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18/02/2013 | FRANCE | N°11NC01821

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4ème chambre - formation à 3, 18 février 2013, 11NC01821


Vu la requête, enregistrée le 18 novembre 2011, présentée pour la société Clear Channel France, dont le siège est au 4, place des Ailes, à Boulogne Billancourt Cedex (92641), représentée par son président, par Me Cabanes, avocat ;

La Société Clear Channel France demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701657 du 22 septembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 20 décembre 2006 par laquelle la communauté urbaine de Strasbourg a attribué le marché de mise à disposition

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Vu la requête, enregistrée le 18 novembre 2011, présentée pour la société Clear Channel France, dont le siège est au 4, place des Ailes, à Boulogne Billancourt Cedex (92641), représentée par son président, par Me Cabanes, avocat ;

La Société Clear Channel France demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 0701657 du 22 septembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 20 décembre 2006 par laquelle la communauté urbaine de Strasbourg a attribué le marché de mise à disposition, pose, maintenance, entretien et exploitation de mobiliers urbains à la société JC Decaux ainsi que la décision de signer ce même marché ;

2°) d'annuler, pour excès de pouvoir, ces décisions ;

3°) d'enjoindre à la communauté urbaine de Strasbourg dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard, soit de résilier le marché litigieux, soit de saisir le juge du contrat pour faire prononcer la nullité du marché ;

4°) de mettre à la charge de la communauté urbaine de Strasbourg et de la société JC Decaux la somme de 3 000 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société Clear Channel France soutient que :

- le mémoire transmis par la société JC Decaux au Tribunal administratif de Strasbourg le 14 février 2009 lui ayant été communiqué alors que l'instruction était close depuis le 31 janvier 2009, le jugement, qui méconnaît ainsi l'article R. 613-3 du code de justice administrative, est entaché d'irrégularité ; le jugement a été rendu au terme d'une procédure méconnaissant le principe du contradictoire dès lors que le rapporteur ne lui a pas transmis les pièces dont il avait sollicité la communication le 11 août 2011 ; le jugement vise la note en délibéré qu'elle a produite le 13 septembre 2011 sans l'analyser ; la minute du jugement n'est pas signée par le président de la formation du jugement, le rapporteur et le greffier de l'audience en méconnaissance de l'article R. 741-7 du code de justice administrative ;

- les dispositions du règlement de consultation prévoyant l'obligation pour le groupement attributaire de prendre la forme d'un groupement solidaire, transformation qui n'est pas nécessaire pour l'exécution du marché, constituent une restriction de concurrence injustifiée et méconnaissent les dispositions de l'article 4-2 de la directive 2004/18/CE ;

- la délibération du 16 septembre 2005 par laquelle le conseil de la communauté urbaine de Strasbourg a autorisé son président à signer le marché est illégale en raison de l'irrégularité des conditions de convocation des conseillers communautaires ; la communauté urbaine de Strasbourg n'établit pas que les membres du conseil communautaires ont été convoqués dans le délai de cinq jours francs prévu par les dispositions de l'article L 2121-2 du code général des collectivités territoriales ; la communauté urbaine de Strasbourg n'établit pas plus que ces convocations étaient accompagnées d'une note explicative de synthèse ; la notice, qui ne faisait pas mention de la procédure de passation mise en oeuvre, de la durée du marché et des modalités de financement, a informé de manière insuffisante les conseillers municipaux ;

- la nature des actes annulés ainsi que la gravité des vices dont ils sont entachés justifient qu'il soit enjoint à la communauté urbaine de Strasbourg, soit de résilier le marché, soit de saisir le juge du contrat pour faire prononcer la nullité du marché ;

Vu le jugement et les décisions attaqués ;

Vu l'ordonnance en date du 22 mars 2012 fixant la clôture de l'instruction le 24 mai 2012 à 16 heures ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 14 mai 2012, présenté pour la société JC Decaux France, dont le siège est au 17, rue Soyer, à Neuilly sur Seine (92200), représentée par son président en exercice, par la SCP d'avocats Lyon-Caen et Thiriez, qui conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Clear Channel France de la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La société JC Decaux France soutient que :

