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21/08/2015 | FRANCE | N°13MA04867

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 7ème chambre - formation à 3, 21 août 2015, 13MA04867


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Boulbon a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 22 février 2012 portant application anticipée de certaines dispositions du projet de plan de prévention des risques naturels prévisibles d'inondation sur le territoire de la commune.

Par un jugement n° 1202840 du 12 septembre 2013, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de la commune de Boulbon.

Procédure devant la Cour :

Par une re

quête et des mémoires, enregistrés le 13 décembre 2013, le 25 février 2014 et le 11 juin 201...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Boulbon a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 22 février 2012 portant application anticipée de certaines dispositions du projet de plan de prévention des risques naturels prévisibles d'inondation sur le territoire de la commune.

Par un jugement n° 1202840 du 12 septembre 2013, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de la commune de Boulbon.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 13 décembre 2013, le 25 février 2014 et le 11 juin 2014, la commune de Boulbon, représentée par MeA..., demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 12 septembre 2013 ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté préfectoral du 22 février 2012 ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 35 euros au titre de la contribution pour l'aide juridique ainsi que celle de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- en application des dispositions combinées des articles L. 562-2 et L. 562-3 du code de l'environnement, l'application anticipée du plan de prévention ne dispense pas d'associer les élus à l'élaboration du projet de plan, le jugement étant sur ce point entaché d'erreur de droit et d'insuffisance de motifs ;

- le jugement est également entaché d'erreur de droit et d'insuffisance de motifs en tant qu'il écarte le moyen tiré du caractère nécessairement partiel des prescriptions appliquées de manière anticipée ;

- il est aussi entaché d'une contradiction de motifs en ce qu'il retient que l'arrêté applique les dispositions du règlement de plan concernant exclusivement des travaux d'aménagement nouveaux ;

- il est encore entaché d'erreur de droit et d'insuffisance de motifs au regard du moyen relatif aux erreurs et discordances du rapport de présentation, du règlement et de la carte de zonage ;

- le tribunal n'a pas respecté le principe du contradictoire et l'égalité des armes ni cité ou pris en compte son mémoire en duplique produit après une réouverture de l'instruction très brève et une nouvelle clôture ;

- l'arrêté en litige est entaché d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du II de l'article L. 562-1 du code de l'environnement et méconnaît le principe de sécurité juridique en ce que, d'une part, le plan couvre près de la moitié du territoire de la commune et, d'autre part, le zonage retenu ne correspond pas à celui défini par la loi, les zones étant de plus incohérentes et incompréhensibles ;

- l'arrêté est entaché d'erreur manifeste d'appréciation en ce que le centre de la commune, représentant une part significative de la zone bleue B2, ne peut en réalité être soumis au risque d'inondation ;

- l'arrêté est entaché d'inexactitude matérielle et méconnaît les exigences minimales de sécurité juridique compte tenu de l'agrandissement et de l'absence de datation de la cartographie utilisée ;

- la carte de zonage ne correspond pas au fond cadastral et rend ainsi impossible l'identification des parcelles visées par des contraintes, ne répondant ainsi pas non plus aux exigences minimales de sécurité juridique ;

- l'arrêté est entaché d'une erreur de droit ou d'un détournement de pouvoir, d'une violation des règles de compétence, d'un détournement de procédure et porte atteinte au principe d'égalité en ce que le plan de prévention est fragmenté commune par commune ;

- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation en ce que la zone B1 n'est pas mentionnée dans le rapport de présentation et est absente des dispositions générales du règlement et en ce que le règlement comporte une incertitude dans son rapport avec le plan de zonage sur la zone rouge hachurée de blanc ou de jaune, créant ainsi une incertitude juridique insupportable ;

- il est encore entaché d'une erreur manifeste d'appréciation tenant à la disproportion entre les risques encourus de crues lentes et prévisibles et les mesures qu'il comporte ;

- aucune urgence n'est invoquée ni établie, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 562-2 du code de l'environnement ;

- en rendant applicable de manière anticipée l'ensemble des dispositions du projet de plan pour ce qui concerne les biens et activités nouveaux, le préfet a commis une erreur de droit ou un détournement de procédure ;

