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23/07/2015 | FRANCE | N°14MA01311

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 3ème chambre - formation à 3, 23 juillet 2015, 14MA01311


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 20 janvier 2014 par lequel le préfet de Vaucluse l'a obligé à quitter sans délai le territoire français et l'a placé en rétention administrative.

Par un jugement du 24 janvier 2014, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Nîmes a fait droit à sa demande et a annulé l'arrêté du 20 janvier 2014.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 10 mars 2014,

le préfet de Vaucluse demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 24 janvier 2014 du magistrat dé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...B...a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 20 janvier 2014 par lequel le préfet de Vaucluse l'a obligé à quitter sans délai le territoire français et l'a placé en rétention administrative.

Par un jugement du 24 janvier 2014, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Nîmes a fait droit à sa demande et a annulé l'arrêté du 20 janvier 2014.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 10 mars 2014, le préfet de Vaucluse demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 24 janvier 2014 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) de rejeter la demande de M. B...devant le tribunal administratif de Nîmes.

Le préfet de Vaucluse soutient que le magistrat délégué a commis une erreur de droit en jugeant que M. B...n'avait pas été mis en mesure de présenter ses observations sur les décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français et le plaçant en rétention administrative.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 juin 2014, M.B..., représenté par Me Cohen, conclut :

1°) au rejet du recours du préfet ;

2°) à la confirmation du jugement du 24 janvier 2014 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Nîmes ;

3°) à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens ne sont pas fondés.

Vu :

- les autres pièces du dossier ;

- l'ordonnance du 13 août 2014 qui a clôturé l'instruction le 30 septembre 2014 en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative ;

- la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 modifiée relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Sauveplane,

- et les observations de Me Cohen, avocat de M.B....

1. Considérant que M.B..., ressortissant nigérian né en 1972, est entré en France le 10 mai 2010 selon ses déclarations ; qu'il a déposé une demande tendant à la reconnaissance du statut de réfugié le 25 mai 2010 qui a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 26 novembre 2010, rejet confirmé par la Cour nationale du droit d'asile le 3 octobre 2011 ; qu'il a fait l'objet d'un contrôle le 10 janvier 2014 à l'issue duquel il a été trouvé démuni de tout document l'autorisant à séjourner sur le territoire national ; que, par un arrêté du 20 janvier 2014, le préfet de Vaucluse l'a obligé à quitter sans délai le territoire français et l'a placé en rétention administrative ; que par un jugement du 24 janvier 2014, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Nîmes a fait droit à la demande de M. B...et annulé cet arrêté du 20 janvier 2014 ; que le préfet de Vaucluse relève appel du jugement du 24 janvier 2014 ;

2. Considérant que, pour faire droit à la demande de M. B...et annuler l'arrêté du 20 janvier 2014, le magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Nîmes s'est fondé sur la circonstance qu'il ne ressortait pas des pièces du dossier que M. B...aurait été informé, au moment de sa demande d'asile ou à tout autre moment de la procédure administrative, qu'il était susceptible de faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours à destination du pays dont il a la nationalité ou de tout autre pays dans lequel il est susceptible d'être légalement admissible ; que le premier juge a déduit de ces constatations que M. B...n'a pas été mis en mesure de présenter ses observations sur ces décisions et avait ainsi été privé de la garantie que constitue le droit d'être entendu préalablement à toute décision qui affecte sensiblement et défavorablement les intérêts de son destinataire, qui constitue l'une des composantes du droit de la défense qui fait partie des principes généraux du droit de l'Union européenne ayant la même valeur que les traités ;

3. Considérant qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union " ; qu'aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) "; qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 51 de la charte : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union. (...) " ;

4. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. B...a fait l'objet d'une audition par les services de gendarmerie le 20 janvier 2014 à 9h30 dont il a été dressé procès-verbal ; qu'au cours de cette audition, il a notamment déclaré vivre maritalement avec sa compagne depuis 2011 ; que, dès lors, M. B...a été mis à même d'être entendu avant que ne soit prise la mesure d'éloignement litigieuse ; qu'ainsi, la procédure suivie par le préfet de Vaucluse n'a pas porté atteinte au principe fondamental du droit d'être entendu tel qu'énoncé au 2 de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; que, dès lors, le moyen doit être écarté ;

