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21/09/2015 | FRANCE | N°14MA00962

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 21 septembre 2015, 14MA00962


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté en date du 9 septembre 2013 du préfet des Bouches-du-Rhône qui lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1305766 du 3 décembre 2013, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 février 2014, sous le n° 14MA00962, M. A... C..., représenté par Me B

...demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 3 déce...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté en date du 9 septembre 2013 du préfet des Bouches-du-Rhône qui lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 1305766 du 3 décembre 2013, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 20 février 2014, sous le n° 14MA00962, M. A... C..., représenté par Me B...demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 3 décembre 2013 ;

2°) d'annuler l'arrêté susvisé ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, de lui délivrer un titre provisoire de séjour à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, Me B... s'engageant dans ce cas à renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Il soutient que :

- l'arrêté attaqué est entaché d'une incompétence de son auteur ;

- il est insuffisamment motivé ;

- l'arrêté méconnaît son droit d'être entendu dans toute procédure, en violation du principe général du respect du contradictoire ;

- il viole les articles L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- il ne ressort pas des pièces du dossier et notamment des motifs de la décision attaquée que le préfet ait vérifié, au vu du dossier dont il disposait que la décision fixant le pays de renvoi ne méconnaissait pas les dispositions précitées de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté querellé méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- il viole son droit à un recours effectif et méconnaît les stipulations de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Un courrier a été adressé le 27 mai 2015 aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les informant de la date ou de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et précisant la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.

M. C...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 janvier 2014.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 79-587 du 11 juillet 1979 relative à la motivation des actes administratifs et à l'amélioration des relations entre l'administration et le public ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience par un avis d'audience adressé le 21 juillet 2015 portant clôture d'instruction immédiate en application des dispositions de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.

Le rapport de Mme Marchessaux a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M.C..., né le 13 octobre 1967 à Béjiline (Yougoslavie), relève appel du jugement du 3 décembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 9 septembre 2013 du préfet des Bouches-du-Rhône qui lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai et a fixé le pays de destination ;

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Considérant que l'appelant reprend en appel les moyens qu'il avait invoqués en première instance et tirés de ce que les décisions litigieuses auraient été prises par une autorité incompétente, seraient insuffisamment motivées et auraient méconnu le principe du contradictoire ; qu'il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus à juste titre par le tribunal administratif de Marseille ;

3. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui." ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit :(...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République (...) " ;

4. Considérant que par les décisions attaquées, le préfet des Bouches-du-Rhône a obligé M. C...à quitter le territoire français sans délai à destination du pays dont il a la nationalité ou qui lui a délivré un titre de voyage en cours de validité ou encore à destination de tout autre pays dans lequel il établit être légalement admissible ; que le requérant en se bornant à se prévaloir d'un doute sur sa nationalité ne permettant de déterminer avec certitude le pays de destination de la mesure d'éloignement n'établit pas que lesdites décisions auraient pour objet de le séparer durablement de son épouse d'origine serbe laquelle est également en situation irrégulière sur le territoire français ; qu'il ressort des pièces du dossier et n'est pas contesté que le requérant a été interpellé muni d'une carte d'identité croate alors qu'après vérification, l'ambassade de la République Croate a affirmé que ce dernier n'était aucunement citoyen croate ; qu'il a, en outre, produit un acte de naissance délivré le 3 février 2009 par les autorités bosniaques, ainsi qu'un permis de conduire de cette nationalité et se présente lui-même comme étant ressortissant bosniaque dans son recours à l'encontre de la décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) ; que sa demande d'apatridie a fait l'objet d'une décision de rejet, en date du 5 juin 2013, dudit office ; que ce dernier a du reste estimé que le fait que l'appelant ait accompli son service militaire pour l'Etat yougoslave, en 1986 à Pirot (Serbie), implique qu'il a été reconnu en tant que ressortissant yougoslave ; que l'office a également relevé qu'il ne fournissait aucun élément permettant d'établir qu'il aurait accompli des démarches pour se voir reconnaître la nationalité serbe alors qu'il aurait résidé en Serbie de 1992 à 1996 avec sa concubine, ressortissante serbe et que son fils aîné possède la nationalité serbe ; que si M. C...soutient qu'il est parent de trois enfants dont deux seraient scolarisés en France depuis plus de trois ans, il ne l'établit pas par la production de trois certificats de scolarité pour la seule année scolaire 2012-2013 ; que ses enfants sont tous nés en Serbie ; qu'il n'invoque aucune circonstance probante de nature à faire obstacle à la reconstitution de sa cellule familiale dans son pays d'origine ; que, par ailleurs, il ne peut utilement se prévaloir de la circulaire du 26 novembre 2012 laquelle est dépourvue de toute valeur réglementaire ; que le requérant n'établit ni même n'allègue être dépourvu d'attache familiale dans son pays d'origine pas plus que de son insertion en France, ainsi que de sa résidence depuis cinq années ; que, dans ces conditions, les décisions attaquées n'ont pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elles ont été prises ; que, dès lors, les moyens tirés de ce que ces décisions auraient méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés ; que pour les mêmes motifs, les décisions querellées ne sont entachées ni d'une erreur manifeste d'appréciation ni d'une erreur de fait ; qu'il s'en suit que le tribunal n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation en estimant que rien ne s'oppose à ce qu'il poursuive sa vie privée et familiale dans un Etat de l'ex-Yougoslavie ou dans n'importe quel autre Etat où il est légalement admissible ;