- l'arrêté du 27 octobre 2008 prescrivant l'élaboration du plan est insuffisant dans la définition des modalités de concertation ;

- l'arrêté est insuffisamment motivé à plusieurs égards ;

- la concertation n'a pas été organisée, et en particulier la concertation avec le public, en violation de l'article L. 562-3 du code de l'environnement ;

- la commune n'a pas été associée à l'élaboration du plan et le conseil municipal n'a pas été saisi pour avis sur le projet de plan ;

- le maire de la commune, comme chaque maire concerné, n'a été consulté que sur la partie du plan de prévention appliquée par anticipation sur le territoire de sa commune, ce qui constitue une irrégularité au regard des dispositions de l'article R. 562-6 du code de l'environnement ;

- l'arrêté est entaché d'un détournement de pouvoir en ce qu'il classe en zone rouge une partie du territoire comme participant à " l'expansion des crues " ;

- il est entaché d'illégalité dès lors qu'il n'a pas prévu de limite dans le temps à l'application des mesures prescrites ;

- le classement du secteur du gaudre de Boulbon, dit gaudre de la Montagnette, au sein de la sous-zone R2 est entaché d'une inexactitude matérielle des faits ou d'une erreur manifeste d'appréciation compte tenu des cotes de référence du secteur.

Par un mémoire en intervention, enregistré le 25 février 2014, la communauté d'agglomération Arles-Crau-Camargue-Montagnette, représentée par MeA..., conclut à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Marseille du 12 septembre 2013 et de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 22 février 2012.

Elle soutient que l'arrêté préfectoral a notamment pour conséquence de rendre impossible la mise en oeuvre du plan local de l'habitat qu'elle a adopté en 2008 pour une durée de six ans et soulève pour le surplus les mêmes moyens que la commune de Boulbon, à l'exception de celui relatif au classement du secteur du gaudre de Boulbon.

Par un mémoire en défense, enregistré le 26 août 2014, le ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le moyen tiré de l'insuffisance de l'arrêté du 27 octobre 2008 est inopérant et non fondé ;

- les autres moyens soulevés par la commune de Boulbon ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Chanon, premier conseiller,

- les conclusions de M. Deliancourt, rapporteur public,

- et les observations de MeA..., représentant la commune de Boulbon et la communauté d'agglomération Arles-Crau-Camargue-Montagnette.

Une note en délibéré, présentée pour la commune de Boulbon et la communauté d'agglomération Arles-Crau-Camargue-Montagnette par MeA..., a été enregistrée le 1er juillet 2015.

1. Considérant que, par jugement du 12 septembre 2013, le tribunal administratif de Marseille a rejeté la demande de la commune de Boulbon tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 22 février 2012 portant application anticipée de certaines dispositions du projet de plan de prévention des risques naturels prévisibles d'inondation sur le territoire de la commune ; que la commune de Boulbon relève appel de ce jugement ;

Sur l'intervention de la communauté d'agglomération Arles-Crau-Camargue-Montagnette :

2. Considérant que la communauté d'agglomération Arles-Crau-Camargue-Montagnette, qui doit être regardée comme s'associant aux écritures de la commune de Boulbon et se prévaut de ce que l'arrêté préfectoral a notamment pour conséquence de rendre impossible la mise en oeuvre du plan local de l'habitat qu'elle a adopté en 2008 pour une durée de six ans, justifie d'un intérêt suffisant à l'annulation du jugement attaqué ; que son intervention doit ainsi être admise ;

Sur la régularité du jugement :

3. Considérant qu'aux termes de l'article R. 613-1 du code de justice administrative : " Le président de la formation de jugement peut, par une ordonnance, fixer la date à partir de laquelle l'instruction sera close (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 613-3 du même code : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication et ne sont pas examinés par la juridiction (...) " ;

4. Considérant qu'il résulte de ces dispositions que lorsque, postérieurement à la clôture de l'instruction, le juge est saisi d'un mémoire émanant de l'une des parties à l'instance, et conformément au principe selon lequel, devant les juridictions administratives, le juge dirige l'instruction, il lui appartient, dans tous les cas, de prendre connaissance de ce mémoire avant de rendre sa décision et de le viser, sans toutefois l'analyser dès lors qu'il n'est pas amené, dans le respect du caractère contradictoire de la procédure, à en tenir compte ;

5. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que la commune de Boulbon a produit un nouveau mémoire reçu par le tribunal le 2 juillet 2013, postérieurement à la clôture de l'instruction fixée par une ordonnance du président de la formation de jugement au 31 mai 2013 ; que les visas du jugement attaqué ne font pas mention de ce mémoire, qui n'a d'ailleurs pas été enregistré sur l'application informatique de suivi de l'instruction par le greffe ; que, dès lors, et quand bien même ce mémoire ne comporterait aucun élément nouveau, la commune de Boulbon est fondée à soutenir, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens soulevés sur ce point, que le jugement est entaché d'irrégularité et doit, pour ce motif, être annulé ;

6. Considérant qu'il y a lieu pour la Cour d'évoquer l'affaire et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la commune de Boulbon devant le tribunal administratif de Marseille ;

Sur la légalité de l'arrêté préfectoral :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 562-1 du code de l'environnement : " I.- L'Etat élabore et met en application des plans de prévention des risques naturels prévisibles tels que les inondations, les mouvements de terrain, les avalanches, les incendies de forêt, les séismes, les éruptions volcaniques, les tempêtes ou les cyclones. II.- Ces plans ont pour objet, en tant que de besoin : 1° De délimiter les zones exposées aux risques, en tenant compte de la nature et de l'intensité du risque encouru, d'y interdire tout type de construction, d'ouvrage, d'aménagement ou d'exploitation agricole, forestière, artisanale, commerciale ou industrielle ou, dans le cas où des constructions, ouvrages, aménagements ou exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles, notamment afin de ne pas aggraver le risque pour les vies humaines, pourraient y être autorisés, prescrire les conditions dans lesquelles ils doivent être réalisés, utilisés ou exploités ; 2° De délimiter les zones qui ne sont pas directement exposées aux risques mais où des constructions, des ouvrages, des aménagements ou des exploitations agricoles, forestières, artisanales, commerciales ou industrielles pourraient aggraver des risques ou en provoquer de nouveaux et y prévoir des mesures d'interdiction ou des prescriptions telles que prévues au 1° ; 3° De définir les mesures de prévention, de protection et de sauvegarde qui doivent être prises, dans les zones mentionnées au 1° et au 2°, par les collectivités publiques dans le cadre de leurs compétences, ainsi que celles qui peuvent incomber aux particuliers ; 4° De définir, dans les zones mentionnées au 1° et au 2°, les mesures relatives à l'aménagement, l'utilisation ou l'exploitation des constructions, des ouvrages, des espaces mis en culture ou plantés existants à la date de l'approbation du plan qui doivent être prises par les propriétaires, exploitants ou utilisateurs (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 562-2 du même code : " Lorsqu'un projet de plan de prévention des risques naturels prévisibles contient certaines des dispositions mentionnées au 1° et au 2° du II de l'article L. 562-1 et que l'urgence le justifie, le préfet peut, après consultation des maires concernés, les rendre immédiatement opposables à toute personne publique ou privée par une décision rendue publique. Ces dispositions cessent d'être opposables si elles ne sont pas reprises dans le plan approuvé " ; que l'article L. 562-3 de ce code dispose : " Le préfet définit les modalités de la concertation relative à l'élaboration du projet de plan de prévention des risques naturels prévisibles. Sont associés à l'élaboration de ce projet les collectivités territoriales et les établissements publics de coopération intercommunale concernés (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 562-4 : " Le plan de prévention des risques naturels prévisibles approuvé vaut servitude d'utilité publique. Il est annexé au plan d'occupation des sols (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 562-8 : " Dans les parties submersibles des vallées et dans les autres zones inondables, les plans de prévention des risques naturels prévisibles définissent, en tant que de besoin, les interdictions et les prescriptions techniques à respecter afin d'assurer le libre écoulement des eaux et la conservation, la restauration ou l'extension des champs d'inondation " ; qu'enfin aux termes de l'article R. 562-6 : " I.- Lorsque, en application de l'article L. 562-2, le préfet a l'intention de rendre immédiatement opposables certaines des prescriptions d'un projet de plan relatives aux constructions, ouvrages, aménagements ou exploitations nouveaux, il en informe le maire de la ou des communes sur le territoire desquelles ces prescriptions seront applicables. Ces maires disposent d'un délai d'un mois pour faire part de leurs observations (...) " ;

