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10/10/2014 | FRANCE | N°13MA00998

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 10 octobre 2014, 13MA00998


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour, sous le n° 13MA00998, le 12 mars 2013, présentée pour M. A...B..., demeurant ... par Me Kouevi ;

M. B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement no 1206201 du 26 novembre 2012 du tribunal administratif de Marseille qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 août 2012 du préfet des Bouches-du-Rhône portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;

2°) d'annuler l'arrêté susvisé ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouche

s-du-Rhône de le convoquer dès la notification de l'arrêt à intervenir et de faire procéder à ...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour, sous le n° 13MA00998, le 12 mars 2013, présentée pour M. A...B..., demeurant ... par Me Kouevi ;

M. B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement no 1206201 du 26 novembre 2012 du tribunal administratif de Marseille qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 août 2012 du préfet des Bouches-du-Rhône portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;

2°) d'annuler l'arrêté susvisé ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de le convoquer dès la notification de l'arrêt à intervenir et de faire procéder à un nouvel examen de sa situation personnelle et familiale en France et de lui délivrer, une autorisation provisoire de séjour, dans l'attente de la délivrance de la carte de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Il soutient que :

- il justifie de l'ancienneté et de la stabilité des liens personnels et familiaux dont il peut se prévaloir au sens de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le jugement attaqué sera purement et simplement annulé pour erreur de droit et erreur manifeste d'appréciation ;

- il appartenait au préfet de vérifier si la décision portant obligation de quitter le territoire français ne comporte pas de conséquence d'une gravité exceptionnelle sur sa situation personnelle ;

- cette décision viole les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle près le tribunal de grande instance de Marseille en date du 12 mars 2013 admettant M. B...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 13 novembre 2013, présenté pour le préfet des Bouches-du-Rhône par lequel il conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- M. B...invoque les mêmes moyens qu'en première instance mais il n'apporte aucun élément nouveau déjà existant à la décision attaquée concernant sa situation tant personnelle que familiale ;

- il se réfère à son mémoire produit devant le tribunal administratif ;

- il convient par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Marseille de ne pas retenir les mêmes moyens invoqués en appel ;

Vu le courrier du 30 juin 2014 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les informant de la date ou de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et précisant la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2 ;

Vu l'avis d'audience adressé le 28 juillet 2014 portant clôture d'instruction en application des dispositions de l'article R. 613-2 du code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience, en application de l'article R. 732-1-1 du code de justice administrative ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 19 septembre 2014 le rapport de Mme Marchessaux, premier conseiller ;

1. Considérant que M.B..., de nationalité comorienne, relève appel du jugement du 26 novembre 2012 du tribunal administratif de Marseille qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 29 août 2012 du préfet des Bouches-du-Rhône portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours ;

Sur le bien fondé du jugement attaqué :

2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 313-21 du même code : " Pour l'application du 7° de l'article L. 313-11, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de la vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine. " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...est entré régulièrement, en France, le 16 mai 2005 et a bénéficié d'un titre de séjour mention " étudiant " à compter du 3 novembre 2005 renouvelé jusqu'au 31 octobre 2007 ; qu'il démontre y résider habituellement depuis cette date par la production de nombreux documents probants tels que des bulletins de salaire, des avis d'impôt sur le revenu, des quittances de loyer ou des factures EDF ; qu'il vit depuis le mois de mai 2009 avec une compatriote, titulaire d'un titre de séjour en cours de validité à la date de l'arrêté querellé avec qui il a eu un enfant né en 2011 et a conclu un pacte de solidarité la même année ; qu'en outre, M. B...contribue à l'entretien et à l'éducation de la fille de nationalité française de sa compagne, née en 2008 dès lors qu'il justifie avoir réglé son assurance scolaire, ainsi que ses frais de cantine ; que, par ailleurs, sa signature figure sur le cahier scolaire de liaison de l'enfant dont le directeur de l'école atteste que M. B...vient régulièrement l'accompagner et la récupérer ; que, dans ces conditions, nonobstant la circonstance que le requérant ne serait pas dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de 21 ans, l'arrêté querellé du préfet des Bouches-du-Rhône a porté une atteinte disproportionnée au respect de la vie privée et familiale de M. B...et, par suite, a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'il y a lieu, en conséquence, d'annuler le jugement et l'arrêté attaqués ;

4. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête que M. B...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Considérant que, comme se borne à demander le requérant, l'annulation par le présent arrêt de l'arrêté du 29 août 2012 implique que le préfet des Bouches-du-Rhône procède à un réexamen de la situation de M. B... et lui délivre, dans cette attente, une autorisation provisoire de séjour ; qu'il y a lieu, dès lors, d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer la situation de M. B...dans un délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de sa nouvelle décision ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

6. Considérant que M. B...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Kouevi, avocat de M.B..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Kouevi de la somme de 2 000 euros ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement en date du 26 novembre 2012 du tribunal administratif de Marseille et l'arrêté en date du 29 août 2012 du préfet des Bouches-du-Rhône sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Bouches-du-Rhône de réexaminer la situation de M. B... dans un délai d'un mois suivant la notification du présent arrêt et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente de sa nouvelle décision.

Article 3 : L'Etat versera à Me Kouevi une somme de 2 000 (deux mille) euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me Kouevi renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. B...est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 19 septembre 2014, où siégeaient :

- M. Bocquet, président de chambre,

- M. Pocheron, président-assesseur,

- Mme Marchessaux, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 10 octobre 2014.

Le rapporteur,

J. MARCHESSAUX

Le président,

Ph. BOCQUETLe greffier,

C. FERRY

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

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No 13MA00998


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : KOUEVI

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 10/10/2014
Date de l'import : 02/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 13MA00998
Numéro NOR : CETATEXT000029599760 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2014-10-10;13ma00998 ?
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