5. Considérant qu'en l'espèce, les décisions contestées n'ont pas eu pour effet d'empêcher M. C...de saisir la cour nationale du droit d'asile (CNDA) d'un recours contre la décision de l'OFPRA du 5 juin 2013 lui refusant la qualité d'apatride ; qu'ainsi, il a formé une demande d'annulation des décisions querellées portant obligation de quitter le territoire français sans délai et fixant le pays de destination prises à son encontre devant le tribunal administratif de Marseille, par un recours ayant eu pour effet d'en suspendre l'exécution ; que l'intéressé a donc bénéficié d'un temps suffisant pour présenter utilement sa défense ; que, devant le tribunal, il a fait valoir les risques de traitements inhumains et dégradants auxquels l'exposerait son renvoi dans son pays d'origine ; que, dans ces circonstances, il n'apparait pas que M. C...ait été privé de son droit à un recours effectif en violation de l'article 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

6. Considérant qu'aux termes de l'article L. 513-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une mesure d'éloignement est éloigné : 1° A destination du pays dont il a la nationalité, sauf si l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou la Cour nationale du droit d'asile lui a reconnu le statut de réfugié ou s'il n'a pas encore été statué sur sa demande d'asile ; 2° Ou à destination du pays qui lui a délivré un document de voyage en cours de validité ; 3° Ou à destination d'un autre pays dans lequel il est légalement admissible. Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950. " ; qu'aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. " ;

7. Considérant qu'il résulte de ces dispositions combinées que l'autorité administrative chargée de prendre la décision fixant le pays de renvoi d'un étranger a l'obligation de s'assurer, au vu du dossier dont elle dispose et sous le contrôle du juge, que les mesures qu'elle prend n'exposent pas l'étranger à des risques sérieux pour sa liberté ou son intégrité physique, non plus qu'à des traitements contraires à l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle est en droit de prendre en considération à cet effet les décisions de l'office français de protection des réfugiés et apatrides ou de la cour nationale du droit d'asile ayant statué sur la demande d'asile du requérant, sans pour autant être liée par ces éléments ;

8. Considérant qu'il ressort de l'arrêté attaqué que le préfet des Bouches-du-Rhône, après avoir rappelé les décisions de rejet de ses demandes d'asile auprès de l'OFPRA en date des 22 novembre 2005 et 31 octobre 2006 lesquelles ont été confirmées par les décisions de la CNDA en date des 27 juin 2006 et 14 mars 2007, a estimé que l'intéressé dont la demande d'apatridie a été rejetée par l'OFPRA le 5 juin 2013, n'établit pas qu'il serait exposé à des peines ou traitements contraires à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales en cas de retour dans son pays d'origine ou de résidence habituelle où il est effectivement réadmissible ; que, par suite, l'appelant ne peut valablement soutenir que le préfet n'a pas examiné lui-même les risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine ; qu'en se bornant à se référer à ses déclarations devant la CNDA et à sa demande d'apatridie, laquelle a été rejetée par décision en date du 5 juin 2013, il n'apporte aucun élément probant de nature à établir les risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine ; que ses risques ne sont pas davantage démontrés par les circonstances que les autorités bosniaques auraient refusé de mentionner sa nationalité sur son acte de naissance pas plus que par les origines rom musulmanes de son père et serbes de sa mère ; qu'ainsi, les moyens tirés du défaut d'examen de sa situation par le préfet et de la méconnaissance des dispositions précitées doivent être écartés ;

9. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. C...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande ;

Sur les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte :

10. Considérant que le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. C...n'implique aucune mesure d'exécution ; qu'il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions susvisées ;

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

11. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse à M. C...quelque somme que ce soit au titre des frais que celui-ci a exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. C...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A...C...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 31 août 2015, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Pocheron, président-assesseur,

- Mme Marchessaux, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 21 septembre 2015.

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N° 14MA00962


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA00962
Date de la décision : 21/09/2015
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : CHARTIER

Origine de la décision
Date de l'import : 01/10/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-09-21;14ma00962 ?
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