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18/06/2015 | FRANCE | N°14MA01741

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 2ème chambre - formation à 3, 18 juin 2015, 14MA01741


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A...C...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 14 mai 2013 par lequel le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1303693 du 6 novembre 2013, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :
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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... A...C...a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 14 mai 2013 par lequel le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office de la mesure d'éloignement.

Par un jugement n° 1303693 du 6 novembre 2013, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 18 avril 2014, M. A... C..., représenté par Me B..., demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 6 novembre 2013 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 14 mai 2013 ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de réexaminer sa demande et, dans l'attente, de lui délivrer un titre de séjour provisoire dans le délai de huit jours suivant la notification de la décision à venir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- c'est à l'administration de démontrer l'existence d'une fraude ;

- il court des risques réels pour sa vie en cas de retour au Soudan ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire est insuffisamment motivée en droit ;

- la preuve de la fraude n'est pas rapportée ;

- l'obligation de quitter le territoire a été prise en méconnaissance de la garantie de procédure que constitue le droit d'être entendu ;

- la décision refusant son admission provisoire au séjour est illégale en l'absence d'intention frauduleuse ;

- dès lors qu'il n'a pu se maintenir sur le territoire durant le temps de l'instruction de sa demande par la Cour nationale du droit d'asile, le droit constitutionnel d'asile a été méconnu ;

- ses empreintes n'étaient pas abîmées, la décision étant entachée sur ce point d'une erreur de fait ;

- le droit au recours effectif protégé par l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales a été méconnu ;

- le renvoi vers le Soudan l'expose à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à l'article 3 de la convention des Nations Unies relatives à la prévention de la torture de 1984.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 avril 2015, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de l'appelant ne sont pas fondés.

M. A...C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 19 mars 2014.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le règlement (CE) n° 2725/2000 du 11 décembre 2000 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de MmeD....

1. Considérant que M. A...C..., de nationalité soudanaise, a présenté, le 22 novembre 2012, une demande d'admission au séjour en tant que demandeur d'asile ; que le 21 janvier 2013, le préfet de l'Hérault a considéré que sa demande présentait un caractère frauduleux et a refusé de l'admettre à titre provisoire au séjour dans l'attente de l'examen de sa demande d'asile ; que cette demande a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) le 9 avril 2013 ; que le 14 mai 2013, le préfet de l'Hérault a rejeté la demande de titre de séjour au titre de l'asile présentée par M. A...C..., lui a fait obligation de quitter le territoire français et a fixé le pays de renvoi en cas d'éloignement forcé ; que par un jugement du 6 novembre 2013, dont M. A...C...relève appel, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 14 mai 2013 ;

Sur le moyen tiré de l'absence de recours effectif :

2. Considérant que l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " Sous réserve du respect des stipulations de l'article 33 de la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés, l'admission en France d'un étranger qui demande à bénéficier de l'asile ne peut être refusée que si : (...) 4° La demande d'asile repose sur une fraude délibérée ou constitue un recours abusif aux procédures d'asile ou n'est présentée qu'en vue de faire échec à une mesure d'éloignement prononcée ou imminente. Constitue, en particulier, un recours abusif aux procédures d'asile la présentation frauduleuse de plusieurs demandes d'admission au séjour au titre de l'asile sous des identités différentes. (...) Constitue une demande d'asile reposant sur une fraude délibérée la demande présentée par un étranger qui fournit de fausses indications, dissimule des informations concernant son identité, sa nationalité ou les modalités de son entrée en France afin d'induire en erreur les autorités. (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 742-6 du même code : " L'étranger présent sur le territoire français dont la demande d'asile entre dans l'un des cas visés aux 2° à 4° de l'article L. 741-4 bénéficie du droit de se maintenir en France jusqu'à la notification de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, lorsqu'il s'agit d'une décision de rejet. En conséquence, aucune mesure d'éloignement mentionnée au livre V du présent code ne peut être mise à exécution avant la décision de l'office. (...) " ;

3. Considérant, d'une part, que la circonstance que le demandeur d'asile a quitté le territoire français quand la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) se prononce sur son recours formé contre la décision de l'OFPRA refusant de lui reconnaître le statut de réfugié ne rend pas sans objet son recours devant cette juridiction ;