- la requête est irrecevable, la société Clear Channel France ne s'étant pas acquittée de la contribution pour l'aide juridique ;

- la demande de première instance, qui a été introduite plus de deux mois après la publication des avis d'attribution au bulletin officiel des annonces des marchés publics et aux Dernières Nouvelles d'Alsace, était tardive et donc irrecevable ; la société Clear Channel France avait en tout état de cause connaissance acquise de l'attribution du marché à la société JC Decaux dès le 7 décembre 2006 ;

- le Tribunal administratif de Strasbourg, en communiquant le mémoire enregistré le 4 février 2009, a rouvert l'instruction ; en sollicitant de la communauté urbaine de Strasbourg la communication de certaines pièces, le tribunal s'est borné à faire usage de son pouvoir de direction de l'instruction ; si une note en délibéré doit être visée en application des dispositions de l'article R 741-2 du code de justice administrative, son analyse est obligatoire seulement lorsque le jugement en tient compte, lorsqu'elle fait mention d'une circonstance de fait dont la partie qui l'invoque n'était pas en mesure de faire état avant la clôture de l'instruction et que le juge ne pourrait ignorer sans fonder sa décision sur des faits matériellement inexacts ou lorsqu'elle fait état d'une circonstance de droit nouvelle ou que le juge devrait relever d'office ; il n'est pas établi que la minute du jugement ne serait pas signée par le président de la formation de jugement, le magistrat rapporteur et le greffier de l'audience ;

- l'importance du marché en cause, la diversité des prestations à fournir, l'imbrication entre les différentes missions confiées au groupement attributaire et le mode de rémunération rendaient nécessaire la transformation du groupement attributaire en groupement solidaire ; qu'à supposer le manquement établi, il n'a eu aucun effet sur le déroulement de la procédure ;

- la société Clear Channel France ne fournit aucun élément de nature à contredire l'attestation produite en première instance selon laquelle les conseillers communautaires avaient bien été convoqués cinq jours francs avant la réunion du 16 septembre 2005 et qu'une note explicative de synthèse leur avait été adressée préalablement ; que la note analytique transmise aux conseillers communautaires comportait toutes les mentions requises ;

- les manquements invoqués, à les supposer établis, n'ayant exercé aucune influence sur le choix de l'attributaire et l'intérêt général justifiant la poursuite du contrat, il n'y a pas lieu d'enjoindre à la communauté urbaine de Strasbourg, soit de résilier le marché litigieux, soit de saisir le juge du contrat pour faire prononcer la nullité du marché ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 18 mai 2012, présenté pour la communauté urbaine de Strasbourg, dont le siège est centre administratif, place de l'Etoile, à Strasbourg (67070), représenté par son président, par la SELARL d'avocats Soler-Couteaux/Llorens, qui conclut au rejet de la requête, à titre subsidiaire au rejet de la demande présentée par la société Clear Channel France devant le Tribunal administratif de Strasbourg, en tout état de cause à la mise à la charge de la société Clear Channel France de la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

La communauté urbaine de Strasbourg soutient que :

- la clôture de l'instruction ayant été fixée par ordonnance en date du 8 avril 2011 au 1er mai 2011, la communication à la société requérante du mémoire présenté par la société JC Decaux le 14 février 2009 n'a pas méconnu l'article R. 613-3 du code de justice administrative ; les deux pièces dont le magistrat rapporteur a demandé la communication figurant déjà au dossier n'avaient pas à être communiquées ; la note en délibéré présentée le 13 septembre 2011 par la société requérante ne faisant état d'aucune circonstance de droit ou de fait nouvelle, le tribunal pouvait se contenter de la viser sans l'analyser ; il n'est pas établi que la minute du jugement ne serait pas signée par le président de la formation de jugement, le magistrat rapporteur et le greffier de l'audience ;

