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05/10/2015 | FRANCE | N°14MA00432

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 05 octobre 2015, 14MA00432


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté en date du 23 avril 2013 du préfet des Bouches-du-Rhône qui a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours.

Par un jugement n° 1303434 du 19 septembre 2013, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 27 janvier 2014, sous le n° 14MA00432, Mme C...D..., re

présentée par Me B...demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D...a demandé au tribunal administratif de Marseille d'annuler l'arrêté en date du 23 avril 2013 du préfet des Bouches-du-Rhône qui a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours.

Par un jugement n° 1303434 du 19 septembre 2013, le tribunal administratif de Marseille a rejeté cette demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 27 janvier 2014, sous le n° 14MA00432, Mme C...D..., représentée par Me B...demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 19 septembre 2013 ;

2°) d'annuler l'arrêté susvisé en ce qu'il porte refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours ;

3°) d'enjoindre au préfet des Bouches-du-Rhône de lui délivrer un titre de séjour portant droit au travail, dans un délai d'un mois à compter de la décision à intervenir ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 400 euros à verser à Me B...en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, le conseil de l'exposante s'engageant dans ce cas à renoncer à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Elle soutient que :

- le jugement déféré est entaché de deux omissions à statuer dès lors qu'il n'a pas répondu aux moyens tirés, d'une part, de l'erreur de fait et, d'autre part, de la violation de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la décision portant refus de titre de séjour méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle justifie de motifs exceptionnels ou de considérations humanitaires permettant son admission au séjour ;

- le tribunal a estimé à tort qu'elle ne pouvait se prévaloir des dispositions de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; contrairement à ce que retient le tribunal, elle a déposé une demande de titre de séjour sur ce fondement ;

- elle a été privée de son droit d'être entendu au sens du principe général du droit de l'Union européenne tel qu'il est notamment exprimé au 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- la décision critiquée en ce qu'elle la place en situation irrégulière, la prive de sa liberté de circulation dans les conditions de la directive n° 2008/115/CE et la contraint à quitter le territoire français.

Par un mémoire en défense, enregistré le 25 février 2014, le préfet des Bouches-du-Rhône conclut au rejet de la requête de MmeD....

Il soutient que :

- Mme D...invoque les mêmes moyens qu'en première instance ; il convient par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif de Marseille de ne pas retenir les mêmes moyens invoqués en appel ;

- il se réfère à son mémoire en défense produit devant le tribunal.

Un courrier du 27 mai 2015 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.

Mme D...a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 11 décembre 2013.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, ensemble les arrêts de la CJUE C- 277/11 et C-383/13 PPU ;

- l'accord franco-marocain en matière de séjour et d'emploi du 9 octobre 1987 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique et le décret n° 91-1266 du 19 décembre 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience par un avis d'audience adressé le 30 juillet 2015 portant clôture d'instruction immédiate en application des dispositions de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.

Le rapport de Mme Marchessaux a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que MmeD..., de nationalité marocaine, relève appel du jugement du 19 septembre 2013 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté en date du 23 avril 2013 du préfet des Bouches-du-Rhône en tant qu'il a refusé de l'admettre au séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours ;

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, que devant les premiers juges, Mme D... a invoqué les moyen tirés, d'une part, de ce que contrairement à ce que soutenait le préfet, elle justifiait de sa résidence continue et habituelle en France depuis qu'elle y est entrée en 2003 et, d'autre part, de la méconnaissance de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que le tribunal qui n'a pas répondu à ces moyens qui n'étaient pas inopérants, a entaché le jugement querellé d'une omission à statuer ; que, par suite, Mme D...est fondée à en demander l'annulation pour ce motif ;

3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par Mme D...devant le tribunal administratif de Marseille ;

Sur le moyen commun aux décisions attaquées :

4. Considérant que Mme E...A..., qui a signé les décisions querellées, bénéficiait d'une délégation de signature du préfet des Bouches-du-Rhône par l'arrêté en date du 21 décembre 2012, régulièrement publié au recueil des actes administratifs n° 244 du 26 décembre 2012, à l'effet notamment de signer les décisions portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire et fixant le délai de départ volontaire ;

Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :

5. Considérant que la décision contestée, qui comporte les considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, indique, notamment, que Mme D...ne justifie pas l'ancienneté et la stabilité des liens personnels et familiaux dont elle pourrait se prévaloir au sens des dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et que, dans la mesure où l'intéressée n'est pas dépourvue d'attaches familiales où résident quatre de ses huit frères et soeurs, prononcer une mesure d'éloignement à son encontre n'est pas contraire à l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'elle ajoute que Mme D...déclare être entrée en France en 2003 sans en justifier ni rapporter la preuve de sa présence sur le territoire national depuis cette date ; que, par ailleurs, la décision attaquée mentionne que la requérante ne fait valoir aucun motif exceptionnel ni considérations humanitaires qui justifieraient son admission au séjour au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; qu'ainsi, contrairement à ce que soutient MmeD..., le préfet des Bouches-du-Rhône a suffisamment motivé sa décision portant refus de sa demande d'admission exceptionnelle au séjour au titre de la vie privée et familiale ; que, pour cet examen, l'autorité préfectorale n'avait pas à reprendre les éléments précités de la situation personnelle de Mme D...qui avaient déjà été mentionnés dans le cadre de l'application des dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il en résulte que la décision attaquée n'est pas entachée d'un défaut d'examen de la situation de la requérante ;

6. Considérant que Mme D...soutient que le préfet des Bouches-du-Rhône a commis une erreur de fait en estimant qu'elle ne justifiait ni ne rapportait la preuve de sa présence sur le territoire national depuis 2003 ; que néanmoins, comme l'a considéré le préfet, la requérante n'établit pas la date de son entrée en France en 2003 ni ne justifie de preuve de présence continue pour cette année pas plus que pour l'année 2004 ; que de nombreuses factures d'achat produites au dossier qui portent l'ajout manuscrit du nom de Mme D...sont dépourvues de toute valeur probante, tout comme les attestations de son médecin et de connaissances concernant sa présence en France, lesquelles ont été rédigées rétrospectivement ; que le bilan vaccinal est dépourvu de nom ; que si la requérante démontre sa présence continue sur le territoire national depuis l'année 2005 par la production des courriers de notification de l'admission à l'aide médicale d'Etat à compter du mois de février 2005 jusqu'au mois de février 2013, ainsi que, pour chacune de ces années, des ordonnances médicales rendant compte de consultations régulières et de factures d'achat, en tout état de cause, le préfet des Bouches-du-Rhône aurait pris la même décision en se fondant sur les autres motifs de la décision contestée tirés de ce qu'elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine et de ce qu'elle ne fait valoir aucun motif exceptionnel ni considérations humanitaires qui justifieraient son admission au séjour au sens de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que par suite, le moyen tiré de l'erreur de fait doit être écarté ;

7. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. " ; qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable à la date de la décision attaquée : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République ; " ; qu'aux termes de l'article R. 313-21 du même code : " Pour l'application du 7° de l'article L. 313-11, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de la vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine. " ;

8. Considérant ainsi qu'il a été dit au considérant n° 6 précédent que Mme D...ne justifie pas d'une durée de présence en France de dix années à la date de la décision querellée ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'elle est célibataire, sans enfant et sans emploi ; qu'en outre, la requérante n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine où elle a vécu jusqu'à l'âge de trente ans et où résident quatre de ses huit frères et soeurs ; que, par ailleurs, il ne ressort pas des pièces communiquées à l'instance, notamment des certificats médicaux des 4 novembre 2011 et 26 novembre 2012 que la présence exclusive de Mme D...serait indispensable aux côtés de ses deux parents atteints d'une pathologie chronique invalidante alors que deux de ses frères vivent dans la même ville ; que, dans ces conditions, quand bien même la requérante aurait manifesté des efforts pour s'intégrer à la société française en suivant des cours d'alphabétisation, ainsi que des stages de socialisation et nonobstant sa durée de séjour comme la présence d'une partie de sa famille sur le territoire national dont ses parents, la décision attaquée n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale, une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle été prise ; que, dès lors, les moyens tirés de ce que cette décision aurait méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doivent être écartés ;

