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05/10/2015 | FRANCE | N°14MA01629

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre - formation à 3, 05 octobre 2015, 14MA01629


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...A...D...a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 3 avril 2012 par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a refusé sa demande de regroupement familial au profit de son filsC....

Par un jugement n° 1201945 du 21 mars 2014, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 9 avril 2014, M. A...D..., représenté par Me Jaidane, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribun

al administratif de Nice du 21 mars 2014 ;

2°) d'annuler la décision susmentionnée du préfet des A...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E...A...D...a demandé au tribunal administratif de Nice d'annuler la décision du 3 avril 2012 par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a refusé sa demande de regroupement familial au profit de son filsC....

Par un jugement n° 1201945 du 21 mars 2014, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 9 avril 2014, M. A...D..., représenté par Me Jaidane, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nice du 21 mars 2014 ;

2°) d'annuler la décision susmentionnée du préfet des Alpes-Maritimes ;

3°) d'enjoindre au préfet des Alpes-Maritimes d'autoriser la procédure de regroupement familial, ou, subsidiairement, de réexaminer sa demande, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 500 euros, à verser à Me Jaidane en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 en cas d'octroi de l'aide juridictionnelle, ou à verser au requérant dans le cas contraire, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement contesté est entaché d'irrégularité ;

- les premiers juges ont dénaturé les faits en affirmant que l'office français de l'immigration et de l'intégration a apporté ses observations et que le maire a émis un avis, sans donner aucune information sur la production de telles pièces ;

- la communication par l'administration du rapport d'enquête de l'OFII et de l'avis du maire auraient permis de respecter le principe du contradictoire et de lui assurer un procès équitable tel que garanti par l'article 6 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les premiers juges ont également dénaturé les faits en lui opposant la perte de son emploi à la fin de la période de référence sans tenir compte de la stabilité de ses ressources résultant de ses bulletins de salaires pour la période postérieure ni de son contrat à durée indéterminée signé le 12 décembre 2011 ;

- le tribunal administratif a omis de statuer sur les moyens tirés d'une part de l'absence de respect des délais par le maire de la commune et d'indication du sens et de la date de son avis, et d'autre part du caractère suffisant des ressources perçues ;

- la décision de refus est entachée de vice de procédure en l'absence d'avis motivé du maire en application de l'article L. 421-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, aucun élément du dossier ne permettant de s'assurer que le maire a émis un avis sur ses ressources, à plus forte raison dans le respect du délai prévu par l'article R. 421-11 ;

- dans le cas où un avis aurait été rendu par le maire, la décision du préfet ne lui a pas permis d'en connaître le sens et les motifs et se trouve dès lors entachée d'une insuffisance de motivation ;

- la décision de refus est tardive au regard du délai prévu par l'article L. 421-4 du même code, et ne pouvait légalement se fonder sur un avis du maire datant de plus de deux ans ni être prise sans solliciter la mise à jour du dossier de demande ;

- les premiers juges ont commis une erreur de droit au regard des articles L. 411-5 et R. 411-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en relevant qu'il avait perdu son emploi postérieurement à la période de référence, ce qui ne constitue pas un des motifs possibles de refus du regroupement familial ;

- le refus est entaché d'erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'il justifie de ressources moyennes de 1 339,41 euros, supérieures au salaire minimum interprofessionnel de croissance, lors de la période de référence de février 2009 à janvier 2010 ;

- l'administration a pris en compte des éléments postérieurs quant à la stabilité de ses ressources sans respecter la procédure contradictoire, et le tribunal n'a pas tenu compte de l'ensemble des documents produits pour la période postérieure prouvant qu'il a retrouvé un emploi stable à compter du 12 décembre 2011 ;

- les ressources du couple sont stables et suffisantes pour assurer l'éducation de leur seul enfant mineur, et leur logement répond aux exigences légales ;

- la décision préfectorale méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- les premiers juges ont commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant n'était pas méconnu en raison de l'absence de stabilité des ressources du demandeur ;

Un courrier du 29 mai 2015 adressé aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative les a informées de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et a indiqué la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par le dernier alinéa de l'article R. 613-1 et le dernier alinéa de l'article R. 613-2.

M. D...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 18 juin 2014.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée le 26 janvier 1990 ;

- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 modifié ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience par un avis d'audience adressé le 30 juillet 2015 portant clôture d'instruction immédiate en application des dispositions de l'article R. 613-2 du code de justice administrative.

Le rapport de Mme Hameline a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M. E...A...D..., ressortissant tunisien, a sollicité le 25 février 2010 auprès de la préfecture des Alpes-Maritimes le bénéfice du regroupement familial au profit de son fils mineurC..., alors âgé de treize ans ; que le silence de l'administration sur sa demande durant un délai de six mois a fait naître une décision implicite de rejet le 25 août 2010 en application de l'article R. 421-20 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que cette décision implicite n'a pas acquis de caractère définitif, à défaut de mention adéquate des voies et délais de recours par l'accusé de réception de la demande remis à M. A...D...le 25 février 2010 ; que, par une décision expresse du 3 avril 2012 qui s'est substituée à la précédente, le préfet des Alpes-Maritimes a confirmé le refus de regroupement familial ; que M. A... D...a formé un recours contentieux contre cette nouvelle décision devant le tribunal administratif de Nice, lequel a rejeté sa demande par un jugement du 21 mars 2014 ; que M. A...D...interjette appel dudit jugement ;

2. Sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement contesté ;

Sur la légalité de la décision du préfet des Alpes-Maritimes :

