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23/07/2015 | FRANCE | N°14MA00693

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 23 juillet 2015, 14MA00693


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C...D..., veuveA..., a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 2 mai 2013 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de l'admettre au séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours à destination de son pays d'origine.

Par un jugement n° 1306246 du 23 décembre 2013, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 4 février 2014,

MmeD..., représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) de surseoir à statuer sur la requête da...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme C...D..., veuveA..., a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du 2 mai 2013 par lequel le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de l'admettre au séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours à destination de son pays d'origine.

Par un jugement n° 1306246 du 23 décembre 2013, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 4 février 2014, MmeD..., représentée par Me B..., demande à la Cour :

1°) de surseoir à statuer sur la requête dans l'attente de l'avis de la Cour de justice de l'Union européenne, saisie par le tribunal administratif de Melun d'une question préjudicielle relative au moyen tiré de la méconnaissance du principe général du droit d'être entendu ;

2°) d'annuler le jugement du 23 décembre 2013 du tribunal administratif de Marseille ;

3°) d'annuler l'arrêté du 2 mai 2013 du préfet des Bouches-du-Rhône ;

4°) d'enjoindre au préfet de délivrer à Mme D...un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt sous astreinte de 100 euros par jour de retard, subsidiairement d'enjoindre au préfet de réexaminer sa demande de titre de séjour dans un délai de deux mois et de lui délivrer, dans un délai de quinze jours, une autorisation provisoire de séjour valant autorisation de travail, sous la même astreinte ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 196 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Mme D...soutient que :

- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le préfet était tenu de transmettre la promesse d'embauche à l'autorité compétente et ne pouvait lui opposer l'absence de contrat visé ;

- l'obligation de quitter le territoire français est contraire à l'article 41 de la charte des droits fondamentaux ;

- l'obligation de quitter le territoire français est insuffisamment motivée ;

- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation avant de prononcer l'obligation de quitter le territoire français ;

- la décision refusant d'octroyer un délai de départ volontaire supérieur à trente jours est insuffisamment motivée au regard de la directive 2008/115/CE ;

- la décision refusant d'octroyer un délai de départ volontaire supérieur à trente jours est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle reprend l'ensemble de ses moyens de première instance.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 septembre 2014, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Vu :

- l'ordonnance du 19 septembre 2014 a clôturé l'instruction le 15 octobre 2014 en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;

- la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'accord franco-marocain en date du 9 octobre 1987 en matière de séjour et d'emploi, signé à Rabat le 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 2 juillet 2015, le rapport de M. Sauveplane.

1. Considérant que MmeD..., ressortissante marocaine née en 1978, a déposé le 16 avril 2013 une demande d'admission au séjour ; que, par arrêté du 2 mai 2013, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé de l'admettre au séjour et l'a obligée à quitter le territoire français dans le délai de trente jours à destination de son pays d'origine ; qu'elle relève appel du jugement du 23 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté du 2 mai 2013 ;

2. Considérant que, par l'arrêté du 2 mai 2013, le préfet des Bouches-du-Rhône a refusé d'admettre Mme D...au séjour et l'a obligée à quitter le territoire français aux motifs d'une part, qu'elle ne justifie pas de l'ancienneté de ses liens personnels et familiaux en France, d'autre part, qu'elle ne peut se prévaloir d'aucun motif exceptionnel ou considération humanitaire et n'est pas titulaire d'un contrat de travail visé ni d'un visa long séjour, qu'enfin elle n'établit pas être dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de trente et un ans ;

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

3. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté attaqué du 2 mai 2013 mentionne, au visa de l'article 3 de l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi et des articles L. 313-11 7° et L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, les circonstances de faits rappelées au point 2 ; qu'ainsi il est suffisamment motivé au regard des exigences de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 ; qu'ainsi le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de cet arrêté en tant qu'il porte refus de titre de séjour doit être écarté ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article 3 de l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987 : " Les ressortissants marocains désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum et qui ne relèvent pas de l'article 1er du présent accord, reçoivent après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an renouvelable et portant la mention salarié éventuellement assortie de restrictions géographiques ou professionnelles. (...) " ; que l'article 9 du même accord stipule que " Les dispositions du présent accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux Etats sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'accord (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 311-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sous réserve des engagements internationaux de la France et des exceptions prévues par les dispositions législatives du présent code, l'octroi de la carte de séjour temporaire et celui de la carte de séjour " compétences et talents " sont subordonnés à la production par l'étranger d'un visa pour un séjour d'une durée supérieure à trois mois. " ;

5. Considérant que si la requérante soutient que le préfet a commis une erreur de droit et aurait dû transmettre à l'autorité compétente la demande d'introduction d'un salarié étranger et la promesse d'embauche dont elle s'est prévalue, il ressort des pièces du dossier que le préfet aurait pris la même décision s'il s'était fondé uniquement sur l'absence de visa de long séjour ; que, dès lors, il y a lieu d'écarter ce moyen en neutralisant le motif tiré de l'absence de contrat de travail visé par l'autorité compétente ;