En ce qui concerne le moyen tiré du défaut de motivation :

8. Considérant qu'un plan de prévention des risques naturels prévisibles, qui vaut servitude d'utilité publique et est annexé au plan d'occupation des sols ou au plan local d'urbanisme en application de l'article L. 562-4 du code de l'environnement, n'a pas le caractère d'un acte individuel ; que ni les dispositions de la loi du 11 juillet 1979, ni aucune autre disposition législative ou réglementaire n'impose une obligation de motivation d'un arrêté portant application anticipée d'un tel plan ; que, dès lors, le moyen tiré du défaut de motivation, notamment au regard de l'urgence et du choix des dispositions appliquées par anticipation ou de l'approbation du plan par commune, ne peut qu'être écarté ;

En ce qui concerne la concertation :

9. Considérant qu'il résulte de la combinaison des dispositions des articles L. 562-1, L. 562-2 et L. 562-3 du code de l'environnement, d'une part, qu'il appartient à l'Etat de définir un projet de plan de prévention puis de le soumettre à concertation avant d'arrêter le projet, tenant compte des éléments de la concertation, soumis à enquête publique, et, d'autre part, que le préfet peut rendre immédiatement opposables, à titre provisoire dans l'attente de l'approbation du plan, certaines dispositions du projet élaboré par les services de l'Etat avant ou après concertation, dès lors que celui-ci est suffisamment avancé ; que, par suite, les moyens tirés de ce que l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône du 27 octobre 2008 prescrivant l'élaboration du plan de prévention des risques d'inondation de la commune de Boulbon ne définirait pas les modalités de la concertation, conformément à l'article L. 562-3, et que celle-ci n'aurait pas été organisée avec la commune et le public sont inopérants à l'encontre de l'arrêté en litige ;

En ce qui concerne l'élaboration d'un plan par commune et la consultation du maire :

10. Considérant qu'aucune disposition législative ou réglementaire ne fait obstacle à ce que le périmètre sur lequel est prescrit l'établissement du plan soit circonscrit au territoire d'une seule commune ; que la commune de Boulbon fait valoir que le préfet des Bouches-du-Rhône a prescrit l'élaboration de plans de prévention des risques naturels d'inondation commune par commune, notamment et outre sur son territoire, à Tarascon, Arles et Saint-Pierre-de-Mezoargues, et qu'il en résulterait des discordances et ruptures de continuité sans fondement, portant atteinte à la nature même d'un tel plan ; que, toutefois, elle ne démontre pas, par ces considérations générales et non étayées, qu'en limitant le périmètre du plan à son territoire, le préfet aurait commis une erreur de droit, ou une erreur manifeste d'appréciation, au regard de la nature des risques pris en compte ; que la circonstance que le préfet a prescrit en même temps l'établissement d'un plan de prévention des risques d'inondation sur le territoire de plusieurs communes du département ne suffit pas à établir le détournement de procédure ou de pouvoir allégué ; que les moyens tirés de ce que l'élaboration d'un plan commune par commune constituerait une violation des règles de compétences et porterait atteinte au principe d'égalité ne sont pas assortis de précisions suffisantes pour permettre à la Cour d'en apprécier le bien-fondé ;

11. Considérant qu'il suit de là que la circonstance que le maire de Boulbon, comme les maires des autres communes, n'a été consulté que sur le plan de prévention appliqué par anticipation sur le territoire de sa commune, conformément aux prévisions de l'article R. 562-6 du code de l'environnement, n'est pas susceptible d'entacher l'arrêté préfectoral d'illégalité ;

En ce qui concerne l'urgence :

