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09/01/2017 | FRANCE | N°15MA03446

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 6ème chambre - formation à 3, 09 janvier 2017, 15MA03446


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté de communes Vallée de l'Ubaye a demandé au tribunal administratif de Marseille :

- de condamner solidairement les sociétés Ternois Grand Sud et Eiffage Travaux Publics Méditerranée in solidum avec le bureau d'études Planetec et la société d'assurances L'Auxiliaire à lui verser à titre de provision la somme de 143 225,66 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 29 janvier 2007 et de leur capitalisation ;

- de condamner solidairement les sociétés Ternois Gr

and Sud et Eiffage Travaux Publics Méditerranée in solidum avec le bureau d'études Planetec ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La communauté de communes Vallée de l'Ubaye a demandé au tribunal administratif de Marseille :

- de condamner solidairement les sociétés Ternois Grand Sud et Eiffage Travaux Publics Méditerranée in solidum avec le bureau d'études Planetec et la société d'assurances L'Auxiliaire à lui verser à titre de provision la somme de 143 225,66 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 29 janvier 2007 et de leur capitalisation ;

- de condamner solidairement les sociétés Ternois Grand Sud et Eiffage Travaux Publics Méditerranée in solidum avec le bureau d'études Planetec à l'indemniser des préjudices immatériels résultant des dysfonctionnements de la station d'épuration de Rioclar ;

- de condamner solidairement les sociétés Ternois Grand Sud et Eiffage Travaux Publics Méditerranée in solidum avec le bureau d'études Planetec à lui verser la somme de 305 373,68 euros au titre des pénalités de retard et la somme de 5 718 euros au titre de l'absence de perception de la taxe de séjour, ces sommes portant intérêts à compter du 4 septembre 2006 et les intérêts étant capitalisés ;

- d'ordonner une expertise complémentaire.

Par un jugement n° 1102037 du 15 juin 2015, le tribunal administratif de Marseille a solidairement condamné les sociétés Ternois Grand Sud, Eiffage Travaux Publics Méditerranée et Planetec à lui verser une somme de 94 877,03 euros, répartie à concurrence de 80 % pour la société Planetec et de 20 % pour la société Eiffage Travaux Publics Méditerranée, ainsi qu'une somme de 25 000 euros, répartie à concurrence de 80 % pour la société Ternois Grand Sud et de 20 % pour la société Planetec.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 14 août 2015, le 16 septembre 2016 et le 7 décembre 2016, la communauté de communes Vallée de l'Ubaye, représentée par la SCP de Angelis-Semidei-Vuillquez-Habart-Melki-Bardon, demande à la Cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Marseille du 15 juin 2015 en tant qu'il ne lui a pas donné entière satisfaction ;

2°) d'ordonner une expertise complémentaire ;

3°) de condamner solidairement les sociétés Aqualter Construction et Eiffage Travaux Publics Méditerranée, in solidum avec le bureau d'études Planetec et leur assureur, la société L'Auxiliaire, à lui verser à titre de provision la somme de 143 225,66 euros, cette somme étant assortie des intérêts au taux légal à compter du 29 janvier 2007 et de la capitalisation de ces intérêts ;

4°) de condamner solidairement les sociétés Aqualter Construction et Eiffage Travaux Publics Méditerranée, in solidum avec le bureau d'études Planetec à l'indemniser du préjudice immatériel résultant des dysfonctionnements de la station d'épuration de Rioclar, l'évaluation de ce préjudice étant réservée ;

5°) de condamner solidairement les sociétés Aqualter Construction et Eiffage Travaux Publics Méditerranée, in solidum avec le bureau d'études Planetec à lui verser la somme provisoire de 305 373,68 euros au titre des pénalités de retard et la somme de 5 718 euros en réparation de l'absence de perception de la taxe de séjour, ces sommes étant assorties des intérêts au taux légal à compter du 4 septembre 2006 et de la capitalisation de ces intérêts ;

6°) de mettre une somme de 6 000 euros à la charge des sociétés Aqualter Construction et Eiffage Travaux Publics Méditerranée au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle justifie du caractère utile d'une mesure complémentaire d'expertise ;

- la condamnation prononcée en première instance doit être fixée conformément à sa demande à titre provisoire dans l'attente du chiffrage définitif des travaux de reprise ;

- elle établit le bien-fondé des sommes demandées à titre provisoire ;