- l'article 51 VI du code des marchés publics alors applicable ne prévoyait pas que l'obligation faite par les documents de la consultation au groupement attributaire de se transformer en groupement solidaire soit subordonnée à la condition que cette transformation soit nécessaire pour la bonne exécution du marché ; l'article 4-2 de la directive n° 2004/18/CE n'interdit pas au pouvoir adjudicateur de contraindre un groupement qui s'est vu attribuer un marché à revêtir une forme déterminée ; les dispositions de cette directive n'imposent pas au pouvoir adjudicateur de mentionner dans les documents de la consultation les raisons pour lesquelles il exige que la forme du groupement soit modifiée après l'attribution du marché ; compte tenu de l'ampleur du marché et de l'interdépendance des prestations, le pouvoir adjudicateur pouvait imposer la transformation du groupement attributaire en groupement solidaire ; ni la société JC Decaux ni la société Clear Channel France n'ayant candidaté à l'attribution du marché au sein d'un groupement et aucun groupement n'ayant déposé sa candidature, la méconnaissance, à la supposer établie, des dispositions de l'article 4-2 de la directive 2004/18/CE ne pourrait être regardée comme étant de nature à justifier l'annulation de la décision d'attribuer le marché à la société JC Decaux ;

- la communauté urbaine de Strasbourg a adressé le 9 septembre 2005 aux conseillers communautaires la convocation à la réunion du conseil de communauté prévue le 16 septembre ; la note explicative de synthèse et le rapport de présentation, qui comportaient les indications indispensables pour permettre aux élus d'apprécier les incidences de la délibération, ont été adressés aux conseillers communautaires dans le délai prévu à l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales ;

Vu l'ordonnance du 21 mai 2012 reportant la clôture de l'instruction le 5 juin 2012 à 16 heures ;

Vu le mémoire, enregistré le 5 juin 2012, présenté pour la société Clear Channel France qui conclut aux mêmes fins ;

Elle soutient que :

- elle s'est acquittée du montant de la contribution pour l'aide juridique ; en tout état de cause, les parties n'ont pas qualité pour soulever cette irrecevabilité ;

- la publication de l'avis d'attribution du marché dans le bulletin officiel des annonces des marchés publics mais pas au Journal officiel de l'Union Européenne ne constitue pas une mesure de publicité appropriée de nature à faire courir le délai de recours contentieux contre les décisions d'attribution et de signer le marché ; seule la publication de l'avis d'attribution permettant à toute personne qui y a intérêt d'exercer un recours à l'encontre de la décision d'attribution du marché, la société JC Decaux ne peut se prévaloir de ce qu'elle aurait eu connaissance acquise de la signature du marché ;

- les visas du jugement devaient analyser sa note en délibéré dès lors que les premiers juges l'ont prise en compte ;

- la directive n° 2004/18/CE étant devenue, faute de transposition dans les délais, directement applicable depuis le 31 janvier 2006, la communauté urbaine de Strasbourg était tenue de respecter l'article 4-2° de cette directive, subordonnant l'obligation faite par les documents de consultation au groupement attributaire de revêtir une forme juridique déterminée à la circonstance que cette transformation soit nécessaire pour la bonne exécution du marché ; que s'il appartient au pouvoir adjudicateur de juger si cette transformation est ou non nécessaire à la bonne exécution du marché, cette appréciation est soumise au contrôle du juge ; l'obligation de constituer un groupement solidaire ne peut être que l'exception dans la mesure où elle est de nature à dissuader les entreprises inaptes à candidater isolément mais qui auraient pu le faire en groupement conjoint de candidater ; l'obligation de constituer un groupement solidaire ne pouvant être qu'une exception, le caractère nécessaire de cette transformation pour la bonne exécution du marché doit être interprété restrictivement ; la communauté urbaine de Strasbourg, qui n'établit pas que la solidarité était nécessaire à la bonne exécution du marché, a commis une erreur manifeste d'appréciation ; le manquement a affecté les conditions de la concurrence mais a également eu un impact sur le choix du cocontractant ;