5. Considérant toutefois qu'il appartient à la Cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B... devant le tribunal administratif ;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

6. Considérant que M. B...soutient, en premier lieu, que le signataire de l'acte attaqué était incompétent ;

7. Considérant que, par arrêté préfectoral n° 2013137-0008 du 17 mai 2013, publié au recueil spécial n° 23 du 21 mai 2013, Mme A...a reçu délégation permanente du préfet de Vaucluse à l'effet de signer " tous arrêtés, requêtes et mémoires présentés dans le cadre de recours contentieux, décisions, circulaires relevant des attributions de l'Etat dans le département de Vaucluse à l'exception : 1) des actes pour lesquels une délégation a été conférée à un chef de service de l'Etat dans le département ; 2) des réquisitions de la force armée ; 3) des arrêtés de conflit (...) " ; qu'ainsi le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'acte doit être écarté ;

8. Considérant que M. B...soutient, en deuxième lieu, que l'arrêté du 20 janvier 2014 est insuffisamment motivé ;

9. Considérant toutefois que l'arrêté du 20 janvier 2014 mentionne, au visa de l'article L. 511-1 I du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le statut de réfugié lui a été refusé par la Cour nationale du droit d'asile le 3 octobre 2011 et que la délivrance d'un titre de séjour a été refusée à M. B...le 21 décembre 2011, qu'il n'est pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale de celui-ci et qu'enfin il n'établit pas être exposé à des traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'ainsi, il mentionne les circonstances de fait et de droit qui le fondent ; que, dès lors, il est suffisamment motivé au regard des exigences de l'article 3 de la loi du 11 juillet 1979 ;

10. Considérant que M. B...soutient, en troisième lieu, que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision et a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il fait valoir qu'il vit maritalement depuis 2011 avec une compatriote titulaire d'une carte de résident de dix ans avec laquelle il a conclu un pacte civil de solidarité le 10 février 2014 et participe à l'entretien et l'éducation de la fille de sa compagne ;

11. Considérant toutefois que le pacte civil de solidarité est postérieur à la décision attaquée ; qu'il est donc sans influence sur la légalité de celle-ci ; que, si M. B...soutient qu'il vit maritalement avec sa compagne depuis 2011, il ne l'établit pas par les pièces produites ; que M. B...n'est présent en France que depuis 2010 alors qu'il a vécu l'essentiel de sa vie dans son pays d'origine où résident ses deux enfants âgés de quatorze et dix-sept ans ; que, dès lors, en l'obligeant à quitter le territoire français sans délai, le préfet de Vaucluse n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation ni porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, dès lors, ces moyens ne peuvent qu'être écartés ;

12. Considérant, en dernier lieu, que les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sont inopérantes à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français ;

Sur la légalité de la décision fixant le pays de destination :

13. Considérant si M. B...soutient qu'il est exposé à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour au Nigeria ; qu'il fait valoir qu'il a fui les exactions de la secte " boko haram " ; que, toutefois, le requérant se borne à de simples allégations et le moyen ne peut qu'être écarté ;

14. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. B...n'est pas fondé à demander l'annulation de l'arrêté du 20 janvier 2014 du préfet de Vaucluse ; qu'il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1400215 du 24 janvier 2014 du magistrat délégué par le président du tribunal administratif de Nîmes est annulé.

Article 2 : La demande de M. B...devant le tribunal administratif et ses conclusions d'appel sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. C...B....

Copie en sera adressée au préfet de Vaucluse.

Délibéré après l'audience du 2 juillet 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Pourny, président-assesseur, président de la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Haïli, premier-conseiller ;

- M. Sauveplane, premier-conseiller,

Lu en audience publique le 23 juillet 2015.

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA01311
Date de la décision : 23/07/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Mathieu SAUVEPLANE
Rapporteur public ?: M. MAURY
Avocat(s) : COHEN

Origine de la décision
Date de l'import : 06/08/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-07-23;14ma01311 ?
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