La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

16/10/2014 | FRANCE | N°13MA00119

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 16 octobre 2014, 13MA00119


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 14 janvier 2013 et régularisée le 16 janvier 2013, présentée pour M. A...B..., demeurant..., par Me C...;

M. B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1203692 du 20 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 octobre 2012 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé la Tunisie comme pays de destination ; <

br>
2°) d'annuler l'arrêté du 2 octobre 2012 du préfet des Alpes-Maritimes ;

3°) d'e...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 14 janvier 2013 et régularisée le 16 janvier 2013, présentée pour M. A...B..., demeurant..., par Me C...;

M. B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1203692 du 20 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 octobre 2012 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de renouveler son titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé la Tunisie comme pays de destination ;

2°) d'annuler l'arrêté du 2 octobre 2012 du préfet des Alpes-Maritimes ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " salarié " dans un délai de trente jours à compter de la notification de l'arrêt à venir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

..................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 modifié concernant le séjour et le travail des ressortissants tunisiens en France ;

Vu l'accord-cadre relatif à la gestion concertée des migrations et au développement solidaire et les deux protocoles entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne signés le 28 avril 2008 ;

Vu l'accord franco-tunisien relatif aux échanges de jeunes professionnels signé le 4 décembre 2003 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code du travail ;

Vu l'arrêté du 10 octobre 2007 fixant la liste des pièces à fournir à l'appui d'une demande d'autorisation de travail ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 18 septembre 2014, le rapport de M. Sauveplane, premier conseiller ;

1. Considérant que M.B..., de nationalité tunisienne, né en 1984, est entré en France le 3 septembre 2008 sous couvert d'un visa de long séjour portant la mention " salarié ANAEM " correspondant à un " contrat jeune professionnel " ; qu'il s'est vu délivrer sur ce fondement un titre de séjour valable du 3 septembre 2008 au 2 septembre 2009 ; que le titre a été " renouvelé " à trois reprises jusqu'au 1er septembre 2012 ; qu'il a sollicité le 25 juillet 2012 le renouvellement de son titre de séjour ; que par arrêté du 2 octobre 2012, le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de faire droit à cette demande, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé la Tunisie comme pays de destination ; que M. B... relève appel du jugement du 20 décembre 2012 par lequel le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;

Sur la légalité de l'arrêté :

2. Considérant que, par l'arrêté attaqué du 2 octobre 2012, qui se réfère à l'avis émis le 31 août 2012 par la direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi, DIRECCTE, le préfet des Alpes-Maritimes a refusé de renouveler le titre de séjour du requérant, portant la mention " salarié. Zone : toute la France métropolitaine ", au motif notamment que si M. B...était entré en France le 3 septembre 2008 sous couvert d'un visa de long séjour correspondant à un " contrat de jeune professionnel ", et avait obtenu le titre de séjour correspondant pour la période du 3 septembre 2008 au 2 septembre 2009 au titre de l'accord franco-tunisien relatif aux échanges de jeunes professionnels du 4 décembre 2003, la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, devenue la DIRECCTE, n'avait été destinataire d'aucune demande de prolongation de ce contrat que ce service avait validé seulement pour la période du 1er septembre 2008 au 31 août 2009 en vue d'un emploi de maçon au sein de la SARL SAID ; que le préfet ajoutait que le contrat de travail en qualité d'aide-maçon que la société Palm Construction avait accordé à M. B...à compter du 3 août 2009 n'était accompagné d'aucune autorisation de travail, que son titre de séjour avait donc été renouvelé " à tort " pour la période allant de septembre 2009 à septembre 2010, d'autant que l'intéressé était démuni du visa adéquat, enfin, qu'aucune autorisation de travail n'avait été demandée concernant les entreprises Palm Construction et Lazaar Sadok, devenue la SARL Pro Bâtiment, cette dernière ayant également conclu avec M. B... un contrat de travail à durée indéterminée, en qualité d'ouvrier du bâtiment, non validé, et que c'est donc " à tort " que son titre de séjour avait été renouvelé pour la période allant de septembre 2010 à septembre 2011, puis pour la période du 2 septembre 2011 au 1er septembre 2012 ; qu'à l'appui de sa demande de renouvellement de son titre de séjour portant la mention " salarié ", échu le 1er septembre 2012, M. B...a présenté un contrat de travail à durée indéterminée en qualité de carreleur passé le 16 janvier 2012 avec la SARL Pro Bâtiment, dont le gérant est M.D... ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum (...) reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an et renouvelable et portant la mention " salarié ". " ; qu'aux termes de l'article 11 du même accord : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux États sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord. Chaque État délivre notamment aux ressortissants de l'autre État tous titres de séjour autres que ceux visés au présent Accord, dans les conditions prévues par sa législation. " ;