- les dysfonctionnements de la station d'épuration ont entraîné des surcoûts d'exploitation, la perte des primes pour épuration et l'absence de perception de la taxe de séjour due par le camping riverain ;

- les pénalités de retard prévues par l'article 5.3.2. du cahier des clauses administratives particulières doivent être appliquées aux cocontractants compte tenu de l'impossibilité de prononcer la réception des travaux du fait du non achèvement de la phase de mise au point ;

- elle a droit à l'indemnisation du coût de travaux de reprise de l'isolation du bâtiment et de mise en place d'une zone d'infiltration des effluents ;

- les sociétés en charge des travaux ont manqué à leur devoir de conseil ;

- elles ont commis une faute en n'exigeant pas d'études particulières portant sur la qualité des effluents d'entrée ;

- il appartenait également à ces sociétés de lui signaler les carences du maître d'oeuvre ;

- aucune faute ne peut lui être opposée.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 janvier 2016, la compagnie L'Auxiliaire conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 1 500 euros soit mise à la charge de la communauté de communes Vallée de l'Ubaye au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la juridiction administrative est incompétente pour statuer sur les conclusions dirigées contre elle.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 août 2016, la société Aqualter Construction, venant aux droits de la société Ternois Grand Sud, conclut :

- au rejet de la requête ;

Par la voie de l'appel incident :

- à titre principal : à la réformation du jugement du tribunal administratif de Marseille du 15 juin 2015 et au rejet des conclusions de la demande de la communauté de communes Vallée de l'Ubaye dirigées à son encontre ;

- à titre subsidiaire : à ce qu'une part de responsabilité à hauteur minimale de 80 % soit retenue à l'encontre de la communauté de communes ;

- ou à ce que la communauté de communes Vallée de l'Ubaye soit condamnée à la garantir de toute condamnation solidaire ou in solidum du fait de la responsabilité du maître d'oeuvre et à ce que la société Planetec et/ou la société Eiffage Travaux Publics Méditerranée soit condamnée à la garantir de toute condamnation solidaire ou in solidum ;

- à ce qu'une somme de 6 000 euros soit mise à la charge de la communauté de communes Vallée de l'Ubaye ou de tout autre succombant au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier comme entaché d'une omission à statuer ;

- une nouvelle expertise ne présente aucun caractère utile ;

- la prise de possession des locaux par la communauté de communes et la mise en exploitation de la station doivent être assimilées à une réception tacite empêchant toute mise en jeu de sa responsabilité contractuelle ;

- le caractère non conforme des eaux usées arrivant dans la station est de nature à l'exonérer de toute responsabilité ;

- elle n'était pas tenue de procéder à la vérification des données du dossier de consultation des entreprises ;

- le choix de la filière de traitement et les erreurs de conception relèvent des seules responsabilités du maître d'oeuvre et du maître d'ouvrage ;

- les dommages résultant de la dépose du toit et l'aggravation des désordres sont la conséquence de l'inertie de la communauté de communes ;

- les demandes indemnitaires de la communauté de communes au titre de la réparation des désordres sont surévaluées ;

- la survenance des désordres relevés par la communauté de communes est la conséquence de ses propres fautes et de celles du maître d'oeuvre ;

- la communauté de communes doit être regardée comme ayant entendu renoncer à l'application des pénalités de retard ;

- les constructeurs ne sauraient être tenus au paiement de pénalités, le retard dans l'achèvement des travaux ne leur étant pas imputable et les dispositions de l'article 10.3.4. du cahier des clauses administratives particulières ayant été méconnues ;

- les sommes demandées à ce titre ne sont pas justifiées dans leur quantum ;

- les demandes de condamnation solidaire ou in solidum ne sont pas justifiées dans leur principe.

Par un mémoire en défense, enregistré le 16 septembre 2016, la société Eiffage Route Méditerranée, anciennement dénommée Eiffage Travaux Publics Méditerranée, venant aux droits de la société Alpes Sud, elle-même venant aux droits de la société Rossetto, conclut :

- à titre principal : au rejet de la requête ;

- à titre subsidiaire, à la condamnation de la communauté de communes Vallée de l'Ubaye, du bureau d'études Planetec, de la société Aqualter Construction et de la compagnie L'Auxiliaire à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;

- à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la communauté de communes Vallée de l'Ubaye au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de la communauté de communes Vallée de l'Ubaye est irrecevable comme se heurtant au principe de l'autorité de la chose jugée ;