Vu le mémoire, enregistré le 20 décembre 2012, présenté pour la société JC Decaux ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la directive 2004/18/CE du Parlement européen et du Conseil du 31 mars 2004 portant coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux, de fournitures et de services ;

Vu le code général des collectivités territoriales ;

Vu le code des marchés publics ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 janvier 2013 :

- le rapport de M. Laubriat, premier conseiller,

- les conclusions de M. Wiernasz, rapporteur public,

- et les observations de Me Pezin, avocat de la société Clear Channel France, Me Portelli, avocat de la communauté urbaine de Strasbourg et Me Bigas, avocat de la société JC Decaux ;

1. Considérant que par avis d'appel public à la concurrence publiés au journal officiel de l'Union Européenne, au bulletin officiel des annonces des marchés publics et dans les Dernières Nouvelles d'Alsace, la communauté urbaine de Strasbourg (CUS) a lancé le 10 février 2006 une procédure pour la passation d'un marché portant sur la " mise à disposition, pose, maintenance, entretien et exploitation de mobiliers urbains (abribus et mobiliers d'information et de communication) sur l'ensemble du territoire de la communauté urbaine de Strasbourg pour une durée de douze ans " ; que le 7 décembre 2006, la société JC Decaux a été déclarée attributaire du marché par la commission d'appel d'offre de la communauté urbaine ; que la société Clear Channel France demande l'annulation du jugement du 22 septembre 2011 par lequel le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 20 décembre 2006 par laquelle la CUS a attribué le marché à la société JC Decaux ainsi que de la décision par laquelle a été autorisée la signature dudit marché ;

Sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées par la société JC Decaux :

Sur la régularité du jugement :

2. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 613-3 du code de justice administrative : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication et ne sont pas examinés par la juridiction.[...] " ;

3. Considérant qu'en première instance, une ordonnance en date du 8 avril 2011 a fixé la clôture de l'instruction au 1er mai 2011 ; que, par suite, le moyen tiré par la société Clear Channel France de ce que le mémoire de la société JC Decaux enregistré au greffe du tribunal le 14 février 2009 lui aurait été communiqué en méconnaissance des dispositions précitées de l'article R 613-3 du code de justice administrative dès lors que l'instruction était close depuis le 31 janvier 2009 manque en, tout état de cause, en fait ;

4. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier de première instance que par un courrier du 11 août 2011 adressé à la CUS, le tribunal a sollicité la transmission des copies des avis d'appel public à la concurrence publiés au bulletin officiel des annonces des marchés publics et au journal officiel de l'Union Européenne ; que l'avis d'appel public à la concurrence publié au bulletin officiel des marchés publics le 15 février 2006 avait déjà été transmis par la communauté urbaine de Strasbourg en annexe à son mémoire en défense enregistré le 7 juin 2007 au greffe du Tribunal administratif de Strasbourg ; que la communauté urbaine de Strasbourg avait par ailleurs produit au dossier de première instance un document informatique de transmission reproduisant le contenu de l'avis d'appel public à la concurrence publié au journal officiel de l'Union Européenne le 21 février 2006 ; que, dans ces conditions, le tribunal a pu sans méconnaître le contradictoire, s'abstenir de communiquer à la société Clear Channel France la copie des documents que lui avait transmis la CUS le 19 août 2011 en réponse à son courrier du 11 août 2011 ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article R. 741-2 du code de justice administrative : " La décision mentionne que l'audience a été publique, sauf s'il a été fait application des dispositions de l'article L. 731-1. Dans ce dernier cas, il est mentionné que l'audience a eu lieu ou s'est poursuivie hors la présence du public. [...] Mention est également faite de la production d'une note en délibéré. [ ...] " ;

6. Considérant que la note en délibéré produite le 13 septembre 2011 par la société Clear Channel France ne faisant état d'aucune circonstance de droit ou de fait nouvelle, le tribunal a pu se borner dans le jugement attaqué à viser ladite note en délibéré ;