4. Considérant qu'à supposer même que c'est à tort que le titre de séjour de M. B... a été renouvelé à trois reprises, il ne ressort pas des pièces du dossier que ces renouvellements auraient revêtu un caractère frauduleux ; qu'ainsi ces renouvellements, qui ont acquis un caractère définitif et ont été créateurs de droit pour M. B..., ne peuvent plus faire l'objet d'un retrait ni d'une annulation contentieuse ;

5. Considérant qu'aux termes de l'article R. 313-36 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf dispositions réglementaires contraires, l'étranger qui sollicite le renouvellement d'une carte de séjour temporaire présente, outre les pièces mentionnées à l'article R. 313-35, les pièces prévues pour une première délivrance et justifiant qu'il continue de satisfaire aux conditions requises pour celle-ci. " ; qu'à ceux de l'article R. 313-38 du même code : " (...) Le préfet statue sur sa demande de renouvellement de la carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " conformément aux dispositions de l'article R. 341-5 du code du travail. " ; qu'à ceux de l'article R. 341-5 du code du travail, devenu l'article R. 5221-32 dans la version du code du travail issue de la recodification opérée par l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 : " Le renouvellement d'une autorisation de travail mentionnée à l'article R. 5221-11 est sollicité dans le courant des deux mois précédant son expiration. La demande de renouvellement est accompagnée de documents dont la liste est fixée par arrêté conjoint des ministres chargés de l'immigration et du travail. L'autorisation de travail est renouvelée dans la limite de la durée du contrat de travail restant à courir ou de la mission restant à accomplir en France. " ; qu'à ceux de l'article R. 5221-34 du même code : " Le renouvellement d'une des autorisations de travail mentionnées aux articles R. 5221-32 et R. 5221-33 peut être refusé en cas de non-respect des termes de l'autorisation par l'étranger ou en cas de non respect par l'employeur : 1° De la législation relative au travail ou à la protection sociale ; 2° Des conditions d'emploi, de rémunération ou de logement fixées par cette autorisation. " ; qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 10 octobre 2007 : " La demande de renouvellement d'une carte de séjour temporaire portant la mention (...) "salarié " (...) contiennent les documents suivants : (...) III. - Lors des renouvellements ultérieurs, la demande comprend : Si l'étranger travaille : une attestation d'emploi. " ; que toutes ces dispositions ne sont pas incompatibles avec les stipulations de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988, ni avec celles de l'accord-cadre et des deux protocoles du 28 avril 1988 et sont nécessaires à leur mise en oeuvre ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que le préfet ne peut refuser le renouvellement d'un titre de séjour " salarié " que si l'étranger, et notamment le ressortissant tunisien, n'a pas respecté les termes de la dernière autorisation de travail obtenue ou si son employeur n'a pas respecté la législation relative au travail ou à la protection sociale ou les conditions d'emploi, de rémunération ou de logement fixées par cette autorisation ; que par suite, c'est à tort que le préfet des Alpes-Maritimes s'est fondé sur le motif que le titre de séjour portant la mention " salarié " obtenu en 2009 avait été renouvelé " à tort " en septembre 2010 et septembre 2011 et que le nouveau contrat de travail présenté par M. B... n'était pas visé, pour lui refuser le renouvellement de son titre de séjour à compter du 1er septembre 2012 ; que M. B... est, dès lors, fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. " ; qu'à ceux de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé. " ;

8. Considérant que l'exécution du présent arrêt n'implique pas nécessairement que le préfet des Alpes-Maritimes renouvelle le titre de séjour de M. B...portant la mention " salarié " à compter du 1er septembre 2012 ; qu'en revanche, l'exécution du présent arrêt implique nécessairement que le préfet réexamine la demande de M. B...en tenant compte notamment de la circonstance que les renouvellements même obtenus " à tort " sont définitifs et créateurs de droits pour ce dernier ; qu'il y a donc lieu d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes de réexaminer la demande de M. B...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, partie perdante dans la présente instance, le paiement de la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 20 décembre 2012 du tribunal administratif de Nice et l'arrêté du 2 octobre 2012 du préfet des Alpes-Maritimes sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes de réexaminer la demande de renouvellement de titre de séjour présentée par M. B..., dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : L'Etat versera à M. B...une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes.

''

''

''

''

N° 13MA00119 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13MA00119
Date de la décision : 16/10/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme LASTIER
Rapporteur ?: M. Mathieu SAUVEPLANE
Rapporteur public ?: M. MAURY
Avocat(s) : CABINET CICCOLINI

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2014-10-16;13ma00119 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award