- une nouvelle mesure d'expertise n'a pas d'utilité ;

- la demande d'indemnisation n'était pas formée à titre provisoire ;

- la réception définitive des travaux doit être considérée comme ayant été effectuée à la date du raccordement de la station au réseau ou à celle de la constatation de l'achèvement des travaux de génie civil ;

- la communauté de communes ne justifie pas de son impossibilité de prononcer la réception définitive ;

- les sociétés membres du groupement de constructeurs ne sont plus tenues solidairement ;

- les désordres portant sur le génie civil ont fait l'objet de reprises ; le coût de ces travaux est surévalué ;

- elle n'est pas tenue à la réparation des désordres touchant le process ;

- les autres préjudices dont se prévaut la communauté de communes ne sont justifiés ni dans leur principe ni dans leur quantum ;

- les dispositions de l'article 5.3.2. du cahier des clauses administratives particulières s'opposent à l'application des pénalités de retard ;

- la non-conformité des effluents relève de la responsabilité de la communauté de communes ;

- la communauté de communes n'établit pas l'impossibilité de réaliser les travaux préconisés par l'expert.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code des marchés publics ;

- le code de la construction et de l'habitation ;

- le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Héry,

- les conclusions de M. Thiele, rapporteur public,

- et les observations de MeD..., représentant la communauté de communes Vallée de l'Ubaye, de MeC..., représentant la société Aqualter Construction, de MeA..., représentant la société Eiffage Route Méditerranée, et de MeB..., représentant la société L'Auxiliaire.

1. Considérant que la communauté de communes Vallée de l'Ubaye (CCVU) a conclu en juin 2000 un marché avec le groupement d'entreprises solidaires composé des sociétés Ait-Eaux et Rossetto en vue de la construction d'une station d'épuration au lieu-dit Rioclar sur le territoire de la commune de Méolans-Revel, la maîtrise d'oeuvre étant confiée au bureau d'études Planetec ; qu'à la suite de dysfonctionnements touchant la structure du bâtiment et le traitement des effluents, la CCVU a sollicité en 2006 auprès du tribunal administratif de Marseille l'organisation d'une mesure d'expertise ; que par ordonnance du 29 janvier 2007, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a fait droit à sa demande ; que la CCVU a ensuite demandé au tribunal administratif de Marseille d'ordonner une nouvelle expertise et de condamner à titre provisionnel les intervenants à la construction et leur assureur à réparer les préjudices résultant des désordres affectant cet équipement ; que la CCVU relève appel du jugement du 15 juin 2015 du tribunal administratif de Marseille en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à sa demande ;

2. Considérant qu'il ressort des écritures de la CCVU que sa demande portait sur l'organisation d'une nouvelle mesure d'expertise et était assortie de conclusions indemnitaires expressément formées à titre provisionnel, la communauté de communes réservant le chiffrage définitif de ses conclusions dans l'attente de la réalisation d'une seconde expertise ; que dès lors que le tribunal administratif s'est estimé suffisamment informé pour évaluer les différents éléments des préjudices dont la réparation était demandée par la CCVU et a refusé d'ordonner l'expertise sollicitée, il lui appartenait, avant de statuer sur la réparation de ces préjudices, d'inviter la CCVU à chiffrer définitivement le montant de ses demandes indemnitaires ; que, par suite, le jugement a été rendu à l'issue d'une procédure irrégulière et doit, dès lors, être annulé ;

3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par la CCVU devant le tribunal administratif de Marseille ;

Sur les conclusions dirigées contre la société L'Auxiliaire :

4. Considérant que les conclusions de la communauté de communes de la Vallée de l'Ubaye dirigées contre la société d'assurances L'Auxiliaire sont relatives à l'exécution d'obligations de droit privé entre un constructeur et son assureur et échappent dès lors à la compétence de la juridiction administrative ; que, par suite, elles doivent être rejetées comme présentées devant une juridiction incompétente pour en connaître ;

Sur l'exception de chose jugée opposée à la demande de première instance :

5. Considérant qu'aux termes de l'article 2044 du code civil : " La transaction est un contrat par lequel les parties terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître. " ; que l'article 2052 du même code dispose : " Les transactions ont, entre les parties, l'autorité de chose jugée en dernier ressort (...) " ;