12. Considérant que l'administration justifie l'urgence à rendre immédiatement opposables certaines dispositions du projet de plan par la pression foncière locale et la nécessité de préciser rapidement les conditions d'urbanisation de certains secteurs afin d'éviter d'aggraver les risques d'inondation ; que le délai écoulé depuis l'approbation du plan Rhône le 6 mars 2006, dans lequel s'inscrit le plan de prévention, et l'arrêté préfectoral du 27 octobre 2008 prescrivant l'élaboration de ce plan, n'est pas de nature, par lui-même, à démontrer l'absence d'urgence ; que, dans ces conditions, le moyen tiré de ce que la situation d'urgence ne serait pas caractérisée, ce qui serait constitutif d'une erreur de droit et d'un détournement de procédure, doit être écarté ;

En ce qui concerne le moyen tiré de l'absence de limite dans le temps :

13. Considérant qu'il résulte des termes mêmes de l'article 3 de l'arrêté contesté que, conformément aux dispositions de l'article L. 562-2 du code de l'environnement, les dispositions du projet de plan mises en oeuvre de façon anticipée cesseront d'être opposables si elles ne sont pas reprises dans le plan approuvé ; que la circonstance que, à la date de l'arrêté prescrivant l'élaboration du plan, les prescriptions de l'article R. 562-2 du code de l'environnement ne prévoyaient aucun délai maximal entre la date de prescription et d'approbation d'un plan n'imposait pas que le préfet fixe une limite dans le temps à l'application anticipée des mesures édictées ;

En ce qui concerne les données cartographiques :

14. Considérant, d'une part, qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'imposait que soient mentionnées sur le plan de zonage joint à l'arrêté du préfet du 22 février 2012 la date, l'origine de la carte utilisée pour réaliser le zonage et la méthode d'agrandissement mise en oeuvre, alors en outre que le rapport de présentation précise en page 33 que " le zonage réglementaire est présenté sous forme de carte au 1/5 000ème sur les secteurs à enjeux " ; que l'absence de ces indications est dès lors sans incidence sur la légalité de l'arrêté contesté et ne saurait, par elle-même, l'entacher d'inexactitude matérielle ou méconnaître les " exigences minimales de sécurité juridique " ;

15. Considérant, d'autre part, que s'il résulte des dispositions du II de l'article L. 562-1 du code de l'environnement, ainsi que des articles L. 562-4 et R. 562-3 du même code, que les documents graphiques des plans de prévention des risques naturels prévisibles, dont les prescriptions s'imposent directement aux autorisations de construire, doivent, au même titre que les documents d'urbanisme, être suffisamment précis pour permettre de déterminer les parcelles concernées par les mesures d'interdiction et les prescriptions qu'ils prévoient et, notamment, d'en assurer le respect lors de la délivrance des autorisations d'occupation ou d'utilisation du sol, ces dispositions n'ont toutefois ni pour objet ni pour effet d'imposer que ces documents fassent apparaître eux-mêmes le découpage parcellaire existant ; qu'en l'espèce, si la carte de zonage ne correspond pas au fond cadastral, elle permet néanmoins d'identifier de façon suffisante les parcelles visées par des contraintes ;

En ce qui concerne l'application immédiate de l'ensemble des dispositions relatives aux " biens et activités nouveaux " :

16. Considérant que l'article L. 562-2 du code de l'environnement a entendu limiter la possibilité d'application immédiate des projets de plans de prévention des risques naturels prévisibles aux dispositions mentionnées aux 1° et 2° du II de l'article L. 562-1, c'est-à-dire aux dispositions applicables aux travaux décidés par les propriétaires, en en excluant les dispositions des 3° et 4° du II du même article qui seules permettent de prescrire des travaux de mise en conformité aux collectivités territoriales et aux particuliers ; qu'il ne résulte pas de ces dispositions, et pas davantage de celles de l'article R. 562-6, que seules certaines de ces dispositions, et non toutes, pourraient faire l'objet d'une application immédiate ; qu'ainsi, le moyen tiré du détournement de procédure et de l'erreur de droit ne peut être accueilli ;

En ce qui concerne le zonage réglementaire :