7. Considérant, en quatrième lieu, qu'aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience " ; qu'il ressort de l'examen de la minute du jugement attaqué que celle-ci est revêtue de la signature du président, du rapporteur et du greffier d'audience ; qu'ainsi, le moyen tiré par la société Clear Channel France de l'absence de signatures du jugement attaqué manque en fait ;

Sur les conclusions à fin d'annulation :

En ce qui concerne les moyens tirés de la méconnaissance des articles 51 du code des marchés publics et 4-2 de la directive 2004/18/CE :

8. Considérant qu'aux termes de l'article 2-1 du règlement de consultation : " [...] L'offre sera présentée par une seule entreprise ou par un groupement. En cas de groupement, la forme demandée par la personne responsable du marché est un groupement solidaire. / Si le groupement attributaire du marché est d'une forme différente, il se verra contraint d'assurer sa transformation pour se conformer à la demande de la personne responsable du marché tel qu'il est indiqué ci-dessus. [...] " ;

9. Considérant que la société Clear Channel France soutient que l'obligation ainsi faite au groupement attributaire de se transformer en groupement solidaire n'étant pas nécessaire pour l'exécution du marché, les dispositions précitées du règlement de consultation constituent une restriction de concurrence injustifiée et méconnaissant ainsi les dispositions des articles 51 du code des marchés publics et 4-2 de la directive 2004/18/CE ;

10. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article 51 du code des marchés publics dans sa rédaction applicable au marché en cause : " [...] VI. - Le passage d'un groupement d'une forme à une autre ne peut être exigé pour la présentation de l'offre, mais le groupement peut être contraint d'assurer cette transformation lorsque le marché lui a été attribué. Dans ce cas, la forme imposée après attribution est mentionnée dans le règlement de la consultation. [...] " ;

11. Considérant que ces dispositions ne subordonnent pas l'obligation faite au groupement attributaire par le règlement de consultation de se transformer en groupement solidaire à la condition que cette transformation soit nécessaire pour l'exécution du marché ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 51VI du code des marchés publics est inopérant ;

12. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 4 de la directive 2004/18/CE susvisée : " [...] 2. Les groupements d'opérateurs économiques sont autorisés à soumissionner ou à se porter candidats. Pour la présentation d'une offre ou d'une demande de participation, les pouvoirs adjudicateurs ne peuvent exiger que les groupements d'opérateurs économiques aient une forme juridique déterminée, mais le groupement retenu peut être contraint de revêtir une forme juridique déterminée lorsque le marché lui a été attribué, dans la mesure où cette transformation est nécessaire pour la bonne exécution du marché. " ;

13. Considérant que l'article 4-2 de la directive cité ci-dessus, qui n'a pas été transposée par la France dans le délai imparti, énonce des obligations en termes non équivoques, qui ne sont assorties d'aucune condition et ne sont subordonnées dans leur exécution ou dans leurs effets à aucun acte des institutions de l'Union européenne ou des Etats membres ;

14. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le marché en cause couvre l'ensemble du territoire communautaire, prévoit la livraison d'une quantité considérable de plusieurs types de mobiliers urbains et met à la charge de l'attributaire la pose et dépose des mobiliers, leur entretien, leur maintenance et l'apposition des affichages ; que les prestations objet du marché étant ainsi étroitement imbriquées, la CUS a pu, sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation, considérer que l'exécution du marché rendait nécessaire la transformation de l'éventuel groupement attributaire en groupement solidaire et imposer en conséquence cette transformation dans le règlement de consultation ; que le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 4-2 de la directive n° 2004-18 doit par suite être écarté ;

En ce qui concerne le moyen tiré de l'exception d'illégalité de la délibération du 16 septembre 2005 par laquelle le conseil de la communauté urbaine de Strasbourg a autorisé son président à signer le marché :