9. Considérant qu'aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée au 1° de l'article L. 313-10 (...) peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 311-7 (...) " ;

10. Considérant que, portant sur la délivrance des catégories de cartes de séjour temporaires prévues par les dispositions auxquelles il renvoie, l'article L. 313-14 n'institue pas une catégorie de titres de séjour distincte, mais est relatif aux conditions dans lesquelles les étrangers peuvent être admis à séjourner en France, soit au titre de la vie privée et familiale, soit au titre d'une activité salariée ; que, dès lors que l'article 3 de l'accord franco-marocain prévoit la délivrance de titres de séjour au titre d'une activité salariée, un ressortissant marocain souhaitant obtenir un titre de séjour au titre d'une telle activité ne peut utilement invoquer les dispositions de l'article L. 313-14 à l'appui d'une demande d'admission au séjour sur le territoire national, s'agissant d'un point déjà traité par l'accord franco-marocain du 9 octobre 1987, au sens de l'article 9 de cet accord ; que, toutefois, les stipulations de cet accord n'interdisent pas au préfet, dans l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont il dispose sur ce point, d'apprécier, en fonction de l'ensemble des éléments de la situation personnelle de l'intéressé, l'opportunité d'une mesure de régularisation à un ressortissant marocain qui ne remplirait pas les conditions auxquelles est subordonnée la délivrance de plein droit d'un titre de séjour en qualité de salarié ;

11. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme D...a sollicité un titre de séjour " vie privée et familiale " notamment sur le fondement de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que si la requérante se prévaut de sa présence continue en France depuis dix années, de sa parfaite intégration dans la société française, ainsi que de la présence d'une partie de sa famille dont ses parents qui auraient besoin d'elle au quotidien, ces circonstances ne sont pas de nature à caractériser des motifs exceptionnels ou des considérations humanitaires au sens de l'article L. 313-14 du code précité ; que, par suite, le préfet des Bouches-du-Rhône n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation de la situation personnelle de Mme D...;

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours :

12. Considérant qu'aux termes du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5 de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : (...)/ 3° Si la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé à l'étranger ou si le titre de séjour qui lui avait été délivré lui a été retiré (...) " ;

13. Considérant qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union " ; qu'aux termes du paragraphe 2 de ce même article : " Ce droit comporte notamment : / - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre ; (...) " ; qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 51 de la Charte : " Les dispositions de la présente Charte s'adressent aux institutions, organes et organismes de l'Union dans le respect du principe de subsidiarité, ainsi qu'aux Etats membres uniquement lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union. (...) " ;

14. Considérant que les dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicables au présent litige, sont issues de dispositions de la loi du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité qui ont procédé à la transposition, dans l'ordre juridique interne, des objectifs de la directive du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les Etats membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ;

15. Considérant, ainsi que la Cour de justice de l'Union européenne l'a jugé dans les motifs de son arrêt du 10 septembre 2013 visé ci-dessus, que les auteurs de la directive du 16 décembre 2008, s'ils ont encadré de manière détaillée les garanties accordées aux ressortissants des Etats tiers concernés par les décisions d'éloignement ou de rétention, n'ont pas précisé si et dans quelles conditions devait être assuré le respect du droit de ces ressortissants d'être entendus, qui relève des droits de la défense figurant au nombre des droits fondamentaux faisant partie intégrante de l'ordre juridique de l'Union européenne et consacrés par la Charte des droits fondamentaux ; que si l'obligation de respecter les droits de la défense pèse en principe sur les administrations des Etats membres lorsqu'elles prennent des mesures entrant dans le champ d'application du droit de l'Union, il appartient aux Etats membres, dans le cadre de leur autonomie procédurale, de déterminer les conditions dans lesquelles doit être assuré, pour les ressortissants des Etats tiers en situation irrégulière, le respect du droit d'être entendu ;