17. Considérant, en premier lieu, que les prescriptions des dispositions du 1° et du 2° du II de l'article L. 562-1 du code de l'environnement ne font pas obstacle, le cas échéant, à ce qu'une même zone d'un plan regroupe des secteurs correspondant à des " zones exposées aux risques " et à des " zones qui ne sont pas directement exposées aux risques " au sens de la loi, à condition qu'il soit justifié qu'ils obéissent aux mêmes prescriptions ou interdictions prévues par le plan ;

18. Considérant que le règlement du plan définit, d'une part, une zone rouge, tenant compte uniquement des aléas, qui est inconstructible à l'exception notamment de " la construction de niveau refuge sans augmentation de la population exposée " ; que cette zone distingue une zone R2, relative à " des secteurs soumis à un aléa fort du fait de la hauteur ou de la vitesse d'écoulement où quels que soient les enjeux le risque est jugé fort pour la sécurité des personnes et des biens ", et une zone R1, relative à " une zone soumise à aléa modéré correspondant aux secteurs naturels et agricoles ou les secteurs peu ou pas urbanisés ou peu aménagés qu'il convient de préserver afin de conserver les capacités d'écoulement et d'expansion " ; que le plan définit, d'autre part, une zone bleue, tenant compte à la fois de l'aléa et des enjeux, qui est soumise à des prescriptions ; que cette zone distingue la zone B3, relative à un " aléa fort où les hauteurs d'eau sont supérieures à 1 mètre, croisé avec les centres urbains " et une zone B2, avec un " aléa modéré où les hauteurs d'eau sont inférieures à 1 mètre, croisé avec les centres urbains ou les autres zones urbanisées " ; qu'enfin, le plan définit une zone dite " zone rouge hachurée de jaune Rh comprenant les secteurs exposés dans la bande de sécurité en arrière des digues ", comportant une interdiction stricte de construire ; qu'au regard de ces définitions, le plan doit être regardé comme ayant déterminé, en tant que de besoin eu égard à la réalité du terrain, les zones exposées aux risques, compte tenu de la nature et de l'intensité du risque encouru, soit les zones R2, B3 et Rh soumises à un aléa fort, et les zones qui ne sont pas directement exposées aux risques mais ou des constructions sont susceptibles de les provoquer ou de les aggraver, soit les zones R1 et B2 soumises à un aléa modéré, au sens des dispositions du 1° du II de l'article L. 562-1 du code de l'environnement, lesquelles permettent, dans les deux cas, d'édicter des mesures d'interdiction ou des prescriptions ; que ces zones ne sont ni incohérentes ni incompréhensibles ; que la circonstance que le règlement du plan ne prévoit pas de zone B1 n'a aucune incidence ; qu'il en va de même de l'erreur de plume indiquant au point 2.3 que la zone Rh est hachurée de blanc ; que, par suite et eu égard à ce qui a été dit au point 16, l'arrêté en litige n'est entaché ni d'erreur de droit, ni d'erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions du 1° et du 2° du II de l'article L. 562-1 du code de l'environnement et ne méconnaît pas davantage, en tout état de cause, le principe de sécurité juridique ;

19. Considérant, en deuxième lieu, que la circonstance que près de la moitié du territoire de la commune de Boulbon serait couverte par le zonage réglementaire, principalement en zone rouge, ne révèle, par elle-même, aucune erreur de droit ou erreur manifeste d'appréciation ;

20. Considérant, en troisième lieu, que, contrairement à ce qui est soutenu, la préservation de la capacité des champs d'expansion des crues, qui permet de limiter leur impact en aval, présente un caractère d'intérêt général et justifie, conformément aux prescriptions de l'article L. 562-8 du code de l'environnement, que puissent être déclarées inconstructibles ou enserrées dans des règles de constructibilité limitée, des zones ne présentant pas un niveau d'aléa fort ; que, par suite, le classement en zone R1 de secteurs participant à l'expansion des crues n'est pas constitutif d'un détournement de pouvoir ;