6. Considérant que suite au dépôt d'un pré-rapport d'expertise, la société Eiffage TP Méditerranée, venant aux droits de la société Appia Alpes-Sud elle-même venant aux droits de la société Rossetto, la société Ternois Grand Sud, substituée à la société Ait Eaux et la communauté de communes Vallée de l'Ubaye ont conclu le 25 novembre 2008 un protocole d'accord transactionnel dont l'objet était d'assurer le fonctionnement de la station d'épuration par l'exécution de travaux d'urgence et d'éviter la survenue d'incidents ou un risque de pollution ; que ce protocole ne portait pas sur la réparation intégrale des désordres touchant la station d'épuration ; qu'aucune mention n'y a été portée de nature à prévenir toute action contentieuse ultérieure ; que, par suite, faute d'identité d'objet avec le présent litige, ce protocole transactionnel ne revêt pas autorité de la chose jugée ; que, dès lors, l'exception opposée par la société Eiffage Route Méditerranée et tirée de ce que la demande de la CCVU se heurterait, pour ce motif, au principe de l'autorité de la chose jugée doit être écartée ;

Sur les conclusions de la CCVU tendant à la réalisation d'une nouvelle mesure d'expertise :

7. Considérant que suite à la demande de la communauté de communes, le juge des référés du tribunal administratif de Marseille a ordonné le 29 janvier 2007 une expertise portant sur la nature, l'étendue et l'origine des désordres affectant la station d'épuration et leur incidence sur le fonctionnement de l'installation, sur l'évaluation des travaux nécessaires à la réparation de ces désordres et, enfin, sur les responsabilités encourues et les préjudices subis ;

8. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'expert a constaté deux types de désordres, le premier portant sur la structure et le second sur le process et a imputé leur survenance à la carence du maître d'oeuvre et des constructeurs dans la conception et l'exécution du marché ; qu'il a estimé le coût des travaux nécessaires à la reprise de ces désordres tant en ce qui concerne la structure que le traitement des eaux usées en proposant deux solutions de reprise ; qu'enfin, il a décrit les préjudices subis par la CCVU, notamment du fait du rejet d'effluents non conformes aux normes réglementaires ; que l'expert a ainsi accompli l'intégralité des missions qui lui avaient été confiées ;

9. Considérant que la nouvelle expertise sollicitée par la communauté de communes Vallée de l'Ubaye porte sur des chefs de mission identiques à ceux de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif de Marseille et auxquels, comme il vient d'être dit, l'expert a intégralement répondu ; que la CCVU a la possibilité de se prévaloir des éléments contenus dans l'expertise réalisée à sa demande par un ingénieur hydraulicien ultérieurement à l'expertise judiciaire, dès lors que celle-ci a été soumise au contradictoire et que sa teneur a pu être débattue par les parties ;

10. Considérant que, par suite, l'organisation d'une nouvelle expertise ne présente aucun caractère utile à la solution du présent litige ; que, dès lors, les conclusions présentées en ce sens par la CCVU doivent être rejetées ;

Sur la responsabilité :

11. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le délai d'exécution des travaux, fixé par l'article 5.1. du cahier des clauses administratives particulières (CCAP), comprend outre les travaux en eux-mêmes, une période de mise au point suivie d'une phase d'observation et d'essais de fonctionnement du traitement des effluents, sur un délai total de 10 mois ; que l'article 10.3.2. du CCAP prévoit l'établissement par le maître d'oeuvre et l'entrepreneur d'un constat de fin de chantier à la suite duquel la station peut être raccordée au réseau et les installations mises en marche ; que la période suivante, dite d'observation, ne peut être déclenchée que lorsque l'installation fonctionne en régime permanent d'une façon satisfaisante ; qu'enfin, il ressort des dispositions de l'article 10.3.3. de ce CCAP que la réception définitive est conditionnée par la satisfaction aux différentes phases préalables ci-dessus énoncées et en tout dernier lieu après une période de 30 jours de fonctionnement donnant des résultats satisfaisants après au moins trois mois de fonctionnement normal de l'installation ;

