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16/10/2014 | FRANCE | N°13MA01264

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 16 octobre 2014, 13MA01264


Vu la requête, enregistrée par télécopie le 28 mars 2013 et régularisée le 5 avril 2013, présentée par le préfet de la région Languedoc-Roussillon, préfet de l'Hérault ;

Le préfet de la région Languedoc-Roussillon, préfet de l'Hérault demande à la Cour d'annuler le jugement n° 1300444 du 23 février 2013 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 19 février 2013 par lequel le préfet avait décidé le placement en rétention de M. D...C...A...dans des locaux ne relevant pas de l'administration p

énitentiaire ;

Le préfet soutient que le magistrat délégué a commis une erreur de ...

Vu la requête, enregistrée par télécopie le 28 mars 2013 et régularisée le 5 avril 2013, présentée par le préfet de la région Languedoc-Roussillon, préfet de l'Hérault ;

Le préfet de la région Languedoc-Roussillon, préfet de l'Hérault demande à la Cour d'annuler le jugement n° 1300444 du 23 février 2013 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 19 février 2013 par lequel le préfet avait décidé le placement en rétention de M. D...C...A...dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ;

Le préfet soutient que le magistrat délégué a commis une erreur de droit que le placement en rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire était impossible avant l'expiration d'un délai de trente jours dès lors que M. C...A...avait saisi le bureau d'aide juridictionnelle

Vu le jugement attaqué ;

Vu l'ordonnance du 22 novembre 2013 fixant la clôture de l'instruction au 15 janvier 2014, en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;

Vu l'ordonnance du 20 juin 2014 ordonnant la réouverture de l'instruction, en application de l'article R. 613-4 du code de justice administrative ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Marseille, en date du 26 août 2014, admettant M. D...C...A...au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 11 septembre 2014 présenté pour M. D...C...A..., demeurant..., par MeB... ; M. C... A...conclut :

1°) à la confirmation du jugement du tribunal administratif de Nîmes du 23 février 2013 ;

2°) à la mise à la charge de l'Etat du versement à Me B...de la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 ;

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

Vu la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 octobre 2014, le rapport de M. Sauveplane, premier conseiller ;

1. Considérant que le préfet de la région Languedoc Roussillon, préfet de l'Hérault relève appel du jugement n° 1300444 du 23 février 2013 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 19 février 2013 par lequel le préfet avait décidé le placement en rétention de M. D...C...A...dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ;

2. Considérant que, pour annuler l'arrêté du 19 février 2013, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier s'est fondé sur le motif que M. C...A...avait saisi le bureau d'aide juridictionnelle dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêté du 21 décembre 2012 par lequel le préfet de l'Hérault l'avait obligé à quitter le territoire français dans un délai d'un mois et qu'ainsi le préfet devait attendre que le délai de recours contentieux contre l'arrêté du 21 décembre 2012 eût expiré ou que la juridiction administrative se fût prononcé sur la légalité de cet arrêté ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II de l'article L. 511-1 peut, dans le délai de trente jours suivant sa notification, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision... L'étranger peut demander le bénéfice de l'aide juridictionnelle au plus tard lors de l'introduction de sa requête en annulation. Le tribunal administratif statue dans un délai de trois mois à compter de sa saisine. Toutefois, si l'étranger est placé en rétention en application de l'article L. 551-1 ou assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, il est statué selon la procédure et dans le délai prévus au III du présent article.... / III. En cas de décision de placement en rétention ou d'assignation à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger peut demander au président du tribunal administratif l'annulation de cette décision dans les quarante-huit heures suivant sa notification ... / Il est également statué selon la procédure prévue au présent III sur le recours dirigé contre l'obligation de quitter le territoire français par un étranger qui est l'objet en cours d'instance d'une décision de placement en rétention ou d'assignation à résidence en application de l'article L. 561-2. Le délai de soixante-douze heures pour statuer court à compter de la notification par l'administration au tribunal de la décision de placement en rétention ou d'assignation. " ; qu'aux termes de l'article L. 551-1 du même code : " (...) l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : (...) 6° Fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français prise moins d'un an auparavant et pour laquelle le délai pour quitter le territoire est expiré... " ; qu'à ceux de l'article R. 776-17 du code de justice administrative : " Lorsque l'étranger est placé en rétention ou assigné à résidence après avoir introduit un recours contre la décision portant obligation de quitter le territoire ou après avoir déposé une demande d'aide juridictionnelle en vue de l'introduction d'un tel recours, la procédure se poursuit selon les règles prévues par la présente section..." ;

4. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article L. 551-1, 6° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que l'étranger qui a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, assortie d'un délai de départ volontaire peut être placé en rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire dès l'expiration du délai de départ volontaire ; que si l'étranger ainsi placé en rétention a, antérieurement à son placement, déposé une demande d'aide juridictionnelle, le tribunal administratif est saisi de la demande d'annulation de la décision d'obligation de quitter le territoire français selon la procédure spéciale prévue aux articles R. 776-14 et suivants du code de justice administrative ;