16. Considérant que le droit d'être entendu implique que l'autorité préfectorale, avant de prendre à l'encontre d'un étranger une décision portant obligation de quitter le territoire français, mette l'intéressé à même de présenter ses observations écrites et lui permette, sur sa demande, de faire valoir des observations orales, de telle sorte qu'il puisse faire connaître, de manière utile et effective, son point de vue sur la mesure envisagée avant qu'elle n'intervienne ; que, toutefois, dans le cas prévu au 3° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, où la décision faisant obligation de quitter le territoire français est prise concomitamment au refus de délivrance d'un titre de séjour, l'obligation de quitter le territoire français découle nécessairement du refus de titre de séjour ; que le droit d'être entendu n'implique alors pas que l'administration ait l'obligation de mettre l'intéressé à même de présenter ses observations de façon spécifique sur la décision l'obligeant à quitter le territoire français, dès lors qu'il a pu être entendu avant que n'intervienne la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour ;

17. Considérant que lorsqu'il sollicite la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour, l'étranger, en raison même de l'accomplissement de cette démarche qui tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'en cas de refus, il pourra faire l'objet d'une mesure d'éloignement ; qu'à l'occasion du dépôt de sa demande, il est conduit à préciser à l'administration les motifs pour lesquels il demande que lui soit délivré un titre de séjour et à produire tous éléments susceptibles de venir au soutien de cette demande ; qu'il lui appartient, lors du dépôt de cette demande, lequel doit en principe faire l'objet d'une présentation personnelle du demandeur en préfecture, d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles ; qu'il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toute observation complémentaire utile, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux ; que le droit de l'intéressé d'être entendu, ainsi satisfait avant que n'intervienne le refus de titre de séjour, n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise concomitamment et en conséquence du refus de titre de séjour ;

18. Considérant que la seule circonstance que le préfet des Bouches-du-Rhône qui a refusé la délivrance du titre de séjour sollicité par Mme D...en assortissant cette décision d'une obligation de quitter le territoire français ne l'a pas, préalablement à l'édiction de la mesure d'éloignement, de sa propre initiative, expressément informée qu'en cas de rejet de sa demande de titre de séjour, elle serait susceptible d'être contrainte de quitter le territoire français en l'invitant à formuler ses observations sur cette éventualité, n'est pas de nature à permettre de la regarder comme ayant été privée de son droit à être entendue, notamment énoncé au paragraphe 2 de l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; que ce moyen ne saurait, dès lors, être accueilli ;

19. Considérant que Mme D...ne saurait valablement soutenir que la décision en litige l'a placée en situation irrégulière et la prive de sa liberté de circulation dès lors qu'il ressort des pièces du dossier qu'elle est entrée irrégulièrement, en France, en 2003 selon ses allégations, s'y est maintenue depuis cette date et n'a sollicité un premier titre de séjour qu'en 2009 ;

20. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que Mme D...n'est pas fondée à demander l'annulation des décisions du 23 avril 2013 qu'elle conteste ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

21. Considérant que le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par Mme D...n'implique aucune mesure d'exécution ; qu'il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions susvisées ;

Sur l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

22. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse à Mme D...quelque somme que ce soit au titre des frais que celle-ci a exposés et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 19 septembre 2013 du tribunal administratif de Marseille est annulé.

Article 2 : La demande présentée par Mme D...devant le tribunal administratif de Marseille est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C...D...et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet des Bouches-du-Rhône.

Délibéré après l'audience du 14 septembre 2015, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- Mme Hameline, premier conseiller,

- Mme Marchessaux, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 5 octobre 2015.

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N° 14MA00432


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 14MA00432
Date de la décision : 05/10/2015
Type d'affaire : Administrative

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Jacqueline MARCHESSAUX
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : GONAND

Origine de la décision
Date de l'import : 15/10/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-10-05;14ma00432 ?
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