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07/05/2014 | FRANCE | N°13NC01318

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 3ème chambre - formation à 3, 07 mai 2014, 13NC01318


Vu la requête, enregistrée le 2 juillet 2013, présentée par le préfet du Bas-Rhin ;

Le préfet du Bas-Rhin demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1302267 du 28 mai 2013 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté en date du 22 mai 2013 ordonnant le placement en rétention administrative de M. B...A... ;

2°) de rejeter la demande de M. B...A... ;

Le préfet soutient que :

- ni M.A..., ni son épouse n'ont déféré à la mesure de réadmission vers l'Allemagne prise à leu

r encontre le 19 mars 2013 ;

- l'intéressé a déclaré être sans domicile fixe ;

- il ne justifie pas ...

Vu la requête, enregistrée le 2 juillet 2013, présentée par le préfet du Bas-Rhin ;

Le préfet du Bas-Rhin demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1302267 du 28 mai 2013 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté en date du 22 mai 2013 ordonnant le placement en rétention administrative de M. B...A... ;

2°) de rejeter la demande de M. B...A... ;

Le préfet soutient que :

- ni M.A..., ni son épouse n'ont déféré à la mesure de réadmission vers l'Allemagne prise à leur encontre le 19 mars 2013 ;

- l'intéressé a déclaré être sans domicile fixe ;

- il ne justifie pas d'un domicile stable en faisant état d'un hébergement d'urgence ;

- la circonstance qu'il soit père d'enfants scolarisés ne constitue pas une garantie propre à prévenir le risque qu'il se soustraie à la mesure d'éloignement ;

- il ne justifie pas d'un passeport en cours de validité ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu les pièces, dont il résulte que la requête a été communiquée à M. B...A..., qui n'a pas présenté de mémoire en défense ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le règlement (CE) n° 343/2003 du Conseil du 18 février 2003 établissant les critères et mécanismes de détermination de l'Etat membre responsable de l'examen d'une demande d'asile présentée dans l'un des Etats membres par un ressortissant d'un pays tiers ;

Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

Vu le code de justice administrative ;

Vu la décision du président de la formation de jugement de dispenser le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu, au cours de l'audience publique du 10 avril 2014, le rapport de M. Guérin-Lebacq, premier conseiller ;

1. Considérant que M.A..., ressortissant russe, est entré irrégulièrement en France le 5 février 2013, accompagné de son épouse et de ses quatre enfants, puis a présenté, le 8 février suivant, une demande d'admission au séjour au titre de l'asile auprès des services de la préfecture du Bas-Rhin ; qu'après consultation du fichier Eurodac, le préfet du Bas-Rhin a constaté que les empreintes digitales de l'intéressé avaient été relevées en Allemagne, les 29 janvier 2004, 10 mai 2006 et 25 février 2010, et a saisi les autorités allemandes selon la procédure prévue par le règlement (CE) n° 343/2003 du 18 février 2003 susvisé ; que ces autorités ayant accepté de prendre en charge la demande d'asile de M.A..., le préfet a pris à son encontre une décision, le 19 mars 2013, refusant de l'admettre au séjour au titre de l'asile et prononçant sa réadmission vers l'Allemagne ; que, par un arrêté du 22 mai 2013, le préfet du Bas-Rhin a placé M. A...en rétention administrative en vue d'exécuter la décision de réadmission ; que le préfet fait appel du jugement du 28 mai 2013 par lequel le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Strasbourg a annulé l'arrêté du 22 mai 2013 ;

Sur la légalité de l'arrêté du 22 mai 2013 :

En ce qui concerne le moyen retenu par le juge de première instance :

2. Considérant qu'aux termes de l'article L. 551-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " A moins qu'il ne soit assigné à résidence en application de l'article L. 561-2, l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français peut être placé en rétention par l'autorité administrative dans des locaux ne relevant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de cinq jours, lorsque cet étranger : 1° Doit être remis aux autorités compétentes d'un Etat membre de l'Union européenne en application des articles L. 531-1 ou L. 531-2 (...) " ; qu'aux termes de l'article L. 561-2 du même code : " Dans les cas prévus à l'article L. 551-1, l'autorité administrative peut prendre une décision d'assignation à résidence à l'égard de l'étranger pour lequel l'exécution de l'obligation de quitter le territoire demeure une perspective raisonnable et qui présente des garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque, mentionné au II de l'article L. 511-1, qu'il se soustraie à cette obligation. Les trois derniers alinéas de l'article L. 561-1 sont applicables, sous réserve de la durée maximale de l'assignation, qui ne peut excéder une durée de quarante-cinq jours, renouvelable une fois. " ;