4. Considérant, d'autre part, que l'étranger qui fait l'objet d'un refus de titre de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français, alors que son recours contre la décision de l'OFPRA rendue selon la procédure prioritaire est pendant devant la CNDA dispose de la possibilité de contester ces décisions, par un recours qui suspend les effets de la mesure d'éloignement et qui lui permet de s'expliquer sur les risques auxquels il soutient être exposé dans son pays d'origine ; qu'en outre, il a la faculté dans le cadre de cette procédure de faire valoir que les conditions pour l'examen de sa demande d'asile selon la procédure prioritaire n'étaient pas réunies et qu'il a un droit au maintien sur le territoire français jusqu'à ce que la CNDA se soit prononcée sur son recours formé contre la décision refusant de lui reconnaître le statut de réfugié ;

5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les dispositions précitées de l'article L. 724-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettent au demandeur d'asile dont la demande est examinée selon la procédure prioritaire l'exercice d'un recours effectif ; que le moyen tiré de ce que son droit à un recours effectif notamment garanti par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales aurait été méconnu doit ainsi être écarté ;

Sur le moyen tiré de l'absence de démonstration d'une fraude :

6. Considérant que, conformément aux dispositions de l'article L. 742-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, une mesure d'éloignement ne peut être mise à exécution, après la décision de l'OFPRA rejetant une demande d'asile, qu'à l'encontre d'un étranger entrant dans le champ d'application du 2° au 4° de l'article L. 741-4 du même code ; qu'il incombe de ce fait au juge saisi de la contestation de la légalité d'une obligation de quitter le territoire français après la décision de l'OFPRA fondée sur le 4° de cet article, de s'assurer que l'étranger entre bien dans le cas visé par ces dispositions ; que la seule circonstance qu'une décision administrative ait refusé l'admission au séjour à raison du caractère frauduleux ou abusif du recours aux procédures d'asile mentionné au 4° de cet article et qu'elle n'ait pas été contestée ou qu'elle n'ait pas été annulée par le juge administratif ne fait pas obstacle à ce que le juge détermine lui-même, sans se prononcer sur la légalité de cette décision, si la demande d'asile relevait bien des cas mentionnés à l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article 18-1 du règlement (CE) n° 2725/2000 du 11 décembre 2000 concernant la création du système "Eurodac" pour la comparaison des empreintes digitales aux fins de l'application efficace de la convention de Dublin : " Toute personne visée par le présent règlement est informée par l'État membre d'origine (...) d) dans le cas des personnes visées à l'article 4 ou à l'article 8, de l'obligation d'accepter que ses empreintes digitales soient relevées " ; qu'aux termes de l'article 4 de ce règlement : " Collecte, transmission et comparaison des empreintes digitales. 1. Chaque État membre relève sans tarder l'empreinte digitale de tous les doigts de chaque demandeur d'asile âgé de 14 ans au moins et transmet rapidement à l'unité centrale les données visées à l'article 5, paragraphe 1, points a) à f). La procédure de relevé des empreintes digitales est déterminée conformément à la pratique nationale de l'État membre concerné et dans le respect des dispositions de sauvegarde établies dans la convention européenne des droits de l'homme et dans la convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant " ;

8. Considérant que l'étranger qui demande à bénéficier de l'asile doit justifier de son identité, de manière à permettre aux autorités nationales de s'assurer notamment qu'il n'a pas formulé d'autres demandes ; qu'il résulte, en particulier, des dispositions précitées du règlement du 11 décembre 2000 que les demandeurs d'asile âgés de plus de quatorze ans ont l'obligation d'accepter que leurs empreintes digitales soient relevées ; que l'altération volontaire et réitérée des empreintes digitales, ne permettant pas leur identification et interdisant par là même aux autorités nationales de s'assurer notamment que le demandeur d'asile n'a pas formulé d'autres demandes dans un autre Etat membre, peut être regardée, sous le contrôle du juge, comme relevant d'une intention de fraude au sens du 4°) de l'article L. 741-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

9. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que les relevés des empreintes digitales de l'appelant, effectués les 22 novembre, 20 décembre 2012 et 21 janvier 2013, se sont révélés inexploitables ; que si l'administration ne peut tirer de la simple inexploitation des empreintes, même après trois tentatives, la conclusion de l'existence d'une fraude délibérée, il appartient à l'intéressé, en pareille hypothèse, de faire état de circonstances particulières susceptibles de justifier cette altération et de contredire les constats faits par l'administration ; qu'en l'espèce, M. A...C...ne s'est pas spontanément expliqué sur l'origine de l'altération de ses dix doigts ni à l'occasion de ces relevés répétés ni dans le cadre de la présente instance contentieuse, se bornant à invoquer, sans l'établir, un prétendu dysfonctionnement de la borne Eurodac ; qu'il ne fait état d'aucune circonstance particulière permettant d'expliquer cette situation ; que, dès lors, l'impossibilité de procéder par trois fois à l'identification de ses empreintes a pu être regardée à bon droit par l'administration comme révélant une intention de frauder ; que l'intéressé n'est, dès lors et en toute hypothèse, pas fondé à soutenir que sa demande d'asile ne pouvait être examinée selon la procédure prioritaire et qu'il avait droit à séjourner sur le territoire français jusqu'à la décision rendue par la CNDA ;

Sur le moyen tiré de la méconnaissance du droit constitutionnel d'asile :

10. Considérant qu'il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus au point 10 du jugement du tribunal ;

Sur la motivation de la décision portant obligation de quitter le territoire :

11. Considérant que, accompagnant une décision de refus de titre elle-même correctement motivée, la mesure d'éloignement n'avait pas à faire l'objet d'une motivation en droit spécifique ;

Sur le droit d'être entendu :

12. Considérant, que le droit d'être entendu dans toute procédure, tel qu'il s'applique dans le cadre de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, et, notamment, de l'article 6 de celle-ci ne s'oppose pas à ce qu'une autorité nationale n'entende pas le ressortissant d'un pays tiers spécifiquement au sujet d'une décision de retour lorsque, après avoir constaté le caractère irrégulier de son séjour sur le territoire national à l'issue d'une procédure ayant pleinement respecté son droit d'être entendu, elle envisage de prendre à son égard une telle décision ; qu'ainsi la seule circonstance que le préfet n'ait pas, préalablement à l'édiction de la mesure d'éloignement, de sa propre initiative, expressément informé M. A...C...qu'en cas de rejet de sa demande de titre de séjour, il serait susceptible d'être contraint de quitter le territoire français en l'invitant à formuler ses observations sur cette éventualité, n'est pas de nature à permettre de regarder ce dernier comme ayant été privé de son droit à être entendu, notamment énoncé au paragraphe 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

Sur les risques encourus au Soudan :

13. Considérant que M. A...C...n'établit pas la réalité des risques qu'il dit personnellement courir en cas de retour dans son pays d'origine en se prévalant de la situation de violence généralisée au Soudan, et plus particulièrement au Darfour Méridional où se situe la ville de Nyala dont il est originaire ; qu'il suit de là que les moyens qu'il articule contre la décision fixant le pays de renvoi doivent être écartés dans toutes leurs branches ;

14. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A... C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande ; que doivent être rejetées, par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. A... C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A...C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 28 mai 2015, où siégeaient :

- M. Vanhullebus, président de chambre,

- M. Firmin, président assesseur,

- MmeD..., première conseillère.

Lu en audience publique, le 18 juin 2015.

La rapporteure,

A. D...Le président,

T. VANHULLEBUS

La greffière,

D. GIORDANO

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

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N° 14MA01741 2

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 2ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA01741
Date de la décision : 18/06/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

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Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière - Légalité interne - Étrangers ne pouvant faire l`objet d`une OQTF ou d`une mesure de reconduite - Demandeurs d'asile - Demande n'ayant pas un caractère dilatoire.


Composition du Tribunal
Président : M. VANHULLEBUS
Rapporteur ?: Mme Anne MENASSEYRE
Rapporteur public ?: Mme CHAMOT
Avocat(s) : SCM MAZAS - ETCHEVERRIGARAY

Origine de la décision
Date de l'import : 06/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-06-18;14ma01741 ?
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