15. Considérant qu'aux termes de l'article L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales : " Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal. [...] Le délai de convocation est fixé à cinq jours francs. [...]. " ; qu'aux termes de l'article L. 5211-1 du même code dans sa rédaction résultant de la loi n° 2002-276 du 27 février 2002 : " Les dispositions du chapitre Ier du titre II du livre Ier de la deuxième partie relatives au fonctionnement du conseil municipal sont applicables au fonctionnement de l'organe délibérant des établissements publics de coopération intercommunale, en tant qu'elles ne sont pas contraires aux dispositions du présent titre. / Pour l'application des dispositions des articles L. 2121-8, L. 2121-9, L. 2121-11, L. 2121-12, L. 2121-19 et L. 2121-22 et L2121-27-1, ces établissements sont soumis aux règles applicables aux communes de 3 500 habitants et plus s'ils comprennent au moins une commune de 3 500 habitants et plus. Ils sont soumis aux règles applicables aux communes de moins de 3 500 habitants dans le cas contraire. [...] " ;

16. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, et en particulier de l'attestation établie par l'ancien chef du service du secrétariat des Assemblées de la ville de Strasbourg et de la CUS dont le juge administratif peut tenir compte alors même qu'elle ne répondrait pas aux dispositions de l'article 202 du nouveau code de procédure civile, que les convocations aux séances de la commission plénière du 8 septembre 2005, qui associe avant chaque réunion du Conseil de communauté les fonctionnaires des services de la CUS et les élus, et du Conseil de communauté du 16 septembre 2005 ont été remises par porteur respectivement les 2 et 9 septembre 2005 au domicile de chacun des membres du conseil communautaire ; qu'il ressort également de cette attestation que la note explicative de synthèse prévue à l'article L. 2121-12 précité du code général des collectivités territoriales et précisant la procédure suivie, la durée du marché et les modalités de financement a été remise aux élus communautaires à leur domicile le 2 septembre 2005 en vue de la réunion de la commission plénière du 8 septembre 2005 ; qu'il ressort enfin du procès-verbal de la commission plénière du 8 septembre 2005 que les 90 conseillers communautaires avaient été convoqués à cette séance de la commission plénière et avaient donc été mis en possession de la note de synthèse dès le 2 septembre 2005 pour un conseil de communauté qui s'est tenu le 16 septembre 2005 ; que, par suite, la société Clear Channel France n'est pas fondée à soutenir que la délibération du 16 septembre 2005 par laquelle le Conseil de la communauté urbaine de Strasbourg a autorisé son président à signer le marché serait illégale en raison de l'irrégularité des conditions de convocation des conseillers communautaires ;

17. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société Clear Channel France n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Strasbourg a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 20 décembre 2006 par laquelle la communauté urbaine de Strasbourg a attribué le marché de mise à disposition, pose, maintenance, entretien et exploitation de mobiliers urbains à la société JC Decaux ainsi que de la décision de signer ce même marché ; que ses conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées par voie de conséquence ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

18. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la Communauté Urbaine de Strasbourg et de la société JC Decaux, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, la somme que la société Clear Channel France demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société Clear Channel France une somme de 1500 euros au titre des frais non compris dans les dépens, à verser à la Communauté Urbaine de Strasbourg et la même somme de 1 500 euros à verser à la Société JC Decaux ;

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Clear Channel France est rejetée.

Article 2 : La société Clear Channel France versera à la Communauté Urbaine de Strasbourg une somme de 1 500 euros et la même somme de 1500 euros à la société JC Decaux

au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Clear Channel France, à la Communauté Urbaine de Strasbourg et à la société JC Decaux.

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N° 11NC01821


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 11NC01821
Date de la décision : 18/02/2013
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

39-02-02-03 Marchés et contrats administratifs. Formation des contrats et marchés. Mode de passation des contrats. Appel d'offres.


Composition du Tribunal
Président : M. LAPOUZADE
Rapporteur ?: M. Alain LAUBRIAT
Rapporteur public ?: M. WIERNASZ
Avocat(s) : CABINET CABANES

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2013-02-18;11nc01821 ?
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