12. Considérant qu'il résulte de ces dispositions contractuelles que le raccordement de la station au réseau, sa mise en fonctionnement et la prise de possession par la CCVU le 26 juin 2001 ne peuvent être considérés comme valant réception tacite de l'ouvrage ; que le gestionnaire de la station a signalé des dysfonctionnements les 31 juillet et 10 août 2001 à la société Ait Eaux, constitués notamment par le déversement de boues dans l'Ubaye et les difficultés de vidange des boues et des graisses dans le décanteur ; que le compte rendu de la réunion de chantier du 4 septembre 2001 mentionne que la station est toujours en période de mise au point depuis le 26 juin 2001, la société Ait Eaux étant invitée à exécuter un certain nombre de mesures correctives ; que le 6 novembre 2001, la communauté de communes de la Vallée de l'Ubaye a mis en demeure la société Ait Eaux de livrer une station d'épuration opérationnelle et conforme aux critères d'épuration stipulés dans le marché ; que malgré la réalisation de certains travaux, il ressort notamment d'une correspondance de l'agence régionale de la protection de l'environnement du 11 décembre 2002 et d'une lettre adressée le 7 mars 2013 à la CCVU par le gestionnaire de la station à laquelle étaient annexés les résultats d'analyse des effluents en sortie de station depuis le 18 juillet 2004, que la station d'épuration n'a jamais fonctionné dans des conditions satisfaisantes ; que, par suite dès lors que cet ouvrage n'a pas satisfait aux différentes phases préalables à la réception, les stipulations de l'article 10.3.3. du CCAP s'opposaient à ce que la réception définitive des travaux soit prononcée ; qu'aucune disposition du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux publics, dans sa rédaction applicable au présent litige, ne prévoit de réception tacite définitive ;

13. Considérant que la société Eiffage Route Méditerranée ne peut utilement opposer les dispositions du code de la construction et de l'habitation, non applicables au présent litige ;

14. Considérant que pour les motifs énoncés ci-dessus, la CCVU a la faculté, en l'absence de réception définitive et de demande de réception judiciaire par les intervenants à la construction, de rechercher la responsabilité contractuelle du maître d'oeuvre et des constructeurs du fait des désordres affectant la station d'épuration et son fonctionnement ;

15. Considérant que le marché portait sur la réalisation d'une station d'épuration d'une capacité de 1 200 équivalents/habitants (Eqh) soumise à des variations importantes, les effluents à traiter en période creuse étant de l'ordre de 400 Eqh et en période touristique de 1 200 Eqh ; qu'il résulte de l'instruction et notamment du rapport de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif de Marseille, que la station d'épuration a présenté des dysfonctionnements dès sa mise en service ;

16. Considérant, en effet, que s'agissant du bâti, l'expert a relevé la présence de fissures notamment sur les murs extérieurs, sur la chape au sol et dans le bassin n° 2 ; que ces fissures sont dues à un tassement différentiel, provoqué dès l'origine et caractérisé par un affaissement du bâtiment côté aval ; que l'expert impute ce phénomène de tassement à une absence ou une insuffisance de purge des zones de fondation, alors que cette purge était préconisée par les études de sols ;

17. Considérant que, concernant la chaîne de traitement des effluents, l'expert a relevé la mauvaise qualité des effluents de sortie, ceux-ci n'étant pas conformes aux normes réglementaires ; que lors du nettoyage du bassin n° 1 au cours des opérations d'expertise, il a été constaté l'absence d'un bouchon d'obturation des trous de passage des fixations des banches de bétonnage ayant entraîné une fuite directe des effluents dans le milieu naturel ; que les bassins n'ont pas fait l'objet d'un contrôle d'étanchéité préalable à l'installation des biodisques ; qu'il résulte également des investigations de l'expert que seul le décanteur-digesteur a été réalisé dans les règles de l'art, le matériel installé ne correspondant pas aux caractéristiques annoncées dans le mémoire technique de la société Ait Eaux ; que la non adaptation de ce matériel a permis la remontée de boues à la surface, empêchant ainsi leur traitement correct ; que l'expert évalue à environ 4 m3 par jour la fuite d'effluents non traités depuis la mise en route de la station ;

18. Considérant que la station d'épuration n'a pas la capacité de traiter les effluents provenant de l'activité du camping, caractérisés notamment par la présence de soufre ; que l'absence de prise en compte de la composition de ces effluents pour la conception de la chaîne de traitement a pour conséquence de gêner le développement de la flore et de la faune bactérienne générant les boues, lesquelles deviennent filamenteuses et légères et, par voie de conséquence, difficilement décantables ; que ces boues stagnent ainsi en surface et, à terme, empêchent le fonctionnement de la station, obligeant à un nettoyage régulier des différents éléments et favorisant la corrosion de l'ensemble, y compris le bâti ; que, par voie de conséquence du caractère inadapté de la chaîne de traitement, les rejets dans le milieu naturel ne sont pas conformes et les objectifs de qualité fixés par le C.C.T.P ne sont pas atteints ;

