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05/02/2015 | FRANCE | N°13MA03902

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 05 février 2015, 13MA03902


Vu, enregistrée le 3 octobre 2013, la requête présentée pour M. A...B..., demeurant..., par Me Akdag, avocat ; M. B...demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1303351 du 30 août 2013 par laquelle le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 19 juin 2013 par laquelle le préfet de l'Aude a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 19 juin 2013 susmenti

onnée ;

3°) d'enjoindre au préfet, à titre principal, de lui délivrer un titre...

Vu, enregistrée le 3 octobre 2013, la requête présentée pour M. A...B..., demeurant..., par Me Akdag, avocat ; M. B...demande à la Cour :

1°) d'annuler l'ordonnance n° 1303351 du 30 août 2013 par laquelle le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 19 juin 2013 par laquelle le préfet de l'Aude a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 19 juin 2013 susmentionnée ;

3°) d'enjoindre au préfet, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, qui sera versée à Me Akdag en cas d'obtention de l'aide juridictionnelle en contrepartie de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle ;

................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Marseille, en date du 11 décembre 2013 accordant à M. B...l'aide juridictionnelle totale ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

Vu l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 modifié ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu la circulaire NOR INTK1229185C du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 sur les conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière dans le cadre des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la 2ème chambre de la Cour dispensant la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 janvier 2015 :

- le rapport de Mme Carassic, rapporteure ;

1. Considérant que M.B..., de nationalité marocaine, interjette appel de l'ordonnance du 30 août 2013 par laquelle le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 19 juin 2013 du préfet de l'Aude ;

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 222-1 du code de justice administrative : " Les présidents de tribunal administratif (...) et les présidents de formation de jugement des tribunaux (...) peuvent, par ordonnance : (...) 7° Rejeter, après l'expiration du délai de recours ou, lorsqu'un mémoire complémentaire a été annoncé, après la production de ce mémoire, les requêtes ne comportant que des moyens de légalité externe manifestement infondés, des moyens irrecevables, des moyens inopérants ou des moyens qui ne sont assortis que de faits manifestement insusceptibles de venir à leur soutien ou ne sont manifestement pas assortis des précisions permettant d'en apprécier le bien-fondé. " ;

3. Considérant qu'à l'appui de sa demande présentée devant le tribunal administratif de Montpellier, M. B...a notamment invoqué le moyen tiré de l'incompétence du signataire de la décision attaquée, de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et un moyen tiré de ce que l'appréciation portée sur sa situation personnelle serait entachée d'une erreur manifeste ; que ces moyens, qui étaient assortis de faits susceptibles de venir à leur soutien et n'étaient pas dépourvus des précisions nécessaires à l'appréciation de leur bien-fondé, n'étaient ni inopérants ni irrecevables ; que les termes dans lesquels ils étaient exprimés, qui permettaient d'en saisir le sens et la portée, les rendaient suffisamment intelligibles pour que le juge exerçât son office en en appréciant le bien-fondé au regard des pièces produites ; que, dès lors, il n'appartenait qu'au tribunal administratif statuant en formation collégiale de statuer sur la demande de M. B...; que le président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Montpellier ne pouvait, comme il l'a fait par l'ordonnance attaquée, rejeter la demande de M. B...sur le fondement des dispositions du 7° de l'article R. 222-1 du code de justice administrative ; que, par suite, l'ordonnance du président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Montpellier du 30 août 2013 est entachée d'irrégularité et doit être annulée ; qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

4. Considérant que, en premier lieu, il ressort de l'examen des motifs de la décision litigieuse que celle-ci mentionne la date et les conditions d'entrée en France et la situation familiale, examinée au regard des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, de M. B...et précise que la preuve de sa présence ininterrompue sur le territoire national depuis au moins cinq ans, notamment entre 2006 et 2012, n'était pas rapportée ; qu'ainsi, le préfet, qui n'était pas tenu de faire mention de l'ensemble des circonstances de l'espèce pour motiver suffisamment en fait sa décision de refus d'admission au séjour, a mentionné les éléments de droit et de fait qu'il a retenus pour fonder sa décision ; que, pour les mêmes motifs, il ne ressort pas des pièces du dossier qu'il n'a pas procédé à l'examen particulier de la situation personnelle de l'intéressé ;

5. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7º A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. " ; qu'il appartient au préfet, saisi d'une demande de titre de séjour par un étranger en vue de régulariser sa situation, de vérifier que la décision de refus qu'il envisage de prendre ne comporte pas de conséquences d'une gravité exceptionnelle sur la situation personnelle de l'intéressé et n'est pas ainsi entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

6. Considérant que M. B...déclare être entré le 5 janvier 2006 sans visa sur le territoire national ; que, s'il soutient s'être maintenu depuis continuellement sur le territoire français, les pièces qu'il produit et notamment les seules attestations de proches ou d'amis, qui pour certaines ne précisent pas depuis quand le requérant vit en France et pour d'autres mentionnent le connaître depuis 2008, ne suffisent pas à établir sa présence habituelle en France depuis 2006 ; qu'ainsi et contrairement à ce que soutient le requérant, le préfet a pu à bon droit estimer que M. B...n'établissait pas sa présence en France depuis plus de cinq ans ; que le requérant est célibataire sans charge de famille ; qu'il n'établit pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine où il a vécu au moins, selon ses propres dires, jusqu'à l'âge de 19 ans et où vivent ses parents et ses quatre soeurs ; que, dans ces conditions, le requérant n'établit pas avoir constitué le centre de ses intérêts privés et familiaux en France ; que la circonstance qu'il travaille depuis août 2012 sous contrat à durée indéterminée en qualité d'ouvrier d'exécution dans l'entreprise familiale, qu'il déclare ses revenus et qu'il parlerait bien le français ne suffit pas à établir sa bonne intégration en France ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment des conditions d'entrée et de séjour, le moyen tiré de ce que le préfet aurait méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en lui refusant un titre de séjour doit être écarté ; que, pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste dans l'appréciation de la situation personnelle et familiale du requérant ;

7. Considérant, en troisième lieu, que, dès lors que le requérant n'établit pas être présent de manière continue en France depuis plus de cinq ans, il n'est pas fondé, en tout état de cause, à se prévaloir de la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière ;

8. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article 9 de l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement du royaume du Maroc en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 : " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord... " ; que l'article 3 du même accord stipule que : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent accord, reçoivent après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention ''salarié''... " ; qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...). " ;

9. Considérant que, portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée ; que, dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, au sens de l'article 9 de cet accord ; que, par suite, le préfet de l'Aude ne pouvait légalement rejeter la demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié présentée par M. B...en se fondant notamment sur la circonstance que ce dernier ne remplissait pas les conditions mentionnées par les dispositions de l'article L. 313-14, tel que cela ressort des pièces qu'il a demandées au requérant dans le cadre de l'instruction de sa demande de titre sur le fondement de cet article ;

10. Considérant que, toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié ; qu'il appartient au juge de substituer à la base légale erronée de l'article L. 313-14 du code celle tirée du pouvoir, dont dispose le préfet, de régulariser ou non la situation d'un étranger, dès lors que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'intéressé d'aucune garantie et que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir général de régularisation que lorsqu'elle examine une demande d'admission exceptionnelle au séjour en qualité de salarié présentée sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

11. Considérant qu'en l'espèce, le refus de titre attaqué trouve un fondement légal dans l'exercice par le préfet du pouvoir de régularisation discrétionnaire dont le préfet dispose, ainsi qu'il a été dit au point 7 ci-dessus ; que ce fondement légal peut être substitué au fondement erroné retenu par le préfet ; que, compte tenu de la situation professionnelle et personnelle de M. B..., célibataire et sans charge de famille sur le territoire français et non dépourvu d'attaches familiales au Maroc, le rejet de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour n'est entaché d'aucune erreur manifeste d'appréciation ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

12. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que cette obligation serait privée de base légale par la voie de l'exception d'illégalité du refus de titre de séjour doit être écarté ;

13. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision du 19 juin 2013 du préfet de l'Aude ; qu'il y a lieu de rejeter sa requête et, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 1303351 du 30 août 2013 du président de la deuxième chambre du tribunal administratif de Montpellier est annulée.

Article 2 : La demande de M. B...devant le tribunal administratif de Montpellier est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...B..., à Me Akdag et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Aude.

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N° 13MA039022

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13MA03902
Date de la décision : 05/02/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: Mme Marie-Claude CARASSIC
Rapporteur public ?: Mme CHAMOT
Avocat(s) : AKDAG

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-02-05;13ma03902 ?
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