6. Considérant que la requérante soutient, en troisième lieu, que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'elle fait valoir que le décès soudain de son époux en mars 2012 doit être regardé comme une circonstance exceptionnelle ;

7. Considérant, toutefois, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le décès de son époux survenu en mars 2012, soit plus d'une année avant l'arrêté attaqué, ni la promesse d'embauche dont elle s'est prévalue constituent en l'espèce des circonstances exceptionnelles propres à faire regarder l'arrêté attaqué comme entaché d'erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, dès lors, le moyen doit être écarté ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

8. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...) 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger (...) / La décision énonçant l'obligation de quitter le territoire français est motivée. Elle n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour dans les cas prévus aux 3° et 5° du présent I, sans préjudice, le cas échéant, de l'indication des motifs pour lesquels il est fait application des II et III. / L'obligation de quitter le territoire français fixe le pays à destination duquel l'étranger est renvoyé en cas d'exécution d'office. " ;

9. Considérant que Mme D...a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement du 3° de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 3, la décision portant obligation de quitter le territoire français est suffisamment motivée ; que, dès lors, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de cette décision doit être écarté ;

10. Considérant que Mme D...soutient que l'arrêté du 2 mai 2013 méconnait le droit d'être entendu garanti par l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union Européenne ;

11. Considérant qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union " ; qu'aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) "; qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 51 de la charte : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union. (...) " ;

12. Considérant que le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne ; que, toutefois, dans le cas prévu au 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour ; que le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre la personne concernée à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'elle a pu être entendue avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour ; que, de surcroit, Mme D... ne se prévaut d'aucune information pertinente relative à sa situation personnelle qu'elle aurait été privée de faire valoir avant que ne soit prise la mesure d'éloignement litigieuse et qui aurait été susceptible d'influer sur le sens de cette dernière ; qu'ainsi, la procédure suivie par le préfet des Bouches-du-Rhône n'a pas porté atteinte au principe fondamental du droit d'être entendu tel qu'énoncé au 2 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; que, dès lors, ce moyen doit être écarté ;

13. Considérant qu'en assortissant son refus de titre de séjour d'une obligation de quitter le territoire français, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de l'intéressée ; que, dès lors, le moyen doit être écarté ;

14. Considérant, en dernier lieu, que si la requérante soutient que la décision l'obligeant à quitter le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de son refus de séjour, il résulte au contraire de ce qui précède que c'est à bon droit que le préfet des Bouches du Rhône a refusé de l'admettre au séjour ;

Sur la légalité de la décision lui refusant un délai de départ volontaire supérieur à trente jours :

15. Considérant qu'aux termes de l'article L. 511-3-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) L'étranger dispose, pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, d'un délai qui, sauf urgence, ne peut être inférieur à trente jours à compter de sa notification. A titre exceptionnel, l'autorité administrative peut accorder un délai de départ volontaire supérieur à trente jours (...) " ;

16. Considérant que les dispositions du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'obligent l'autorité administrative qu'à motiver la décision par laquelle elle décide de ne pas octroyer un délai de départ volontaire à l'étranger obligé de quitter le territoire français ou de lui octroyer un délai de moins de trente jours ; que, pareillement, les articles 1er et 2 de la loi du 11 juillet 1979 n'obligent pas davantage l'administration à motiver son refus d'accorder un délai de départ volontaire supérieur à trente jours, dès lors que cette décision ne rentre dans aucune des catégories énumérées par ces articles ; qu'en particulier, elle ne peut être regardée ni comme une mesure de police, ni comme une sanction, ni comme subordonnant l'octroi d'une autorisation à une condition restrictive ou imposant une sujétion, ni comme une décision refusant un avantage dont l'attribution constitue un droit, ni comme refusant une autorisation ou comme dérogeant à une condition générale fixée par la loi ; que l'autorité administrative n'a donc pas à motiver son refus d'accorder à l'étranger un délai de départ volontaire supérieur à trente jours ; qu'elle ne saurait non plus utilement invoquer les articles 2, 7 et 12 de la directive 2008/115/CE du parlement et du conseil dès lors que les dispositions de cette directive ont été transposées en droit français par la loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 ; que, dès lors, le moyen doit être écarté ;

17. Considérant qu'il ne ressort pas non plus des pièces du dossier que le préfet n'aurait pas procédé à un examen particulier et complet de la situation de l'intéressée ; que, dès lors, le moyen doit être écarté ;

18. Considérant qu'en octroyant un délai de départ volontaire de trente jours, le préfet n'a pas commis une erreur manifeste d'appréciation eu égard à la situation de Mme D..., veuve et sans charge de famille ; que, dès lors, le moyen doit être écarté ;

19. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande, sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer ; que ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme D...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...D...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 2 juillet 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Pourny, président-assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Haïli, premier-conseiller ;

- M. Sauveplane, premier-conseiller,

Lu en audience publique le 23 juillet 2015.

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N° 14MA00693


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA00693
Date de la décision : 23/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Refus de séjour.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Mathieu SAUVEPLANE
Rapporteur public ?: M. MAURY
Avocat(s) : JUAN

Origine de la décision
Date de l'import : 06/08/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-07-23;14ma00693 ?
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