5. Considérant que par un arrêté du 21 décembre 2012, le préfet de l'Hérault a prononcé à l'encontre de M. C...A...une obligation de quitter le territoire assortie d'un délai de départ volontaire d'un mois ; que, par l'arrêté du 19 février 2013, le préfet a ordonné son placement en rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, soit postérieurement à l'expiration du délai de départ volontaire d'un mois ; que dans le délai du recours contentieux dont il disposait contre l'obligation de quitter le territoire français, M. C... A...a déposé une demande d'aide juridictionnelle auprès du bureau d'aide juridictionnelle ; qu'ainsi le tribunal administratif était saisi de la demande d'annulation de la décision d'obligation de quitter le territoire français selon la procédure spéciale prévue aux articles R. 776-14 et suivants du code de justice administrative et c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif s'est fondé sur la circonstance que le préfet devait attendre l'expiration du délai de recours contentieux contre l'arrêté du 21 décembre 2012 ou que la juridiction administrative se fût prononcé sur la légalité de cet arrêté, pour l'annuler ;

6. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. C... A...devant le tribunal administratif ;

Sur la légalité de la décision attaquée :

En ce qui concerne la légalité externe :

7. Considérant que l'arrêté en litige est signé de M. Alain Rousseau, secrétaire général de la préfecture de l'Hérault, auquel le préfet de l'Hérault a, par arrêté n° 2013-I-089 en date du 14 janvier 2013, régulièrement publié au Recueil des actes administratifs du département le même jour, donné délégation à l'effet de signer tous actes, arrêtés, décisions et circulaires relevant des attributions de l'Etat dans le département de l'Hérault et notamment en ce qui concerne les affaires intéressant plusieurs services départementaux des administrations civiles de l'Etat, au nombre desquels figurent les décisions de placement en rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté contesté doit être écarté ;

En ce qui concerne la légalité interne :

8. Considérant, en premier lieu, ainsi qu'il vient d'être dit au point n°4, que l'étranger qui a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, assortie d'un délai de départ volontaire peut être placé en rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire dès l'expiration du délai de départ volontaire ; que si l'étranger ainsi placé en rétention a, antérieurement à son placement, déposé une demande d'aide juridictionnelle, le tribunal administratif est saisi de la demande d'annulation de la décision d'obligation de quitter le territoire français selon la procédure spéciale prévue aux articles R. 776-14 et suivants du code de justice administrative ; qu'ainsi en décidant le placement en rétention dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire de M. C...A...postérieurement à l'expiration du délai de départ volontaire, le préfet de l'Hérault n'a pas méconnu les articles L. 512-1 et L. 513-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

9. Considérant, en deuxième lieu, que le législateur a organisé une procédure spéciale permettant au juge administratif de statuer rapidement sur la légalité des mesures relatives à l'éloignement des étrangers, hors la décision refusant le séjour, lorsque ces derniers sont placés en rétention ou assignés à résidence, ainsi que sur la légalité des décisions de placement en rétention ou d'assignation à résidence elles-mêmes ; que le président du tribunal administratif ou le magistrat désigné à cette fin statue alors au plus tard dans les soixante-douze heures à compter de sa saisine ; qu'en vertu de l'article L. 512-3 du même code, lorsque le tribunal administratif est saisi d'une demande d'annulation d'une obligation de quitter le territoire français, cette mesure ne peut être exécutée d'office avant que le tribunal n'ait statué ; qu'ainsi le droit à un recours effectif garanti par les stipulations des articles 5 et 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales n'a pas été méconnu ; qu'en particulier, les stipulations de l'article 5, paragraphe 4, de cette convention, qui garantissent le droit d'une personne privée de liberté de former un recours devant un tribunal qui statue rapidement sur la légalité de la détention, n'ont ni pour objet ni pour effet de conduire à reconnaître un caractère suspensif aux recours susceptibles d'être exercés contre les mesures de placement en rétention administrative prises pour assurer l'exécution des décisions, distinctes, qui ont ordonné l'éloignement des étrangers placés en rétention ;

10. Considérant, en troisième lieu, que M. C...A...soutient que son placement en rétention méconnait l'article 15 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 dès lors que son comportement ne compromet pas la procédure d'éloignement ; que, toutefois, ces dispositions ont été transposées en droit interne par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité, qui est entrée en vigueur le 18 juillet suivant ; que, dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance par l'arrêté contesté du 19 février 2013 de ces dispositions est inopérant ;

11. Considérant, en dernier lieu, qu'en décidant le placement en rétention de M. C... A..., ressortissant somalien, célibataire sans enfant, et qui n'a pas déféré à l'obligation de quitter le territoire français dans le délai de départ volontaire, le préfet n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation ; qu'est sans incidence à cet égard, la circonstance, à la supposer établie, que l'éloignement à destination de la Somalie serait matériellement impossible ;

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Hérault est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier a annulé l'arrêté du 19 février 2013 ;

Sur les conclusions tendant à l'application combinée de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 :

13. Considérant que l'Etat ne peut être regardé comme partie perdante dans la présente instance ; que, dès lors, les conclusions de Me B...tendant à l'application combinée de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 ne peuvent qu'être rejetées ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1300444 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Montpellier en date du 23 février 2013 est annulé.

Article 2 : La requête présentée par M. D...C...A...devant le tribunal administratif de Montpellier est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par Me B...tendant à l'application combinée de l'article L. 761-1 du code de justice administrative des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. D...C...A..., à Me B...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la région Languedoc Roussillon, préfet de l'Hérault.

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N° 13MA01264 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13MA01264
Date de la décision : 16/10/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Restrictions apportées au séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme LASTIER
Rapporteur ?: M. Mathieu SAUVEPLANE
Rapporteur public ?: M. MAURY
Avocat(s) : RUFFEL

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2014-10-16;13ma01264 ?
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