3. Considérant qu'aux termes du 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait (...) des tribunaux, des autorités administratives (...), l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale. " ;

4. Considérant que l'intérêt d'un enfant est, en principe, de vivre auprès des personnes qui sont titulaires à son égard de l'autorité parentale ; qu'ainsi, dans le cas où est demandé le regroupement familial en vue de permettre à un enfant mineur de rejoindre en France ses parents y séjournant régulièrement depuis au moins dix-huit mois sous couvert d'un titre d'une durée de validité d'au moins un an, l'autorisation de regroupement familial ne peut, en règle générale, eu égard notamment aux stipulations précitées du paragraphe 1 de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant, être refusée pour un motif tiré de ce que l'intérêt de l'enfant serait au contraire de demeurer auprès d'autres personnes dans son pays d'origine ; qu'en revanche, et sous réserve de ne pas porter une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale, l'autorité administrative peut se fonder, pour rejeter la demande dont elle est saisie, sur le motif tiré de ce que les conditions d'accueil de cet enfant en France seraient, compte tenu notamment des ressources et des conditions de logement de ses parents, contraires à son intérêt ;

5. Considérant que M. et Mme A...D..., séjournant l'un et l'autre en France sous couvert de cartes de résident d'une durée de validité de dix ans, détenaient l'autorité parentale sur leur enfant mineur C...à la date de la décision de refus du 3 avril 2012 ; qu'il ressort des pièces du dossier qu'à cette même date, M. A...D...était employé en contrat à durée indéterminée à temps complet au sein de la société " Package Rénovation du Sud " et percevait un salaire de 1 393,85 euros bruts par mois ; qu'il disposait ainsi de ressources lui permettant de subvenir aux besoins de son fils en France, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges en se fondant à tort, pour écarter le moyen tiré de la violation des stipulations précitées, sur la seule circonstance que le requérant s'était trouvé temporairement sans emploi avant le 12 décembre 2011 à la suite de la liquidation judiciaire de son précédent employeur ; qu'il n'est ni établi ni même soutenu par l'administration que les conditions matérielles d'accueil de l'enfant au domicile de M. et Mme A...D...auraient été contraires à l'intérêt de celui-ci, ou que des circonstances particulières se seraient opposées à ce qu'il quitte son pays d'origine ; que, par suite, et sans qu'ait d'influence à cet égard la circonstance que le jeune C...vivait jusqu'alors en Tunisie séparé de ses parents, le préfet des Alpes-Maritimes a méconnu l'intérêt supérieur de l'enfant protégé par les stipulations précitées en rejetant, par décision du 3 avril 2012, la demande d'autorisation de regroupement familial présentée à son profit ;

6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens dirigés contre la décision de refus litigieuse, M. A... D...est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nice a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet des Alpes-Maritimes du 3 avril 2012 ; que, par suite, le jugement et la décision contestés doivent être annulés ;

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une décision dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution " ;

8. Considérant que si l'administration, dont la décision de rejet d'une demande a été annulée par le juge, statue à nouveau sur cette demande en fonction de la situation de droit et de fait existant à la date de sa décision, il en va différemment lorsqu'une disposition législative ou réglementaire prévoit qu'un élément de cette situation est apprécié à une date déterminée ;

9. Considérant que l'annulation de la décision de refus de regroupement familial du 3 avril 2012 implique nécessairement, eu égard aux motifs mentionnés aux points 4 et 5 du présent arrêt, que le préfet des Alpes-Maritimes délivre l'autorisation de regroupement familial sollicitée au fils du requérant ; que, dès lors qu'en application de l'article R. 411-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'âge du bénéficiaire du regroupement familial est apprécié à la date du dépôt de la demande sur laquelle le préfet a statué, la circonstance que le jeune C...A...D..., âgé de treize ans lors de la demande, soit devenu majeur à la date du présent arrêt demeure à cet égard sans influence ; que le préfet des Alpes-Maritimes, qui n'a présenté d'observations en défense ni devant les premiers juges ni devant la Cour, ne fait état d'aucune circonstance de fait qui s'opposerait à la délivrance de l'autorisation de regroupement familial ; qu'il y a, dès lors, lieu d'ordonner au préfet de prendre cette mesure dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :

10. Considérant que M. A...D...a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; que, par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi susvisée du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Jaidane, avocat de M. A...D..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de ce dernier le versement à cet avocat de la somme de 2 000 euros en application de ces dispositions ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Nice du 21 mars 2014 et la décision du 3 avril 2012 par laquelle le préfet des Alpes-Maritimes a rejeté la demande de regroupement familial formée par M. A...D...au profit de son fils C...sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet des Alpes-Maritimes d'autoriser le regroupement familial au profit de C...A...D...dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3: L'Etat versera en outre à Me Jaidane, avocat de M. A...D..., une somme de 2 000 (deux mille) euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que l'intéressé renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. E...A...D..., à Me B...Jaidane et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise au préfet des Alpes-Maritimes.

Délibéré après l'audience du 14 septembre 2015, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Pocheron, président-assesseur,

- Mme Hameline, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 5 octobre 2015.

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N° 14MA01629


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03-02 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour. Procédure.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: Mme Marie-Laure HAMELINE
Rapporteur public ?: M. REVERT
Avocat(s) : JAIDANE

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre - formation à 3
Date de la décision : 05/10/2015
Date de l'import : 15/10/2015

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 14MA01629
Numéro NOR : CETATEXT000031281039 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2015-10-05;14ma01629 ?
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