19. Considérant qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments que la conception de la station d'épuration n'est pas conforme aux caractéristiques portées dans le dossier de consultation des entreprises, que les stipulations contractuelles du C.C.T.P. n'ont pas été respectées par les constructeurs et que ces derniers ont manqué à leur devoir de conseil en n'appelant pas l'attention du maître d'ouvrage sur les erreurs de conception de la station et sur l'importance que revêtait la réalisation d'analyse des effluents entrants en amont du projet ; que, par suite, leur responsabilité solidaire, au titre de la garantie contractuelle, doit être retenue ;

Sur les causes exonératoires de responsabilité :

20. Considérant, d'une part, que les fautes commises par la maîtrise d'oeuvre ne sont pas susceptibles d'engager la responsabilité de la communauté de communes Vallée de l'Ubaye ;

21. Considérant, d'autre part, qu'il ne résulte pas de l'instruction que la CCVU aurait commis des fautes dans la direction du chantier ou dans le choix du maître d'oeuvre ;

22. Considérant, enfin, que si l'article 1.7. du C.C.T.P. indique que les effluents sont exclusivement d'origine domestique, l'article 2.1. du même document fait expressément état de la présence d'un camping disposant à terme de 300 emplacements ; que si la CCVU ne conteste pas qu'aucune analyse des effluents entrants n'a été effectuée antérieurement à la procédure de mise en concurrence, il est constant que le maître d'oeuvre n'a pas fait procéder à de telles analyses en période estivale ; que, toutefois, il appartenait aux constructeurs, et particulièrement à la société Ait Eaux, spécialisée en matière de station d'épuration biologique, dès lors que le dossier de consultation des entreprises mentionnait le traitement d'eaux usées provenant d'un camping, de demander la réalisation d'analyses complémentaires ou d'attirer l'attention du maître d'ouvrage sur la nécessité d'obtenir des éléments précis sur la composition des effluents à traiter, afin d'adapter son offre aux besoins de la CCVU ;

23. Considérant que, par suite, aucune faute exonératoire de responsabilité ne saurait être retenue à l'encontre de la CCVU ;

Sur les préjudices :

24. Considérant que la CCVU n'a présenté de conclusions indemnitaires qu'à titre provisionnel, dans l'attente de l'organisation d'une nouvelle mesure d'expertise ; que ses conclusions à fin d'expertise étant rejetées, il convient, avant de statuer sur ses préjudices, de l'inviter à régulariser sa demande en présentant des conclusions chiffrées à titre définitif, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt ;

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1102037 du 15 juin 2015 du tribunal administratif de Marseille est annulé.

Article 2 : Les conclusions de la communauté de communes Vallée de l'Ubaye présentées contre la société L'Auxiliaire sont rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.

Article 3 : Les conclusions de la communauté de communes Vallée de l'Ubaye tendant à la désignation d'un expert sont rejetées.

Article 4 : La communauté de communes Vallée de l'Ubaye est invitée à régulariser sa demande d'indemnités en présentant des conclusions chiffrées à titre définitif, dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 5 : Tous droits, moyens et conclusions des parties sur lesquels il n'est pas statué par le présent arrêt sont réservés jusqu'en fin d'instance.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté de communes Vallée de l'Ubaye, à la société L'Auxiliaire, à la société Aqualter Construction, à la société Eiffage Route Méditerranée et à la société Planetec.

Délibéré après l'audience du 19 décembre 2016, où siégeaient :

- M. Moussaron, président,

- Mme Steinmetz-Schies, président assesseur,

- Mme Héry, premier conseiller,

Lu en audience publique, le 9 janvier 2017.

10

N° 15MA03446


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 6ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 15MA03446
Date de la décision : 09/01/2017
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01 Marchés et contrats administratifs. Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage.


Composition du Tribunal
Président : M. MOUSSARON
Rapporteur ?: Mme Florence HERY
Rapporteur public ?: M. THIELE
Avocat(s) : SCP DE ANGELIS et ASSOCIÉS

Origine de la décision
Date de l'import : 24/01/2017
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2017-01-09;15ma03446 ?
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