'a d'ailleurs relevé à bon droit le tribunal ; qu'ainsi, l'AFSSA pouvait, d'une part, considérer que pour les cours d'eau la Cadière et l'Huveaune, les données sont jugées suffisantes pour une interprétation sanitaire définitive et que les espèces faiblement bio-accumulatrices sont en moyenne non conformes au seuil réglementaire en PCDD/F + PCB-DL et, d'autre part, recommander, sans analyse complémentaire, des mesures de gestion en vue de la non-commercialisation et de la non- consommation de toutes les espèces de poissons pêchés dans ces cours d'eau ; que, par suite, la fédération des Bouches-du-Rhône pour la pêche et la protection du milieu aquatique n'est pas fondée à soutenir que le tribunal administratif de Marseille comme le préfet se sont fondés sur des données manifestement incomplètes pour une interprétation sanitaire définitive ;

6. Considérant que la fédération requérante soutient que la simple potentialité d'un risque ne peut à elle seule justifier une mesure de police ; que si les arrêtés en cause mentionnent effectivement que la contamination des espèces réputées faiblement ou fortement bio-accumulatrices peut constituer un risque potentiel pour la santé humaine en cas de consommation réitérée de poissons contaminés, un tel risque peut, néanmoins, justifier une mesure de police dès lors que, comme il a été démontré dans le considérant précédent, des taux de contamination en dioxines et polychlorobiphényles de type dioxines (PCB-DL) supérieurs aux normes admises ont été mis en évidence sur des poissons d'espèce faiblement et fortement bio-accumulatrices péchés dans les cours d'eau susvisés et dont la consommation est susceptible d'entraîner des risques pour la santé des consommateurs, lequel risque n'est pas valablement contesté par l'appelante; qu'ainsi, un tel moyen ne saurait être accueilli ;

7. Considérant que, comme l'a estimé à juste titre le tribunal, la circonstance, à la supposer établie, que les espèces prélevées pour analyse ne sont pas des espèces généralement consommées, est sans influence sur la légalité des actes attaqués ;

8. Considérant que, si la fédération requérante soutient qu'il n'a été procédé à aucun prélèvement de truites et qu'il n'est pas établi par le plan d'échantillonnage 2008 que des traces de contamination aux PCB auraient été trouvées sur des truites peuplant les cours d'eau de la Cadière et du Raumartin, il ressort de l'avis du 13 mai 2009 que l'AFSSA a écarté cette espèce au motif qu'elle présente une grande variabilité dans ses niveaux de contamination et qu'elle est difficilement classable au sens où elle ressort aussi bien comme espèce faiblement bio-accumulatrice qu'en espèce fortement bio-accumulatrice ; que l'Agence ajoute que, dans le cas de situation de faible niveau de contamination, l'interprétation est rendue délicate compte tenu des possibles pratiques de réempoissonnement et qu'il est conseillé, dans le doute, de s'abstenir de retenir cette espèce dans le protocole d'échantillonnage ; que, par ailleurs, selon l'avis précité, si les espèces réputées faiblement bio-accumulatrices de PCB sont non conformes sur un cours d'eau donné, comme c'est le cas pour la Cadière et l'Huveaune, il est admis que toutes les espèces de poissons sont non conformes ; que, dans ces conditions, le préfet des Bouches-du-Rhône a pu légalement prendre une mesure d'interdiction portant sur toutes les espèces de poissons pêchés dans les cours d'eau précités ;

9. Considérant que la fédération des Bouches-du-Rhône pour la pêche et la protection du milieu aquatique conteste l'étendue géographique des interdictions querellées portant, d'une part, sur le cours de la Cadière y compris le lac de la Tuillière qui, selon elle, n'a pas fait l'objet de prélèvement, ainsi que le cours du Raumartin et, d'autre part, sur l'intégralité de l'Huveaune alors que l'avis de l'AFSSA est émis sur la base d'un seul prélèvement (un seul site) réalisé en aval du cours d'eau à Dromel (Marseille) ; qu'il ressort, toutefois, des pièces du dossier que l'interdiction de pêche et de commercialisation du premier arrêté porte sur toutes les espèces de poissons péchés dans les cours d'eau de la Cadière y compris le lac de la Tuillière et Raumartin, de leurs sources respectives jusqu'à l'embouchure dans l'étang de Bolmon ; que, comme l'a estimé à juste titre le tribunal, le Raumartin se jette dans la Cadière en amont du point de prélèvement et au lac de la Tuilière qui est alimenté par la Cadière et communique avec elle ; que pour le deuxième arrêté en litige relatif à l'Huveaune, l'interdiction a été limitée au seuil du Pont de l'Etoile au barrage de la Pugette en considérant, que dans le secteur en amont de ce seuil, les activités recensées et l'infranchissabilité de l'ouvrage permettaient de considérer que les espèces pêchées étaient globalement conformes ; qu'il s'en suit que ce moyen doit être écarté ;