21. Considérant, en quatrième lieu, que la commune de Boulbon et la communauté d'agglomération Arles-Crau-Camargue-Montagnette soutiennent que le plan en litige est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation tenant à la disproportion entre les risques encourus de crues lentes et prévisibles et les mesures qu'il comporte ; que, cependant, à supposer même établie la circonstance qu'aucune victime n'aurait été recensée, ni à l'occasion de la crue de référence de 1856, ni depuis lors, il ressort des pièces du dossier que le niveau d'aléa est établi au regard du risque d'inondation par reflux du Rhône et du risque de ruissellement provenant du massif de la Montagnette ; que l'épisode pluvieux de 2003 a engendré une crue des roubines de la Montagnette et une inondation de la Plaine de Boulbon-Valbrègue, l'évacuation totale des eaux dans les terres ayant demandé plus d'une semaine ; que les inondations de plaines à montée lente représentent une réelle menace pour la vie des riverains et peuvent entraîner des dégâts considérables ; que, dans ces conditions, le moyen doit être écarté ;

22. Considérant, en cinquième lieu, que la commune de Boulbon a versé au débat un document cartographique démontrant qu'une part de la zone bleue B2, correspondant au demeurant seulement aux contreforts du massif de la Montagnette et non à la totalité du centre de la commune, se trouve hors d'eau dans l'hypothèse où le Rhône se trouve à une cote de 13 mètres NGF ; que, toutefois, ce document ne tient pas compte du ruissellement des eaux provenant du massif de la Montagnette et donc de tous les risques d'inondation, et notamment des vitesses d'écoulement des eaux résultant de la pente sur laquelle le village est implanté ; que, par suite, et quel que soit le rôle que la digue nord de Tarascon pourrait jouer en cas de crue du Rhône, il n'est pas établi que le classement de ce secteur serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;

23. Considérant qu'ainsi qu'il a été dit au point 18, l'aléa fort permettant le classement d'un secteur en zone R2 résulte tant de la hauteur que de la vitesse d'écoulement des eaux ; qu'en se bornant à soutenir que les cotes du secteur du gaudre de Boulbon se situent entre 16 et 24 mètres NGF, ce qui n'est d'ailleurs pas justifié pour la totalité du secteur, alors que la cote de référence est de 12,82 mètres NGF, la commune de Boulbon, qui ne prend pas en compte la vitesse d'écoulement en cas de crue du gaudre résultant des eaux de ruissellement du massif de la Montagnette, ne démontre pas que le classement de ce secteur en zone R2 serait fondé sur une inexactitude matérielle ou une erreur manifeste d'appréciation ;

24. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la commune de Boulbon n'est pas fondée à demander l'annulation de l'arrêté du préfet des Bouches-du-Rhône en date du 22 février 2012 ;

Sur les autres conclusions de la commune de Boulbon :

25. Considérant qu'en application des dispositions de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser la contribution pour l'aide juridique à la charge de la commune de Boulbon, partie principalement perdante dans la présente instance ; que les dispositions de l'article L. 761-1 du même code font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat la somme que la commune demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

D É C I D E :

Article 1er : L'intervention de la communauté d'agglomération Arles-Crau-Camargue-Montagnette est admise.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Marseille du 12 septembre 2013 est annulé.

Article 3 : La demande présentée par la commune de Boulbon devant le tribunal administratif de Marseille et le surplus de ses conclusions d'appel sont rejetés.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Boulbon, à la communauté d'agglomération Arles-Crau-Camargue-Montagnette et au ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie.

Délibéré après l'audience du 30 juin 2015, à laquelle siégeaient :

- M. Bédier, président de chambre,

- M. Chanon, premier conseiller,

- Mme Jorda-Lecroq, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 21 août 2015.

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N° 13MA04867

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Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

44-05-08 Nature et environnement. Divers régimes protecteurs de l`environnement. Prévention des crues, des risques majeurs et des risques sismiques.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. BEDIER
Rapporteur ?: M. René CHANON
Rapporteur public ?: M. DELIANCOURT
Avocat(s) : PERTEK

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 7ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 21/08/2015
Date de l'import : 02/09/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 13MA04867
Numéro NOR : CETATEXT000031082637 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-08-21;13ma04867 ?
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