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05/02/2015 | FRANCE | N°13MA03960

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 05 février 2015, 13MA03960


Vu, enregistrée le 11 octobre 2013, la requête présentée pour Mme A...B..., demeurant ... par Me Mazas, avocate ; Mme B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300644 du 4 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 13 novembre 2012 par laquelle le préfet de l'Hérault a refusé de délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours à destination du Canada ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du

13 novembre 2012 susmentionnée ;

3°) d'enjoindre au préfet, à titre principal, ...

Vu, enregistrée le 11 octobre 2013, la requête présentée pour Mme A...B..., demeurant ... par Me Mazas, avocate ; Mme B...demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1300644 du 4 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 13 novembre 2012 par laquelle le préfet de l'Hérault a refusé de délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours à destination du Canada ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, la décision du 13 novembre 2012 susmentionnée ;

3°) d'enjoindre au préfet, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour "vie privée et familiale", à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer dans l'attente une autorisation provisoire de séjour dans le délai de 8 jours à compter de cette notification ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 204,84 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, qui sera versée à Me Mazas en cas d'obtention de l'aide juridictionnelle en contrepartie de sa renonciation à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle ;

............................................

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la décision du bureau d'aide juridictionnelle du tribunal de grande instance de Marseille, en date du 10 septembre 2013 accordant à Mme B...l'aide juridictionnelle totale ;

Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;

Vu l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Canada relatif aux échanges de jeunes du 3 octobre 2003 ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la 2ème chambre de la Cour dispensant la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer ses conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 janvier 2015 :

- le rapport de Mme Carassic, rapporteure ;

1. Considérant que MmeB..., de nationalité canadienne, interjette appel du jugement du 4 juin 2013 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 13 novembre 2012 par laquelle le préfet de l'Hérault a refusé de délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours à destination du Canada ;

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant qu'aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique, sauf s'il a été fait application des dispositions de l'article L. 731-1. Dans ce dernier cas, il est mentionné que l'audience a eu lieu ou s'est poursuivie hors la présence du public. Elle contient le nom des parties, l'analyse des conclusions et mémoires ainsi que les visas des dispositions législatives ou réglementaires dont elle fait application. Mention y est faite que le rapporteur et le rapporteur public et, s'il y a lieu, les parties, leurs mandataires ou défenseurs ainsi que toute personne entendue sur décision du président en vertu du deuxième alinéa de l'article R. 731-3 ont été entendus. Lorsque, en application de l'article R. 732-1-1, le rapporteur public a été dispensé de prononcer des conclusions, mention en est faite. Mention est également faite de la production d'une note en délibéré. La décision fait apparaître la date de l'audience et la date à laquelle elle a été prononcée. " ;

3. Considérant que si Mme B...fait valoir que le tribunal administratif aurait, en méconnaissance des prescriptions suscitées de l'article R. 741-2 du code de justice administrative, omis de mentionner dans les visas son mémoire en communication de pièces enregistré au greffe du Tribunal le 11 avril 2013 à 11 h 24, avant la clôture de l'instruction fixée au 11 avril 2013 à 12 h, une telle circonstance n'est pas, par elle-même, de nature à vicier la régularité du jugement attaqué, dès lors que ce mémoire en communication de pièces a été nécessairement visé dans le visa " vu les autres pièces du dossier " du jugement attaqué ;

Sur les conclusions aux fins d'annulation :

En ce qui concerne le refus de titre de séjour :

4. Considérant, en premier lieu, que Mme B...soutient que l'arrêté en litige est insuffisamment motivé en ce qu'il ne fait pas mention de l'ancienneté de sa relation de couple et de son intégration en France ; qu'il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges ;

5. Considérant, en deuxième lieu, et d'une part, que l'article 2 de l'accord franco canadien susvisé du 3 octobre 2003, applicable au présent litige, prévoit que " Peuvent bénéficier du présent accord : (...) e) les jeunes, désireux d'effectuer un séjour de découverte touristique et culturelle dans l'autre pays, tout en étant autorisés à travailler pour compléter leurs ressources. " ; que l'article 3 de cet accord précise que les jeunes intéressés doivent adresser une demande à la représentation diplomatique ou consulaire de l'autre Etat située sur le territoire de l'Etat dont ils sont ressortissants ; que l'article 4 de cet accord prévoit que " Les deux Parties délivrent aux ressortissants de l'autre Etat un document d'accès sur leur territoire d'une durée de validité d'un an maximum et portant le motif du séjour. Ce document est pour ce qui concerne la France, un visa à entrées multiples (...). " ; que l'article 6.2 de cet accord prévoit que : " Les ressortissants du Canada titulaires du document d'accès délivré par les autorités françaises en vue d'occuper un emploi en France reçoivent sans opposition de la situation de l'emploi, une autorisation provisoire de travail pour la durée prévue de l'emploi. Cette autorisation est renouvelable dans les mêmes conditions, dans la limite de la durée du séjour autorisé. " ; que, d'autre part, aux termes de l'article L. 211-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour entrer en France, tout étranger doit être muni : 1° Des documents et visas exigés par les conventions internationales et les règlements en vigueur (...). " ; que l'article L. 311-1 de ce même code précise que tout étranger âgé de plus de 18 ans qui souhaite séjourner en France doit, après l'expiration d'un délai de trois mois depuis son entrée en France, être muni d'une carte de séjour ; que l'article R. 311-3 du code, dans sa rédaction applicable, reconnaît la dispense de demande de carte de séjour à plusieurs catégories de personnes qui correspondent à celles qui sont visées dans l'accord, à savoir les jeunes professionnels, les étudiants, et les stagiaires en formation ;