10. Considérant que contrairement à ce que soutient la fédération requérante, les arrêtés en cause n'ont pas édictés d'interdictions ayant un caractère perpétuel dès lors qu'ils précisent en leur article 2 que ces interdictions courent jusqu'à ce qu'il soit établi par des analyses complémentaires favorables que ces mesures ne s'avèrent pas utiles à la maîtrise du risque pour la santé publique ;

11. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ce qui vient d'être dit que le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur a édicté, pour les cours d'eau de la Cadière et de l'Huveaune, des mesures qui n'ont pas le caractère d'une interdiction générale et absolue et qui ne sont pas disproportionnée au regard de l'objectif de protection de la santé publique ;

12. Considérant que si en première instance la fédération des Bouches-du-Rhône pour la pêche et la protection du milieu aquatique soutenait qu'il n'est pas acquis que les données collectées ont été conformes au protocole détaillé d'analyses et d'échantillonnages préconisés par l'AFSSA et qu'il n'était pas justifié par le préfet que les modalités des prélèvements étaient rigoureusement conformes aux dispositions du règlement CE n°1883/2006 du 19 décembre 2006, un tel moyen était dépourvu de précision suffisante permettant d'en apprécier le bien-fondé ; que, par suite, les premiers juges n'ont pas inversé la charge de la preuve en estimant que l'AFSSA a recommandé que les modalités d'échantillonnage et d'analyse soient conformes aux dispositions de l'annexe 4.3 de l'annexe I du règlement CE n°1883/2006 du 19 décembre 2006 portant fixation des méthodes de prélèvement et d'analyse des échantillons utilisés pour le contrôle officiel des teneurs en dioxines et en PCB de type dioxine et qu'il ne ressort pas des pièces du dossier, que les prélèvements de poissons réalisés par les agents de l'office national de l'eau et des milieux aquatiques, selon un plan d'échantillonnage validé par l'agence française de sécurité sanitaire des aliments le 5 février 2008, ne soient pas conformes auxdites dispositions ;

13. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la fédération des Bouches-du-Rhône pour la pêche et la protection du milieu aquatique est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté ses demandes en tant qu'elles sont dirigées contre l'arrêté en date du 22 juillet 2009 portant interdiction de pêche en vue de la consommation et de la commercialisation de toutes les espèces de poissons du cours d'eau de La Luynes et contre la décision implicite par laquelle le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur a rejeté son recours gracieux ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

14. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

15. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de l'article L.761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la fédération des Bouches-du-Rhône pour la pêche et la protection du milieu aquatique et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Marseille en date du 12 mars 2012, en tant qu'il a rejeté les demandes de la fédération des Bouches-du-Rhône pour la pêche et la protection du milieu aquatique dirigées contre l'arrêté en date du 22 juillet 2009 du préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur portant interdiction de pêche en vue de la consommation et de la commercialisation de toutes les espèces de poissons du cours d'eau de La Luynes et contre la décision implicite par laquelle le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur a rejeté son recours gracieux, ensemble ledit arrêté et ladite décision implicite sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera à la fédération des Bouches-du-Rhône pour la pêche et la protection du milieu aquatique une somme de 2 000 (deux mille) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la fédération des Bouches-du-Rhône pour la pêche et la protection du milieu aquatique est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la fédération des Bouches-du-Rhône pour la pêche et la protection du milieu aquatique et au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

Délibéré après l'audience du 19 septembre 2014, où siégeaient :

- M. Bocquet, président de chambre,

- M. Pocheron, président assesseur,

- Mme Marchessaux, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 octobre 2014.

Le rapporteur,

J. MARCHESSAUX

Le président,

Ph. BOCQUET

Le greffier,

C. FERRY

La République mande et ordonne au préfet des Bouches-du-Rhône en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

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No 12MA02388


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 12MA02388
Date de la décision : 10/10/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-04-05 Police. Police générale. Salubrité publique.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : LECA

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2014-10-10;12ma02388 ?
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