3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...est dépourvu de tout document d'identité ou de voyage en cours de validité ; que s'il est pris en charge, avec sa famille, par une association spécialisée dans l'hébergement d'urgence, il n'a pas été en mesure de préciser une adresse de domiciliation lors de son audition par les officiers de la police aux frontières, le 22 mai 2013, avant son placement en rétention ; que, dans ces conditions, et alors même que deux de ses quatre enfants sont scolarisés, il ne justifie d'aucun domicile stable ; que M. A...n'a pas déféré à la décision de remise aux autorités allemandes, qui lui a été notifiée le 20 mars 2013 ; qu'ainsi, il ne présente pas de garanties de représentation effectives propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à la mesure d'éloignement prise à son encontre ; que, par ailleurs, l'intéressé n'établit pas que son état de santé serait incompatible avec une mesure de rétention ; qu'il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a annulé l'arrêté du 22 mai 2013 au motif que le préfet avait entaché sa décision d'une erreur d'appréciation ;

4. Considérant, toutefois, qu'il appartient à la cour administrative d'appel, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. A... devant le tribunal administratif ;

S'agissant du moyen tiré de l'inconstitutionnalité des dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers :

5. Considérant que, par un jugement avant-dire droit du 23 mai 2013, le Tribunal administratif de Strasbourg a transmis au Conseil d'Etat une question prioritaire de constitutionnalité portant sur le moyen tiré de ce que les articles L. 723-1, alinéa 1, L. 741-4, 1°, L. 742-4 et L. 742-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile seraient contraires à l'article 53-1 de la Constitution du 4 octobre 1958 et à l'alinéa 4 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 ; que, par un arrêt n° 368854 du 3 juillet 2013, le Conseil d'Etat a considéré qu'il n'y avait pas lieu de renvoyer cette question au Conseil constitutionnel aux motifs, d'une part, que, dans sa décision n° 2003-485 DC du 4 décembre 2003, ce dernier avait déclaré conforme à la Constitution l'article 5 de la loi n° 2003-1176 du 10 décembre 2003 modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile, dont sont issus les articles L. 723-1, L. 741-1, L742-4 et L. 742-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et, d'autre part, qu'aucun changement de circonstances survenu depuis lors ne justifiait leur réexamen ; qu'il s'ensuit que le moyen précité doit être écarté ;

S'agissant des moyens de légalité externe :

6. Considérant, en premier lieu, que, par un arrêté du 19 novembre 2012, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture le même jour, le préfet du Bas-Rhin a donné délégation de signature à M. Riguet, secrétaire général de la préfecture, à l'effet de " signer tous arrêtés, décisions (...) relevant des attributions de l'Etat dans le département (...) à l'exception des mesures concernant la défense nationale, des ordres de réquisition du comptable public, des arrêtés de conflit " ; qu'ainsi, M. Riguet avait reçu compétence pour signer l'arrêté attaqué ; que, par suite, le moyen tiré de l'incompétence doit être écarté comme manquant en fait ;

7. Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 551-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La décision de placement est prise par l'autorité administrative, après l'interpellation de l'étranger ou, le cas échéant, lors de sa retenue aux fins de vérification de son droit de circulation ou de séjour, à l'expiration de sa garde à vue, ou à l'issue de sa période d'incarcération en cas de détention. Elle est écrite et motivée (...) " ; que la décision plaçant M. A...en rétention administrative vise les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et notamment son article L. 551-1 ; qu'elle rappelle que l'intéressé fait l'objet d'une décision de remise aux autorités allemandes, depuis le 19 mars 2013, qu'il s'est maintenu sur le territoire français depuis cette date et qu'il existe par conséquent un risque qu'il se soustraie à la mesure d'éloignement prise à son encontre ; qu'elle précise que M. A...ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, dans la mesure notamment où il ne peut justifier d'un domicile stable ; que la décision litigieuse satisfait donc à l'exigence de motivation posée par l'article L. 551-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

S'agissant du moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité de la décision du 19 mars 2013 :

8. Considérant que M. A...excipe de l'illégalité de la décision du 19 mars 2013 refusant de l'admettre au séjour au titre de l'asile et prononçant sa remise aux autorités allemandes ;

9. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté du 19 novembre 2012 mentionné au point 5 donnait délégation à M. Riguet, secrétaire général de la préfecture, pour signer la décision du 19 mars 2013 ;

10. Considérant, en deuxième lieu, que, contrairement à ce que soutient M.A..., cette décision comporte l'ensemble des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement ; que la circonstance qu'elle mentionne, au demeurant à une seule reprise, les autorités roumaines, alors que l'intéressé fait l'objet d'une réadmission vers l'Allemagne, n'est pas de nature à entacher cette décision d'une insuffisance de motivation ;