6. Considérant que Mme B...soutient que c'est à tort que les premiers juges ont estimé que sa demande, enregistrée le 8 novembre 2012, de titre de séjour avec changement de statut "vie privée et familiale" eu égard à son mariage en France le 12 mai 2012, devait être regardée comme une première demande de titre et non comme une demande de renouvellement de titre de séjour ; que, toutefois, il ressort des termes suscités de l'accord franco-canadien que le visa de type D "Permis Vacances Travail" qui lui a été délivré en octobre 2011 sur le fondement de cet accord par le consulat de France au Canada, était valable pour une durée maximale d'un an du 8 octobre 2011 au 8 octobre 2012, qu'il ne valait titre de séjour pour cette seule catégorie de titre "échanges de jeunes" que pour cette période et que sa demande de prolongation ne pouvait en tout état de cause lui être accordée qu'au titre du "permis vacances travail" par le consulat de France au Canada ; que, dans ces conditions, sa demande de titre de séjour " vie privée et familiale " doit être regardée comme une première demande de titre ; qu'ainsi le préfet a pu à bon droit se fonder sur la circonstance que la requérante n'était pas en possession du visa de long séjour exigible en ce cas ;

7. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 7º A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. " ; que Mme B...entre dans l'une des catégories susceptibles d'être admises au séjour au titre du regroupement familial en sa qualité de conjointe d'un ressortissant étranger séjournant régulièrement en France ; que, par suite, elle n'est pas fondée à invoquer les dispositions suscitées de l'article L. 313-11 7° pour se voir attribuer un titre de séjour sur ce fondement ;

8. Considérant que, en quatrième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ; qu'en application de ces stipulations, il appartient à l'autorité administrative qui envisage de procéder à l'éloignement d'un ressortissant étranger en situation irrégulière d'apprécier si, eu égard notamment à la durée et aux conditions de son séjour en France, ainsi qu'à la nature et à l'ancienneté de ses liens familiaux sur le territoire français, l'atteinte que cette mesure porterait à sa vie familiale serait disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette décision serait prise ; que la circonstance que l'étranger relèverait, à la date de cet examen, des catégories ouvrant droit au regroupement familial ne saurait, par elle-même, intervenir dans l'appréciation portée par l'administration sur la gravité de l'atteinte à la situation de l'intéressé ; que cette dernière peut en revanche tenir compte le cas échéant, au titre des buts poursuivis par la mesure d'éloignement, de ce que le ressortissant étranger en cause ne pouvait légalement entrer en France pour y séjourner qu'au seul bénéfice du regroupement familial et qu'il n'a pas respecté cette procédure ;

9. Considérant que Mme B...n'établit la réalité de son séjour en France que depuis octobre 2011, son séjour de six mois sur le sol français en 2008 pour effectuer des études devant être mis à part ; que, si elle se prévaut de l'ancienneté de sa " relation à distance " de 2008 à 2011 avec un ressortissant turc en situation régulière jusqu'en 2020 en France, qu'elle a épousé le 12 mai 2012 à Montpellier, elle ne justifie de la réalité de sa vie commune avec ce dernier qu'à compter du 1er décembre 2011, date de la prise de bail commun de leur appartement ; que si la circonstance que son époux n'a pas demandé le bénéfice du regroupement familial à son égard ne peut lui être opposée par le préfet dès lors qu'elle a construit, notamment par son mariage en France, sa vie familiale sur le territoire national, en revanche, cette union est récente à la date de la décision litigieuse du 13 novembre 2012 ; que la circonstance qu'un enfant naîtra prochainement de leur union, soit postérieurement à la décision litigieuse, est par elle-même insuffisante à établir que Mme B...a construit le centre de ses intérêts privés et familiaux en France ; qu'en tout état de cause, les dispositions suscitées ne consacrent pas le droit des étrangers de choisir le lieu le plus approprié pour développer leur vie familiale ; que Mme B...n'établit pas que le couple ne pourrait pas se reconstituer ailleurs, en Turquie ou au Canada, en se bornant à faire valoir que l'emploi pérenne en France de son mari constituerait les seuls revenus du couple et qu'il n'est pas certain, eu égard à sa nationalité turque, qu'il ait la possibilité de travailler au Canada ; que Mme B...n'est pas dépourvue d'attache dans son pays d'origine, où elle a vécu jusqu'à l'âge de 27 ans et où résident ses parents et sa soeur ; qu'ainsi, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, notamment de la brièveté de la durée de sa vie familiale en France à la date de la décision litigieuse et alors même que la requérante serait bien intégrée, c'est à bon droit que les premiers juges ont estimé que le moyen tiré de ce que le préfet aurait méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des doits de l'homme et des libertés fondamentales devait être écarté ; que, pour les mêmes motifs, ce refus de titre de séjour n'est pas entaché d'erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation personnelle ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

10. Considérant qu'en l'absence d'argumentation spécifique invoquée par la requérante à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de la méconnaissance par le préfet des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste dans l'appréciation de sa vie privée et familiale par les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus lors de l'examen de la légalité du refus de délivrance d'un titre de séjour ;

11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme B...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté sa demande ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

12. Considérant que le présent arrêt n'implique aucune mesure d'exécution ; que, par suite, les conclusions de Mme B...tendant à ce que la Cour enjoigne au préfet de lui délivrer un titre de séjour doivent être rejetées ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement à Mme B...de quelque somme que ce soit au titre des frais d'instance ;

DECIDE :

Article 1er : La requête de Mme B...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A...B..., à Me Mazas et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

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N° 13MA039602

KP


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-04 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Motifs.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: Mme Marie-Claude CARASSIC
Rapporteur public ?: Mme CHAMOT
Avocat(s) : MAZAS

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 05/02/2015
Date de l'import : 06/07/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 13MA03960
Numéro NOR : CETATEXT000030219667 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-02-05;13ma03960 ?
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