11. Considérant, en troisième lieu, qu'aux termes de l'article 3 du règlement du 18 février 2003 susvisé : " 1. Les États membres examinent toute demande d'asile présentée par un ressortissant d'un pays tiers à l'un quelconque d'entre eux, que ce soit à la frontière ou sur le territoire de l'État membre concerné. La demande d'asile est examinée par un seul État membre, qui est celui que les critères énoncés au chapitre III désignent comme responsable. / 2. Par dérogation au paragraphe 1, chaque État membre peut examiner une demande d'asile qui lui est présentée par un ressortissant d'un pays tiers, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. Dans ce cas, cet État devient l'État membre responsable au sens du présent règlement et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité (...) / (...) 4. Le demandeur d'asile est informé par écrit, dans une langue dont on peut raisonnablement supposer qu'il la comprend, au sujet de l'application du présent règlement, des délais qu'il prévoit et de ses effets (...) " ;

12. Considérant, d'une part, qu'il ressort des pièces du dossier que le préfet du Bas-Rhin a remis à M.A..., le 19 février 2013, un document rédigé en russe l'informant de l'engagement à son encontre de la procédure de réadmission vers l'Allemagne et des modalités d'application du règlement du 18 février 2003 susvisé ; que l'information qui lui a ainsi été donnée, dans une langue qu'il comprend, était suffisante pour satisfaire aux exigences du paragraphe 4 de l'article 3 dudit règlement ;

13. Considérant, d'autre part, que M. A...soutient qu'il n'a pas été mis en mesure de présenter ses observations afin que le préfet fasse application des dispositions précitées du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement du 18 février 2003 ; que, toutefois, ces dispositions ne prévoient pas l'obligation d'inviter un étranger, dont la demande d'asile relève d'un autre Etat membre, à formuler de telles observations préalables ;

14. Considérant, en dernier lieu, que si M. A...soutient qu'il ne pourrait être soigné en Allemagne pour la pathologie dont il est atteint, il n'apporte aucun élément de nature à établir ces allégations ; qu'ainsi et en tout état de cause, il n'est pas fondé à soutenir que la décision du 19 mars 2013 serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

S'agissant des autres moyens de légalité interne :

15. Considérant, en premier lieu, que si M. A...invoque les articles 8 et 15 de la directive n° 2008/115/CE du 16 décembre 2008, les dispositions de cette directive ne s'appliquent, en vertu de son article premier, qu'au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ; que l'article 3 de cette même directive définit le retour comme le fait pour un ressortissant d'un pays tiers de rentrer, volontairement ou en y étant forcé, " dans son pays d'origine ou un pays de transit conformément à des accords ou autres arrangements de réadmission communautaires ou bilatéraux ou un autre pays tiers dans lequel le ressortissant concerné d'un pays tiers décide de retourner volontairement et sur le territoire duquel il sera admis " ; que la décision par laquelle le préfet du Bas-Rhin a décidé de remettre M. A...aux autorités allemandes en vue de sa reprise en charge en application du règlement n° 343/2003 du 18 février 2003, ne peut être regardée ni comme concernant le retour de l'intéressé dans son pays d'origine ou un pays tiers, ni comme emportant son départ vers un pays de transit, l'Allemagne étant responsable de l'examen de sa demande d'asile ; que, dans ces conditions, M. A...ne saurait utilement soutenir que les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dont le préfet a fait application pour le placer en rétention, seraient incompatibles avec les articles 8 et 15 de la directive du 16 décembre 2008 ;

16. Considérant, en second lieu, qu'il résulte de ce qui a été dit au point 3 que M. A...ne présente pas de garanties de représentation propres à prévenir le risque qu'il se soustraie à la décision de remise aux autorités allemandes ; que, par suite, le préfet du Bas-Rhin a pu le placer en rétention sans méconnaitre les dispositions des articles L. 551-1 et L. 561-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, citées au point 2 ;

17. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le préfet du Bas-Rhin est fondé à soutenir que la demande présentée par M. A...à l'encontre de l'arrêté en date du 22 mai 2013 ordonnant son placement en rétention administrative doit être rejetée ;

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1302267 du 28 mai 2013 du Tribunal administratif de Strasbourg est annulé.

Article 2 : La demande présentée par M. A...à l'encontre de l'arrêté préfectoral du 22 mai 2013 ordonnant son placement en rétention administrative est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. B... A....

Copie en sera adressée au préfet du Bas-Rhin.

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N° 13NC01318


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 3ème chambre - formation à 3
Numéro d'arrêt : 13NC01318
Date de la décision : 07/05/2014
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. EVEN
Rapporteur ?: M. Jean-Marc GUERIN-LEBACQ
Rapporteur public ?: M. COLLIER

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2014-05-07;13nc01318 ?
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